Page images
PDF
EPUB

arrêté, parce qu'effectivement, comme il le disait tout à l'heure, il y a des moments d'arrêt, où enfin disparaissent tous les fantômes qu'on a créés pour faire illusion à un pays. M. le ministre des finances n'a pas fait autre chose depuis cinq ans; ses budgets ont toujours été établis sur des déficits, et si les contributions n'étaient pas venues d'une manière inespérée couvrir les dépenses, chaque exercice aurait présenté un déficit. On a voulu suivre aussi cette marche pour le budget de 1828; mais les faits ont parlé plus haut, et le ministre des finances et la commission ont été obligés de s'arrêter.

Eu me résumant, je dirai qu'il y a déficit, et qu'il y aura déficit continu dans les caisses, en prenant le chiffre de 1825, d'après les calculs mêmes de la commission, et en établissant les dépenses sur celles de 1827; il y aura aussi déficit dans divers services, à moins qu'on ne fasse des économies pour pourvoir à leurs besoins. Je persiste à dire que nous ne pouvons sans danger adopter la base proposée par la commission.

M. le Président. M. Labbey de Pompierres a proposé une réduction de 37 millions, provenant des rentes rachetées par la caisse d'amortissement, dont il demande l'annulation.

M. Labbey de Pompierres à la parole.

M. Labbey de Pompierres. Messieurs, la loi du 28 avril 1816, en portant à 2 0/0 du capital la dotation de l'amortissement, avait dépassé de moitié l'Angleterre, son modèle. La loi du 25 mars 1817 et l'intérêt composé augmentèrent encore cette dotation, en sorte qu'au moment de la conversion (en 1825), elle s'élevait à plus de 3 0/0 du capital. C'est alors que, cessant d'agir sur les 5 0/0, l'amortissement, reporté en entier sur les 3 0/0, fut élevé au taux monstrueux de 100/0 du capital fictif, de 13 0/0 du capital de conversion, et qu'il est en ce moment à celui de 14 0/0 de la valeur vénale. C'est ainsi que, chaque année, on enlève 80 millions à l'agriculture, au commerce, à l'industrie, pour les verser dans les mains de quelques usuriers habiles, et d'insatiables publicains. On donne pour prétexte le crédit public, les emprunts.

Le crédit public! Je n'abuserai pas de votre indulgence, Messieurs, au point de traiter ici cette importante question; je vous demande seulement la permission de vous répéter quelques phrases des hommes d'Etat du temps passé, et de ceux qui encore, en ce moment, sont écoutés avec attention dans l'une et l'autre Chambre.

Lorsque, en 1643, la reine régente, sur la proposition du surintendant des finances, voulut emprunter douze millions, le ministre Loménie lui tint ce discours :

« Madame, vous n'emprunterez que parce que vous êtes dans l'impuissance d'établir de nouveaux impôts; mais votre emprunt se convertira en un impôt perpétuel. Il faudra en payer les intérêts. Ce sera le laboureur et le propriétaire qui les paieront; mais ils ne les paieront que pour le temps que la terre pourra fournir aux besoins du làboureur et de ses charretiers et payer la rente aux rentiers. Les pauvres taillables se cotiseront donc pour qu'un oisif vive dans l'abondance, et pour qu'au lieu de rebâtir une métairie, il fasse des carrousels, ballets et festins à Paris. Chargez plus tôt tout d'un coup les taillables, car ils paieront une bonne foi dans l'an, au lieu de voir s'en aller par le menu leur bétail, leurs moissons, et

la dot de leurs filles, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien tant pour eux que pour vous. Nous creusons une fosse où nous tomberons.... Au nom de Dieu, Madame, ne livrez pas aux paresseux les fruits du labeur des diligents; ne facilitez pas aux fainéants des récoltes sans sueurs!.... »

Et Loménie ne prévoyait pas que ce capital s'élè verait à quatre milliards avant la fin de ce règne! s'écrie M. de Marbois, qui faisait cette citation aux pairs le 5 mars 1823.

Je ne rapporterai point les réflexions de cet orateur sur le danger de se livrer au crédit public, ni les nombreux exemples à l'appui tirés de notre propre histoire; mais je déplorerai avec toute la France la fatale disposition qui couvre du secret les discussions sages et lumineuses d'une Chambre ou se trouvent réunis nos plus grands hommes d'État.

Le 1er juillet 1824, ce pair éclairé n'avait point changé d'opinion. Rapporteur de la commission des finances, il disait: Tout Etat qui s'engage dans les emprunts se plonge dans un `abîme sans fond.

Et dans cette Chambre, le 28 avril 1818, un orateur (M. de Villèle, je crois) avait dit: Malheur à nous si nous érigions le crédit en système! Ah! oui, malheur à nous, s'écria le ministre des finances, je n'ai jamais éte dans l'erreur à cet égard. L'adhesion unanime de l'Assemblée prouva qu'elle partageait ce sentiment.

