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(art. 526 et 528, C. proc. civ.); les matières | d'ordre (art. 767, C. proc. civ.).

parties, nous serions porté, au contraire, à penser que la question devrait être autrement résolue (1). (V. ces observ., Sirey, t. 9, p. 65.) [En effet, comme nous l'avons dit sous la

La cour de Limoges a jugé, le 19 juill. 1810 (Talandier, no 395), que, quoique, en thèse générale, l'exécution des arrêts infirmatifs ap-Quest. 1699 bis, et comme l'enseignent tous partienne aux cours dont ils émanent, cependant, en matière d'ordre, l'art. 767, C. proc., indiquant d'une manière positive que c'est au commissaire chargé d'ouvrir le procès-verbal d'ordre, à continuer son opération après la décision sur l'appel des contestations survenues, c'est là une véritable attribution de juridiction qui rentre dans l'exception signalée par l'art. 472.

Nous approuvons cette décision, mais non ses motifs puisqu'il ne s'agissait pas d'exécution par suite d'instance, ce cas ne rentrait pas même dans la disposition générale de l'article 472; il n'était donc pas besoin de la disposition exceptionnelle du même article pour le soustraire à la connaissance de la cour. (V. notre Quest. 1698 bis.)

Les lois relatives aux faillites attribuent aussi juridiction, en ce qui les concerne, au tribunal du domicile du failli. Aussi n'approuvons-nous pas un arrêt du 24 avril 1839 (Devilleneuve, t. 39, p. 265), par lequel la cour d'Amiens a jugé que lorsqu'en appel un jugement déclaratif de faillite est annulé pour vice de forme, la cour, si elle n'évoque pas le fond, peut renvoyer la cause devant un autre tribunal que celui de l'ouverture de la faillite.] 1700. Une cour qui, sur une demande en revendication de biens, a statué, par arrét INFIRMATIF, sur les qualités des parties et sur leurs droits respectifs à la chose, peut-elle connaître de la demande en partage des biens qui ont fait l'objet du litige?

La cour de Liége, par arrêt du 27 juill. 1808, a prononcé qu'une telle demande n'avait pour objet que l'exécution de l'arrêt infirmatif, et qu'en conséquence elle avait été valablement intentée devant la cour, conformément à l'article 472. Nous sommes loin de croire que cette décision soit à l'abri de toute controverse, et, d'après les raisons que Sirey a recueillies, en rendant compte des moyens des

les auteurs que nous y avons cités, la demande en partage est une de celles dans lesquelles la loi attribue juridiction, et cette juridiction est attribuée, par l'art. 822, C. civ., au tribunal de l'ouverture de la succession. Ce sera donc toujours à ce tribunal que la demande en partage devra être portée, que les opérations du partage devront se poursuivre, encore qu'elles soient la suite ou le résultat d'un arrêt par lequel la cour aura infirmé un jugement de ce tribunal. Il en sera de même des demandes en provision pendant partage.

C'est ce qu'ont jugé avec raison la cour de de cass., le 12 juin 1806 (Sirey, t. 10, 1re, p. 974), et les cours de Limoges, 24 juillet 1825 (Talandier, no 394), et 20 mai 1833 (Sirey, t. 53, p. 748); de Bordeaux, 24 fév. et 5 mars 1826, 14 déc. 1827, 6 fév. 1828 et 2 juin 1831).

Un seul arrêt, émané de la cour de Grenoble, . le 13 août 1830, vient appuyer celui de la cour de Liége cité par Carré, et que combattent aussi Loret, t. 5, p. 214, et Merlin, Quest., vo Appel, 14, art. 1o, no 13.]

ART. 473. Lorsqu'il y aura appel d'un jugement interlocutoire, si le jugement est infirmé, et que la matière soit disposée à recevoir une décision définitive, les cours royales et autres tribunaux d'appel pourront statuer en même temps sur le fond définitivement, et par un seul et même jugement.

Il en sera de même dans les cas où les cours royales ou autres tribunaux d'appel infirmeraient, soit pour vices de forme, ou pour toute autre cause, des jugements (2) définitifs.

