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vre, dit-il, doit commencer par fe renoncer lui-même. Plus on contracte cette heureuse habitude, & plus on s'affermit dans la piété: auffi l'ApôGal. 5 · 24. tre assure-t-il que ceux qui font à J. C. ont crucifié leur chair avec fes paffions & fes defirs déréglés. Une des quatre principales vertus morales, eft la tempérance. Nous pouvons regarder la mortification comme fa fille; & qui a celleci, poffède tout ce qu'il y a de mieux dans la première. Ce n'eft pas, au refte, un combat de quelques jours; les Saints eux-mêmes, quoique fortifiés par une longue épreuve, & s'étant fait une habitude de réfifter aux tentations, doivent être en garde toute leur vie, & prêts à combattre, parce que notre ennemi, tel qu'un lion, rôde fans ceffe autour de nous pour nous dévorer, qu'il nous tend de nouvelles embûches, & que fes défaites continuelles ne lui font pas rallentir fes attaques. Cette

vertu n'est pas le partage feulement

des habitans des cloîtres ou des folitudes; elle doit encore être celui de tout Chrétien qui deûre véritablement le Royaune éternel; les jeunes gens principalement, ont befoin plus que tout autre d'un pareil remède, & ce font eux en général qui s'en fervent le moins. Examinez les enfans dans l'âge le plus tendre; la défobéiffance femble être leur défaut favori, & ils naiffent avec le defir de tout facrifier à leur volonté. Si l'on ne fe fervoir pas de la force pour les réprimer, on les verroit fe porter aux excès les plus capables de leur nuire, & fe former de bonne heure à tous les vices. Les paffions enfuite ne manquent pas de s'augmenter avec l'âge; & comme ils font fans expérience, elles s'enfamment au point de leur faire méprifer les confeils de la prudence & de l'amitié. Alors la porte eft ou

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verte à tous les goûts & à tous les plaifirs, quelque dangereux qu'ils foient pour eux & pour les autres. Qu'heureux eft le fort de ces jeunes gens qui ont appris de bonne heure le bon emploi de la vie, & porté le joug de l'obéiffance! C'eft aux jeunes gens principalement que Salomon adreffoit fes proverbes ; & plût à Dieu que les nôtres en fiffent leur principale lecture! c'est encore une nouvelle école où Dieu nous inftruit. Nous avons à ce fujet plufieurs livres excellents (1), où l'on prouve la néceffité de la mortification.

Il exiftera toujours des tentations; & pour les vaincre, il faut nécef

(1) Muratori cite en cet endroit un Traité du Senpoli, Théatin. - Le chemin fûr du Pa radis du Père Segala, Capucin, ouvrage trèseftimé, & l'exercice des vertus chrétiennes du Père Rodriguès, Jéfuite.

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fairement fe dompter foi-même: c'eft ce que fignifie le précepte de notre Sauveur. Le Royaume des Cieux fe prend Math. 11. avec violence, & ce font les violents qui l'emportent. Auffi, tous les bons Religieux ont-ils grand foin de former leurs Novices dans l'abnégation de leur volonté, c'est-à-dire, l'exercice de la mortification. Ils favent bien que fi nous n'accoutumons pas notre amourpropre à ployer fous le joug de la raifon & de la volonté de Dieu il reffemblera bien-tôt à un courier fougeux, qui nous entraînera hors du chemin, & nous précipitera dans des abyfmes.

Le détail de tout ce que comprend la mortification eft très-considérable ; elle ne fe réduit pas à tenir en bride les paffions lorfqu'elles veulent nous porter à des actions contraires à la raison, à la loi de Dieu, aux décrets de l'Eglife; elle défigne encore le

traitemeut rigoureux du corps, qui, felon l'Apôtre, appefantit l'ame, dont les befoins font une occafion d'intempérance dans le boire, le manger, & les autres plaifirs illicites que nous nommons improprement corporels, puifque les affections quelconques, appartiennent uniquement à l'ame. Nous avons befoin d'une attention toujours foutenue, pour ne déplaire en rien à celui qui veut, pour notre bien, que nous foyons tous juftes & faints. Nous ne parviendrons jamais à nous inftruire à cette véritable école du Chrétien, fi nous n'avons en nous le germe d'une autre vertu peu connue & encore moins pratiquée par les Payens; vertu dont leurs Philofophes, qui fe vantoient d'enseigner au genre humain la fageffe, n'avoient pas même l'idée. Je veux parler de l'humilité, qui eft proprement la vertu du Chrétien, & d'une telle importance, que

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