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XI. I ordonne que l'on couvre les images & les ftatues des Saints, & qu'on ne mette fur l'Autel aucunes reliques dès le moment qu'on expofera le faint Sacrement. Il feroit bien. à defirer que de pareils Mandemens. fuffent auffi connus que ftrictement obfervés. On ne peut que rendre juftice à la piété du peuple, qui lui fait placer dans les rues & les places publiques des images de la fainte. Vierge & des Saints; cependant à voir le peu de refpect qu'on a pour elles, & que fouvent elles ne font qu'occafionner des fcandales ou exciter la cupidité des voleurs, ne feroit-il mieux qu'on ne les exposat que dans les Eglifes publiques, plutôt que dans les maifons particulières ? C'eft de cette multiplicité d'images dont fe plaignoit: à fi jufte titre Ambroife Cattarin, lorfqu'il 'élevoit contre les perfonnes qui font des quêtes pour les parer

pas.

ou faire brûler des cierges devant elles. Pareille dévotion populaire eft trèspeu importante, quoi qu'en dife un Prédicateur, à qui j'entendis faire le plus pompeux éloge d'une ville, parce qu'on y voyoit, plus que dans toute autre de l'Italie, des ftatues & des images de Saints, ornées avec le plus grand foin. Je ne peux me laffer de répéter que la fainte Vierge & les Saints demandent autre chofe de nous, que des apparences vaines, ou des dehors fouvent trompeurs.

Après le refpect & la vénération qu'on doit aux images des Saints, comment ne pas trouver indécent qu'om les faffe fervir d'enfeigne aux tavernes, aux cabarets, & qu'on place des croix. le long des murs, pour les garantir des ordures (1). Le peuple devroit:

(1) L'ufage à Florence, & dans prefque,tou tes les Villes d'Italie, est de garnir d'un grand

encore favoir qu'il n'existe qu'une feule Vierge bienheureufe, quoiqu'elle change de nom fuivant les Eglifes & les Confrèries; la Vierge du Rofaire ou du Carmel n'eft pas plus refpectable que celle de tout autre endroit ; elle :; règne dans le ciel, toujours difpofe à écouter quiconque recourt à fon interceffion; c'est notre opinion qui la différencie, & fes faveurs ne dépendent pas d'un lieu plus orné ou plus fréquenté qu'un autre, mais des difpofitions & du degré de foi de ceux qui l'invoquent.

Un des excès qui mérite le plus d'être reprimé, eft celui des perfonnes du peuple, qui paroiffent, par leur conduite, mettre le culte de la fainte Vierge & des Saints au-deffus de celui de

nombre de croix en peinture, le bas des maifons, afin qu'on n'y vienne point faire d'or duic

J. C. Qu'on faffe une proceffion de la fainte Vierge, on les verra auffi-tôt abandonner celle du faint Sacrement pour courir à la première; la même chofe arrive souvent à Padoue à celle de faint Antoine; auffi plufieurs Evêques pleins de zèle, l'ont-ils quelquefois défendue, ou remise à un autre jour; parce que tombant précisément dans l'octave du faint Sacrement, tout le peuple fe portoit à la Proceffion du Saint, & celle de notre divin Sauveur étoit déferte. Si l'on pouvoit lire dans le cœur des ignorans, on y verroit que c'eft la feule idée d'obtenir des miracles qui les détermine plutôt pour le Saint que pour J. C. qui eft véritablement l'Auteur & la fource de toute grâce. L'imagination des gens groffiers eft d'ailleurs plus remuée par la ftatue de la fainte Vierge ou d'un Saint, que par le Sacre

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ment de l'Autel, où ils ne voyent à

l'extérieur aucun trait du Dieu qui eft réellement préfent. Pareils défordres ont été caufe que des gens, auffi fages qu'inftruits, ont fouvent formé des fouhaits pour remédier aux abus des images & des ftatues. Ils conviennent que l'usage en eft utile & conforme à l'enfeignement de l'Eglife; mais ils avouent en même-temps que la méthode de les porter en proceffion, n'a cominencé que dans des fiécles de barbarie, peu faits pour nous fervir de règle; & que dans les temps vraiment éclairés, les Proceffions n'avoient lieu que pendant les jours de pénitence, lorfque l'on chantoit les Litanies, ou dans d'autres circonstances particulières. On doit encore convenir, ajoutent-ils, que l'Eglife ayant permis l'ufage des statues, c'est un point de difcipline qu'elle est maîtreffe de changer; je n'infifterai pas davantage fur les raifons qui peuvent L'y déterminer, je dirai feulement que

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