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sa faiblesse, c'était leur indiquer l'usage de leurs forces, Dès qu'ils s'aperçurent qu'ils pouvaient encore devenir redoutables, ils le furent. On les ménagea, on traita avec eux; ils s'armèrent des premières concessions qu'on leur avait faites, pour en exiger de nouvelles ; et le ministère, qui était réduit à vivre au jour le jour, achetait aux dépens de la monarchie, la prolongation de sa caduque exis

tence.

Néanmoins, pendant la session des Chambres, les doctrines pernicieuses trouvaient encore, parmi les députés, de courageux adversaires, et les principes conservateurs de la monarchie, d'éloquens défenseurs. Mais quand la tribune devenait muette, il semblait que la bonne cause, celle de l'immense majorité de la nation, n'eût plus d'avocats. Le poison seul circulait alors sans aucun antidote. Enfin, quelques hommes recommandables, moins encore par leur nom que par leur talent, et sur-tout par leur dévoûment éprouvé à la monarchie légitime, résolurent de rompre un silence qui pouvait laisser croire aux gens faciles à tromper, parce qu'ils aident à se tromper eux-mêmes, que les, royalistes, faibles et découragés, se regardaient comme vaincus. : Le Conservateur parut; et dès qu'il fut annoncé, il n'eut que l'embarras du choix parmi les nombreux et excellens articles qui lui furent adressés par des royalistes de tous les rangs, de toutes les conditions. Un numéro par jour n'épuiserait pas les tributs qu'on lui apporte. Cependant, F'intervalle et la dimension des livraisons obligent d'ajourner l'impression de certains articles, auxquels ce retard peut faire perdre une partie de leur utilité et du mérite de

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l'à-propos. Est-ce assez d'ailleurs d'un porte-voix pour se faire entendre de tous les royalistes de France? Nos ennemis, qui ne parlent qu'à quelques groupes de leurs partisans dispersés sur la surface du royaume, ont tellement multiplié leurs moyens de correspondance, qu'elle est devenue、 journalière. Nous ne citerons pas les nombreuses succursales de la métropole du carrefour Bussy, consacrée sous le nom de la déesse de la Sagesse, qui réprouve de pareils desservans.

Le Conservateur a fait beaucoup de bien, et je le louerais davantage, si je n'avais eu l'honneur d'y coopérer. J'ai pensé qu'une autre feuille pouvait paraître à côté de lui, sans excéder ni les désirs des royalistes ni les besoins de notre cause; et nous présentons aux vrais Français le Drapeau blanc, certains d'être bien accueillis par eux en nous annonçant sous de pareils auspices.

Nous avons choisi le titre de Drapeau blane, comme le plus significatif de tous ceux que nous pouvions prendre. Il exprime avec une si heureuse concision, avec une énergie si pittoresque l'objet que nous nous proposons, que le titre seul aurait pu servir de prospectus à la feuille. Quand on voit les choses et les hommes prendre une direction toute opposée à celle qu'indiquent les vrais intérêts de la monarchie légitime; quand on voit se relever audacieusement certaines têtes qui jamais ne se sont parées que des couleurs de l'insurrection, ou' du bonnet sanglant de l'anarchie, il faut bien arborer le Drapeau blanc. Ce signe révéré de nos pères doit nous être bien cher et bien précieux, puisque c'est sans doute à son apparition spontanée qu'à une

époque critique, et encore récente, nous avons dû le retour des Bourbons.

Nous aurons, il faut bien le prévoir, plus d'une occasion de déplaire au ministère. Nous ne les chercherons pas ; et nous nous estimerions bien heureux de pouvoir marcher sur la ligne qu'il aurait tracée: ce serait la preuve qu'il se rendrait enfin à cette vérité si simple qu'elle ne peut être méconnue que volontairement: Ce n'est ni avec les principes ni avec les hommes qui ont renversé le trône qu'on parviendra jamais à le rétablir et à le consolider. Le plus beau jour pour les royalistes, sera celui où ils pourront servir de tous leurs efforts, et appuyer de toute leur confiance, ceux qui sont chargés de la haute administration des affaires.

