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CHAPITRE X.

De la Prière.

LA SOURCE des bonnes œuvres,

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ainfi que nous l'avons remarqué, eft l'exercice des trois vertus divines nommées théologales. Il faut obferver maintenant que nous avons toujours au-dedans de nous un ennemi, qui cherche à les combattre, & qui, s'il ne parvient pas à les détruire, tâche le plus qu'il peut d'en diminuer les effets, en nous portant à ces actions qui leur font totalement contraires, & que nous nommons péchés. Compofés de corps & d'efprit, nous participons à la fois à la nature des bêtes & à celle des Anges. Il fembleroit que l'efprit, ou plutôt l'ame douée de raifon, devroit dominer le corps, & en diriger, les affections. Mais, qui n'a pas éprou

que

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les defirs que le corps infpire à l'ame, ne pervertiffent que trop fouvent la raifon, & nous rangent dans la claffe des brutes? Pour peu que nous nous repliions fur nous-mêmes, nous fentons le penchant le plus décidé, ainfi que la plus grande facilité à commettre le mal; & d'un autre côté, ce n'est qu'avec gêne & travail que nous pouvons faire le bien. D'où peut venir un pareil défordre, finon d'une nature corrompue & viciée, fuivant les faintes Écritures, par la tranfmiffion du péché de notre premier père? Nous avons des penchans, des defirs, fouvent des paffions effrénées, qui nous portent à l'intempérance & à la volupté. L'envie d'obtenir des honneurs & des richeffes, nous fait employer les moyens les plus défendus par Dieu & la raifon. Le defir de nous venger, de perdre nos concurrens, nous fait mettre tout en œuvre, jus

qu'aux calomnies, aux médisances, & d'autres moyens encore plus condamnables: la jeuneffe a des vices qui lui font propres, ainfi que l'âge mûr, & les glaces même de la vieilleffe en font infectées. Enfin, nous fentons toujours au-dedans de nous une impulfion fecrette, qui nous porte à n'obéir qu'à ce qui nous plaît, fans penfer à ce qu'exige de nous la foi, l'efpérance & la charité. Nous méprifons toutes les promeffes que Dieu nous a faites pour refter collés à la terre, & nous rendre efclaves de biens fragiles & périffables: c'est à ces penchans défordonnés que nous donnons le nom de concupiscence: elle n'eft, dans le fond, autre chofe qu'un amourpropre, mais un amour fans régle & fans frein; un amour qui ne nous permet d'écouter aucuns des fages confeils de la raifon; & qui, nous faifant préférer notre volonté à celle de Dieu,

place le bonheur où il est impoffible qu'il exifte.

Qui remédiera aux excès d'un amou?propre dont perfonne ne peut fe dire exempt? La raifon nous indique deux reffources principales, auxquelles nous devons recourir. La première vient de Dieu, immédiatement, & confifte dans le fecours puiffant de fa grâce, que nous pouvons obtenir par la prière. L'autre, eft l'effort que doit faire tout Chrétien pour réprimer cet amour-propre, & le régler tellement avec le fecours de la grâce, qu'il foit d'accord avec l'amour divin qui doit nous faire aimer Dieu par-deffus tout. En nous conduifant ainfi, nous nous aimons d'un amour réglé & légitime, & nous ne pouvons que nous conduire d'une façon méritoire. Cet effort continuel du Chrétien contre lui-même, fe nomme mortification, & confifte dans l'abnegation de fa volonté; vertu de nécef

fité indifpenfable, & dont je parlerai bien-tôt. Quant à la prière, elle n'est autre chofe que la demande que nous faifons à Dieu dans nos befoins, afin qu'il nous accorde les grâces & les fecours qui nous font néceffaires pour la vie fpirituelle, & même temporelle. La prière eft une pratique nonfeulement utile & louable, mais encore néceffaire; fans elle, la fuite du péché & la pratique de la vertu font également impoffibles. Pareille vérité eft confirmée l'Écriture & les dogmes de notre Religion. Il eft für que Dieu, par un pur effet de fa bonté, & fans en être prié, accorde fouvent des grâces à fes fidèles ferviteurs, & quelquefois même à des pécheurs; on peut même affurer que le nombre des dernières eft plus grand que celui des premières que nous connoiffons. Mais notre Dieu, malgré l'amour qu'il a pour nous, & fa libéralité gratuite,

par

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