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mode plus prompt. Nous pensons qu'il faut laisser à l'administration le soin de faire les changements nécessaires, et nous demandons le rejet de l'amendement. L'auteur de cet amendement sait que l'administration s'occupe activement de changer les formalités existantes.

M. le général Sébastiani. Messieurs, je ne saurais admettre la fin de non-recevoir que vient de produire M. le directeur général des forêts. L'article que nous discutons prescrit le mode d'extraction du minerai, du sable, des pierres, etc. Il est naturel d'y insérer une disposition qui mette un terme à ces formalités, si longues, si embarrassantes, si gênantes pour nos produits et pour notre industrie. Cette disposition appartient essentiellement à la loi qui nous occupe, vous réglez tout ce qui est nécessaire à la conservation des propriétés forestières. Dans ces propriétés, se trouvent des minerais, des tourbes, des pierres qui doivent en être extraits; par une conséquence nécessaire, vous devez déterminer comment cette extraction aura lieu. Comment donc ne détermineriez-vous pas aussi à quelles formalités seront soumises les demandes en extractions?

M. le directeur général convient lui même que les formalités actuelles sont gênantes; mais il dit qu'on y apportera remède par des ordonnances. Pourquoi, Messieurs, lorsque vous discutez minutieusement sur tout ce qui est utile à la conservation de la propriété forestière, renverriez-vous au régime des ordonnances un objet qui se rattache à l'universalité de cette sorte de propriété, ainsi qu'à l'universalité de l'industrie? Je crois que l'amendement ne déroge en rien à la prérogative royale, je crois aussi qu'il sera utile à l'industrie; et comme en même temps il n'est nullement nuisible à la propriété forestière, j'en demande l'adoption.

M. de Martignac, commissaire du roi. Si nous voulons faire une législation régulière, il faut nous garder de confondre des choses qui sont distinctes; il faut nous garder de placer, dans la loi actuelle, des dispositions qui se rapportent à une autre branche de la législation. C'est le vice dans lequel nous nous laisserions entraîner si nous adoptions l'amendement de M. Humann. En effet, autre chose est l'administration et l'exploitation des forêts; autre chose est l'exploitation des mines. Ces deux objets, qui sont importants l'un et l'autre, sont réglés par des législations différentes. Ainsi, tandis que l'exploitation forestière est régie par l'ordonnance de 1669 et par la loi de 1791, ce qui est relatif aux mines est régi par d'autres lois, et notamment par celle du 21 avril 1810.

De quoi avons-nous à nous occuper maintenant? Uniquement de ce qui est relatif à la police et à la conservation des forêts. L'auteur de l'amendement n'a pas fait attention qu'il ne s'agit dans le projet que de l'extraction non autorisée, et que nous ne nous expliquions nullement sur le mode d'autorisation, parce que ce n'est pas dans le Code forestier que ce mode doit être réglé. Nous n'aurions pu régler ce mode sans tomber dans des dispositions étrangères au sujet que nous traitons. Si quelques vices existent dans la loi du 21 avril 1810, ils ne peuvent être corrigés par une disposition insérée au Code forestier, sans qu'on s'expose à mêler ensemble deux législations qui ne doivent pas être confondues.

M. Humann. Je ne crois pas, comme M. le

T. LI.

commissaire du roi, qu'il soit impossible de placer mon amendement dans la loi actuelle. Les communes sont propriétaires de forêts; souvent, il y a dans ces forêts des minerais qu'on propose d'extraire moyennant une redevance qui souvent est bien supérieure au produit de la forêt. Nous demandons que ces communes puissent délibérer sur la convenance d'accorder des concessions, qu'ensuite elles se réfèrent au préfet, et que le préfet puisse les autoriser à accepter un marché avantageux pour elles; il ne s'agit donc nullement de l'extraction des mines; il s'agit tout simplement de donner aux communes la faculté de faire valoir la superficie et le fonds de leurs forêts d'une manière conforme à la fois à l'intérêt de ces communes et aux intérêts de l'industrie. Je ne vois pas qu'il y ait le moindre inconvénient à adopter mon amendement, surtout lorsque dans l'article qui suit vous vous occupez de toute autre chose que de l'extraction des bois. Puisque vous vous êtes occupés dans cette loi de la conservation des chemins, je ne vois pas pourquoi vous ne vous occuperiez pas aussi des usines.

