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Le rapporteur continue la lecture; il fait celle du pouvoir donné au citoyen Guermeur par le conseil exécutif provisoire, à l'effet de se transporter à Brest et à Lorient pour la recherche des armes.

› Lesage. Je demande, président, que vous fassiez exécuter le décret qui vient d'être rendu, et qu'on nous fasse lecture des procès-verbaux des effets trouvés sur Guermeur.

› Choudieux. Il y a une conspiration pour faire perdre le temps de l'assemblée. (De grands murmures s'élèvent. Plusieurs voix : J'appuie la proposition de Lesage.)

› Thuriot. Président, consultez l'assemblée sur l'élargissement du détenu. (De nouvelles réclamations s'élèvent.)-Le président maintient le décret, et le rapporteur continue la lecture.

› Le premier témoin dépose avoir entendu dire au prévenu que Roland, Brissot, Vergniaud, Guadet, étaient des hommes détestables; que Marat et Robespierre étaient des patriotes par excellence. (Un violent mouvement éclate dans l'assemblée.)

› Marat. Oui, oui, c'est vrai. (Mouvement d'indignation.) (1)»

(1) La partie de cette séance que nous avons mise entre guillemets est extraite par nous du journal le Républicain français, no XCI, à l'exception de la pièce intitulée : Pouvoir du comité de police, etc., que nous avons voulu transcrire en entier. Le Moniteur donne les pièces à la suite l'une de l'autre dans un ordre différent de celui dans lequel elles ont été lues, et il ne renferme aucune des interruptions de l'assemblée pendant cette lecture. Nous avons préféré ne donner qu'une analyse de documens fort peu intéressans en eux-mêmes, et conserver le drame parlementaire. - Le journal auquel nous avons emprunté cette analyse commence le mardi 13 novembre 1792, et non pas le jeudi 15, ainsi que M. Deschiens l'a avancé dans sa Bibliographie, pag. 505. Ce qui a pu tromper M. Deschiens, c'est que le second numéro renferme le prospectus. Cette feuille porte pour épigraphe :

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Magnus ab integro nascitur ordo,

Orbique incipiunt magni procedere menses. (Virg.)

Elle est in-folio, imprimée sur trois colonnes. On lit au bas de la quatrième page l'avis suivant: « Ce journal, dont la partie de la Convention est extraite du travail du citoyen F. GUIRAUD, inventeur de l'art logotypographique, paraîtra tous les jours. Le prix de l'abonnement, franc de port, est, pour Paris, à l'année, 60 liv,; six mois, 32 liv.; trois mois, 18 liv. Pour la province, à l'année, 72 liv.; six mois, 48 liv.; trois mois, 21 liv. On s'adressera pour l'abonnement à la citoyenne Lamotte, rue de Richelieu, no 14. » Ce journal s'intitule le Républicain universel jusqu'au numéro 39; au numéro 40 il prend le titre de Républicain français. (Note des auteurs.)

On achève la lecture des pièces.

[Lesage. Cette affaire vous occupe déjà depuis long-temps. Il est impossible qu'elle ne donne pas lieu à une discussion trèslongue encore. Vous devez avant tout organiser l'armée. Je demande donc l'ajournement et l'impression de toutes les pièces. (Plusieurs voix à droite: Et l'envoi aux départemens; il faut connaître le style de la commune de Paris.)

L'impression est décrétée.

Thuriol. Je demande que le citoyen détenu soit mis provisoirement en liberté.

On réclame l'ordre du jour.

La proposition de passer à l'ordre du jour est mise aux voix. L'épreuve paraît douteuse. On recommence l'épreuve.

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Le président. Sur six secrétaires, quatre sont d'avis que l'épreuve est douteuse; deux sont d'avis qu'il n'y a pas lieu à délibérer. Je suis de ce dernier avis; mais quatre doivent l'emporter sur trois. (Quelques murmures.-Plusieurs voix : Il n'y a pas de doute.)

Marat demande la parole. - De vives altercations s'élèvent entre lui, Panis et quelques autres membres placés à la droite de la tribune. Le tumulte et l'agitation se prolongent.

On demande l'appel nominal.

Marat insiste pour avoir la parole. - S'adressant à quelques membres de la partie droite qui l'interrompent... Taisez-vous, malheureux, laissez parler les patriotes... Taisez-vous, contre-révolutionnaires... S'adressant avec des gestes violens à un membre qui s'avance vers lui: Tais-toi, trésorier de France.

Lasource. Je ne m'oppose point à l'appel nominal, à une seule condition comme il va nous faire perdre beaucoup de temps, et que nous devons nous occuper d'organiser l'armée, je demande que la séance ne soit levée qu'à 7 heures.

Boissieu. Dans le doute, le citoyen doit être mis en liberté. Charlier. Je demande le décret d'accusation contre Roland et sa clique... (Plusieurs voix : Bien vu... — Appuyé.)

Châles. J'ai demandé la parole pour une motion d'ordre, Du

hem a fait lecture d'un grand nombre de pièces; on en a demandé l'impression, et subséquemment la liberté provisoire du citoyen détenu. Ici j'invoque le grand principe de la liberté individuelle. Aucun citoyen ne peut être mis en arrestation s'il n'y a contre lui un décret de prise de corps. Je me borne, en vertu de la loi positive et de la déclaration des droits de l'homme, à demander que ce citoyen soit élargi. La Convention ne doit pas oublier qu'il y a quelques jours elle a décrété l'élargissement d'un journaliste bien plus coupable.

