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Préfet, tant qu'il n'a pas statué, qu'ils aient ou qu'ils n'aient pas figuré dans l'enquête.

Mais de ce que le Conseil ne connaît des oppositions qu'après l'arrêté, il ne faut pas en conclure que les Préfets doivent discuter et juger le mérite des oppositions, et que leurs actes, c'est du moins notre opinion, aient alors un caractère contentieux. Des oppositions ne sont pour les Préfets, qu'un moyen de s'éclairer, une source de renseignemens qui leur permettent d'arriver à la connaissance exacte des inconvéniens que peut présenter l'exploitation projetée et de se former une conviction morale. S'il en était autrement, si les Préfets voulaient juger les oppositions, leurs décisions, au lieu d'être des actes administratifs, deviendraient litigieuses, des contre-enquêtes, leur seraient demandées, et, par le fait, leur pouvoir serait substitué à celui du Conseil de Préfecture. Et, il est si vrai que les Préfets n'ont point à juger les oppositions et qu'elles n'influent sur leurs décisions que d'une manière indirecte, que, lorsqu'ils refusent l'autorisation, ce n'est pas tant parce qu'il y a opposition, que par ce qu'ils pensent que l'établissement nuirait à l'intérêt général. C'est un principe qu'il ne faut pas perdre de vue et que nous aurons fréquemment lieu d'appliquer. Les Préfets ne doivent donc considérer les oppositions que sous un point de vue moral, et c'est pourquoi il est d'usage à Paris, lorsqu'il y a des oppositions formées à un établissement de deuxième classe, de mettre dans l'arrêté d'autorisation après les considérans:

Et sans qu'il soit besoin de s'arrêter aux opposi tions dont le mérite ne peut être apprécié que par le Conseil de Préfecture ». Nous devons au surplus observer ici que ces oppositions ne saisissent pas

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d'office le Conseil de Préfecture, et qu'elles doivent être renouvelées devant lui, pour qu'il en connaisse. Nous ajouterons, que de simples réclamations contre l'établissement ne constituent pas oppositions; ces réclamations doivent être adressées au Préfet, ainsi que nous le verrons plus tard..

Mais, pour que les opposans puissent renouveler leurs oppositions devant le Conseil de Préfecture, il faut qu'ils connaissent l'arrêté d'autorisation; aussi est-il convenable que le Maire ou le Commissaire de Police, leur en notifie les dispositions.

SECTION III.

Du recours du fabricant contre l'arrêté qui a rejeté sa demande.

Lorsque l'autorisation demandée pour un établissement de deuxième classe a été refusée, où les entrepreneurs peuvent-ils porter leur recours contre cet arrêté ?

Cette question nous semble formellement résoluc par l'article 7 du décret où il est dit : « Le Préfet statuera, sauf le recours au Conseil d'Etat par toutes parties intéressées ». ( Voir page 38 ).

Cependant, il n'en a pas toujours été ainsi, et souvent les Conseils de Préfecture se sont crus compétens pour connaître du recours d'un fabricant auquel on avait refusé l'autorisation pour un établissement de deuxième classe. Ils pensaient sans doute, que l'opposition du fabricant rendait l'affaire contentieuse et par conséquent, de leur ressort, et que le Conseil d'Etat qui connaît des recours contre les arrêtés des Conseils de Préfecture, n'avait point de juridiction directe sur les actes émanés de la seule autorité des Préfets; mais, ce principe qui

serait constant, si le Préfet avait décidé, dans un intérêt privé, en accordant par exemple l'autorisation, ( car alors le Conseil d'Etat aurait à juger un débat élevé entre l'intérêt privé de l'opposant et celui du fabricant qui veut user de sa permission), ne peut être admis quand il a statué en refusant l'autorisation, dans l'intérêt général, auquel il juge que l'établissement pourrait nuire.

Il faut remarquer en outre que sa décision également favorable aux intérêts des réclamans, annulle par le fait leurs oppositions; le Préfet fait donc dans ce cas un acte d'administration qui ne peut ressortir au Conseil de Préfecture, parce que le recours que voudrait exercer le fabricaut, serait, entre l'administration et lui, un débat qui n'aurait rien du caractère contentieux, que donne seule à une affaire une opposition formée par un tiers, et ne pourrait, par conséquent, être jugée que par l'autorité supérieure à celle du Préfet. Ce système est d'ailleurs conforme aux dispositions de l'arrêté du gouvernement du 8 pluviose an XI, et au décret du 12 novembre 1809, qui interdisent aux Conseils de Préfecture le droit de rapporter et de maintenir les arrêtés des Préfets.

