il est bien difficile, pour ne pas dire impoffible, qu'un homme fans verta ne foit pas fans vice: la pratique de la vertu n'étant qu'un moyen nécessaire pour nous préserver du péché; enfin, plus nous ferons de bien ici-bas dans la vue de plaire à Dieu, plus nous devons nous attendre à être récompensés dans le Ciel.

La feconde manière de prouver à Dieu notre amour, eft de tout fouffrir avec réfignation pour l'amour de lui. Ce monde eft compofé de pauvres & de riches, de nobles & de roturiers, de gens fains & de malades, de perfonnes qui rient dans la profpérité, & d'autres qui gémiffent dans le malheur. C'est Dieu qui eft l'auteur de toutes ces nuances, & nous devons nous foumettre humblement à fes décrets, avec la certitude que tout est gouverné par fa clémence & fa juftice, & que la diftribution des biens &

la permiffion du mal ne peuvent être qu'un effet de fa fageffe. Il eft vrai que fouvent notre raifon eft en défaut, en voyant l'iniquité triompher, & la vertu dans les fers; mais alors nous devons croire qu'un Dien qui eft la fagelse même & notre père, ne peut avoir qu'une fin jufte & fainte, en permettant ce qui nous parcît un défordre apparent, mais qui, dans le fond, eft un ordre très-réel, puifqu'il en eft l'auteur. Un jour viendra que cette inégale diftribution n'existera plus. Malheur à ceux qui, com blés de biens par Dieu, n'y répondent que par des iniquités. Heureux, au contraire, celui qui, au milieu des tribulations, ne perd jamais Dieu de yue, & regarde ses châtimens, quelque durs qu'ils foient, comme l'étac qui lui eft le plus avantageux! On n'éprouve que trop dans un fort heureux & tranquille, que nous nous laif

fons bercer par le bonheur, & qué nous n'en fommes que plus difpofés à fuccomber aux paffions qui nous affligent. Nous avons befoin de temps en temps de tribulations qui nous réveillent, & qui nous avertiffent que, dans un monde auffi changeant que celui que nous habitons, il n'eft de félicité durable que celle que Dieu promet à fes Élus. L'humiliation eft un état de joie pour un Chrétien, qui, marchant fous l'étendard de la croix, fait qu'il eft dans la voie du Paradis, & que la véritable fainteté confifte dans une entière réfignation. Ainfi, que la pauvreté, les maladies & tous les malheurs réunis, viennent fondre fur un Chrétien, il ne peut manquer de fe dire à lui-même:" C'est par la volonté de Dieu, ou fa permif» fion, que pareils malheurs arrivent : »je fuis né, non pour faire ma

» volonté, mais pour être foumis à la

» fienne: je n'ai point de n'ai point de preuve plus » sûre à lui donner de mon amour, » que mon obéiffance, en recevant » avec joie de fa main, le calice. » que, par goût, j'éloignerois de moi; » que fa volonté foit toujours accomplie: qu'il coupe, qu'il brûle mon » corps, ce célefte Médecin, pourvu qu'un jour je règne avec lui ».

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La troisième preuve de notre amour pour Dieu, eft celle d'aimer; notre prochain, c'eft-à dire, les autres hommes, d'un amour égal à celui que nous avons pour nous. C'est un des préceptes les plus importans, & qui nous eft le plus fouvent inculqué par J.C.& fes Apôtres. Ils veulent que nous aimions jufqu'à nos ennemis, & que nous faffions du bien à ceux qui nous haïffent, ou nous veulent du mal. Examinons avec quel foin pareille mc-. rale nous eft recommandée; n'ayant par nous-mêmes aucun moyen de ren

dre à Dieu le bien que nous tenons de lui, il a déclaré que tout ce que nous ferions à nos femblables feroit fait à lui-même, & que notre bienfaifance feroit la pierre de touche de l'amour que nous aurions pour lui. Il ne s'eft pas contenté de cela; il pro→ met des récompenfes infinies à quiconque foulagera fes frères dans le be foin, & nous prévient que c'eft ce dont il demandera le compte le plus redoutable. Enfin, il nous avertit ( S. Jean. c. 13. v. 35.) que cet amour fraternel, cette charité agiffante, & non simplement de démonstration, eft le lien le plus füûr de notre fociété, & doit être la livrée de fes Difciples, & le caractère du vrai Chrétien.