Ordonn. de 1667, tit. VI, art. 2. Loi du 24 août 1790, tit. II, art. 15. C. proc., art. 528. - [Devilleneuve, eod, nos 1 à 52. Carré, Compét., 2o part., liv. Jer, tit. Jer, ch. 1er, art. 10, Quest. 26; 2e part., liv. Ier, tit. Ier, ch. 1er, art. 16, Quest. 59, à la note;

(1) Ceci nous conduit à faire cette observation générale, qui, si elle est fondée, peut contribuer à fixer les opinions sur le sens et l'application de l'art. 472; c'est qu'il faut se garder de confondre, comme nous croyons que l'a fait la cour d'appel de Liége, ce qui est, ou ce qui peut être à faire pour qu'un jugement produise ses effels, avec les demandes qui pourraient, à la vérité, se rattacher à l'objet de ce jugement, qui pourraient même être fondées sur la décision qu'il renferme, mais qui, néanmoins, si elles n'étaient pas faites, ne l'empêcheraient pas de recevoir son exécution, c'est-à-dire de produire, relativement aux objets qui ont fait la

matière des conclusions des parties, les effets qu'elles se sont proposé d'obtenir.

Par exemple, une opposition à une saisie faite en vertu de l'arrêt confirmatif ne nous paraîtrait pas devoir être portée à la cour, si elle n'était pas fondée sur des moyens tirés du jugement même que cet arrêt aurait confirmé. Cette opinion trouve d'ailleurs un appui dans l'arrêt de la cour de Rennes du 9 mars 1813. [V. notre Quest. 1698 bis.]

(2) V. notre Traité des lois d'org. et de Compét., art. 16.

2e part., liv. Ier, tit. Ier, ch. 6, art. 61, Quest. 92 ; est réellement disposée à recevoir une décision 2e part., liv. II, tit. III, art. 258, Quest. 255; 2o part., définitive, puisque, dans ce cas, les premiers liv. II, tit. III, art. 259, no CLXV; 2o part., liv. II, tit. III, art. 259, no CLXV; 2e part., liv. III, tit. III, juges ayant prononcé sur le fond, deux dech. 2, art. 364, no CCXXIV; 20 part., liv. III, tit. V,grés de juridiction ont été remplis (3). (ExLocré, t. 9, p. 343, no 7; p. 353, posé des motifs.) (4). no 14; p. 369, no 23, et p. 383, no 21.] (1).

ch. 2, art. 459.

CCCXCIII. Dans notre organisation judiciaire on ne regarde plus la juridiction comme une sorte de patrimoine rien ne s'opposait donc à ce que le droit de juger fût attribué ou modifié suivant l'intérêt des parties.

L'ordonnance de 1667 avait défendu à tous juges d'évoquer les procès pendants aux tribunaux inférieurs, sous prétexte d'appel ou de connexité, si ce n'était pour juger définitivement en l'audience et sur-le-champ, par un seul et même jugement (2).

Alors l'appel était reçu de tous les actes d'instruction. Ainsi presque toutes les causes pouvaient être évoquées avant même qu'elles fussent instruites, et la disposition qui ordonnait de juger à l'audience et sur-le-champ était sans cesse et impunément violée.

Mais nous avons vu, art. 451, qu'il n'est plus permis d'appeler avant le jugement définitif, que des jugements interlocutoires qui auraient préjugé le fond.

1701. Quel est le mode de prononcer sur les appels (5)?

Pour résoudre cette question, il faut considérer avant tout qu'en matière civile, un tribunal d'appel est tout à la fois juge de la forme et du fond; qu'il est chargé de maintenir les règles de l'ordre judiciaire en même temps que les règles du droit et de la justice; que sa mission consiste non-seulement à redresser les irrégularités que les premiers juges ont pu commettre dans la forme de leurs actes, mais aussi à corriger les erreurs ou les omissions qui ont pu leur échapper sur le fond de l'affaire.

