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les morts revivent. De quelque caractére que Lous puiffions être, quels que foient nos penchans & nos habitudes, dans quelque efpéce de miferes enfin que nous nous trouvions engagés, il y auroit dans ces récits édifians quelque converfion & quelque régle de conduite qui pourroit & qui devroit nous fervir de modéle. On n'a rien à oppofer contre des exemples qui font faits pour nous; & c'est toujours la voie la plus courte comme la plus efficace pour perfuader.

Voilà donc l'événement qui devroit nous intéreffer le plus, fi nous étions plus fages. Toutes les autres aventures des hommes excitent notre curiofité; nous fommes avides d'apprendre, dans le détail, ce qui les regarde; nous nous faifons raconter avec foin comment ils fe font élevés, comment ils fe font enrichis, & par quels différens moyens ils ont établi leur fortune & leur réputation. Pourquoi ne pas nous informer avec la même avidité, comment ils font devenus meilleurs, comment leurs veux fe font ouverts fur la vanité du monde & de fes faux biens; comment, après une incrédulité fi déclarée, ils fe font fi fortement convaincus des vérités de la Religion ; de quels motifs 'ils ont été touchés pour entrer avec tant de zéle dans les routes faintes de la pénitence, en renonçant aux espérances humaines; de quel fecours ils fe font fervi pour fe débarraffer de leurs différens engagemens;

par quels efforts ils ont fecoué le joug des paffions qui nous dominent peut-être encore; par quelle voie enfin ils font rentrés heureufement dans celle du Seigneur? Quelle leçon pour nous! Quelle réflexion plus capable d'exciter notre pareffe, & de confondre notre lâcheté ! Nous ferions falutairement effrayés de notre état, nous rougirions de nous trouver toujours les mêmes, tandis que tout change autour de nous, nous nous demaderions comme S. Auguftin, fi la loi de nos devoirs eft abrogée, fi les portes de la grace font fermées, & fi nous ne pouvons plus ce que tant d'autres ont pû. Quel langage, encore une fois, & quel aiguillon pour notre miferable cœur! Les aveugles voyent, & nous nous obftinons à fermer les yeux à la lumiere qui nous éclaire, nous craignons même de la voir, & nous la repouffons avec adreffe loin de nous. Les boiteux marchent, & nous ne fongeons point à fixer une bonne fois notre inconftance dans les fentiers du falut. Les lépreux font guéris, & notre ame eft toute couverte de différentes plaies. Les fourds entendent, & nos oreilles font bouchées aux plus preffantes vérités, & aux infpirations les plus intimes. Les morts reffufcitent enfin à une nouvelle vie, & nous demeurons tranquillement enfevelis dans la pouffiere de notre tombeau.

PRIERE.

Ge Ue vous auriez donc de reproches à me faire, ô mon Dieu! Que n'ai-je pas entendu dire de vos œuvres, & que n'ai je pas vû ! La vie de plufieurs de vos Saints n'eft que l'hiftoire de leur converfion & de leur pénitence: chaque jour vous me montrez quelque pécheur qui revient à vous, quelque paralytique qui quitte le lit de fon infirmité, & qui court, avec ardeur dans les voyes faintes de la juftice. Ne cefferez-vous donc point enfin de me rappeller à moi-même? Votre divine patience ne fe laflera-t-elle pas de m'attendre? Oui, mon Dieu ! c'est trop abuser de vos bontés, pour ne pas en arrêter le cours: mais, pour la gloire de votre nom, Seigneur, n'abandonnez pas l'ouvrage de vos mains ; ne perdez point le fruit de vos premieres mifericordes; renouvellez en moi toutes vos merveilles, puifque j'ai le fonds de toutes les maladies; diffipez mes fecrettes illufions, redref fez mes mauvais penchans, ouvrez mon cœur à votre voix, guériffez mon ame, finiffez mes miferes & mes langueurs, affermiffez mes pas, & retirez-moi pour jamais de l'ombre de la mort..

POUR LE MARD I.

DE L'EPITRE.

Que Dieu nous donne à tous d'avoir les uns pour les autres des fentimens d'union, felon l'Esprit de Jefus-Chrift Jon fils. Rom. c. 15.

y

A diverfité des vûes, des démarches &

Ldes conduites dans le détail de la vie, eft un des grands obftacles aux progrès de la religion dans le monde, & à ceux de la piété dans les ames. La tentation vient de ce qu'on réfléchit trop, ou de ce qu'on n'y réfléchit pas affez. L'idée qu'on a d'abord de l'union qui doit régner entre les adorateurs du même Dieu, fait qu'on s'offenfe facilement de tout ce qui paroît les défunir; mais on ne fonge pas que cette union n'eft pas toujours ce qu'on appelle uniformité dans la conduite des hommes, & qu'elle fubfifte avec tout ce qui ne les défunit pas d'avec Dieu même. C'eft faute de diftinguer fagement ces deux chofes, que l'exemple de fidélité qui devroitédifier & foutenir, devient fouvent une occafion de chute. On fe prévient les uns contre les autres, on fe condamne, on fe méprife; & la perte de l'eftime conduit bien-tôt au refroidiffement de la charité : fouvent même la foi des fimples chancele; ils fe découragent ou fe fcandalifent; ils font ébranlés en

voyant pratiquer ce qui leur paroît mauvais, ou négliger ce qui leur paroît bon : les doutes naiffent, & les expofent à la tentation de croire que la Religion n'eft qu'un ufage arbitraitre qui n'a point de fondement certain. Les libertins qui ont intérêt à fe le perfuader, fe le perfuadent auffi; ils en rient, & ils en prennent occafion de blafphêmer de bouche, ce que leur cœur ne veut pas aimer.

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Quel reméde à tous ces maux ? C'eft d'avoir plus de fagefle, de lumiere & de charité; ne point le former de la vertu des notions trop étroites, ne point la mesurer aux bornes de fon propre efprit; être convaincu que celui de la grace peut faire prendre à la piété des formes différentes ; que Dieu peut être fincérement honoré dans toutes fortes d'états, & par toutes fortes de voies ; que l'homme n'a droit d'en condamner aucune quand Dieu ne la condamne point; que la fimplicité du coeur peut donner du mérite à ce qui n'en a point en foi-même ; qu'une grande charité peut fuppléer à ce qui manque à MOS connoiffances; ne point le mettre en tête -de tout relever & de tout réduire ; tolérer pour un temps ce qu'on ne peut corriger d'abord; &, en attendant qu'on le corrige par la régle du devoir, n'avoir foi-même d'attachement inviolable qu'à ce qu'il y a d'effentiel & de précis dans la lettre & l'efprit de da loi; laiffer à chacun fa liberté fur les prati

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