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Mais il est à remarquer que l'art. 464 du projet, dont les termes se trouvent en entier dans l'art. 474 du Code, était terminé par ceux-ci, qui ont été supprimés, encore qu'ils eussent dû l'étre.

D'un autre côté, pour exclure du droit de former tierce opposition celui qu'on eût reconnu n'avoir pas dû être appelé, on ajoutait, dans l'art. 463 du projet, une disposition qui a été également supprimée, et d'après laquelle la partie qui n'avait pas dû être appelée à un jugement, n'eût pu l'attaquer qu'en prouvant la collusion, la fraude ou le dol.

Or, il est prouvé par la discussion du conseil d'État (voy. Locré, t. 9, p. 537 et suiv.), que ces suppressions ne furent arrêtées qu'afin d'accorder au contraire le droit de former tierce opposition indistinctement à tous ceux qui, ayant intérêt et qualité, n'auraient pas été appelés au jugement: on peut sans doute conclure de ces observations, qu'on n'a point à considérer aujourd'hui si la partie qui se rend tierce opposante a pu ou dû être appelée au jugement, et qu'il suffit, pour qu'elle soit recevable, qu'elle prouve, aux termes de l'article 474, qu'elle n'y a pas été appelée, ou qu'elle avait qualité pour défendre à la demande, qu'enfin le jugement porte préjudice à ses droits.

Quoi qu'il en soit, en déclarant recevable la tierce opposition d'un tiers acquéreur aux jugements et arrêts rendus avec son vendeur depuis la vente, et en vertu desquels il était assigné en déclaration d'hypothèque, la cour de cassation a entièrement rejeté cette doctrine, puisqu'elle a fondé sa décision sur le motif

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(1) Même décision de la cour de cassation, du 19 août 1818. (Sirey, t. 19, p. 24; Dalloz, t. 27, p. 196.) L'acquéreur, d'après ce dernier arrêt, n'est pas représenté par son vendeur dans un precès sur l'objet vendu, lorsque le procès a été intenté postérieurement à la vente; en conséquence, il peut former tierce opposition à la décision intervenue, et peu importe, d'ailleurs, qu'il ait eu connaissance de la contestation. Ce même arrêt décide que le procès est réputé postérieur à la vente, encore que la citation en conciliation ait eu lien avant la vente, et que la vente n'ait été transcrite qu'a- | près l'introduction de l'instance.

Idem de la cour de Douai. (Sirey, t. 11, p. 100.) L'arrét décide que le vendeur n'est le représentant de l'acquéreur que pour ce qui est antérieur à la vente. Dès qu'il y a eu vente et dessaisissement, l'acquéreur a un droit si donc une action en revendication de l'immeuble vendu est intentée, l'acquéreur détenteur doit y être appelé, et s'il en est autrement, tous jugeCARRÉ, PROCÉDURe civile.—tome IV.

» qu'il faut encore qu'on ait dû l'être, parce » que s'il suffisait d'avoir intérêt de détruire » un jugement pour être recevable à l'attaquer » par la voie de la tierce opposition, on ne se>> rait jamais assuré de la stabilité d'un juge»ment obtenu de bonne foi. » (Cass., 21 fév. 1816; Sirey, t. 16, p. 135.) (1).

Ces motifs sont précisément ceux que l'on faisait valoir lors de la discussion au conseil d'État, pour le maintien des derniers termes de l'art. 464 et de la disposition de l'art. 463 du projet. Nous croyons que l'on doit s'en tenir à la décision de la cour de cassation, nonobstant les retranchements arrêtés par le conseil d'État, attendu que les orateurs du gouvernement et du tribunat n'ont point expliqué la loi comme devant produire les conséquences résultant de ces retranchements. D'où il suit qu'il est probable que le législateur a entendu conserver sur la tierce opposition la doctrine tenue dans la jurisprudence (voy. entre autres l'arrêt du 20 prair. an x; Sirey, t. 2, p. 295), unanimement attestée par les auteurs anciens, et professée de même par ceux qui ont écrit depuis la mise en activité du Code. Ainsi, la disposition de l'art. 465 du projet nous paraît devoir être envisagée au moins comme règle de jurisprudence, et par conséquent les jugements lors desquels la partie n'a pas dû être appelée (2), ne peuvent être attaqués par elle qu'en prouvant la collusion, la fraude ou le dol (3).