De là plusieurs conséquences que l'on trouve énoncées aux Questions de Merlin, t. 1, p. 159, v° Appel, no 2, et dans l'ouvrage de Berriat, titre du Jugement d'appel.

Premièrement, lorsque l'appel est nul ou non recevable, soit parce que l'acte d'appel n'est pas rédigé ou signifié conformément aux formalités prescrites par les articles 61, 68, Dans le cas où l'interlocutoire serait infirmé, 456, etc., soit parce qu'il a été signifié après et où la matière serait disposée à recevoir un les délais, soit enfin parce que le jugement a, jugement définitif, les juges d'appel peuvent pour toute autre cause, l'autorité de la chose le prononcer. La loi s'en rapporte à leur sa-jugée, alors les juges d'appel se bornent à gesse pour décider si, dans ce cas, il ne serait pas inutile, s'il ne serait pas même préjudiciable aux parties de leur faire encore parcourir deux degrés de juridiction.

Il en doit être ainsi, et à plus forte raison, lorsque les jugements d'appel infirment des jugements définitifs, soit pour vice de forme, soit pour toute autre cause, et que la matière

prononcer la nullité ou le rejet de l'appel, parce qu'ils ne sont pas saisis de la cause: par suite, le jugement attaqué produit ses effets.

Secondement, si l'appel est mal fondé, soit parce que les juges supérieurs prononcent que le jugement est régulier en la forme, soit parce qu'ils décident qu'il a bien jugé au fond, ils le maintiennent ou confirment, et renvoient,

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[lo En matière disciplinaire, la cour peut évoquer le fond, lorsque la cause est en état. (Paris, 9 janvier 1837.)

20 Une cour royale peut, après avoir infirmé une ordonnance de référé, prononcer sur le référé par voie d'évocation, si la cause est disposée à recevoir jugement. (Agen, 18 juillet 1833.)

50 Lorsque, sur l'appel d'un jugement qui a statué | sur plusieurs chefs de demande et ordonné sur d'autres une instruction préalable, la cour a prononcé sur les chefs jugés en infirmant quelques dispositions du jugement, elle ne peut postérieurement juger, omisso medio, les chefs sur lesquels le sursis avait été ordonné, même en s'appuyant sur ce qu'il ne s'agit que de l'exécution de son précédent arrêt. (Cass., 18 février 1835.)]

(2) V. notre Traité des lois d'org. et de compét., liv III, tit. V, ch. 2, sect. 1re.

(3) V. notre Traité des lois d'org. et de compét., art. 16.

(4) Dans les deux cas où les juges infirment ou un interlocutoire, ou un jugement définitif, on voit qu'ou

tre l'avantage pour les parties d'obtenir sur-le-champ, d'un tribunal supérieur, une décision définitive qui leur épargne un nouveau procès, sujet, comme le premier, à deux degrés de juridiction, elles auront déjà essuyé ces deux degrés, et la loi qui les garantit à tous les citoyens n'aura reçu aucune atteinte.

S'il est en effet évident, dans le second cas, que le fond de la cause a été déjà discuté devant le tribunal inférieur, cela doit paraître certain dans le premier ; car l'interlocutoire ne peut avoir été ordonné sans avoir été contesté, que sous prétexte qu'il était inutile ou non recevable, et ni l'un ni l'autre ne peuvent avoir été soutenus que par le mérite du fond, et en alléguant qu'il ne pouvait ni ne devait y être prononcé définitivement sans le secours d'un interlocutoire. (Rapp. au Corps législ.)

(5) Nous posons cette question générale, parce qu'il nous semble nécessaire de la résoudre, afin de faciliter l'intelligence des questions que nous allons bientôt examiner sur l'exercice du droit que l'art. 473, C. proc., donne aux juges d'appel de statuer sur le fond, lorsqu'ils infirment un jugement dans les cas prévus par ce même article.

pour son exécution, au tribunal qui l'a rendu. Troisièmement, si, au contraire, aucune fin de non-recevoir n'a été opposée contre l'appel, ou si les fins de non-recevoir opposées ont été rejetées, les juges d'appel saisis de la cause prononcent sur le bien ou le mal jugé, soit dans la forme, soit au fond (1).

