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que l'un ne doit connoître fes devoirs, qu'aque l'autre les aime & les pratique.

fin

POUR LE MERCREDI

DE

L'EPITRE.

Pour attendre du Ciel Jefus-Chrift fon fils. S. Paul, 1. Ep. aux Theffal. c. 13.

U

N homme qui vit de la foi, doit éprouver toutes les inquiétudes & les ennuis d'une longue attente: il n'eft rien ici-bas qui puiffe lui faire oublier la promeffe d'une deftinée plus heureufe ; il regarde les biens qu'il y reçoit de la main de Dieu comme des foulagemens de fa mifere, plutôt que comme des récompenfes de fa vertu. Les avant-goûts des biens à venir que fa piété lui donne, font les confolations de fon exil, & non la félicité de fa patrie Dieu ne remplit point parfaitement fon cœur ; & dans l'abondance mê

me,

il fent qu'il ne pofféde point ce qui doit mettre le comble à fon bonheur. Tout lui manque, tandis que le fouverain bien lui manque il defire, & les délais le font fouffrir. Les efpérances différées affligent l'ame, dit le Sage; & quiconque ne gémit point des lenteurs du temps, eft bien peu touché de l'Eternité qui doit le fuivre.

Ce ne peut donc être que l'extrême foi bleffe ou l'extinction de la foi qui produise

cette indolence dans les coeurs: mais, qu'eftce, après tout, que cette avidité qu'on a pour les douceurs de la vie préfente! qu'est-ce que cette fenfibilité d'ame avec laquelle on les goûte? Eft-on fi content de fon fort, quand on defire ardemment quelque chofe au-delà de ce qu'on pofféde? Eft-ce en attendant Jefus-Chrift qu'on ne fonge qu'à fe procurer une fituation tranquille & agréable dans le monde, qu'on y forme certains projets, qu'on y multiplie fes befoins, qu'on le borne à s'acquérir fon eftime, à y ménager fa fanté, à s'y faire des amis, & à partager tout ce qu'on peut de fes différens biens? On ne le dit pas, on n'y réfléchit pas même ; & c'est l'oubli qui prouve qu'on renonce en fecret aux promeffes du falut. En vain voudroit-on fe le diffimuler: on ceffe d'être Chrétien dans l'efprit, dès qu'on ceffe d'être un homme de defirs, & quand on fe plaît fur la terre, ou quand on n'y fouffre rien, on ne doit pas fe flatter d'être citoyen de la célefte patrie.

E

PRIER E.

H! que fuis-je donc à vos yeux, ô mon Dieu! moi qui connois tous les malheurs de cette vallée de larmes, & qui ne voudrois point en fortir? Les peines du monde dont je fens une portion, fes revers, fes rebuts, mes propres dégouts ne m'en détachent point. Toujours trompé par les différens objets qui frappent mes fens, toujours malheureux ou

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toujours inquiet, je ne ceffe point de me figurer une fituation plus heureufe & plus tranquille je la cherche, & j'oublie qu'il n'eft point de vrais biens pour moi que ceux que la foi me découvre dans l'avenir. Ah! faites donc, Seigneur, qu'ils foient toujours préfens à mon efprit, que je les attende, & que de quelques agrémens que je puiffe jouir loin de vous, mon coeur ne foit jamais content, jusqu'à ce qu'il trouve en vous fon repos érernel.

DE L'ÉVANGILE.

Quand le grain de Senevé croît, il forme un grand arbre. S. Matth. c. 13.

Ne des caufes du peu de progrès qu'on fait dans la fcience Evangelique, c'eft qu'on ne réfléchit pas affez fur la liaison que les vérités ont entr'elles: il n'y en a proprement qu'une dont toutes les autres dépendent, c'eft la tige de l'arbre d'où toutes les branches naiffent; les unes en font plus proches, les autres plus éloignées, mais toutes y tiennent par des liaifons néceffaires. Il y a un Dieu, un premier Eftre; de-là fe tirent tous les devoirs du culte & toutes les fources de la morale. L'homme ne s'eft pas fait luimême : il eft donc jufte qu'il dépende en toutes chofes de celui qui l'a fait; qu'il lui rapporte tout ce qu'il eft ; qu'il ne vive que pour lui rendre hommage; qu'il foit foumis à fes

ordres ; qu'il entre dans fes deffeins; qu'il fe conforme en tout à fes volontés: il faut qu'il le regarde comme fon bien fuprême; qu'il l'aime avant toutes chofes, & qu'il n'aime rien au préjudice de fon amour; qu'il ne defire de jouir que de lui feul; qu'il use seulement de tout le refte felon fes befoins & felon les vûes de fon Auteur

Voilà comme de grandes branches de l'arbre, & de ces maximes découlent les petits devoirs & tout le détail de la vie, mais on ne s'accoutume point à confidérer ces petits devoirs comme les fuites d'un premier principe on fe remplit de quelques notions détachées. Il faut être humble, dit-on, charitable, mortifié, &c. mais, comme ces penfées ne fe lient point dans l'efprit, on n'en découvre ni l'importance, ni l'étendue; fouvent même on va jufqu'à douter de leur néceffité, parce qu'on ne les fait point remonter jufqu'à leur origine, & qu'on n'en voit pas affez clairement les raifons. Pour le faire donc une piété folide & en foutenir conftamment la pratique, il faut fe faire un fyftême de connoiffances; ou plûtôt il faut bien méditer celui qu'on vient de propofer; revenir toujours des plus petites branches jufqu'à la tige de l'arbre, & de la tige aux moindres branches; comparer toutes les vérités & les devoirs, & ne les confidérer jamais comme féparés, feuls & fans rapport à leurs raisons

primitives. C'eft alors que tout fe place dans fon véritable point de vue, & que tout paroît grand dans la Religion, foit dans ce que nous appellons petits devoirs, foit dans ce que nous regardons comme petites fautes.

PRIERE.

Ais, pour réuffir dans cette recherche,

Mje conçois que c'est par vous, & mon

Dieu! qu'il faut commencer, comme c'est par vous qu'il faut finir: car que ne connoît-on pas pour la conduite de la vie, quand on vous connoît bien? Que je vous connoiffe donc, Seigneur, mon Maître & mon fouverain bien, & que cette connoiffance devienne en moi comme un grand arbre dont les branches me découvrent toute l'étendue de mes devoirs ; que j'aille des uns aux autres; que leur liaifon me convainque de la néceffité de n'en négliger aucun, même des plus petits; que je fache les remplir tous, & mériter par là de vous connoître un jour face à face, & d'entrer dans le repos de votre ordre éter

nel.

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