M. de Martignac. Les droits dont il s'agit dans l'article 145, n'y sont mentionnés que pour dire qu'il n'y est pas dérogé.

M. Favard de Langlade, rapporteur. Je partage l'opinion de l'orateur quand au fond de sa proposition. Mais l'objection qu'il vient de tirer de l'article 145 est absolument contraire à la prétention de faire insérer cette proposition dans la loi qui nous occupe. Je le prie de lire ce que la cominission a dit sur le sujet dont il s'agit. Elle a exprimé le vœu qu'il fût porté remède aux lenteurs existantes; mais elle a ajouté qu'elle ne croyait pouvoir proposer aucune modification sur une chose entièrement étrangère au Code forestier. Ce que la commission a dit sur l'article 145, elle doit l'opposer à la proposition actuelle.

Je partage le désir qu'a émis notre collègue; mais il faut que la proposition soit examinée par l'administration et qu'elle nous vienne du gouvernement; elle ne peut être introduite dans un code qui traite d'objets tout à fait étrangers à cette matière. Je demande, en conséquence, le rejet de l'amendement.

(L'amendement de M. Humann est mis aux voix et rejeté.)

La Chambre adopte l'amendement de la commission, tendant à ajouter le mot tourbe.

M. de Montbel demande et obtient la parole sur l'article.

M. de Montbel. Vous sentez tous, Messieurs, à quel point les délits prévus dans l'article que nous discutons peuvent être préjudiciables aux propriétaires de bois : nul doute qu'il ne leur fût dù réparation de ces dommages par ceux qui les leur auraient causés: le droit commun l'indique, et je pense que la disposition additionnelle que je demande se trouve déjà implicitement dans l'article 144. Toutefois, pourquoi ne pas l'y ajouter implicitement, puisqu'elle se trouve placée de cette manière, pour des cas analogues, à la suite des articles 147 et 148? Un des honorables membres de la commission m'a fait observer que l'article 202 suffisait pour assurer, d'une manière générale, aux propriétaires de bois, le droit dont je réclame, pour eux, l'énonciation formelle à la suite de l'article 144. L'article 202 est ainsi conçu : « Dans tous les cas où il y aura lieu à adjuge

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des dommages-intérêts, etc.; » mais les juges ne seront-ils pas fondés à penser qu'il n'y aura lieu à adjuger ces dommages-intérêts que dans les cas prévus par la loi, c'est-à-dire dans la 1ro section du titre X; par exemple, par les articles 147 et 148, et non pour ceux que prévoit l'article 144, puisque celui-ci se trouve dépourvu de la réserve qu'on a jugé cependant nécessaire d'établir dans les articles 147 et 148?

La Chambre reconnaîtra du moins qu'il y aurait, pour les personnes qui devront recourir à l'article 144, utilité à n'être pas forcées de recourir également à un article postérieur (l'art. 202) dont, faute d'avoir lu tout le Code forestier, elles pourraient d'ailleurs ignorer les dispositions et même l'existence.

(L'amendement de M. de Montbel est mis aux voix et rejeté. La Chambre adopte l'article 144.)

M. le Président. Dans la séance d'hier, la Chambre a renvoyé à la commission l'amendement de M. Bonnet de Lescure, et les sous-amendements de MM. Sébastiani et Leclerc de Beaulieu sur l'article 128. MM. Sébastiani et Leclerc de Beaulieu, renonçant à leurs sous-amendements, M. le rapporteur a la parole.

M. Favard de Langlade, rapporteur. Messieurs, vous avez renvoyé hier à votre commission l'amendement et les sous-amendements proposés par nos honorables collègues MM. Bonnet de Lescure, Sébastiani et Leclerc de Beaulieu, sur l'article 128 du projet. Je viens vous rendre compte du résultat de notre examen.