(Favard, t. 1, p. 188, n° 5, expose à peu près les mêmes règles.]

1702. Dans quel esprit l'art. 473 a-t-il été rédigé, et quels sont, en conséquence, les principes qui doivent diriger le juge d'ap pel dans l'exercice de la faculté qu'il lui donne de renvoyer ou de retenir le fond (2)?

En proclamant, comme principe fondamental de l'administration de la justice, celui des degrés de juridiction, les lois de 1790 imposèrent aux juges d'appel, lorsqu'ils réformaient un jugement qui n'avait pas ou qui avait incompétemment prononcé sur le fond, l'obligation de renvoyer devant le premier juge.

D'un autre côté, toutes les fois qu'ils réformaient pour nullité, vice de forme ou fausse déclaration d'incompétence, les juges d'appel devaient retenir le fond sur lequel le premier juge avait statué, ou qu'il avait été mis en état de juger par les débats des parties; autrement on eût violé et le principe des deux degrés, en en faisant parcourir plus de deux, et la règle suivant laquelle les juges d'appel doivent faire ce que le premier juge aurait dû faire et n'a pas fait. (V. supra.) (3).

dans la législation intermédiaire était celui-ci : Ainsi, le principe de jurisprudence admis

les juges de première instance n'ont pas dû « 1° Il y a lieu à renvoi toutes les fois que statuer sur le fond, ou n'ont pas été mis en état d'y statuer (4).

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« 20 11 y a lieu à retenir toutes les fois que, » les parties ayant défendu sur le fond, les » premiers juges ont été mis en état de le » juger (5). »

Ces préliminaires posés, nous avons à faire remarquer la différence qui existe sur ce point entre les principes de la jurisprudence inter

(1) Ainsi, dit Merlin, un tribunal de première instance a-t-il observé les formes, mais mal jugé au fond, le tribunal d'appel infirme le jugement, et substitue d'autres dispositions à celles qu'il infirme.

Le tribunal de première instance a-t-il tout à la fois mal jugé au fond et violé les formes, le tribunal d'appel annule le jugement, et statue lui-même par un jugement nouveau.

Enfin, le tribunal de première instance a-t-il violé les formes et bien jugé au fond, le tribunal d'appel déclare le jugement nul, mais il en rend un semblable sur le fond.

Telle est la marche qui a toujours été prescrite aux tribunaux d'appel, et dont ils ne pourraient s'écarter sans manquer essentiellement à l'objet de leur insti- | tution.

(2) Les difficultés que présente continuellement l'application de l'art. 473, par les contradictions réelles ou apparentes que l'on trouve, soit entre les décisions antérieures ou postérieures à la publication du Code de procédure, soit entre ces dernières elles-mêmes, nous ont déterminé, pour plus de clarté et de brièveté, à fournir sur cet article une doctrine générale, au lieu de traiter isolément toutes les questions auxquelles il donne lieu. Mais ce n'est pas une raison de passer ces questions sous silence, et nous en donnons la solution en note, suivant qu'elles se rapportent aux différentes propositions que nous établissons au texte.

(3) On n'avait point, sous l'empire de cette législation, à examiner quand il y avait lieu à renvoyer ou à retenir par suite de réformation des interlocutoires, puisque la loi du 3 brumaire an interdisait l'appel tant de ces jugements que des jugements simplement préparatoires, avant le jugement définitif.

(4) Ainsi, par arrêts des 12 prairial et 6 vendémiaire an VIII, 16 brumaire et 27 fructidor an x1, et 7 frimaire an xi, la cour de cassation a décidé que le juge d'appel qui avait déclaré nul et incompétemment rendu un jugement de première instance, ou qui avait rejeté une fin de non-recevoir, n'avait pu statuer sur le fond, sans enfreindre le principe des deux degrés, puisqu'on ne pouvait dire que le premier eût été rempli par l'examen et la décision même d'un juge incompétent.

