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ma fanctification. Diffipez donc, ô mon Dieu! mes fauffes lumiéres par les vôtres; réformez mes fentimens par ceux de votre grace puiffante, afin que mon efprit fe foumette humblement à fes leçons ; que mon cœur en goûte la févérité fainte, toujours douce à l'amour ;) & que, n'écoutant plus ni mes préventions, ni mes répugnances, je trouve, dans une aveugle fidélité, ma perfection & mon falut.

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POUR

LE

JEUDI

DE

L'EPITRE.

Comme Jefus - Chrift nous a réunis pour gloire de Dieu. Rom. c. 15.

la

L'Exemple de Jefus-Chrift eft le plus für

interpréte de fes maximes. Etudions bien ce qu'il a fait, c'eft ce qu'il a voulu nous enfeigner. On voit dans tout le cours de fon miniftére qu'il n'a confidéré dans les hommes ni leurs talens, ni leurs défauts, ni leur éloignement, ni leurs avances pour le falut: il fe propofoit feulement d'exécuter fur eux la volonté de Dieu fon pere, qui ne fait aucune diftinction des avantages humains. Ses récompenfes font promifes à tous ceux qui lui feront perfévéramment fidèles; tous peuvent également contribuer à fa gloire, parce que c'eft par lui qu'ils font tout ce qu'ils font. Voilà donc auffi la regle & le motif de notre union Tome I. D

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réciproque. Comptons pour rien les qualités perfonnelles; bonnes ou mauvaises, elles ne nous rendent l'obligation de nous entr'aimer, ni plus ni moins étroite. Pourquoi donc tant écouter nos goûts ou nos averfions, où nous n'avons que notre devoir à confulter? Affoiblirons-nous la loi? Ou ferons-nous changer le Législateur ?

Il est étonnant combien nous raifonnons peu fur le fond de nos fentimens, & fur les principes de notre conduite; combien nous faifons peu d'ufage des vûes que la Religion nous donne ; & par-là même combien nous hazardons notre falut faute d'approfondir nos difpofitions! Nous favons, ou nous devons favoir, que ce n'elt que pour Dieu que nous devons aimer les hommes: pourquoi donc fommes-nous plus délicats que Dieu même fur leurs foibleffes! Pourquoi ne fouffronsnous pas ce qu'il fouffre dans ceux qui font à lui? Pourquoi ne les aimons-nous pas tels qu'il les aime? Nous n'avons point ici d'autre intérêt que celui de nous conformer à fa volonté, que de concourir à fes deffeins, que de nous rendre nous-mêmes dignes de lui. Si nous n'aimons que ceux qui nous plaifent par quelqu'endroit ; fi c'est le plaifir, fi c'est l'utilité qui nous déterminent, nous nous récompenfons nous-mêmes; & il n'y a plus, pour nous, d'autre efpérance, que celle des Publicains & des Payens. Les plus méchans d'entre les

hommes aiment ceux qui fympatifent avec leurs inclinations, ou qui font utiles à leurs intérêts; & la vertu ne coûteroit rien fi l'amour propre en étoit la fource: mais, puifque Dieu n'a point remis à notre choix les objets de la charité, ne cherchons jamais qu'en lui feul les raifons de l'amour qu'il nous demande pour eux: par-là, nous entrerons dans l'efprit de fa Loi; nous en rendrons même la pratique plus aifée, le mérite en fera moins équivoque, le. motif plus épuré, & la récompenfe plus atfurée.

A

PRIER E.

Yez donc pité de mon imprudence, ô mon Dieu! Et, en m'affujettiffant à votre jufte & sainte volonté, daignez m'éclai rer fur mes propres intérêts; ôtez-moi, pour toujours, cette délicateffe mal entendue, qui me rend vos commandemens plus pénibles par ma propre faute. Pourquoi voudrois-je que ceux que vous m'ordonnez d'aimer fuffent plus parfaits, puifque vous les aimez vous-même avec leurs imperfections? Hélas! je n'aurois qu'à fonger, que vous m'avez comblé de vos dons lorfque je n'avois pû les mériter, que vous me fouffrez malgré mes infidélités, que mon ingratitude n'épuife'point vos graces: & tant de bonté me feroit fentir que je m'en rens indigne par la peine que je trouve à l'imiter. Non, mon Dieu! il eft temps que j'ouvre les yeux; & je vous en demande la grace,

pour

n'être pas à jamais exclu du nombre de vos Difciples. Non, je ne confidererai plus, dans l'exercice de la charité, que l'obligation que vous m'en faites, l'exemple que vous m'en donnez, & la reconnoiffance que je vous dois.

DE L'EVANGILE.

Qu'êtes-vous allé voir dans le défert?
Matth. c. 11.

D1

Ieu n'expofe pas fes Saints à nos yeux, comme des objets d'une curiofité vaine, ou d'une ftérile admiration; c'eft une leçon vivante qu'il nous fait des différentes vertus qui les diftinguent, & un reproche d'infidélité qui laiffe abfolument notre lâcheté fans excufe: ils expriment dans leurs moeurs ce que fes confeils ont de plus parfait, & fes Loix de plus auftére. Hélas! quels témoins, contrê nous, la Vérité ne nous prépare-t-elle pas dans leurs perfonnes! Dirons-nous, que ce qu'ils font eft impoffible? Ont-ils une autre nature que nous, de moindres foibleffes, des reffources d'un autre genre, de plus grands intérêts, de meilleures espérances? Et la foi, comme la vertu d'Élie, n'étoient elles pas celles d'un homme femblable à nous ?

Quelle impreffion', cependant, leur exemple fait-il fur nous? Ne fommes-nous point de ceux que cette cenfure muette irrite, au lieu de les corriger? à qui la vûe même des

gens de bien eft à charge, & qui les haïffent en fecret, quoique peut-être, il les eftiment dans le fond? C'eft-là l'impiété même, & comme le sceau de la réprobation : mais c'eft du moins un très-mauvais préfage pour le falut, de ne fe tenir animé d'aucune émulation pour le bien, à la vûe de ceux qui le pratiquent fous nos yeux; & cette difpofition n'eft pour tant que trop commune. Le monde eft plein de gens qui fe font honneur de confidérer la piété comme un tableau digne de leurs regards, qui femblent même pénétrés de vénération pour ceux en qui la fidélité ne fe dément jamais, & qui cependant ne s'accufent pas eux-mêmes du peu d'envie qu'ils ont de leur reffembler. On lit avec froideur la vie de ceux dont la gloire a déja couronné les travaux on voit avec indifférence la ferveur des justes de la terre. Quelle efpéce de chrétiens fommes-nous? De quel corps faifonsnous partie? Et que faut-il donc, pour guérir notre mortelle langueur? D'un côté, disonsnous, les vertus communes ne frappent pas affez, d'autre part, celles des plus parfaits effrayent & découragent: on s'accoutume à les regarder comme des prodiges plûtôt que comme des modéles. On rougit de l'humiliation des grands pécheurs ; on frémit à la feule penfée des rigueurs de leur pénitence. On fe perd au milieu des bons exemples; & qu'allégue-t-on pour fa juftification? Ne

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