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effet, que Joséphine l'avait tout-à-fait oubliée ; elle ne pouvait regarder le mot de divorce prononcé par Napoléon que

comme un mouvement

d'humeur, un peu fort peut-être, mais qui ne renfermait aucune arrière-pensée. Quatre mois encore, et la malheureuse Joséphine devait céder à une autre et le trône de France et les caresses de son époux.

L'empereur venait d'ajouter à ses victoires, et, par cela même, de reculer les bornes de son ambition. L'idée que sa dynastie s'éteindrait avec lui le dévorait; il ne pouvait plus espérer d'héritier de Joséphine, et le projet de divorce fut dès-lors irrévocablement fixé.

L'affaire ne traîna pas en longueur : le 18 décembre, un message de l'empereur fut apporté au sénat par les orateurs du conseil - d'état, comtes Regnault-de-Saint-Jean-d'Angély et De

fermont.

Aussitôt qu'ils furent introduits, le prince archi-chancelier, président, prit la parole en

ces termes :

«< MESSIEURS,

» Le projet qui sera soumis, dans cette séance, à la délibération du sénat, contient

>> une disposition qui embrasse nos plus chers >> intérêts.

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>> Elle est dictée par cette voix impérieuse,

qui avertit les souverains et les peuples que, » pour assurer le salut des états, il faut écou>>> ter les conseils d'une sage prévoyance, rap

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peler sans cesse le passé, examiner le présent, >> et porter ses regards sur l'avenir.

>> C'est devant ces hautes considérations que, » dans cette circonstance à jamais mémorable, » S. M. l'empereur a fait disparaître toutes les >> considérations personnelles, et réduit au si>> lence toutes ses affections privées.

>> La noble et touchante adhésion de S. M. » l'impératrice est un témoignage glorieux de » son affection désintéressée pour l'empereur, >> et lui assure des droits éternels à la recon»> naissance de la nation.

» C'est désormais au peuple français à se faire » entendre; sa mémoire est fidèle comme son » cœur. Il unira, dans sa pensée reconnaissante, » les espérances de l'avenir et les souvenirs du passé ; et jamais monarques n'auront recueilli

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plus de respect, d'admiration, de gratitude et

>> d'amour que Napoléon immolant la plus

>> sainte de ses affections au besoin de ses su

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jets; que Joséphine immolant sa tendresse pour le meilleur des époux, par dévoûment pour le meilleur des rois, par attachement » pour le meilleur des peuples.

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Acceptez, Messieurs, au nom de la France >> attendrie, aux yeux de l'Europe étonnée, ce » sacrifice, le plus grand qui ait été fait sur la >> terre, et, pleins de la profonde émotion que >> vous éprouvez, hâtez-vous de porter au pied » du trône, dans les tributs de vos sentimens, >> le sentiment de tous les Français; seul prix >> qui soit digne du courage de nos souverains, >> seule consolation qui soit digne de leurs

» cœurs. >>>

Le comte Regnault de Saint-Jean-d'Angély obtient ensuite la parole et soumet à l'assemblée un projet de sénatus-consulte portant : << Dissolution du mariage contracté entre l'em>> pereur Napoléon et l'impératrice Joséphine. >> Ce projet était ainsi conçu :

« ART. 1°. Le mariage contracté entre l'em>> pereur Napoléon et l'impératrice Joséphine >> est dissous.

» ART. 2. L'impératrice Joséphine conser

» vera les titre et rang d'impératrice et reine >> couronnée.

>> ART. 3. Son douaire est fixé à une rente >> annuelle de deux millions de francs sur le » trésor de l'Etat.

» ART. 4. Toutes les dispositions qui pour>> ront être faites par l'empereur Napoléon en » faveur de l'impératrice Joséphine, sur les >>> fonds de la liste civile, seront obligatoires » pour ses successeurs.

» ART. 5. Le présent sénatus-consulte sera » transmis, par un message, à S. M. l'impéra>>trice et reine. » Et l'orateur continua de développer ainsi qu'il suit les motifs de ce projet. Monseigneur, Sénateurs, dit-il, l'acte so>> lennel rapporté en entier dans le sénatus>> consulte que vous venez d'entendre en con>> tient seul tous les motifs.

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>> Que pourrions-nous ajouter? quelles pa» roles pourrions-nous adresser au sénat fran>> çais qui ne fussent bien au-dessous des paroles >> touchantes recueillies de la bouche des deux >> augustes époux, dont votre délibération va >> consacrer les généreuses résolutions?

» Leurs cœurs se sont entendus

pour

faire au

plus grand des interêts le plus noble des sa>> crifices; ils se sont entendus faire parler

pour

» à la politique et au sentiment le langage le

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plus vrai, le plus persuasif, le plus parfait >> pour convaincre et pour émouvoir.

>> Comme souverains et comme époux, l'em» pereur et l'impératrice ont tout fait, ils ont >> tout dit.

» Il ne nous reste qu'à les aimer, les bénir, » les admirer. »

Après ce discours, qui ne laissa pas de produire une profonde impression sur tous ceux qui l'avaient écouté, Eugène Beauharnais prit à son tour la parole en ces termes :

>>

<< Princes et Sénateurs,

>> Vous venez d'entendre la lecture du projet du sénatus-consulte soumis à votre délibé>> ration ; je crois devoir dans cette circonstance >> manifester les sentimens dont ma famille est >> animée.

» Ma mère, ma sœur et moi, nous devons >> tout à l'empereur. Il a été pour nous un vé>> ritable père; il trouvera en nous, dans tous >> les temps, des enfans dévoués et des sujets

>> soumis.

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