(Sirey,t. 1, 2e, p. 378; t. 5, 2o, p. 476; t. 20, 1гo, p. 480, et infrà, no 2426.)

Ainsi encore, par arrêt du 28 nivôse an xi, la même cour a déclaré qu'un tribunal saisi de l'appel d'un jugement portant renvoi pour cause de litispendance, ne pouvait également prononcer sur le fond sans violer le même principe, puisque le tribunal n'avait pas été mis en état d'y statuer.

(5) La cour de cassation a décidé, en conséquence, qu'il y avait lieu à retenir le fond :

10 Lorsque le juge d'appel annulait pour vice de forme (24 prairial an vui, et 30 frimaire an xi; Sirey, t. 1, 2e, p. 250, et t. 3, p. 258);

20 Lorsqu'il annulait, parce que le jugement avait été rendu par un tribunal compétent, mais illégalement composé (30 ventòse an x1; Sirey, t. 3, p. 215, aux notes);

30 Lorsque le premier juge n'avait pas prononcé sur une demande en dommages-intérêts et restitution de prix, attendu qu'elle se trouvait comprise dans celle qui avait été formée par un acquéreur évincé, contre son garant, en indemnité de toutes les condamnations qui interviendraient contre lui: d'où il résultait que le premier juge avait été mis en état de juger sur le tout (24 floréal an x1; Sirey, t. 4, 20, p. 695);

40 Lorsque le premier juge s'était arrêté à une exception dilatoire, au lieu de statuer sur le fond (12 pluviose an XII; Sirey, t. 4, 2e, p. 70);

5o Dans le cas d'un déni de justice résultant de ce que le premier juge s'était mal à propos dessaisi d'une affaire disposée à recevoir une décision définitive(27 août 1806; Sirey, t. 6, 20, p. 740);

60 Par suite du même principe, la cour de Rennes, par arrêt de la deuxième chambre, du 9 novembre 1806, avait déclaré retenir la connaissance du fond d'une demande de compte rendu et débattu en première instance; mais on devrait aujourd'hui juger le contraire, d'après l'art. 528.

On pourrait citer quelques arrêts desquels il semblerait résulter qu'il eût suffi, pour que le juge d'appel put retenir le fond, que le premier juge eût été saisi de la demande, quoiqu'elle n'eût pas été débattue de

médiaire et ceux que l'on doit adopter en exécution de l'art. 473, et à déterminer le sens de cet article, d'après son esprit, son texte et les décisions des cours souveraines.

Par sa première disposition, il permet au juge d'appel qui infirme un interlocutoire, c'est-à-dire un jugement qui, ne statuant pas sur le fond de la contestation, ordonne seulement une mesure nécessaire pour parvenir à la juger, de statuer en même temps sur le fond, définitivement par un seul et même jugement, si toutefois la matière est disposée à recevoir une décision définitive.

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imposait rigoureusement au juge d'appel. Aujourd'hui, pour nous servir des expressions de l'orateur du gouvernement, la loi s'en rapporte, AU CONTRAIRE, à la sagesse des juges, pour décider si, dans le cas ils infir ment, il ne serait pas inutile, s'il ne serait même pas préjudiciable aux parties de leur faire parcourir deux degrés de juridiction. Toutes les fois donc que le juge d'appel estime convenable soit de retenir, soit de renvoyer le fond, le pourvoi en cassation contre son jugement ne serait recevable que dans le premier cas, et alors seulement qu'il eût violé l'une des conditions prescrites par l'article, soit en statuant sur une matière qui n'eût pas été disposée à recevoir une décision dédefinitive (1), soit en rendant cette décision par un jugement séparé de celui qui aurait infirmé (2).

Par la seconde disposition, il autorise également, et sous les mêmes conditions, le juge d'appel à statuer sur le fond, quand il infirme un jugement définitif, soit pour vices forme, soit pour toute autre cause.

