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froideur? J'agis quelquefois, il eft vrai, par des vûes de devoir, je remplis extérieurement mes obligations, mais ce n'est point avec cette chaleur d'une ame qui aime; fou vent même & trop fouvent, c'eft fans penfer à vous, c'eft fans rien fentir pour vous, fans fonger que je ne dois aimer & rechercher que vous. Redonnez donc la vie & l'action à ce levain intérieur, ô mon Dieu ! fource éternelle de la charité, ne me laiffez pas plus long-temps dans la mortelle tiédeur où me jette de jour en jour mon indifférence. Rallu mez mes froideurs & réchauffez pour vous tout mon cœur, afin que toutes mes affections s'élevent au-deffus des chofes vifibles, & que je n'afpire plus qu'à celles que la foi me découvre dans un bienheureux avenir.

POUR LE SAMED I.
DE L'EPITRE.

Les Athletes gardent en tout une extrême têmpérance, & cela pour obtenir une couronne corruptible. S. Paul, 1. Ep. aux Cor. c. 9.

V

Oilà le modéle que nous devons fuivre dans la carriere du falut. Le nombre de ceux qui parviennent à fes récompenfes ne feroit pas fi petit, fitous ceux qui combattent pour les obtenir vouloient, comme les Athle tes, s'aflujettir à certaines précautions qui

Feur rendoient la victoire plus facile. La vie de l'homme jufte fur la terre, eft une vie de privations. Toujours en garde contre fes penchans, il doit s'interdire fans balancer tout ce qui lui feroit un fujet detentation. Toutes les paffions fort des fources de défordre & d'injuftice; on ne fauroit les fatisfaire fans violer quelques devoirs. Il eft plus aifé de se priver de certains objets, que de fe modérer dans la jouiffance. L'ufage des plaifirs des fens énerve les forces de l'ame& la difpofe à tomber plus aifément dans les occafions où la fermeté seroit néceffaire. On craint alors tout ce qui peut expofer à quelques peines. Les dou-ceurs de la vie les plus innocentes produifent de fecrettes attaches; & fe changent en efpé ces de néceffités aufquelles on a peine à renoncer quand quelque grand engagement l'exige. Il y a donc une grande fageffe à s'ac coutumer à ces fortes de facrifices: il y en a même qui deviennent plus ou moins néceffaires felon les fituations où chacun fe trouve, ou felon le dégré de fa fragilité naturelle.

Mais l'amour propre n'entend rien à cette économie du falut. On voudroit bien jouis des délices d'une autre vie, pourvû que celle ci ne fût pas privée des fiennes jufqu'à un certain point; c'eft-à-dire, à condition de paffer des plaifirs aux plaifirs; & de pouvoir aller à Dieu fans s'interdire la jouiffance des créatures On croiroir beaucoup perdre en s'impor

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fant pour les biens de l'éternité des priva tions qu'on foutient fouvent avec joie pour les avantages du monde les plus frivoles. La tempérance des Athletes alloit au-delà de l'abftinence des plus aufteres pénitens : & jufqu'à quel point né fe contraint-on pas pour des récompenfes encore plus vaines que celles aufquelles ils afpiroient? Que ne fait-on pas pour cette fumée de gloire qu'on attache à un certain dégré de réputation qui ne rend les hommes ni plus heureux ni meilleurs? Comparons-nous donc quelquefois à ces modéles; ce feroit le moyen de nous animer à facrifier nos attaches & nos fatisfactions les plus cheres à des efpérances infiniment plus précieufes. Craignons du moins que cette comparaifon dont fe fervoit S. Paul, ne ferve auffi à confondre l'injuftice & la folie de nos lâchetés au Tribunal du jufte Juge.

PRIERE.

EH, qu'y a-t-il

H, qu'y a-t-il en effet, ô mon Dieu, de plus injufte & de plus infenfé que la préférence que nous faifons tous les jours de l'ombre à la réalité, d'un bien imaginaire à la gloire dont votre main doit un jour couronner la vertu, & de quelques miférables confolations à la joie d'un de vos Élûs qui a fû y renoncer pour mieux foutenir le combat d'une vie chrétienne? Nous fommes prêts à nous priver de tout pour les récompenfes du mone

de; & pour les vôtres, nous regardons les moindres privations comme de grandes pertes ou de grands facrifices. Apprenez-moi donc, Seigneur, à rougir ici de moi-même, à donner à chaque chofe fon véritable prix ; & faites-moi bien concevoir que c'eft avoir tout gagné, , que d'avoir fû tout perdre pour la couronne immortelle que vous me réservez après les combats de cette courte vie.

DE L'EVANGILE.

Jufqu'à ce que toute la pâte foit levée.
S. Matth. chap. 13.

Jefus ces douce nous infinuer
Efus-Chrift, par ces circonftances fi dé-

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quelque vérité néceffaire, en nous en laiffant faire la jufte application. Les termes de la parabole nous font très-connus: qu'on y faffe bien réflexion, & on verra que le levain ne ceffe point d'agir que toute la pâte ne foit entierement levée. La charité de même ne doit point ceffer d'agir dans notre ame, jufqu'à ce qu'elle ait confumé tout ce qui nous refte d'affections terreftres, jufqu'à ce qu'elle nous ait ôté cette péfanteur qui fait pencher notre coeur vers les objets périffables. Ce n'eft donc pas affez d'aimer Dieu, fi on entend bien l'efprit & l'étendue de la loi; ce n'eft pas affez de l'aimer toujours, & jufqu'à un certain dégré qui nous paroiffe fuffifant, il faut

travailler à l'aimer encore plus, parce que la mefure de fon amour, dit S. Auguftin, c'eft de l'aimer fans mefure. Qu'on ne prenne danc point le change, & qu'on ne fe flatte point d'avoir rempli ce grand devoir, parce qu'on eroit l'aimer plus que tout le refte: on l'aime toujours moins qu'on ne doit, tandis qu'on ne l'aime pas de toute fon ame. Ileft vrai que la charité n'aura jamais en cette vie, tous fes accroiffemens; mais c'eft précisément parce qu'elle n'eft point parfaite, qu'elle doit s'empreffer de la devenir, c'eft parce que nous ne faurions aimer le bien fuprême autant qu'il mérite d'être aimé, que nous ne devons pas l'aimer moins que nous ne pouvons.

De là auffi ce foin que les Saints ont eu de fe vuider de tout amour des chofes créées; delà ces facrifices qu'on les a quelquefois vê faire à Dieu de leurs plus légitimes attachemens: ils craignoient d'aimer dans-l'ordre de Dieu même, quelque chofe qu'ils n'aimaffene pas uniquement pour lui. Il eft plus ailé de donner fon coeur fans partage, que de le partager fans injuftice; de là cette fcrupuleufe attention des ames fidéles fur tous leurs anouvemens, cette vigilance à réprimer l'a mour propre & les complaifances, cette défiance de toutes les oeuvres, qui leur fait craindre qu'il ne s'y mêle quelques recher ches fecrettes d'elles-mêmes. Un motifmoins épuré des vûes moins fimples & moins défin

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