Ces principes ont été sanctionnés par des ordonnances royales des 14 novembre 1821, 6 septembre et 15 novembre 1826, et plus récemment encore, le 16 janvier 1828, dans l'espèce suivante :

Par un arrêté du 2 août 1826, le Préfet de police rejeta la demande que lui avait adressée le sieur Gidde, à l'effet d'être autorisé à établir une fabrique de tuiles et de carreaux dans sa propriété sise commune des Prés-St-Gervais ; cet arrêté était motivé sur ce que ce genre d'établissement produisait une fumée épaisse, inconvénient d'autant plus grand

aux Prés-St-Gervais, que cette commune renfermait un assez grand nombre de maisons d'agrément. Il était en outre fondé sur le nombre des oppositions et sur l'avis du Maire de la commune, contre le projet du sieur Gidde.

Celui-ci adressa directement au Conseil de Préfecture une requête tendant à l'annulation de cet arrêté, et cette requête fut renvoyée au Préfet de police, avec invitation de transmettre au Conseil toutes les pièces de l'affaire.

Il se présenta ici une question incidente, qui était celle de savoir si le Préfet devait prendre sur lui de décider que le Conseil de Préfecture n'était pas compétent, et renvoyer le sieur Gidde à se pourvoir en comité du contentieux au Conseil d'Etat, ou bien abandonner au Conseil de Préfecture le soin de juger lui-même la question de compétence, et de statuer au fond, s'il reconnaissait que l'affaire fut de son ressort.

Le Préfet de police s'adressa à cet effet au Ministre de l'intérieur, qui lui répondit qu'il devait communiquer les pièces au Conseil de Préfecture, et ne point s'immiscer dans la marche du pourvoi que le sieur Gidde devait poursuivre à ses risques et périls.

En conséquence de cette décision, les pièces furent communiquées au Conseil de Préfecture, qui accueillit la requête du sieur Gidde, et qui statua sur l'affaire, par arrêté du 8 décembre 1826, dont voici les considérans :

« Considérant qu'avant faire droit au recours du sieur Gidde, il convient de reconnaître la compétence dont l'examen est provoqué par l'arrêté de M. le Préfet de police, du 20 novembre dernier, qui accompagnait l'envoi des pièces au Conseil ».

« Considérant qu'à cet égard c'est dans l'art. 7 du décret du 15 octobre 1810, qu'il faut chercher la solution de la difficulté; que cet article est divisé en trois paragraphes; le premier est ainsi conçu : « L'autorisation de former des manufactures et ateliers compris dans la deuxième classe (la fabrique du sieur Gidde est rangée dans cette classe), ne sera accordée qu'après que les formalités suivantes auront été remplies ».

Le second paragraphe : « L'entrepreneur adressera d'abord sa demande au sous-Préfet de son arrondissement, qui la transmettra au Maire de la commune dans laquelle on projette de former l'établissement, en le chargeant de procéder à des informations de commodo et incommodo; ces informations terminées, le sous-Préfet prendra sur le tout un arrêté, qu'il transmettra au Préfet; celui-ci statuera, sauf le recours à notre Conseil d'Etat par toutes parties intéressées ».

Le troisième paragraphe enfin : «< S'il y a oppo ́sition, il y sera statué par le Conseil de Préfecture, sauf le recours au Conseil d'Etat ».

<< Considérant qu'il résulte de ces dispositions, et notamment du second paragraphe, que deux autorités sont appelées à statuer lorsqu'il s'agit d'autoriser un établissement de seconde classe; l'une, le Préfet, statue dans tous les cas; l'autre, le Conseil de Préfecture, ne doit statuer que lorsqu'il y a opposition.

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Que toute la difficulté pour déterminer la compétence du Conseil, consiste à savoir ce que le réglement a entendu par ces mots : s'il y a opposition. S'agit-il d'oppositions survenues dans l'information, ou des oppositions qui surviendraient à la décision du Préfet? Les exposans seuls, sont-ils aptes à recourir au Conseil de Préfecture? Ce recours est-il

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