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DE L'EVANGILE.

Voulez-vous que nous allions arracher Pyvraie? S. Matth. c. 13.

C

E langage des ferviteurs du Pere de famille, eft celui du zéle indifcret & prefque toujours celui de l'impatience. Souvent on n'attend pas l'ordre de Dieu pour feparer ce qu'il avoit uni, parce qu'on ne veut rien fouffrir. On divife les familles, on fait des fchifmes dans les fociétés: on disperse les troupeaux que la nature & la Providence avoient raflemblés. Ce n'eft point là le deffein de Dieu fans doute. N'auroit-il en effet lié les caractéres les plus oppofés par les nœuds les plus intéreffans & les plus fenfibles, que pour les voir fans tendreffe & fans pitié les uns pour les autres, fe traiter durement, vivre en ennemis, ou foupirer après de honteufes féparations? Difons la vérité: on fe croit plus parfait que ceux dont on fe plaint; on croit avoir fait des progrès dans la vertu, mais on fe trompe. Ne vouloir pas fupporter les défauts des autres, c'eft montrer bien fenfiblement qu'on n'eft pas fans défaut foi-même; & c'en eft déja un très-grand que l'impatience. La perfévérance d'ailleurs feroit-elle de quelque mérite fans les contradictions & les obftacles qu'on y trouve ? Défabusons-nous ; il eût été trop facile d'être bon parmi les bons : il a

fallu que la vertu coûtât des violences, qu'elle eût des tentations à foutenir, qu'elle eût des facrifices à faire, qu'elle eût à vivre dans la fociété du vice fans fe corrompre par fa contagion, lorfqu'il ne lui eft ni permis, ni ordonné d'en éviter la vûe.

Ainfi, le devoir du jufte qui ne s'expofe pas d'ailleurs témérairement dans les occafions, fa véritable gloire c'eft de fe diftinguer des pécheurs par la différence des moeurs fans en être féparé par la différence des lieux. Voilà la féparation permile, & fouvent la feule néceffaire. O vous! Difciples de Jefus Chrift, vrai froment qui croiffez au milieu de l'yvraie, féparez-vous-en donc par le coeur & par la vie; demeurez avec les pécheurs à qui les noeuds de la fociété vous lient, mais ne les imitez point, ne vous faites point à leurs défauts, ne confentez point à leurs mauvaises œuvres, n'approuvez point leurs fautes, mais reprenez-les au contraire dans les régles de l'Evangile, priez pour eux avec perfévérance, cherchez à les corriger, & regardez comme une occafion de mérite la néceffité de leur être unis.

PRIER É,

Ais vous, mon Dieu, qui pouvez feul infpirer ce zéle fage & bien réglé, faites que j'entre moi-même à ce fujet dans les vûes de votre divine fageffe ; que je ne cherche point à fomenter les divifions, & à rom

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pre des engagemens où vos ordres me retiennent; mais fur-tout que je ne me croye meilleur que ceux avec qui je vis, que par ma patience à les fupporter, que par ma conftance à partager avec eux les mêmes foins, les mêmes travaux, les mêmes befoins, les mêmes intérêts, à converfer quand il eft néceffaire, à vivre inceffamment avec eux fans leur reffembler; que je me fouvienne toujours qu'il vaut mieux fupporter les méchans, que d'avoir befoin d'être fupporté par les bons.

POUR LE VENDREDI

DE L'EPITRE.

Nous rappellons en la préfence de Dieu notre Pere, les œuvres de votre foi, les travaux de votre charité, la fermeté de votre espérance. S. Paul, 1. Ep. aux Theff. ch. 1.

Vidèles de Theffalonique, & voyons Oilà le portrait que l'Apôtre fait des

s'il nous convient dans la vérité. Une foi agif fante, une charité laborieufe, une espérance ferme, c'eft en trois mots tout le plan de la vie du jufte fur la terre, & ce qui forme l'efprit du Chriftianifme. La foi dont parle Saint Paul n'eft point un ftérile acquiefcement aux vérités de la Religion; c'eft une forte conviction de la puiffance de Dieu & de la fidélité

de fes promeffes qui fait tout ofer & tout facrifier fur fa parole. C'eft une vûe des biens à venir qui les rend comme préfens ; c'est un fentiment actif qui devient comme l'ame de notre ame, qui dirige toutes fes affections, nos craintes, nos defirs, nos joies, nos déplaifirs; c'eft la régle de nos jugemens & le principe de nos actions. Cette foi n'eft point fans la charité, c'est plûtôt la charité même, ou c'eft la foi qui opéré par la charité dans l'attente d'un bien qu'elle ne voit pas ; & c'eft ce qui fait l'efpérance.

Qu'eft-ce donc qu'un vrai Chrétien? Convainquons-nous-en une bonne fois : c'eft un homme comme tranfporté dans un nouvel ordre de chofes, qui voit tout avec d'autres yeux que le refte des hommes, qui ne connoît de biens & de maux que ceux qui font éternels, qui voit paffer la figure de ce monde, qui vit dans le commerce de fes habitans fans rien prendre de fon efprit, qui fe fait des devoirs de fes coutumes innocentes, qui fanctifie fes ufages les plus indifférens, qui fe trouve dans les engagemens fans en fentir la fervitude, qui ufe de tout ce qui périt comme s'il n'en ufoit pas, qui n'agit jamais que par des principes & par des vues de Religion, toujours élevé par fes motifs au-deffus de fes propres actions, qui n'eft jamais moins qu'où il paroît être, parce que fes vûes le plus loin, qui marche dans la voie commune,

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mais qui s'y propofe une autre fin, qui cherche Dieu dans ce qu'il fait pour les créatures, qui ne reçoit point d'elles fa récompenfe, mais qui l'attend ; qui, en un mot, ne fe croit point fait pour ce qu'il pofféde & pour ce qu'il voit, mais pour ce qu'il efpere. C'est à nous de nous examiner fouvent & férieufement fur ces fortes de portraits: ils font bien finguliers fans doute, mais ils font reffemblans ; & quiconque n'en reconnoît pas en foi les traits, doit le mettre au rang des pécheurs. Envain se repofe-t-on fur ce qu'on croit, quand on n'a point de cette foi qui fait la vie du juste quand on ne vit que pour le préfent, quand on ne s'attache qu'à ce qu'on voit, quand on y borne fes espérances & qu'on y cherche fon bonheur, quand on en fait enfin le premier objet de les defirs & le fujet de fa principale application ; & n'eft-ce pas-là pourtant le vrai portrait d'une infinité de gens qui croient avoir de la foi.

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PRIERE.

Ue vous en trouveriez donc bien peu fur la terre, fi vous defcendiez parmi nous, Seigneur ! Peut-on bien croire & vivre mal? Une telle contradiction fubfifte-t-elle dans le même fujet? Et en tout cas, que fert une foi morte dont on ne peut montrer les œuvres? O mon Dieu! ranimez la mienne & empêchez-la de mourir, ou plûtôt rendezla de jour en jour plus vive, & qu'elle vous

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