Ainsi, la loi actuelle convertit en simple faculté l'obligation que celle qui l'a précédée

vant lui; par exemple, celui du 27 germinal an XI, qui décide que le tribunal d'appel, qui infirmait un juge'ment de première instance qui avait accueilli une demande en péremption, pouvait statuer en même temps sur le fond, s'il le trouvait en état d'être jugé. Un autre, du 24 ventôse an iv, par lequel la cour de cassation déclare que le juge d'appel, annulant une enquête, pouvait retenir le fond, et ordonner qu'il en serait fait une nouvelle devant lui. (Sirey, t. 4, 2e, p. 214.) Mais ces deux arrêts ne sont point en contradiction avec le principe ci-dessus énoncé, attendu que dans l'une et l'autre espèce, on avait débattu sur le fond, et que, par conséquent, le premier juge avait été mis en état de le juger; le second servirait seulement à prouver que, sous la jurisprudence intermédiaire, le juge d'appel n'était pas rigoureusement obligé, comme il l'est aujourd'hui, à prononcer de suite par un seul et même jugement.

Au surplus, nous ne rappelons ces décisions qu'afin de fournir occasion d'en tirer, par rapport à l'application de l'art. 473, les inductions que l'on croira convenables.

(1) Ainsi, dans le cas où il s'agirait de l'infirmation d'un jugement interlocutoire, il faut, pour que le juge d'appel retienne valablement, que l'instruction ait été suffisamment faite sur le fond devant les premiers juges (voy. Rennes, 22 juillet 1814; Dalloz, t. 14, p. 424), ou que, s'il s'agissait d'un vice de forme, il ne fût pas question d'irrégularités dont l'effet serait de rendre nulle la procédure entière, et d'obliger à en faire une nouvelle.

Par la même raison, il est évident que, si la cause se trouvait dans un état tel que le tribunal de première instance n'eût encore pu lui-même prononcer sur le fond, le juge d'appel nele pourrait pas davantage. Or, c'est ce qui arrive toutes les fois qu'il a été obligé d'ordonner quelque acte d'instruction ou de procédure, ou qu'il est démontré que le fond n'a reçu aucune instruction en première instance, ou enfin, qu'il a été déclaré que le premier juge avait été incompétemment saisi. Ce dernier cas, dans lequel l'instruction faite en première instance doit nécessairement être considérée comme non avenue, rentre en effet dans l'espèce des deux autres. (V. infrà, nos 1704, 1705, 1706, etc.)

[Ces deux observations sont inexactes. (Voir nos remarques sur le texte.)]

Mais aussi, de ce que la loi autorise le juge d'appel à retenir, lorsque la matière est disposée à recevoir

Il peut donc arriver souvent, soit que le

une décision définitive, il s'ensuit qu'en infirmant un interlocutoire rendu après des plaidoiries sur le fond, il peut, sur la simple remise des dossiers respectifs, et encore que l'intimé se soit borné à soutenir l'appel non recevable dans la forme, statuer définitivement sur le fond. (Cass., 8 décembre 1815; Sirey, t. 14, p. 121.)

Il suffit encore qu'il ait été statué en première instance sur le fond du procès, même par défaut, pour que le juge d'appel qui infirme, à raison de vices de forme, le jugement définitif intervenu sur l'opposition au jugement par défaut, puisse juger en même temps sur le fond, si la cause lui paraît en état. (Caen, 4 mai 1813; Sirey, t. 13, p. 400.)

Nous croyons qu'il peut également, sur l'appel du jugement par défaut rendu contre le défendeur, statuer sur le fond qu'il jugerait en état, puisque le premier juge ne l'a rendu qu'après vérification des conclusions des parties (voy. art. 150); mais il en scrait autrement, s'il s'agissait d'un jugement rendu sur congé par défaut, ainsi que l'a jugé la cour de Turin, par arrêt du 23 août 1809 (voy. Sirey, t. 10, 2o, p. 64), à moins que les parties n'eussent plaidé au fond devant le juge d'appel. Si, en effet, elles s'étaient bornées à discuter les moyens de forme qui donneraient lieu à infirmer le jugement, on ne pourrait considérer la cause comme en état d'être décidée définitivement, puisqu'en première instance les conclusions du demandeur défaillant auraient été rejetées sans examen.