Lecointre-Puyraveau. Ce serait de la part de la Convention une étrange inconséquence si elle mettait un citoyen en liberté lorsqu'après la lecture des pièces elle a déclaré n'être pas assez instruite. C'est une absurdité, car si ce citoyen se trouvait coupapable, il serait impossible de le retrouver. Vous devez passer à l'ordre du jour. Si cette observation ne suffit pas pour vous faire tenir à votre règlement, j'ajoute que j'ai été frappé dans la lecture des pièces de l'article relatif à Camus (1).

Marat. C'est un fou envoyé par la députation du Finistère (2). Un député de ce département. Je prends acte de la calomnie de

Marat.

Thuriot. Il est nécessaire de relever un fait pour l'honneur de Camus lui-même. (On murmure.) Le vol était fait depuis deux jours...

Plusieurs voix. L'ordre du jour.

Marat. Maintenez la parole à Thuriot, président. S'adressant aux membres de l'extrémité droite qui interrompent: Vous êtes des gredins, des aristocrates, des coquins... (De longs murmures couvrent ces apostrophes.)

(1) Voici cet article : « Le citoyen Maufra déclare avoir entendu dire à Guermeur qu'avant de partir pour Paris il avait, avec ses collègues du département de police, signé un ordre contre Camus, archiviste de l'assemblée, fondé sur le refus de ce dernier d'exécuter les ordres donnés relativement au pillage qui devait avoir lieu à Paris au Garde-Meuble national. » (Le Républicain français, loc. cit.) (Note des auteurs.)

(2) Au lieu de ces mots, il y a dans le Républicain français : « Marat. C'est un faux de la députation dy Finistère. » (Note des auteurs.)

Thuriot. Voici le fait : Camus était en patrouille au moment du vol du Garde-Meuble. Il aperçut des gendarmes en surveillance; il fut étonné de les voir ainsi placés ; il les fit enlever. La Commune qui les avait placés le trouva mauvais, mais il n'y eut pas de mandat contre Camus. J'insiste sur l'élargissement du détenu. (De nouveaux murmures repoussent cette proposition. ) La discussion est fermée.

Plusieurs voix. Aux voix l'ordre du jour.

Legendre. Lorsqu'il y'a du doute, c'est en faveur du détenu. (Murmures à la droite.) Je réclame l'exécution d'une loi. (Nouveaux cris: Aux voix l'ordre du jour.) Je demande la parole.... Le président. Je ne puis vous l'accorder, et je n'obéirai qu'à la volonté de l'assemblée.

Legendre. Président, si vous me refusez la parole, donnez-la donc à ceux qui veulent faire le procès à la révolution... Oh! le peuple les connaît déjà tous. (Le tumulte recommence. )

Duhem. Je demande la parole pour un fait : Le détenu a offert de donner caution; on n'a pas voulu lui rendre sa liberté. ( Une voix à la droite: Qu'est-ce que cela prouve?

Marat se tournant vers l'interlocuteur. Tais-toi, conspirateur. Duhem. Siégeons-nous ici dans une assemblée de contre-révolutionnaires?

Marat. Faites vider les tribunes; il y a là un insolent qui manque aux députés.

Doulcet. Président, je demande la parole contre vous si vous ne réduisez au silence ceux qui vous la dérobent audacieusement. Duhem. Il faut déclarer que la loi du 9 octobre n'a été présentée par Gensonné que pour sauver les contre-révolutionnaires. Le président remet aux voix l'ordre du jour.

L'épreuve paraît encore douteuse aux secrétaires. Il s'élève de nombreuses et violentes réclamations contre le bureau. L'épreuve est recommencée, et l'assemblée passe à l'ordre du jour à une grande majorité. ]

Le n° CXXIII du journal de Marat commence ainsi le compterendu de la séance que l'on vient de lire : « Depuis quinze jours le vertueux Pétion n'a pas mis le pied à l'assemblée, et Vergniaud, Guadet, Brissot, Gensonné, Barbaroux, Salles n'y ont paru que quelques instans: où sont-ils donc ces meneurs de la bande infâme des suppôts du royalisme et des ennemis du peuple? Dans d'obscures tavernes, à machiner contre la patrie avec les émissaires des généraux, les ministres vendus, les chefs des ennemis de la liberté, peut-être même avec les agens secrets des puissances conjurées contre la France libre. Tandis qu'ils conspirent dans des conciliabules, leurs acolytes conspirent dans le sénat contre les citoyens les plus zélés et les meilleurs patriotes. Hier le comité de sûreté générale fit un rapport sur le patriote Guermeur, etc.

SÉANCE DU 14 AU SOIR.

[Une députation du second bataillon du département de l'Aude, employée dans l'armée du Var, est admise à la barre, et présente une dénonciation contre le général Anselme. Les pétitionnaires l'accusent d'une foule de dilapidations et de prévarications de tous genres; ils joignent à leur dénonciation un mémoire et des pièces justificatives sur la conduite du général.

Tallien. Depuis long-temps il vient de toutes parts des dénonciations contre le général Anselme : vous ne pouvez plus douter qu'il ne soit coupable. Je demande qu'il soit mis à l'instant en état d'arrestation.

Goupilleau. Les commissaires que vous avez envoyés à Nice sont prêts à vous faire leur rapport. Je demande que vous les entendiez avant de prendre aucune mesure à l'égard du général Anselme.

La proposition de Goupilleau est adoptée.

Un pétitionnaire. L'objet de ma pétition est de vous dénoncer de nouvelles prévarications dans la fabrication des assignats. Cha

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