Le 6 mai 1825, un honorable député qui a l'heureux talent de mettre de l'esprit jusque dans les finances, vous disait: Le crédit est une puissance qui mène à la ruine par la prospérité. Il ajoutait qu'il fallait un grand art dans les ministres qui l'emploient pour ne pas placer l'Eldorado en viager sur leurs têtes; enfin, il appelait le crédit, le romantique de la finance. (M. de Frénilly.)

Il est donc avéré que les hommes prudents de tous les âges repoussent l'usage du crédit public; et leur suffrage m'autorise à répéter ce que je disais le 19 mars 1821. Autant le crédit est utile dans la main du producteur, autant il est dangereux dans celle qui ne sait que consommer la première a le gain pour but, la seconde la dépense; la première décuple les capitaux, la seconde les dévore.

Sully assurait que 100,000 fr. enlevés d'une province pendant six mois, faisait perdre à son industrie au moins 12,000 fr. pendant cet espace de temps. Et le 6 février 1817, M. de Villèle, répétant les paroles du roi, a dit: Chaque million de moins dans vos dépenses sera double pour la France.

Si chaque million d'économie devait en donner deux à la France, ainsi que Louis XVIII et M. de Villèle l'ont proclamé dans cette enceinte, en admettant même que les produits actuels de l'industrie ne soient pas dans un rapport plus élevé que du temps de Sully, à quelle somme les capitaux qu'elle emploie ne s'élèveraient-ils pas si, depuis douze ans on lui eût laissé la jouissance des 40, des 60, des 80 millions consacrés successivement à l'amortissement? Les 5 à 600 millions dont on l'a privée se seraient convertis en milliards. C'est alors que M. de Villèle aurait pu réaliser son rêve d'un emprunt à 4 pour 100, et offrir au rentier l'alternative du remboursement ou de la conversion.

Nous sommes loin, Messieurs, d'être dans une position aussi heureuse. Chaque année un impôt de 78 millions est consacré à un amortissement qui achète à 70 fr. une valeur qu'il pourrait avoir

à 60. Et on a l'impudeur de prétendre que cette opération est avantageuse!

Mais pour qui donc est l'avantage? Ce n'est pas pour le contribuable qui perd 10 millions de capital sur chaque 3 millions de rentes éteintes. Ce ne peut être pour l'État, car en supposant que l'État fût autre chose que toute la nation, qu'il pût exister sans elle, enfin que par ce mot on entendit le ministère, il n'est que l'agent qui vide la poche du peuple pour remplir celle des agioteurs; car sans doute il reste, lui, manibus puris et pectore casto, ainsi qu'un de ses membres l'a proclamé à cette tribune (M. de Corbière). Il est donc urgent, Messieurs, d'imposer un frein à cette monstrueuse dilapidation qui, chaque jour, fait passer la fortune des contribuables dans les mains de quelques banquiers cosmopolites et de ces agents comptables qu'un ministère, sinon coupable, au moins très imprudent, a forcés de s'associer à un infâme agiotage.

La loi du 28 avril 1816 y a pourvu; elle porte, article 109:

«Lesdites rentes (celles rachetées) seront annulées aux époques et pour la quotité qui seront déterminées par une loi. »

Le temps est arrivé, Messieurs, de mettre cet article à exécution. Le 5 pour 100 n'existe que pour mémoire: M. de Villèle vous l'a dit. Ainsi, en annulant toutes les rentes rachetées par l'amortissement, sa dotation de 40 millions sera encore dans le rapport exagéré de 5 pour 100 du capital fictif, et de 14 pour 100 de la valeur vénale. En conséquence, je propose l'amendement suivant:

«Toutes les rentes immobilisées au compte de la caisse d'amortissement sont annulées. »

Je demande à la Chambre la permission de lui faire de courtes observations sur le discours que M. de Villèle a prononcé le 8 de ce mois.

Plusieurs voix : Expliquez-vous sur l'amendement.

M. Labbey de Pompierres. Je viens de vous le développer.

Quelques membres: Aux voix!...

D'autres Parlez, parlez!....

M. Labbey de Pompierres. J'avais dit que nos budgets ne cessaient de s'accroître. S. Exc. a répondu qu'une des causes était due à la Dette publique qui, en 1817, n'étant que de 65 millions, est aujourd'hui de plus de 200.

Je ferai observer à M. le ministre que la loi que je tiens à la main accorda, en 1816, 125,500,000 fr. pour la Dette publique.

Or, la dépense du jour pour (amortissement compris) de.... et celle de 1816 de..

La différence.....

la dette étant 241,300,000 fr. 125,500,000

115,800,000

était la seule augmentation forcée sur les dépenses ordinaires de 1816, qui furent réglées à...... 586,600,000 fr.

Ainsi, les dépenses de 1824 (dette comprise), pour être égales à celles de 1816, ne devraient s'élever (nombre rond) qu'à..... 702,400,000 Vous aviez demandé... 939,300,000

Il y avait donc augmentation de 236,900,000 fr.