(2) Il suit de cette seconde condition, qui n'était pas rigoureusement imposée au juge d'appel par la jurisprudence antérieure (voy. suprà), que le juge d'appel ne pourrait commencer par réformer le jugement attaqué, et retenir le fond pour le décider ensuite : il est tenu de prononcer de suite, et sans aucun intervalle, sur l'un et l'autre objet, de manière que les décisions particulières à rendre sur chacun ne soient que des dispositions du même jugement. Il ne peut donc ordonner, sur le fond, aucune procédure; il ne peut prescrire aucune espèce d'acte; il ne pourrait pas même, en jugeant l'objet d'un interlocutoire, ou la question de nullité ou de forme qui se serait élevée sur un jugement définitif, remettre à un autre jour pour plaider sur le fond: c'est ce qui a été décidé de la manière la plus formelle, par arrêt de la cour de cassation du 12 novembre 1816, rapporté par Sirey, t. 17, p. 400.

Cependant la cour de Rennes, par arrêt de la troi

juge d'appel prononce sur le foud, quoique le | pel, elle est devenue simplement facultapremier juge ne l'ait pas décidé, soit même, tive (2). l'art. 475 ne subordonnant le renvoi à aucune condition, qu'il ordonne le renvoi, quoique ce même juge ait déjà prononcé.

Ainsi, dans le premier cas, le principe des deux degrés se trouve au moins modifié dans son application, puisque, dans la rigueur, il ne serait réellement rempli que par une décision intervenue sur le fond.

Dans le second cas, il reçoit une véritable exception, puisqu'une cause est exposée à parcourir trois et même quatre degrés.

On a considéré, d'un côté, qu'il était de l'intérêt des parties d'obtenir sur-le-champ, du tribunal supérieur, une décision définitive qui leur épargne un nouveau procès; de l'autre, qu'il leur était également avantageux d'être renvoyées vers le premier juge, quand le tribunal d'appel n'avait pas de documents nécessaires (1).

[L'art. 475 ne nous paraît avoir dérogé aux lois antérieures sur l'évocation, qu'en ce sens que, d'abord obligatoire pour les juges d'ap

Le législateur a pensé qu'il pouvait ne pas être toujours de l'intérêt des parties de faire immédiatement juger par les juges supérieurs ce que les premiers avaient mal à propos laissé de côté, et il a abandonné à la sagesse des magistrats, saisis de l'appel, le soin d'apprécier si l'évocation était ou non utile et convenable.

C'est donc l'intérêt des parties qui doit nous guider, dans les principes à poser, en matière d'évocation, et les conséquences à en déduire.

Mais les parties ne seraient point dignes de l'intérêt du législateur, ni, par suite, de celui des magistrats, si elles avaient violé elles-mèmes les prescriptions de la loi.

Ainsi, est-ce par la faute des parties que, sur le point qu'il s'agit d'évoquer, le premier degré de juridiction n'a pas été épuisé; est-ce à cause d'une procédure irrégulière de leur part, d'une demande mal intentée, on ne peut pas les tenir quittes d'une première épreuve que la loi

sième chambre, du 17 avril 1812 (Dalloz, t. 21, p. 47) s'était crue autorisée à retenir le fond dans une matière qui n'était pas en état, puisqu'elle ordonnait une enquête. Elle l'appuyait sur ce que la cour, en infirmant pour contravention à la loi, était autorisée, par l'art. 472, à retenir la connaissance du fond, et que l'art. 473 n'était applicable qu'en appel des jugements interlocutoires. »

Nous répondons, 1o que la seconde disposition de l'art. 475 exprime d'une manière formelle qu'il en sera, dans tous les cas où le tribunal d'appel infirme un jugement définitif, comme du cas où il infirme un jngement interlocutoire; qu'en conséquence, il est inexact de dire que l'art. 473 ne s'applique qu'en appel d'un jugement de cette espèce. Or, puisque la première disposition de cet article veut que les juges d'appel ne retiennent le fond que lorsque la matière est disposée à recevoir une décision définitive, et qu'ils statuent sur le fond par un seul jugement, la cour ne pouvait retenir le fond, puisqu'elle reconnaissait de suite, en ordonnant une enquête, qu'il n'était pas en étát : d'où il suit que l'affaire restant à juger en définitive, par arrêt séparé de celui qui infirmait, la cour a doublement contrevenu à l'art. 475.

