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que Dieu ne les y laiffe que par des vûes de fagefle & de bonté.

que

Ne voyons nous pas en effet quelquefois les plus fcélérats fe convertir & devenir des exemples de vertus affez grands pour faire rougir les juftes? C'étoit là que Dieu les attendoit; il leur laiffoit augmenter la mesure de leurs péchés afin de les humilier davantage par le fouvenir de leurs défordres, & de les animer au bien par la vûe même des maux qu'ils auroient faits. Mais lors même qu'ils perfévérent dans l'impénitence, leur malice fert en mille manieres à la fanctification des bons. Par la vûe de leurs défauts, il leur inf pire le foin de fe corriger ou la crainte de se corrompre. Ils voient dans les plus déréglés jufqu'où peut aller la dépravation de la nature; ils regardent en tremblant, quoique avec reconnoiffance, la noirceur des crimes dont la miféricorde toute gratuite de Dieu les a préfervés, & par là même, ils fongent à s'obferver avec plus d'attention, pour ne pas tomber dans les mêmes excès. Ils apprennent de leur mauvaise humeur à reconnoître certains défauts que la charité des bons ou leur amour propre leur auroit toujours diffimulés. Ils fentent quelle eft leur foibleffe par la peine qu'ils ont de fupporter celles des autres. Leur vertu s'exercent par les contradictions, & fe purifie par les épreuves. Elle trouve à chaque inftant de nouvelles occafions de mérite. C'est ainsi,

dit S. Augugin, que tout méchant vit, ou pour fe convertir lui-même, ou pour exercer le jufte.

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PRIERE.

Ue ces folides réflexions, Seigneur, m'apprennent à révérer votre fageffe & les deffeins de votre miféricorde. Que je ne m'amufe point à vouloir pénétrer ce qui eft au-deffus de ma foible intelligence. Souverainement libre & indépendant, vous pourriez convertir tous les méchans fans doute, puifque cette liberté fouveraine eft en mêmetemps toute-puiffante. Mais les raisons que vous avez de ne le pas faire, ne font réservées qu'à vos impénétrables profondeurs. Que mon unique inquiétude foit donc de n'être pas de ce nombre malheureux & d'invoquer fans ceffe pour cela le fecours de votre grace. Que fi je fuis méchant, ou fi j'ai le malheur de le devenir, je ne pense qu'à profiter de la vie que vous me laiffez pour revenir de ma malice, pour n'être pas une de ces verges dont vous vous fervez pour corriger vos Elûs, & que vous jettez enfuite au feu pour l'éternité,

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POUR LE JEU D I.

DE L'EPITRE.

Nous ne ceffons point de remercier Dieu pour vous tous ; nous nous fouvenons de vous dans toutes nos prieres. S. Paul, 1. Ep. aux Theff. chap. 1.

L

A reconnoiffance & la priere font deux mouvemens qui doivent fe fuccéder inceffamment dans un coeur, fidéle. Il faut que toute notre piété fe partage entre le foin de remercier Dieu des biens qu'il nous à faits, & celui de folliciter fes nouveaux fecours. La vie de l'ame en nous comme celle du corps, a befoin de fon pain de chaque jour ; mais il faut avoir rendu graces de celui qu'on a reçû pour obtenir celui qu'on demande. La grace qui nous fait entrer au fervice du Seigneur par la premiere vocation & celle qui nous y rappelle par la converfion, font dignes de toute notre reconnoiffance ; mais celles qui les fuivent ne font ni moins précieuses, ni moins gratuites. Soit que l'œuvre de notre fanctification commence ou qu'elle fe perfectionne; ce n'eft pas moins de Dieu que tous les fecours nous viennent, & comme le nombre croît tous les jours, il nous fait tous les jours con

tracter des obligations nouvelles ; les oublier, c'eft ne les pas connoître, ou ne favoir pas les eftimer; & un cœur vraiment fenfible à fon falut ne fe laffe point de les compter & d'y réfléchir. Il croit n'avoir pas affez de vie pour reconnoître une feule des miféricordes du Seigneur, & non content de les mettre au rang des chofes dont on doit fimplement fe fouvenir, il fe fait une loi inviolable d'en marquer à Dieu fa gratitude en certains momens.

On s'excufe donc envain fur les embarras de fon état & fur les néceffités de la vie dont les foins diffipent l'ame & lui font perdre de vûe ce qu'elle doit à fon Libérateur. Des bienfaits tels que les fiens ne fortent de l'efprit que quand ils ne font pas affez profondément gravés dans le cœur. Nous nous trompons trop aifément fur l'acquit de ce que nous devons à Dieu. Ce n'eft pas toujours l'omiffion de certains devoirs extérieurs qui nous rend coupables, c'est le défaut de fentimens & de retours vers celui fans qui nous ne pouvons rien. Comme un defir continuel eft une priere continuelle, un fond de gratitude eft un continuel remerciment, & c'eft ce fond qui nous manque. Y penfons nous bien, infenfés, & favons-nous à quelle punition nous nous expofons par-là? Dieu ne fe repent point de fes dons, il eft vrai; mais il ne fait rien que pour fa gloire, & dételte l'ingratitude qui la lui ravit. Perdre le fouvenir de fes miféricordes,

c'eft en arrêter le cours, c'eft en tarir la four

ce, & que deviendrons-nous s'il nous abandonne à notre indigence? Quel befoin n'avons-nous pas à tous momens de fon fecours pour nous foutenir contre les tentations de l'inconftance, & pour perfévérer dans la voie de fes commandemens, & avec quelle confiance oferons-nous lui demander de nouvelles forces, fi nous ne lui marquens aucun retour de celles qu'il nous a déja données? Prier avec un cœur ingrat, c'eft renoncer an fruit de la priere.

M

PRIERE.

On Dieu, que de perverfité dans le cœur humain ! Que d'injustice & d'aveuglement ! Quoi! Seigneur, ne nous comblez-vous de tant de faveurs que pour nous donner fur les autres hommes l'avantage de vous être plus ingrats, & que pour nous ôter l'efpérance d'être fecourus par l'oubli de vos premiers fecours? Hélas ! trop ennemi de moimême, quel intérêt n'ai-je pas en particulier à ne point tomber dans cette infidélité? Mille befoins fe fuccédent dans mon ame: j'éprouve ma foiblefle pour mes devoirs, mon inftabilité dans mes bons defirs. Donnez-moi donc, mon Dieu, un cœur qui fache fentir le prix de vos graces, & vous en rapporter l'honneur, afin que ma gratitude pour ce que vous m'avez déja donné me faffe demander avec confiance ce qui me manque encore,

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