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A

PRIER E.

Quel prix avez-vous mis vous-même la mienne, Seigneur! Sans parler ici de celui de votre propre fang; fans rappeller tout ce que mes peres ont coûté à ceux qui leur ont annoncé de votre part la foi dont je devois hériter, combien n'ai-je pas coûté en particulier de foucis, de chagrins, de déplaifirs, d'affiduités, de patience à ceux par qui vous m'avez donné l'être, par qui vous m'avez fait inftruire de vos faintes loix, par qui vous avez contenu mes mauvais penchans, par qui vous m'avez rappellé de mes égaremens? S'ils ne vous avoient eu devant les yeux, s'ils ne m'euffent pas regardé comme un de vos Elûs pour lequel ils devoient tout fouffrir, où en ferois-je préfentement, & quelle feroit ma deftinée pour Pavenir? O mon Dieu ! que ce fouvenir ne me quitte donc point : que je rougiffe falutairement devant vous de fentir fi peu d'obligation que l'exemple de JefusChrift votre Fils & de fes Apôtres nous a faite de donner notre vie les uns pour les autres; & que, bien loin de me plaindre, je me trouve trop heureux de n'avoir que de légers facrifices à faire pour des hommes que vous avez rachetés comme moi d'un fi grand prix.

DE L'EVANGILE.

Jefus propofa au peuple cette parabole.
S. Matth. c. 13.

L'étoit devenu très fréquent chez les O
'Ufage des apologues & des fimilitudes

rientaux Jefus-Chrift: la Parole éternelle veut bien s'y conformer pour inftruire les peuples, & pour les élever par le fecours des fens à la connoiffance des objets de l'efprit : il leur fait trouver dans ce qui fe paffe fous nos yeux, des images de ce qu'il y a de plus merveilleux dans l'oeconomie du falut; il en découvre les vérités fur des reffemblances naïves; &, pour en faciliter l'intelligence, il fait parler toute la nature. Ce langage muet étoit, en effet, tout l'Evangile des premiers hommes. Dieu ne parloit, qu'à leurs yeux, en leur donnant l'intelligence par l'impreffion de fon Verbe: le Ciel & la Terre étoient tous leurs livres : & ils feroient encore les nôtres d'une toute autre maniére plus utile & plus relevée, fi nous voulions nous accoutumer à les étudier.

Le monde moral, en effet, fe trouve parfaitement peint dans le monde phyfique quand on l'examine avec la droiture de l'efprit & du cœur. Chaque femence qui germe dans la terre, chaque plante qui croît, chaque effet qui fe produit par des caufes naturelles, pourroient nous infinuer quelque maxi

me, ou nous rappeller à quelque devoir. Nous remarquerions avec une admiration pleine de joie comment tout a fon commencement, fes progrès & fa perfection; comment tout tend réguliérement aux fins où fa deftinée le conduit. Par-là, nous comprendrions ce que Dieu demande de nous, felon les dons qu'il nous a faits & les penchans qu'il nous a donnés. Tout ce que nous voyons nous feroit ainfi des leçons de fidélité. Ceux qui n'honoroient pas Dieu comme ils le devoient, après l'avoir connu par la fimple vûe des créatures, étoient inexcufables, dit S. Paul. Combien ferions-nous plus coupables de ne pas remplir cette obligation, nous qui la connoiffons & par le fecours des préceptes évangéliques, & par celui des objets fenfibles! Tout rendroit témoignage contre nous au dernier jour; tout nous reprocheroit d'avoir des & de n'avoir pas voulu voir les régles de notre conduite tracées fur tout ce qui nous environnoit.

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yeux,

PRIER E,

E vais donc, mon Dieu, vous faire encore une double priére; je vous l'ai demandé fouvent, & je vous le demanderai toujours ouvrez d'abord mes yeux aux merveilles de votre Loi & de la doctrine de votre Evangile, pour découvrir tout ce que je vous dois d'amour, de gratitude, de refpect, d'adoration & d'obéiffance; mais ouvrez-les en même temps aux merveilles de vos ouvrages,

dont la vue s'offre à moi dans chaque inftant de la vie; qu'ils me retracent fans ceffe les mêmes obligations, & que leurs images toujours préfentées à mes fens s'impriment enfin fi fortement dans mon ame, qu'il me devienne comme naturel de copier & d'imiter tout ce qui vous eft fidéle. Je ne fuis fur la terre que pour cela; & vous ne m'avez placé fur ce vafte théatre comme une des plus nobles parties qui la compofent, que pour m'apprendre à vous y honorer fans ceffe par des fentimens. plus nobles & plus dignes de ma deftinée.

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Vous avez reçû l'Evangile parmi beaucoup de tribulations, avec la joie du S. Efprit. S. Paul, Ep. aux Theffal. c. I.

L

A connoiffance des vérités & des promeffes du falut eft un tréfor qu'on ne fau→ roit certainement acheter trop cher, & qu'on doit conferver aux dépens de tout. La joie de ceux qui recevoient l'Evangile parmi les tribulations, étoit donc une joie bien raisonnable; ils gagnoient tout, & ne perdoient rien. Qu'importe, en effet, que le monde méprife un Chrétien, qu'il le menace de fes difgraces, qu'il l'accable de toutes fes rigueurs, quand il connoît une fois les deffeins de Dieu

fur lui, quand il fait ce qu'il faut pour lui plaire, & que fa fidélité l'aflure de fes récompenfes ? Mais quelle folie auffi, quand des craintes humaines ou certains autres motifs nous les font rifquer ! Ce n'eft pas affez dire, d'avancer qu'une fi grande lâcheté rend notre foi très-fufpecte, & avilit étrangement notre efpérance. On ne compte pas beaucoup fur la certitude des biens à venir; on les eftime bien peu quand on ne veut pas facrifier à l'affurance de les pofféder, quelques momens de la tranquillité d'une vie qui paffe comme l'ombre: & c'est ce facrifice que nous balançons, que nous refufons de faire en mille occafions. Souvent ce n'eft que l'ombre des dangers & des maux que nous craignons: notre timidité nous exagére les peines & la grandeur du travail : nous omettons le bien; nous confentons même quelquefois au mal, pour prévenir des chagrins imaginaires ou frivoles.

Qua chacun interroge ici devant Dieu fon propre cœur fur tout ce qui peut rallentir son zéle, & arrêter fa fidélité au dehors & au dedans. Que nous en couteroit-il pour fuivre les mouvemens de notre confcience, pour fecouer le joug de certains u'ages qui nous entraînent, pour ne pas nous rendre efclaves des paffions des hommes & de leurs exemples, pour être inflexibles fur tout ce qui peut bleffer la juftice, la charité, l'obfervance exacte des devoirs? Vivons nous en

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