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rible exemple. Une févérité déclarée vaut mieux, dit le Sage, qu'un amour caché; & les coups d'un ami font plus avantageux, que les trompeufes careffes d'un bomme qui nous hait en nous flattant. Il eft vrai que les principes qui nous font agir, & la fin que nous nous propofons, décident s'il faut appeller bon ou mauvais ce que nous faifons extérieurement contre le prochain. Si nous ne cherchons, par exemple, qu'à le chagriner, qu'à le faire fouffrir, qu'à nous réjouir de fa peine, qu'à profiter de fes pertes: fi c'eft l'envie, la colere ou l'intérêt qui nous anime, ce que nous lui faifons eft un mal pour nous, quoique ce n'en foit pas toujours un pour lui.

Mais, fi, guidés par l'Evangile pour le fond & pour la maniére, nous n'avons en vûe que fa propre utilité; fi nous ne voulons que le détourner du vice, que le forcer à devenir meilleur, quelque mal apparent que nous lui faffions, ce ne peut être au fond qu'un grand bien. Celui qui lie un furieux, celui qui réveille un homme en léthargie, les tourmente tous deux & les aime pourtant. La charité n'eft pas moins charité quand elle eft févére, que quand elle eft douce, pourvû qu'elle confulte les befoins & qu'elle y conforme fa conduite. Une douceur à contre-temps endort le pécheur dans fes vûes; une fainte rigueur le réveille, lui fait fentir fon état, & le remue par une crainte falutaire. Un traite

ment dur en apparence l'humilie, perce l'enflure de fon orgueil & le difpofe à faire fur lui-même d'utiles retours. N'en jugeon pas toujours & ne mefurons pas notre conduite par le fuccès préfent. Nés avec un caractére ennemi de la rigueur & du bruit; la peine qu'on reffent d'être obligé d'en caufer aux autres; un défaut d'affurance & de courage; la vûe d'un naturel indocile & toujours prêt à fe révolter; la crainte d'irriter le mal au lieu de le guérir; enfin l'inutilité des corrections nous en fait fouvent abandonner le projet, ou nous rebutte après les premiers effais: mais il faut fe fouvenir que les femences ne produifent pas leur fruit le jour qu'on les jette dans la terre: Dieu prépare celle du cœur de l'homme; la peine que lui caufent les repréhenfions paffe, les réflexions viennent & font goûter les vérités les plus ameres; les remé des violens ne laiffent pas d'agir, quoique le malade s'irrite contre celui qui les applique, il ne faut point écouter les cris de ceux qui fouffrent, quand on ne les bleffe que pour les guérir.

PRIER E.

Clairez donc fans ceffe ma charité, Sei

& puiffante. Animez mon zèle & le conduifez. Que je ne perde point de vue le devoir que vous m'impofez en m'ordonnant d'aimer mon prochain comme moi-même, afin que

foit que je fois obligé d'employer avec lui la douceur ou les rigueurs, je ne penfe jamais lut faire de mal, quand je pourrai le porter à vous, ni lui faire du bien, quand je ne l'y porterai pas.

rent,

DE L'EVANGILE.

Les Difciples de J. C. vinrent à lui, l'éveille &lui dirent: Sauvez nous, Seigneur, nous périffons. S. Matth. chap. 8. A priére que les Difciples de Jefus-Chrift lui font ici, renferme de grands défauts quand on en examine bien les circonstances. Elle ne fe trouve pas même en termes propres dans les autres Evangéliftes. Dans S. Luc, ils fe contentent de le réveiller & de l'avertir qu'ils périffent, & dans Saint Marc, c'est une efpéce de plainte & de reproche, plutôt qu'une priere Seigneur, lui difent-ils, vous ne vous mettez point en peine fi nous périffons. Il femble que ce foit la peur & l'inquiétude feule, qui les oblige à le réveiller; ils ne penfent pas qu'il peut à l'inflant appai er la tempête; ou cette pensée n'eft fondée chez eux que fur une foi chancelante.

Telles font fouvent nos priéres. Nous allons à Dieu quand les reffources nous manquent en nous-mêmes ou dans le refte des créatures. Les maux nous preffent, & nous ne confentons point à périr. Nous prions; mais avec un efprit tout plein de fon trouble,

vec plus de crainte que d'efpérance. Nos priéres reffemblent à ces cris indélibérés par lefquels nous invoquons Dieu dans la douleur ou dans le danger. Ce n'eft point avec une vraie confiance d'obtenir ce que nous lui demandons. Jefus-Chrift ne laiffe pas d'exaucer fes Difciples, quelque imparfaite que foit leur priére. Dieu confulte plus fa bonté que nos difpofitions pour nous accorder fes fecours. Il ne méprife pas la foi quoiqu'encore foible. Il écoute quelquefois les defirs d'un cœur encore timide. Mais fouvenons-nous bien, que pour affurer le fuccès de nos vœux, il faut prier avec une foi fans défiance Ce n'eft rien moins que pour nous décourager, qne Dieu paroît s'endormir fur nos befoins. Il voit tout: il gouverne tout par une fageffe

ou que

:

fouveraine mais il veut être comme réveillé par une grande foi. Réveillons - le donc quand la tempête s'éleve, quand les flots font prêts de nous fubmerger, quand quelque paffion s'excite, quand le monde fe déchaîne, le démon fait contre nous fes plus violens efforts. Crions alors: Sauvez- nous, Seigneur, nous périffons; & fi c'eft la foi qui crie en nous, le calme reviendra bientôt. Les flots ne peuvent porter leur fureur que jufqu'au rivage où Dieu les a bornés. Les tentations qui nous attaquent ont de même leur mefure; elles nous exercent & ne nous confument pas. Mais fans la foi nous crierons en

vain tout le jour. Dieu paroîtroit pour nous un Dieu endormi.

E

PRIERE.

H! comment, Seigneur, exauceriezvous des priéres faites avec défiance? N'eft-ce pas vous outrager au lieu de vous fléchir? C'est vous regarder proprement com me une idole muette & impuiffante qui a des oreilles & qui n'entend point; qui a des mains & qui ne peut fecourir ceux qui l'in voquent. Non, mon Dieu, je crois que vous êtes un Dieu tout-puiffant; mais augmentez ma foi, quand je vous prie, afin que mes cris arrivent jufqu'à vous, & vous engagent à montrer pour moi toute votre puiffance.

POUR LE JEUDI
DE L'EPITRE.

Revêtez-vous comme des Elûs de Dieu, com me fes Saints, comme fes bien-aimés; de ten dreffe, de bonté, d'humilité, de douceur, de patience. S. Paul aux Col. c. 3.

A perfection du Chriftianime, fi on Lf'entend bien, ne tend au fond qu'à nous

rendre tels que Dieu nous avoit faits. Des hommes, en effet, qui n'ont plus de tendreffe, de bonté, de douceur, de patience les uns pour les autres, ne méritent plus le nom d'hommes. Ils n'ont plus rien de ce qui fait

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