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nous féduifons pas gratuitement, & plus longtemps; les devoirs & les moyens d'obtenir la grace qui les fait accomplir, les obligations & les reffources nous font communes dans le fein. de l'Eglife, avec les ferviteurs de Dieu. Ce n'eft pas la poffibilité de remplir la carriere, ce ne font pas les forces; c'eft la bonne volonté, c'eft l'application actuelle des moyens que Dieu nous met en main ; c'eft le zéle & la fincérité des efforts qui nous manquent, & qui fourniront certainement, un jour, la matiere de notre jugement. Il eft vrai qu'on doit regarder comme une difpofition à la vertu, celle de l'eftimer & de la louer dans les autres ; mais ne nous flattons pas : cette difpofition même ne fert qu'à notre condamnation quand elle eft oifive. Ceux qui s'emprefferent d'aller voir Jean-Baptifte au défert, lui rendirent la même juftice, & n'en furent pourtant ni meil. leurs ni moins coupables: nous méprisons, comme eux, le deffein de Dieu fur nous; nous abulons, comme eux, d'une de fes plus précieuses graces fi nous négligeons ce que nous. avons vû.

PRIER E.

Uel jugement dois-je donc attendre de vous, Seigneur! Toujours moins touché du bon exemple que du mauvais, je vois les juftes à mes côtés, marcher dans vos yoïes, fans avoir le courage de les fuivre, & je ne e le reproche point. Je vois les pécheurs

tranfgreffer vos loix ; & je crois mes propres prévarications, & mes relâchemens volontaires juftifiés par-là. Aveugle témérité: Confiance infenfée! Comme fi l'infidélité des uns rendoit la fidélité des autres moins propre à me confondre devant vous. Il eft temps d'ouvrir les yeux & de me défabuler. Oui, mon Dieu ! loin de croire mes négligences excufables, je rougirai de mes excufes mêmes; je ne verrai jamais ce que vous me montrez de plus parfait dans vos fidéles, fans fonger que vos commandemens les plus auftéres ne font pas fi pénibles qu'on le penfe, à ceux qui vous aiment, & fans me dire à moi-même, que je pourrai beaucoup quand je faurai beaucoup aimer. Apprenez-moi donc, Seigneur ! cette divine fcience de votre amour, rallumez-en les faintes ardeurs dans mon ame; & puifque la grace vient tous les jours à moi par l'exemple, que j'aille enfin à vous par l'imi

tation.

POUR LE VENDREDI
DE L'EPITRE.

Jefus - Chrift ayant prêché l'Evangile aux Juifs, a rendu témoignage à la fidélité de Dieu.... Et, par la vocation des Gentils, il a fait éclater fa miféricorde. Rom. 15. L y avoit de la folie dans les Juifs & dans les Gentils, de fe préférer les uns aux au

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tres dans le Chriftianifme; ils difputoient de ce qui ne leur appartenoit pas : c'étoit à Dieu feul que toute la gloire de leur mérite différent devoit remonter; & ils n'étoient tous ce qu'ils étoient, que par la grace gratuite & prévenante: il en eft de même, trop fouvent aujourd'hui, des juftes & des pénitens: la tentation de la préférence leur ett commune dans le fond du cœur ; qu'ils y prennent bien garde. Ceux-là comptent, comme l'aîné du prodigue, les années de leurs fervices, & leur fidélité conftante aux commandemens du Seigneur; ceux-ci font valoir la ferveur de leur pénitence, & la grandeur de leurs fatisfactions: mais les premiers oublient que la perfévérance dans le bien, n'eft pas une moindre grace que le retour après le péché ; & les derniers ne confidérent pas, que c'eft un grand avtage d'avoir toujours été fidéle, & un grand engagement d'avoir manqué de fidélité. C'eft la même main qui foutient le jufte, & qui relève le pécheur. Toute la gloire de l'un & de l'autre, eft de fervir à celle de Dieu, qui fait voir en eux les différentes formes de fa grace, felon la diverfité du befoin qu'ils en ont, & l'exécution de fes deffeins éternels fur

eux.

Que faifons-nous donc, aveugles & téméraires, quand nous nous occupons de la différence de nos mérites? Nous difputons du prix des dons de Dieu; nous oppofons fes

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œuvres à fes œuvres, comme s'il pouvoit jamais être plus ou moins grand que lui même. Ne nous approprions rien de tout ce que nous tenons de lui, & nous n'aurons, bientôt, ni complaifance pour nous, ni mépris pour les autres. D'ailleurs, quelque progrès que nous ayons fait dans la piété, depuis quelque temps que nous ayons commencé de fervir le Seigneur, ne penfons jamais qu'il nous en doive de refte, & que notre mefure foit plus que remplie. La justice de cette vie, foit que nous l'ayons confervée, foit que nous l'ayons répárée, ne fera jamais qu'une juftice très-imparfaite. Nous fommes tous pécheurs, & il n'ya de différence, que du plus ou du moins: ne nous occupons donc point du bien que nous faifons, & fongeons feulement à celui qui nous refte à faire; ne comptons point avec notre Dieu; ne nous préférons point à nos freres; ne nous comparons qu'avec nous-mêmes, & ne nous appliquons qu'à remplir ce qui manque à la mesure de perfection qui nous convient.

PRIERE.

Élas! à quoi m'amufai je, Seigneur! H Quelle eft ma mifere, & qu'importe fi

je vous fuis plus ou moins fidéle que d'autres, tandis que je ne le fuis pas encore aflez? Quel avantage puis-je avoir fur eux, qui ne me vienne de vous ? Et pourquoi, vafe d'argile, me prévaloir de vos dons, pour me préfé

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rer à ceux qui paroiffent en avoir moins reçû? Si vous m'avez beaucoup donné, c'est beaucoup que je vous dois: il s'agit de vous le rendre, & je ne faurois le trouver dans mon propre fond. Non, fans doute, mon Dieu! je fens bien que c'eft l'humilité feule qui difpofeà de nouvelles graces de votre part, & qu'on ne peut fe diftinguer à vos yeux, que par la reconnoiffance qui vous en rend tout l'honneur. Guériffez donc la plaie profonde de mon orgueil; & quoi que ce foit que vous m'accordiez, ou que je femble faire pour vous, que je ne me croye jamais plus ou moins louable, devant vous, qu'à proportion que je ferai plus ou moins humble & reconnoiffant.

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DE L'EVANGILE Qu'êtes-vous allé voir dans le défert? Eft-ce un rofeau que le vent agite? Math. c. 11. Aififfons bien l'idée que le Sauveur nous donne par cette comparaison, & découvrons, dans fon expreffion, une de ces vérités importantes qui mérite bien de faire la matière de nos réfléxions. L'incertitude des irréfolutions, l'inégalité de la conduite, figurée par l'agitation d'un rofeau que le vent remue, forment un caractére auffi commun dans le monde, qu'il eft contraire à celui de la véritable vertu. Il ne faut pas s'y tromper: la fanctification de l'ame eft un ouvrage qui ne doit jamais être différé, qui ne s'acheve qu'à la fin

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