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Si, par la nature des choses, par la forme même de notre Constitution, il est inévitable, il est peutêtre utile qu'il s'élève une opposition, on peut du moins affirmer que ce sera toujours la faute du ministère quand il se trouvera pressé entre deux oppositions. La naissance de notre Gouvernement représentatif a été marquée par ce phénomène politique, qui semble pourtant ne devoir être qu'un signe de caducité.

Nous n'osons donc attendre aujourd'hui, de l'autorité, ni bienveillance, ni faveur, ni protection; nous ne savons même s'il est permis d'espérer que la vérité, la raison, l'honneur et la fidélité obtiendront la même tolérance que le mensonge, l'erreur, la félonie et la sédition. Quoi qu'il puisse arriver, nous ferons flotter le Drapeau blanc jusqu'à la dernière extrémité.

La feuille décorée de ce titre formera, tous les

trois mois, un volume de 5 à 600 pages, du même format et du même caractère que le présent Prospectus. Elle sera donnée au public par livraisons qui paraîtront à des époques indéterminées, mais combinées de manière à ce que les numéros se croisent avec ceux du Conservateur.

Voici quelle sera ordinairement la division des matériaux qui composeront chaque numéro :

POLITIQUE INTÉRIEURE,

POLITIQUE EXTÉRIEURE,

NOUVELLES,

LITTÉRATURE,

CORRESPONDANCE,

MÉLANGES.

Nous nous attacherons à répandre de la variété dans chaque livraison. Si la discussion des hautes matières politiques demande une certaine gravité, des mélanges piquans, des épigrammes, des vers, des chansons feront diversion à cette lecture sérieuse. Nous savons trop combien l'arme de la plaisanterie et du ridicule est puissante en France, pour négliger ce moyen de succès.

Déjà nous nous sommes assuré, pour cette utile entreprise, l'assistance de plusieurs hommes de lettres aussi estimables par leurs excellens principes que par leur talent. Nous n'en sollicitons pas avec moins d'empressement, nous ne recevrons pas avec moins de reconnaissance, tous les secours qui nous seront adressés par ceux qui voudront concourir au succès du Drapeau blanc. Les personnes qui signeront leurs articles, les verront insérés sans aucun changement; celles qui désireront garder l'anonyme, nous permettront d'y faire les modifications que le soin de notre responsabilité nous paraîtra devoir exiger.

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Si, comme nous l'espérons, le Drapeau blanc est bien reçu des bons Français, auxquels nous le présentons, une forte partie des bénéfices de chaquë trimestre sera consacrée à offrir quelque soulagement à ces victimes de l'honneur, qui, dans l'âge des infirmités, expient par la misère et l'abandon, le crime de dévoûment et de fidélité. Ceux-là n'ont point de champ d'asile lorsqu'ils baignaient de pleurs la terre d'exil où des lois de sang les repoussaient, on n'a point fait de souscription pour ces refugiés involontaires; le plus léger secours qu'ils ont reçu, a peut-être coûté la vie au bon parent, à l'ami généreux qui n'a point étouffé la voix de la pitié.

POLITIQUE INTÉRIEURE.

DE L'ANCIEN ET DU NOUVEAU MINISTÈRE.

Si jamais il s'est joué sur le grand théâtre politique une scène bizarre, c'est celle dont le dénoû ment a été la chute d'une partie de l'ancien ministère, et la formation d'un ministère semi-nouveau, La scène n'a pas manqué de cette sorte d'intérêt qui résulte d'une brusque péripétie. C'est à l'instant même où les honnêtes gens se flattaient de voir faire quelques pas rétrogrades vers le bien, qu'ils ont vu recommencer avec plus d'imprudence et de rapidité la marche dans la route du mal.

On aurait ri de bon cœur de la mystification dont une partie de l'ancien ministère a été la dupe,

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