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de la vie, & dont l'effentiel eft toujours ce qui reste à faire ; un ouvrage fuivi & continu, qui fe détruit dès qu'on ceffe d'y travailler, & qu'il faut prefque recommencer tout entier autant de fois qu'on l'interrompt. Il eft queftion de guérir des paffions, de corriger de mauvaises habitudes, de déraciner mille cupidités fecrettes, de pourfuivre l'amour propre jufques dans fes derniers retranchemens, d'épurer, enfin, la piété de toutes les recherches de foi-même, qui font capables de la fouiller devant Dieu, en tant de maniéres. Dès qu'on ceffe de s'obferver, de fe contraindre, de fe faire violence, on eft rentraîné par fon penchant ; &, fouvent, on s'éloigne plus de la perfection de fon état par quelques jours de relâchement & de négligence, qu'on ne s'étoit avancé par les efforts de plufieurs an

nées.

Et cependant, que faifons-nous? Que fommes-nous? De vrais rofeaux agités par le vent d'une inconftance éternelle. Il y en a qui, jufques dans la profeffion la plus fainte, ne favent prefque, ni ce qu'ils croyent, ni ce qu'ils efpérent, ni ce qu'ils ont à faire. On remplit quelque devoir de religion, pour n'avoir pas à fe reprocher de vivre fans Dieu dans le monde: du refte, on fe laifle comme entraîner indolemment vers la fin de fes jours, & on femble remettre fa perte ou fon falut à l'incertitu de de l'événement: d'autres font quelquefois

un peu plus touchés de l'intérêt de leur éternité; mais ils balancent mille fois fur les moindres facrifices, quoi qu'abfolument néceffaires: les combats les effrayent, les difficultés les rebutent, & ils font ingénieux à les groffir; ils délibérent, ils différent, tant qu'ils peuvent, le bien qu'ils font réfolus de faire: fe font-ils une fois déterminés; ont-ils commencé de travailler, combien leur ferveur duret-elle ? Ils s'arrêtent dès les premiers pas, ou réculent peut-être encore plus loin qu'ils n'étoient d'abord: différens objets fe présentent, reviennent les amufer, & leur font 'oublier toutes leurs réfolutions. Que peut-on dire d'eux? finon, avec Jefus - Chrift, que, par leur malheur & par leur faute, ils ne font pas propres pour le Royaume de Dieu; finon, avec Saint Paul, qu'ils reçoivent la grace envain, & qu'ils la rendent ftérile dans le champ de leur ame, comme fi elle étoit donnée pour demeurer fans action: & fi loin d'agir conftamment avec elle, elle devoit agir fans hous, ou au lieu de nous. Illufion trop funefte, qui renverfe toute l'oeconomie des deffeins de Dieu : nous avons beau nous en former certaines idées, il fera toujours vrai, quoi que nous en penfions, que rien n'eft plus néceffaire au falut, que la fermeté de l'ame, l'uniformité de la vie, l'affiduité du travail, & la conftance marcher dans les voies de la justice.

Q

pas

PRIER E.

Ue deviendrai-je donc, Seigneur, avec un efprit fans confiftance, avec un cœur fans ceffe agité par le vent de fa légéreté propre? Hélas! toute ma vie, à la bien définir, n'eft qu'une alternative d'indolence & d'affoupiffement. Je forme les plus faintes réfolutions, & je les abandonne: les projets de renouvellement & de perfection fe fuccédent, & ne s'exécutent point. Si j'ai fait quelques dans vos voies, un rien me détourne Je m'arrête, je perds de vûe le but de ma course, ou je retombe dans la pareffe & dans le dégoût de mes devoirs. N'aurai-je jamais pitié de mon ame fi miférable, & traînerai-je toujours après moi une difpofition fi indigne d'un Dieu, & que le dernier des hommes ne voudroit pas fupporter un jour entier à fon égard? Arrêtez-donc enfin vous même, Seigneur, arrêtez tant d'inconftance capable de laffer votre divine patience;affurez-vous de moi dans ce moment, où, par votre miféricorde, je fens quelque envie de vous être plus fidéle: donnez-moi cette volonté forte & perfévérante de vous fervir, fans laquelle je ne puis arriver à la perfection que vous exigez de moi, ni mériter les récompenfes que vous m'avez pro

mifes..

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POUR

LE

SAMED I.

DE

L'EP ITR E.

Que le Dieu de l'efpérance vous rempliffe de toute forte de paix & de joie. Rom. c. 15.

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L n'y a de paix & de joie dans cette vie, que celle qui naît de l'efpérance: les biens dont on y peut jouir, font trop bornés pour remplir toute l'étendue de nos defirs; les plaifirs s'y font long-temps attendre, & ne durent guéres; les plus heureux ne s'y fouffriroient pas, s'ils n'attendoient rien au-delà de ce qu'ils poffedent: mais s'ils n'afpirent qu'aux biens du temps, leurs efpérances font incertaines, trompeufes, volages, fragiles, paffageres; elles font fouvent fondées fur les plus légeres apparences, fouvent chimériques & purement imaginaires. Ils les voient chaque jour le détruire & renaître ; qu'on y pren ne garde: c'eft tantôt une chofe, & tantôt une autre qu'ils espérent ; & ces espérances, pour tant, les amufent, les occupent, les animemt à tout entreprendre & à tout fouffrir: fans elles, ils fuccomberoient bientôt aux moindres maux ; avec elles, ils fe foutiennent dans les plus affreufes extrémités; & la moindre lueur d'une heureuse alternative fuffit pour adoucir les peines de la vie, & pour relever les courages abattus.

Quelles doivent donc être les confolations de ceux en qui l'efpérance des biens éternels ne chancéle point? Les joies du monde les plus fenfibles ont-elles rien qui puiffe jamais égaler celle qui fe répand dans leur ame? Il eft vrai que cette attente même redouble les ennuis de leur pélerinage en ce monde ; &, quelque courte que foit la durée de leurs jours, ils n'ont toujours que trop à fe plaindre de la longueur de leur exil. Où pourrions-. nous, en effet, être contens, tandis que nous fommes éloignés du féjour bienheureux où tous nos foupirs doivent tendre: Mais, dans une privation si dure, n'eft-il pas bien confolant de trouver dans fa foi des affurances d'une destinée meilleure, de foulager fes peines par le fouvenir des promeffes du Seigneur, de s'occuper de ce qu'on efpere, d'entrevoir les biens de fa patrie, de les faluer d'avance comme les anciens juftes, & d'en hâter la jouiffance par les preffentimens les plus doux? Les fouffrances préfentes en deviennent plus légeres, la vûe de ce qu'on attend fait prefque oublier ce qu'on endure, & ce qu'on croit l'emporte fur ce qu'on fent. C'eft ainfi que la douleur & le plaifir font fans ceffe balancés dans l'ame chrétienne, & que fon travail présent est adouci par la confiance du repos qui va fuivre: toujours gémir & toujours fe réjouir, c'eft-là fon caractére, c'eft-là sa vie; gémir d'être absent de la Cité celeste, se ré

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