Cet amendement a pour objet d'accorder à la marine un délai de six mois, à compter de la notification de l'abatage, pour prendre livraison des arbres marqués pour son service dans les bois soumis au régime forestier.

Le projet de code avait réglé ce délai à six mois, tant pour les bois soumis au régime forestier que pour ceux des particuliers. La commission a cru devoir vous proposer d'en réduire la durée à trois mois sans distinction entre l'une et l'autre espèce de bois. J'ai eu l'honneur de vous exposer dans mon rapport les motifs de sa détermination.

L'auteur de l'amendement adopte la réduction à l'égard des bois des particuliers, mais il demande le rétablissement du premier délai en ce qui concerne les forêts soumises au régime forestier.

La commission aurait désiré pouvoir accueillir cette demande; mais en y réfléchissant mûrement, elle a considéré que les communes et les établissements publics dont les biens appartiennent au régime forestier sont des propriétaires qui méritent la même protection et la même faveur que la loi accorde aux particuliers; que ce serait s'éloigner des principes de justice constamment suivis par la commission et par la Chambre ellemême, que de faire subir aux uns les longueurs d'un délai dont les autres seraient affranchis.

Quant aux bois de l'Etat, il y aurait moins de difficulté peut-être à imposer un délai de six mois; mais il ne fautpas perdre de vue que c'est envers des particuliers adjudicataires que s'exerce le martelage de la marine, et qu'on ne peut se dispenser, par ce motif, de les traiter comme les particuliers qui exploitent leurs bois, ou comme les adjudicataires des autres forêts soumises au régime forestier et de fixer pour tous le même délai. Cette unité d'action est un des grands avantages que présente le projet; il ne faut donc pas s'en écarter dans cette circonstance.

sion m'a chargé de vous faire connaître qu'elle persiste dans l'amendement qu'elle vous a proposé sur l'article 128, et j'ai l'honneur de vous demander, en son nom, le rejet du sous-amendement présenté par M. Bonnet de Lescure. Je suis autorisé par MM. Sébastiani et Leclerc de Beaulieu à vous dire qu'ils se réunissent au vou exprimé par la commission; je n'ai pu dès lors vous occuper de leurs sous-amendements.

(L'amendement de M. Bonnet de Lescure est mis aux voix et rejeté.)

La Chambre adopte successivement les amendements proposés par la commission; elle adopte ensuite l'article 128 amendé.

Les articles suivants sont adoptés sans discussion :

« Art. 145. Il n'est point dérogé aux droits conférés à l'administration des ponts et chaussées d'indiquer les lieux où doivent être faites les extractions de matériaux pour les travaux publics; néanmoins les entrepreneurs seront tenus envers l'Etat, les communes et établissements publics, comme envers les particuliers, de payer toutes les indemnités de droit, et d'observer toutes les formes prescrites par les lois et règlements en cette matière. >>

Art. 146. Quiconque sera trouvé dans les bois et forêts, hors des routes et chemins ordinaires, avec serpes, cognées, haches, scies et autres instruments de même nature, sera condamné à une amende de 10 francs et à la confiscation desdits instruments. »

M. le Président soumet à la Chambre l'article 147 en ces termes :

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Article 147. Ceux dont les voitures, bestiaux, animaux de charge ou de monture, seront trouvés dans les forêts hors des routes et chemins ordinaires, seront condamnés, savoir :

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Par chaque voiture, à une amende de 10 francs pour les bois au-dessus de dix ans, et de 20 francs pour les bois au-dessous de cet âge;

«Par chaque tête ou espèce de bestiaux non attelés, aux amendes fixées pour délit de pâturage par l'article 199.

«Le tout sans préjudice des dommages-inté

rêts. »

La commission a proposé de rédiger ainsi le deuxième paragraphe de cet article :

«Par chaque voiture à une amende de 10 francs pour les bois de dix ans et au-dessus, et de 20 francs pour les bois au-dessous de cet âge. »> La Chambre adopte cet amendement; elle adopte également l'article amendé.

Les deux articles suivants sont adoptés sans discussion.