[Le juge d'appel, en réformant un jugement définitif sur le fond, doit retenir la cause, même alors qu'elle n'est pas suffisamment instruite pour recevoir une décision définitive; il lui est loisible, avant de statuer au fond, d'ordonner des devoirs de preuve et même de commettre un juge inférieur pour recevoir les enquêtes. (Brux., cass., 19 décembre 1840; Bull., 1841, p. 85. V. Brux., 18 avril 1827; J. de B., 1827, 26, p. 16; cass. de France, 17 janvier 1826; Sirey. t. 26, 1re, p. 266.)]

20 Que l'art. 472 n'est point celui qui donne aux juges d'appel le droit de retenir le fond; qu'il ne fait que supposer ce droit, en disposant, pour le cas où il est exercé, que l'exécution appartiendra ou au juge d'appel ou à un tribunal que ce juge indique. Mais l'exercice de ce droit est subordonné à la disposition de l'art. 473, qui, encore une fois, ne l'accorde que pour le cas où la matière est disposée à recevoir une CARRÉ, PROCÉDURE CIVILE.-TOME IV.

décision définitive, et sous la condition de rendre cette décision par le même jugement qui infirme. Tel était aussi le sentiment de M. l'avocat général qui portait la parole dans la cause, et que la cour de Rennes a suivi, en décidant, par arrêt du 7 juin 1816, qu'elle n'était pas autorisée à retenir la connaissance d'une affaire qu'elle ne pouvait pas juger définitivement.

[D'ailleurs, comme le fait remarquer Merlin, Quest., vo Appel, $ 14, art. 1er, no 11, l'exécution dont parle l'art. 472 est celle d'un arrêt qui, soit en confirmant, soit en infirmant, a statué sur le fond. Et l'on suppose ici un arrêt qui s'est contenté de l'évoquer pour y statuer plus tard.]

Ainsi, par arrêt du 25 nov. 1818 (Sirey, t. 19, 1re, p. 201), la cour suprême a décidé que les juges d'appel qui infirment sur un incident ne peuvent évoquer le fond qu'à la charge de statuer par le même arrêt.

(1) Nous terminerons par cette réflexion générale : S'il est vrai que ce qui était pour le magistrat souverain une obligation rigoureuse, sous l'empire des lois antérieures à la publication du Code de procédure, ne soit aujourd'hui pour lui qu'une simple faculté, il n'en est pas moins dans l'intention du législateur que les juges d'appel terminent, toutes les fois qu'il leur est possible, les causes qui sont en état de recevoir jugement. Leur zèle pour la prompte administration de la justice ne permet pas de douter qu'ils ne remplissent exactement ce vœu de la loi, et c'est ainsi que, par arrêt du 28 août 1825, la cour de Rennes, en réformant un interlocutoire, n'a pas manqué de statuer sur le fond, attendu que les titres produits établissaient suffisamment le droit de propriété, sans qu'il fût besoin de recourir à d'autres instructions.

(2) [Obligatoire sous l'ancienne jurisprudence (cass., 27 août 1806; Sirey, t. 6, p. 740; Dalloz, t. 2. p. 57); facultative sous la nouvelle. (Cass., 9 mars 1825; Sirey, t. 26, p. 54; 22 avril 1828; Dalloz, t. 28, p. 221; et Rennes, 21 mars 1825.-V. aussi, dans le même sens, Talandier, no 564.) Peu importe que la décision doive être favorable ou non à l'appelant. (Metz, 24 août 1815.)]

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