T. LI.

On a augmenté les services, dit M. de Villèle. Oui, on a multiplié les directeurs, on en a mis partout, on a doublé les traitements, on a créé des sinécures et jamais il ne fut mieux prouvé qu'on pourrait économiser plus de 200 millions sur les dépenses.

M. le ministre m'accuse de calomnie pour avoir dit que si l'on accordait à l'agriculture 10 centimes de dégrèvement, on lui en reprenait 20 par la taxe sur les fers. Eh bien, Messieurs, cette calomnie n'est pas de moi, elle appartient à M. de Segur, qui l'à dite aux pairs, en présence de M. de Villèle; il ne l'a pas accusé de calomnie. Il ne le pouvait, car c'est un fait avéré.

On conçoit un impôt à l'importation basé de manière à ce qu'il arrive au point d'établir une concurrence telle que le régnicole puisse donner ses produits au même prix que l'étranger. Mais lorsque l'impôt est tel que le prix double pour le producteur au détriment du contribuable, c'est la plus atroce fiscalité.

J'avais dit, d'après M. de Marbois, que les frais de poursuite, qui s'élevaient à 1/2 0/0, ne tombaient que sur les contribuables les plus pauvres. Et il me reproche d'avoir dit qu'ils étaient immodérés? N'est-ce pas là créer des chimères pour les combattre?

J'avais blâmé la dépense de 1,261,000 francs pour les commissions d'indemnité, et je la blâme encore, parce qu'aucune loi ne l'autorisait. Après avoir donné son bien, faut-il encore payer les frais du partage?

La page 6 du discours de M. le président du conseil porte à 1,670,000 francs l'excès des remises et taxations sur les prévisions, et j'avais dit en accordant une remise excessive de 1 0/0, les recettes ont dù dépasser de 167 millions les prévisions, et vous n'accusez que 32 millions! Et voilà M. de Villèle qui daigne m'apprendre que les remises s'accroissent avec les recettes.

M. le Président. L'amendement de Labbey de Pompierres est-il appuyé?

Voix diverses: Non, non, non!

M. le Président. Je n'ai pas à le mettre aux voix.

L'article 1 sur lequel la Chambre va voter est ainsi conçu :

« Les dépenses de la Dette consolidée et de l'amortissement sont fixées, pour l'exercice 1828, à la somme de 241,357,867 francs, conformément à l'état A. »

(L'article 1er est adopté.)

M. le Président. Je donne lecture de l'article 2.

ART. 2. Des crédits sont ouverts jusqu'à concurrence de 697,985,833 francs pour les dépenses générales du service de l'exercice 1828, conformément à l'état B, applicables, savoir :

« Aux dépenses générales, ci 559,188,784 fr. « Aux frais de régie, d'exploilation, de perception et nonvaleurs des contributions directes et indirectes, et des revenus de l'Etat, ci.......

Aux restitutions à faire aux contribuables sur les produits desdites contributions et aux remboursements d'amendes attribuées, ci.......

127,697,049

11.100,000 Total égal....... 697.985,833 fr.

49

[blocks in formation]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][subsumed][merged small][merged small][merged small][merged small][subsumed][subsumed][merged small][subsumed][merged small][subsumed][merged small][merged small][ocr errors][merged small][subsumed]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][subsumed][subsumed][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][subsumed][ocr errors][merged small][merged small][subsumed][subsumed][merged small][merged small][subsumed][merged small][merged small][merged small][merged small]

Chambre des Députés.
pétitions par M. Dubourg.

Rapport par M. Ruinard de Brimont sur
l'emprunt de la ville de Reims..

Rapport par M. de Gères sur diverses pétitions.
Suite de la délibération du projet de code
forestier. Suite de la discussion de l'art. 192.
M. le marquis de Foucault.....

M. Hersart de La Villemarqué, etc. Renvoi de
l'article à la commission...

Adoption de l'art. 34, précédemment ajourné.
Discussion et adoption des art. 193 à 206..

9 AVRIL 1827.

Chambre des Pairs. Éloge, par M. le comte
Molé, de M. le vicomte de Lamoignon, pair

décédé

[ocr errors]

94

66

100

104
105

11 AVRIL 1827.

[ocr errors]

99 Chambre des Pairs. Présentation par M. de
Villèle, ministre des finances, du projet de code
forestier adopté par la Chambre des députés..
Suite de la discussion du projet loi relatif à
la juridiction militaire. Rapport par M. le comte
d'Ambrugeac sur la disposition additionnelle à
l'art. 73 proposée par M. le comte de Kergorlay.
Rapport par M. le vicomte Dode de La Bru-
nerie sur les articles 80 et 81 précédemment
renvoyés à la commission et discussion...
Rapport par M. le comte d'Ambrugeac sur
un article 82 nouveau proposé par la commis-

[blocks in formation]

159

175

178

180

183

[blocks in formation]
« PreviousContinue »