« Art. 148. Il est défendu de porter ou allumer du feu dans l'intérieur et à la distance de deux cents mètres des bois et forêts, sous peine d'une amende de 20 à 100 francs, sans préjudice, en cas d'incendie, des peines portées par le Code pénal, et de tous dommages-intérêts, s'il y a lieu. »

« Art. 149. Tous usagers qui, en cas d'incendie, refuseront de porter des secours dans les bois soumis à leur droit d'usage, seront traduits en police correctionnelle, privés de ce droit pendant un an au moins et cinq ans au plus, et condamnés en outre aux peines portées en l'article 475 du Code pénal.

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M. le Président. L'article 150 est ainsi conçu «Art. 150. Les propriétaires riverains des bois et forêts ne peuvent se prévaloir de l'article 672 du Code civil, pour l'élagage des lisières desdits

Déterminée par cette considération, la commis-bois et forêts.

«Tout élagage qui serait exécuté sans l'autorisation des propriétaires des bois et forêts, donnera lieu à l'application des peines portées par l'article 196.»

La commission a proposé d'ajouter à la fin du premier paragraphe ces mots Si ces arbres de lisières ont plus de trente ans.

Mais un autre amendement a été proposé par M. de Martainville en ces termes :

« Conformément à l'article 672 du Code civil, les propriétaires riverains pourront réclamer l'élagage des lisières des bois et forêts. ›

Plusieurs voix: Ce n'est pas un amendemen!.... c'est demander le rejet de l'article.

(La parole est donnée à M. de Martainville.)

M. de Martainville. Messieurs, j'ai été surpris, je l'avoue, qu'en s'occupant de la conservation des forêts, on ait oublié que les autres propriétés ne sont pas moins sacrées et qu'elles ont droit à une égale protection. Cependant si vous adoptiez l'article 150, elles seraient entièrement sacrifiées. Ce n'est point ma cause personnelle que je viens plaider; peu de propriétaires sont aussi désintéressés que moi dans cette question : mais je comprends trop combien elle est importante pour ne pas espérer que vous m'accorderez quelque indulgence.

Il est certain, Messieurs, que les propriétés voisines des bois sont les moins favorables de toutes. Ce serait abuser de vos moments que d'énumérer ici les inconvénients qui résultent de leur position; il n'est aucun de vous qui ne les ait appréciés.

Le Code civil, base de notre législation, a sagement réglé que celui, sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin, peut contraindre ce dernier à couper ces branches. Depuis cette époque, ceux dont les arbres causaient un dommage réel aux riverains étaient obligés de les faire élaguer. Si l'administration des eaux et forêts s'est presque toujours affranchie de cette obligation, ne croyez pas qu'elle y fût fondée. La crainte de soutenir des procès onéreux et presque interminables, a seule empêché un grand nombre de particuliers de faire valoir les droits qui leur étaient acquis par le Code. Cette assertion est si vraie que plusieurs fois la Cour de cassation a décidé en faveur de ceux qui n'ont pas redouté une contestation judiciaire. Ainsi, il me semble démontré qu'aujourd'hui toute personne peut forcer un propriétaire de bois à supprimer les branches de ses arbres qui s'étendent hors de son territoire. C'est donc sous l'empire de cette législation sage et raisonnable, qu'on vous propose de créer un privilège auquel nul n'a le droit de prétendre. C'est lorsque vous avez montré combien vous vouliez respecter la propriété forestière, en limitant à dix ans le droit de martelage de la marine, et en le restreignant à la seule essence de chêne, que vous irez grever à perpétuité toutes les propriétés riveraines des bois, en leur imposant la dure nécessité de souffrir l'ombrage des plus grands arbres. Car vous le remarquerez comme moi, Messieurs, l'article 150 ne fait aucune distinction. Tous les bois et forêts sont dans la même catégorie. Ainsi les propriétaires des forêts comme ceux des petits bois plantés dans nos plaines les plus fertiles, pourraient laisser croître leurs arbres; et l'on n'aurait même pas le droit de se plaindre lorsque les terres ne produiraient presque plus de récoltes. Cependant ces terres, dont la valeur diminuerait chaque jour, payeraient-elles moins de contributions? Non, sans

doute. Imposées suivant leur qualité relative, elles ne pourraient obtenir de réduction, et les possesseurs auraient à gémir jusqu'à ce qu'une circonstance favorable vint apporter quelque adoucissement à leur malheur.

