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core parmi les ennemis déclarés du nom Chrétien, expofés aux tourmens, aux roues; aux gibers? Ce n'eft plus notre vie, c'est rarement notre liberté que nous rifquons, ce n'eft pas mêmes toujours certaines peines du corps; ce n'eft quelquefois rien moins que ce que nous croyons: c'eft la vanité, c'eft la mauvaife honte, ce font les respects humains qui nous arrêtent ; ce font de vaines confidérations & des jugemens qui ne nous rendent ni pires, ni meilleurs. Vaut-il donc mieux renoncer à fon falut que de déplaire aux hommes? quel dédommagement en attendons - nous pour la vertu que nous leur facrifions? Notre ame nous doit-elle être moins précieuse que · leur eftime?

PRIER E.

R vérités, que n'êtes-vous donc toujours

Eflexions fimples, mais fages ; falutaires

préfentes à mon efprit! Pourquoi tant de penfées viennent-elles fans ceffe balancer mes bons defirs? Ne rougirai-je pas enfin de craindre ou de m'affliger lorfque je devrois être tranfporté. de joie! Quelle proportion, mon Dieu, de la gloire que vous me promettez, avec toutes les tribulations de la vie préfente! Ah! Seigneur, élevez donc pour toujours mes vûes jufqu'au Ciel; montrez-moi ce que vous m'y reservez fi je vous fuis fidéle, afin que je compte pour rien toutes les pertes & qu'au lieu de la trifteffe qu'elle

la terre;

de

caufent à ceux qui n'ont point de meilleures espérances, je n'y trouve que des fujets de me réjouir, comme ces Fidéles qui reçûrent l'Evangile,

DE L'EVANGILE.

Le Royaume du Ciel (c'est-à-dire, la prédication de l'Evangile) reffemble à un grain de Senevé qu'un homme feme dans fon champ. S. Matth. c. 13.

C

E que Jefus-Chrift appelle fouvent le Royaume ou le Régne de Dieu, c'est l'établiffement de fa doctrine : ce ne fut que comme un grain de Senevé femé dans un champ. D'abord il eut peu de fectateurs, & bientôt fon Eglife remplit la terre; mais il fe paffe à proportion dans les ames ce qui fe paffa dans le monde : le Régne de Dieu s'y établit fouvent par les commencemens les plus foibles en apparence. Les premiers rayons dont fa vérité vient éclairer l'efprit, n'y répand, ce femble, que des lueurs ; c'eft, fi vous voulez, un moment d'attention fur la vanité des biens du temps, une vûe confuse de l'Eternité qui le fuit; c'est le bonheur des juftes qu'on entrevoit du milieu des agitations où les paffions engagent: ce font certaines idées de devoir qui viennent troubler heureufement une confcience qui n'eft pas dans l'ordre; & ce font cependant ces petites lueurs qui doivent produire un jour les plus

vives lumiéres, pourvû qu'elles foient fagement ménagées, & que la malice volontaire du cœur de l'homme n'y foit pas rebelle.

Qu'on remonte jufqu'à la fource de ces converfions qui réjouiffent le Ciel, & qu'on apprenne à y admirer l'aimable oeconomie de la grace de Jefus-Chrift. C'eft un retour qui rappelle le pécheur à lui-même, & qui lui découvre l'indigence affreufe où le péché l'a réduité ; c'est un entretien folide & pieux qui confond fes préjugés contre la vertu, pour le préparer à fe défabuser du vice; c'est un reproche qui le fait rougir malgré lui de fes infidélités, pour le perfuader de fes obligations. Ce n'eft pas encore un fruit marqué de pénitence, ce n'eft que la femence qui doit le produire; mais, fi cette femence précieuse est reçue fur la terre d'un bon cœur, dit l'Evangile, fi le germe de la vérité se dévelope par des réflexions plus fuivies : alors on eft confus de fes anciennes erreurs; on se reproche la folie d'avoir aimé le monde & fes vanités aux dépens de fon ame; on apperçoit toute la fauffeté de fes maximes: on découvre enfin toute la beauté de la fageffe, on s'afflige de l'avoir connue fi tard; on s'approche d'elle avec une humble confiance; on frappe à la porte de fa demeure par des priéres redoublées; on lui fait entendre fes gémiffemens; & bientôt après, par l'efficace de fon impreffion, on fuit les vûes qu'elle donne, & la

conduite répond aux connoiffances. Telle eft l'origine & le progrès ordinaire de la vraie science du falut: l'aurore y précede le grand jour, mais la lumiere n'y croît que pour ceux qui l'aiment. Eh, que doivent fouhaiter plus ardemment de pauvres aveugles; que de voir ! D'où vient que les ténébres font toujours fi cheres à ceux qui vivent mal? D'où vient qu'il eft fi rare de voir recueillir avec foin les premiers rayons qui viennent percer l'obfcurité de la nuit, où les pécheurs s'égarent pour leur malheur?

PRIER E.

'Heureux moment, en effet, Seigneur,

Lque celui où vous commencez de régner

dans une ame! Que vos vérités faintes ont de charmes dans ces premiers momens! Qu'il eft doux de fe défabufer & de revenir de fes égaremens, pour entrer dans les voies qui conduisent à vous! Ne puis-je point ici, mon Dieu, comme votre ferviteur Auguftin, & ne dois-je pas me rappeller devant vous par quels traits vous vous fîtes connoître à moi; quelles idées vous me donnâtes de moi même & de ma vie paffée; quel plaifir j'eus de me voir éclairé fur mes vrais inrérêts ; quelle douceur je trouvai dans cette nouveauté de vûes! Rappellez-moi fans ceffe, Seigneur, ces jours heureux & cette époque falutaire, afin que ma vive reconnoiffance augmente pour moi vos graces, que je fente de plus en

plus tout ce que je vous dois, & que ma lu miére croiffe par ma fidélité conftante à la fuivre.

POUR LE MARDI.

DE

L'EPITRE.

Ayant abandonné les Idoles, vous vous êtes tournés vers le Dieu vivant & vérnable pour le fervir S. Paul aux Col. c. I.

N ne fauroit fe rappeller les fiécles de Fidolâtrie, fans éprouver quelque chofe des mouvemens de S. Paul à la vûe de celle des Athéniens: c'eft un zèle mêlé de pitié, d'indignation, de mépris ou d'averfion, felon les idées qu'on fe fait du crime ou du malheur des idolâtres; mais en vain se flatte-t'on de ne pas donner dans l'égarement de leur efprit, quand on leur reffemble par la corruption du cœur. L'idolâtrie des affections eft encore plus criminelle & plus déplorable que celle des hommages fenfibles. Eh, qu'importe qu'on foit exempt de celle-ci ! Ne nous en applaudiffons pas : le vrai culte, c'eft l'amour; notre Dieu, c'eft ce que nous aimons par préférence, ce que nous regardons comme la fource de notre bonheur &du repos de notre cœur dans quelque bien d'ailleurs qu'on le cherche hors du bien fuprême, à quelqu'autre objet que homme s'attache

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