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parmi les enfans des hommes, s'ils ne la détruifent pas tout-à-fait? Ah! qu'ils fongent du moins à la trifte alternative qui doit un jour changer la deftinée de cette Babylone, & multiplier fes tourmens à proportion de fon luxe & de fes plaifirs. Oui, mon Dieu, avec votre grace, cette feule penfée fuffira déformais pour m'infpirer autant d'amour pour la retraite, autant de févérité dans mes mœurs, autant de réferve & de fimplicité dans toute ma conduite, que le monde affecte de diffipations, de mollefte & de fuperfluités : quand je vivrois même au milieu de lui, je ne craindrai point une fingularité fi fage, & d'ailleurs fi néceffaire: je me fouviendrai toujours des terribles anathêmes que votre bouche facrée a prononcé contre lui; & je n'aurai plus d'autres frayeurs, que de trop participer malgré moi à fes ufages, de peur d'être mêlé dans les châtimens.

III. SEMAINE DE L'AVENT. REFLEXIONS POUR LE DIMANCHE, DE L'EP ITR E.

Réjouiffez-vous fans ceffe dans le Seigneur. Philip. c. 4.

E réjouir toujours, ce feroit la maxime que le monde goûteroit le plus ; mais les joies inaltérables ne font pas pour ceux qui

ne les cherchent que dans les biens préfens. La fragilité des objets aufquels ils s'attachent,les révolutions humaines, & leurs propres caprices les expofent à des viciffitudes cruelles. Il leur refte mille chofes à defirer, quand ils fe croient au comble de leurs vœux ; ce qu'ils recherchoient avec le plus d'ardeur, eft fouvent ce qui les touche le moins. Ils s'effrayent de tout, & ils fe laffent de tout: leurs voluptés, même les plus fenfibles font toujours inquiétes; l'incertitude de l'avenir vient troubler le préfent: certains intervales qui les rendent à leurs réfléxions, empoifonnent toutes leurs délices: ainfi la durée de leurs plaifirs n'eft jamais fort longue, ni la jouiffance plus affurée ; & toute leur joie, à la bien prendre, confifte presque à s'oublier eux-mêmes. Doublement malheureux d'avoir tant de paffion pour une joie continuelle, & de n'en pas connoître la fource, ils ne fçavent ce que c'est de fe réjouir dans le Seigneur.

que

Mais qu'on le comprend heureufement, quand une fois on eft revenu de l'enforcellement des vanités humaines; quand on a commencé d'entrevoir les vrais biens; quand on fçait ce que c'est que Dieu, ce qu'il eft pour l'homme, & ce que l'homme gagne à fe foumettre à fes Commandemens; quand on eft moralement bien sûr de fon attente, & qu'on en conçoit bien tout le prix! Que de tranfports fecrets on éprouve alors, & qu'on s'ape

plaudit d'avoir découvert le tréfor de l'Evangile! Que de plaifirs intérieurs on trouve dans le mépris même que la piété infpire pour tous les plaifirs! Quel calme fuccede à toutes les agitations que caufent dans l'ame les paffions du fiécle! Combien on fe plaît dans les connoiffances que donne la religion, & avec quel charme fecret on s'occupe dans certains momens des grands fpectacles qu'elle offre aux yeux de la foi! Que l'efprit enfin eft fatisfait de pouvoir entrer dans les confeils du Créateur, de le voir conduire à fes fins tout les évenemens humains, & faire tout contribuer au bien de ceux qui l'aiment! Telles font ces joies pures dont le fond ne tarit ja mais, & que le vrai Chrétien porte par tout en lui-même: fi fa foi, fi fon efpérance, fi fon amour pour Dieu ne s'affoibliffent point, rien ne peut empêcher fon coeur de s'épanouir au premier moment de réfléxion. Redifons-le donc: Malheur à ceux qui méconnoiffent cette félicité fainte, qui ne veulent pas même goûter combien le Seigneur eft doux ; ils veulent fe réjouir fans ceffe, & fans ceffe ils fe tourmentent en vain pour y réuffir: ce n'eft dans la poursuite des biens créés, que travail ingrat, que douceur fauffe, que continuelle inquiétude: il n'y a qu'un parfait détachement du monde, qu'un affujettiffement fidéle aux loix de la piété, qu'une application conftante aux objets du falut, qui puiffe rendre la joie

de l'homme conftante à fon tour, autant qu'elle peut l'être ici-bas.

Q

PRIER E.

Ue les enfans de ce fiécle ténébreux fe

réjouiffent donc tant qu'ils voudront de fes profpérités, qu'ils fe laiffent prendre aux attraits des plus amufans, qu'ils fe plaisent dans le menfonge; pour moi, Seigneur, je ne me réjouirai qu'en vous ; j'en prends la réfolution avec votre grace: mon plaifir déformais fera de rappeller vos bontés, de confidérer les merveilles de votre Loi, de réfléchir fur la fageffe de vos deffeins, fur la multitude de vos miféricordes. En quelque lieu que je fois ; dans les occupations du jour & dans le repos de la nuit, fi je puis me fouvenir de mon Dieu, ce fera toujours avec une nouvelle effufion de joie. Dieu de mon cœur ! tous fes defirs vous font parfaitement connus ; qu'il lui feroit doux de pouvoir ne s'occuper que de vous! Ne permettez pas du moins que je fois jamais fenfible à d'autres plaifirs; afin que faintement obftiné à ne chercher ma confolation qu'en vous, je mérite d'être un jour introduit pour jamais dans la joie de mon Seigneur.

DE

DE L'EVANGILE.

Les Juifs envoyerent à Jean des Prêtres & des Lévites pour l'interroger fur ce qu'il étoit. S. Jean. chap. 1.

L'

Es Juifs euffent fait par fimple curiofité ce qu'ils font ici par devoir: déja toute la Judée couroit en foule vers les bords du Jourdain. Que faut-il pour attirer les regards de la multitude? Un rofeau que le vent agite, des perfonnes habillées avec luxe & molleffe, mille objets fouvent plus frivoles encore. Race curieufe qui voulez tout connoître ; hommes, connoiffez-vous vous-mêmes. La Philofophie ancienne n'a point eu de précepte plus fage, & ce doit être pour nous l'étude de toute la vie par les loix d'une philofophie bien plus élevée. Pourquoi tant de foins & de tourmens pour apprendre une infinité de chofes dont toute l'utilité fe borne au ftérile plaifir de les favoir? Ignorons, s'il le faut, fans regret, ce que nous pouvons ignorer fans danger; mais ne négligeons pas du moins la connoiffance la plus utile & la plus néceffaire. Qui ne se connoît pas foi-même, ignore fes devoirs, préfume de fes forces, fe prévient fur fon mérite; il ne fait ni fe faire juftice, ni la rendre aux autres ; il penfe avoir droit de tout exiger d'eux ; il manque à ce qu'il leur doit ; il les fait fouffrir & s'en plaint encore: il n'eft content de rien, parce qu'il fe croit Tome I.

Ε

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