Je sais qu'on me répondra que les arbres de lisières sont les plus beaux; que la marine y trouve plus qu'ailleurs les bois qui lui sont nécessaires. On ira peut-être jusqu'à dire que si vous n'adoptiez pas la mesure proposée, la marine ne pourrait plus se pourvoir convenablement. Je suis loin d'admettre cette supposition mais fùt-elle exacte, le principe de justice, qui veut que nul ne puisse nuire à autrui, en subsisterait-il moins? les propriétaires de bois ne pourraient-ils pas laisser croître leurs arbres à une distance telle, qu'ils ne porteraient aucun préjudice à leurs voisins? et ces arbres deviendraient-ils moins beaux parce qu'ils seraient excrus quelques pieds plus loin? de plus, la marine n'emploie pas toutes les espèces de bois, et, dans sa généralité, l'article ne fait ni exceptions, ni réserve. En effet, elles seraient illusoires pour les riverains, puisque s'ils étaient tenus de souffrir une espèce plutôt qu'une autre, le propriétaire de bois ne manquerait pas de laisser subsister les arbres privilégiés. Il faut donc rentrer dans le droit commun pour arriver à un bon résultat.

Je ne crois pas que l'amendement de la coinmission atténue en rien les inconvénients que j'ai eu l'honneur de vous signaler. Elle vous propose de déterminer que les propriétaires riverains des bois ne peuvent se prévaloir de l'article 672 du Code, si les arbres ont plus de trente ans. Ainsi, dès qu'un arbre aura plus de trente ans, on n'aura plus le droit de le faire élaguer. Or, personne ne contestera que, jusqu'à cet âge, il ne cause aucun dommage, ses branches poussent verticalement, et son ombrage ne s'étend point encore. Quel intérêt aurait un voisin à faire extraire des rameaux qui ne nuisent pas? Ce serait alors un témoignage de récrimination.

Si la commission, au contraire, a voulu dire que tout arbre qui aujourd'hui n'aura pas plus de trente ans, sera par la suite soumis à l'élagage, conformément à l'article 672 du Code, je ne trouverais pas que ses intentions fussent clairement exprimées. Je penserais qu'une nouvelle rédaction serait nécessaire, et je préférerais l'amendement dans cette dernière acception, puisque le droit commun s'établirait successivement."

Au reste, Messieurs, pourquoi différeriez-vous à accomplir cet acte de justice? Pourquoi rétabliriez-vous une distinction qui n'existe plus depuis la promulgation du Code? Je ne peux me le persuader; et cette idée m'engage à demander le rejet, ou du moins l'entier changement des dispositions de l'article 150. Selon moi, le premier paragraghe devrait, dans ce dernier cas, être ainsi rédigé :

« Conformément à l'article 672 du Code civil, les proprietaires riverains pourront réclamer l'élagage des lisières des bois et forêts. »

Le second paragraphe de l'article serait maintenu parce qu'il ne doit être permis à qui que ce soit de se faire justice soi-même.

M. Labbey de Pompierres. Messieurs, je viens combattre l'article 150 du projet et l'amendement de la commission. Je me présente avec quelque espoir, parce que je m'appuie de l'opinion d'un des plus savants jurisconsultes de la France, celle de M. Prudhon, doyen de la faculté de droit de Dijon. Elle est développée avec le plus grand

talent et le raisonnement le plus lucide, dans un ouvrage où ce docteur profond a trouvé l'art de traiter de toutes les lois sous le titre modeste de l'Usufruit.

Cet ouvrage aura d'autant plus de poids, qu'il est antérieur de quelques années à la présentation de la loi.

J'ai pensé qu'une analyse très succincte, mais très fidèle, porterait dans vos esprits une conviction qu'il n'est pas donné à mes faibles connaissances de faire naître. C'est donc l'opinion et les preuves d'un homme dont la science profonde est reconnue et fait autorité dans la Côte-d'Or et les départements voisins, que j'ai l'honneur de vous présenter.

J'entre en matière.

Messieurs, l'article 672 du Code civil est ainsi conçu Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin, peut contraindre celui-ci à couper ces branches.

L'article 150 du projet de loi efface cet article de notre Code. C'est en vain que j'ai cherché, dans l'exposé des motifs, ceux qui mettent ainsi hors du droit commun les propriétés riveraines des bois et forêts.

Cet exposé garde un silence absolu sur une usurpation inconnue jusqu'à ce jour et réprimée par les tribunaux.

Le rapport en parle très laconiquement; il se borne à faire connaître que les opinions se trouvant divisées dans la commission, elle avait pris le moyen terme d'une existence de trente années pour les arbres de lisières.

Ainsi, le projet établit une servitude de droit; la commission l'adopte par prescription.

Y a-t-il lieu à admettre l'une ou l'autre de ces prétentions? c'est ce qui reste à examiner. Et d'abord, quant au droit :

Si les propriétaires des héritages joignant les forêts étaient obligés de souffrir que les arbres de lisières déployassent leurs rameaux sur leurs fonds au préjudice de leur fécondité; ce serait une servitude foncière, parce qu'on ne pourrait en supposer l'existence sans admettre une charge imposée à la propriété privée pour l'avantage des forêts.

Or, une telle servitude ne peut appartenir à la classe des servitudes conditionnelles, parce qu'on ne peut supposer une convention générale intervenue entre les possesseurs de bois et leurs riverains; c'est donc évidemment une servitude légale qui est prétendue par l'administration forestière, et une servitude foncière. C'est donc à elle à en démontrer l'existence, parce que c'est une vérité, au-dessus de toute controverse, que la présomption est toujours pour la liberté.

Ce principe, reconnu dans tous les temps, se trouve positivement consacré, même en ce qui concerne les intérêts et les propriétés de l'Etat, par l'article 1er de la loi du 6 octobre 1791, ainsi conçu :

« Le territoire de la France, dans toute son étendue, est libre comme les personnes qui l'habitent ainsi toute propriété territoriale ne peut être sujette envers les particuliers qu'aux redevances et aux charges dont la convention n'est pas défendue par la loi; et envers la nation qu'aux contributions publiques, établies par le Corps législatif, et aux sacrifices que peut exiger le bien général, sous la condition d'une juste et préalable indemnité. >>

Ainsi tout propriétaire d'héritages contigus à une forêt, est en droit de demander l'élagage des branches qui s'étendent sur son terrain, et de

l'obtenir tant que l'administration forrestièr n'aura pas démontré l'existence de la servitude qu'elle réclame.

De ce que la servitude dont il s'agit ici serait une servitude légale, il en résulte qu'on ne pourrait en prouver l'existence qu'en indiquant quel-ques textes de lois par lesquelles elle aurait été positivement et bien explicitement établie.

Je dis positivement et bien explicitement, parce que la disposition du droit commun étant toujours pour la liberté, l'existence de la servitude ne peut être établie que par un titre qui déroge d'une manière explicite à l'empire de la règle générale, en sorte qu'il faut que les textes dont on voudrait faire ressortir la preuve de servitude, ne puissent avoir aucun autre sens pour qu'une pareille interprétation soit légitime.

Ici l'embarras des défenseurs du projet doit être extrême, parce qu'on peut hardiment les défier d'indiquer, daus aucune des nombreuses lois portées sur les forêts, le moindre passage qui tende à établir la servitude dont il s'agit.

En effet, des recherches faites avec soin, et de la lecture attentive de l'ordonnance de 1669, il résulte qu'il n'existe que cinq servitudes imposées sur les fonds voisins des forêts publiques.

Ces servitudes sont : 1o la clôture par des fossés entre les bois de l'Etat et ceux des particuliers; 2o la prohibition de bâtir à proximité des forêts nationales; 3° la défense de planter des bois près de ces forêts; 4° de placer des fours à chaux dans la distance prohibée; 5° d'établir certains ateliers près de ces forêts.

Ces servitudes étant établies par des dispositions positives, elles ne permettent pas de supposer l'existence d'autres dont le législateur n'a pas parlé.

Et ce qui prouve l'usurpation introduite avec réflexion dans le projet, c'est l'extension en faveur des bois privés qui n'ont jamais joui des cinq servitudes que nous venons de citer; extension proposée dans l'espoir d'entraîner quelques suffrages dans des vues d'intérêts.

Si de la législation spéciale sur les forêts, on passe à l'examen du droit commun, on trouve une variété remarquable entre l'ancien et le nouveau droit.

Suivant la loi romaine, les branches d'arbres qui s'étendent sur le fonds voisin devaient être élaguées à la hauteur de quinze pieds. L'arbre devait être abattu si ses branches s'étendaient sur une maison, ou si son corps était incliné sur le fonds voisin.

Le Code civil n'a point admis cette espèce de transaction entre la liberté et la servitude des héritages contigus à des forêts, ou à des plantations. Il a tranché la question de la manière la plus absolue par l'article 552, portant: La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous; et l'article 672 en est la conséquence forcée.

Il n'y a point de distinction à faire entre les fonds contigus aux forêts et ceux qui en sont éloignés, puisque le principe posé par le Code est général.

Et certes, il faut ou reconnaitre que l'espace qui est verticalement au-dessus d'un pré ou d'un champ est au propriétaire de ce fonds, ou nier l'existence de la loi.

Cela posé, examinons les différents motifs développés, non dans l'exposé du projet, ni même dans le rapport de la commission, mais qui auraient pu être émis dans la discussion.

Le premier serait que l'article 672 du Code

ne parlant pas des forêts, il ne leur est pas applicable.

La réponse est péremptoire : cet article statue généralement et sans exception; il consacre, d'une manière explicite, une des conséquences du principe général établi dans le sens le plus absolu par l'article 552, qui veut que la propriété du sol emporte toujours la propriété de l'espace qui est au-dessus.

Une deuxième objection serait que, d'après les articles 537 et 636, les forêts de l'Etat et des communes sont régies par des lois spéciales.

Mais s'il est vrai que les forêts publiques sont soumises à un régime qui leur est propre, n'est-il pas vrai aussi que la propriété privée est régie par le Code civil; et comment pourrait-on priver les particuliers des droits que leur assurent nos lois nouvelles?

L'article 537 déclare que les biens qui n'appartiennent pas à des particuliers sont administrés et ne peuvent être aliénés que dans les formes et suivant des règles particulières quel rapport cette disposition peut-elle avoir avec la question qui vous occupe? Quelles que soient ces règles, elles ne peuvent être spoliatrices du bien d'autrui, et dès lors elles ne sont relatives qu'à la chose telle qu'elle appartient à l'Etat.

L'article 636 porte que l'usage des bois et forêts est réglé par des lois particulières: or, comme l'ont dit le tribunal de Dreux et la cour royale de Paris, dans l'affaire de M. de Paris, il ne s'agit point ici d'un droit d'usage prétendu sur les bois de l'Etat au contraire, il s'agit de repousser la prétention de l'administration à établir un droit de servitude sur des fonds particuliers, et dès lors il est dérisoire de rechercher ici aucune application de cet article.

On invoque les articles 11 du titre XXVII et 2 du titre XXXII de l'ordonnance de 1669, qui défendent d'arracher ou d'ébrancher aucun arbre dans les forêts de l'Etat.

Couper ou ébrancher des arbres dans les bois quand on n'a pas le droit d'en agir ainsi, c'est assurément commettre un délit; mais lorsqu'on a le droit de les faire abattre ou élaguer, il n'y a plus de défense dans la loi ni par conséquent de délit. Ces prohibitions de l'ordonnance ne sont donc point applicables aux propriétaires riverains des forêts, puisqu'il est démontré qu'ils ont droit d'exiger l'élagage des branches qui s'étendent sur leurs héritages.

On insiste en disant qu'en autorisant l'élagage on entraînerait l'Etat dans trop de frais annuels.

Quoi! pour épargner quelques frais à l'Etat, il faut commettre des anticipations sur la propriété privée! il faut condamner à une stérilité annuelle des milliers d'arpents de terre, pour procurer au bout de cent ans quelques fagots de plus à l'Etat !

Enfin on prétend qu'il existe à cet égard des décisions du ministre des finances.

Nous pourrions récuser ces décisions, parce que la question ne ressort pas de ce ministre; mais nous ferons observer que ceci n'est qu'un corollaire des principes généraux reconnus en d'autres circonstances, et nous dirons qu'il existe une instruction émanée du ministre des finances le 19 septembre 1811, qui décide que le fossé à faire entre les bois de particuliers et ceux domaniaux, doit être établi par moitié de chaque côté de la ligne de fonds, quoique l'ordonnance de 1669 l'eût mis à la charge des riverains.

La raison de cette décision est dans le droit

commun, et le ministre a reconnu que les forêts nationales y étaient soumises, partout où il n'y avait pas de privilège positivement accordé. Il reste maintenant à examiner si l'on peut opposer le moyen de prescription.

Ici la question se divise en deux parties la première relative aux arbres plantés à main d'homme; la seconde concerne les arbres qui croissent naturellement dans l'intérieur ou au bord des forêts.

La première étant réglée par les articles 671 et 672 du Code civil et par des règlements particuliers, nous n'avons point à nous en occuper.

Quant à la seconde nous dirons avec Valla, dans son traité des choses douteuses, et avec M. le doyen de la Faculté de droit de Dijon, que la prescription n'est pas opposable de la part du propriétaire de l'arbre dont les branches font saillie sur le fonds voisin.

La raison est que la prescription ne peut avoir lieu que là où la possession est absolument fixe et certaine, parce qu'on ne peut admettre un effet sans être sûr que sa cause existe : Or, lorsqu'il s'agit des branches d'un arbre qui croissent et s'allongent annuellement, il est impossible de dire quelle était leur longueur il y a trente ans; il serait impossible d'affirmer avec sécurité qu'alors elles fussent déjà saillantes sur le fonds voisin. Et malgré toutes les marques de vétusté qu'elles pourraient offrir il serait surtout impossible d'assigner le terme précis de la projection que la nature leur aurait fait faire pendant

trente ans.

Or, du moment que, dans le fait, il y a impossibilité de reconnaître que létait l'état de la possession il y a trente ans, il y a impossibilité légale d'admettre la prescription, puisqu'on ne peut jamais la déclarer acquise que sur l'état des choses, tel qu'il existait quand elle a commencé son cours.

Ce principe est positivement reconnu par la loi romaine, qui veut que, par rapport à leur mouvement naturel, les branches d'un arbre ne soient pas, en fait de prescription, comparées à une construction faite à mains d'homme dont l'état est immobile et ne peut changer de position.

Or, quant aux arbres, il est incontestable qu'ils ont déjà plusieurs années d'existence avani d'étendre leurs branches sur le terrain voisin.

Ainsi, alors même que la loi admettrait la prescription, l'amendement devrait dire: si les arbres de lisières font saillie depuis plus de 30 ans.

Et c'est à quoi je conclus, si mieux n'aime la Chambre rejeter le premier paragraphe du projet de l'amendement de la commission; ce qui laisserait toutes choses dans le droit commun.

M. Simonneau. Il semble qu'il y a un moyen facile de concilier la protection due aux forêts avec les intérêts des particuliers. Il est certain que le Code civil donne au propriétaire riverain la faculté de faire élaguer les arbres qui s'avancent sur sa propriété. Mais le Code civil contient aussi une disposition qui dit que les bois et forêts sont soumis à des lois particulières. Il s'agit donc simplement de savoir si, dans l'intérêt des bois, il y a lieu à déroger aux principes du Code. Pourquoi le Code donne-t-il au propriétaire riverain le droit de faire couper les branches qui s'avancent sur sa propriété? C'est parce que ces branches sont censées lui faire tort; et si ce tort peut être réparé de telle manière que les bois n'en souffrent pas, il faut le faire. Il est très important de protéger les arbres des lisières, parce que ces arbres

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