[Après y avoir mûrement réfléchi, nous avons compris qu'il était impossible de faire saisir toute notre pensée sur la véritable nature de la tierce opposition, si nous ajoutions seulement quelques lignes à la suite des diverses questions de Carré; c'est une matière qui exige un développement de principes. Tous les auteurs ont une doctrine distincte, mais tous l'ont exposée avant d'entrer dans les détails (Boitard, Poncet, Merlin, Thomine); nous allons donc examiner le caractère de la tierce opposition et ses effets.

ments rendus avec le vendeur sont susceptibles de tierce opposition.

(2) Dans les considérants d'un arrêt du 28 fév. 1822 (Sirey, t. 22, p. 220), la cour de cassation énonce formellement le principe qu'en droit, la tierce opposition ne peut être formée que par ceux qui, lors du jugement attaqué par cette voie, auraient dû y être appelés, et auxquels, dans l'ancienne jurisprudence, on n'admettait d'exception que contre l'acquéreur; exception rejetée dans notre jurisprudence actuelle. (V. la note (1) ci-contre.)

(3) En admettant que la tierce opposition n'est ouverte qu'à ceux qui ont dù être appelés, on sentira combien ce principe prête de force à la solution donnée no 1685; car il est évident que celui qui intervient dans une instance de péremption n'est pas recevable, puisque, ne devant pas être appelé en cette instance, il ne pourrait former tierce opposition à l'arrêt qui admettrait la péremption.

12

I. Avant le Code de 1807, la tierce opposition était à peine connue; on ne s'occupait de cette voie que pour prononcer une amende contre celui qui s'opposerait à tort à l'exécution d'un jugement; mais on connaissait la requête civile incidente.

Le projet soumis au conseil d'État contenait deux articles ainsi conçus : « Une partie peut » former tierce opposition à un jugement qui » préjudicie à ses droits, et lors duquel, ni elle »> ni ceux qu'elle représente n'ont point été » appelés, encore qu'ils eussent dû l'ètre.—A l'égard des jugements lors desquels la partie » n'a pas dû être appelée, elle ne pourra les » attaquer qu'en prouvant la collusion, la fraude » ou de dol. »

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Le résultat de ces dispositions était celui-ci : Je devais être appelé, on m'a condamné sans n'entendre; je vais former tierce opposition à ce qui a été fait en mon absence, en violation des règles les plus élémentaires de l'équité je ne devais pas être appelé parce que le défendeur me représentait légalement, mais je vais prouver que la condamnation n'a été que le résultat de la collusion, de la fraude, ou du dol, et je ferai tomber tout ce qui aura été décidé sans ma participation.

:

Ce système offrait à une partie poursuivie le moyen bien simple de repousser, au moment où on venait la lui opposer, une décision qui lui portait un préjudice réel, sans qu'elle eût été entendue ou représentée. Dans le premier cas, on ajoutait à la voie naturelle de l'opposition, ouverte à toute personne qui a été condamnée sans être entendue, une voie toujours ouverte contre une tardive ou inattendue exécution; dans le second cas, on permettait une voie plus simple que la requête civile en faveur de celui qu'un jugement fondé sur le dol et la fraude dépouillait de ses droits.

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neuve, chacun des membres du conseil avait ses idées particulières sur la force d'un jugement par rapport à un tiers, et le principe fut repoussé, sans qu'il soit possible d'assigner le véritable motif de ce rejet; ce qui est hors de doute, c'est qu'on n'a pas voulu dire qu'un jugement rendu en fraude, par dol ou collusion, des droits d'un tiers, pût lui être opposé, quoiqu'il n'eût pas dû être appelé.

Quand le principe fut rejeté, Boulay fit observer qu'il fallait retrancher de la partie conservée ces mots, encore qu'ils eussent dû l'étre, et sa proposition fut adoptée. En relisant la discussion, on ne voit pas pourquoi Boulay a tiré du rejet du second principe l'amendement du premier, car le second n'avait aucune corrélation avec le premier. Dans l'un, j'ai été condamné sans être entendu; dans l'autre, j'ai été mal représenté par un individu qui a fait servir la fraude et la collusion à me dépouiller. Ces deux positions sont distinctes, et cependant on semblait les confondre.

Toutefois, on a adopté dans le Code une disposition, ainsi conçue : « Une partie peut » former tierce opposition à un jugement qui » préjudicie à ses droits et lors duquel ni elle »ni ceux qu'elle représente n'ont été appelés. » Il faut bien, puisque l'esprit du législateur échappe complétement. donner aux termes dont il s'est servi leur véritable signification; puisqu'il est impossible de découvrir ce qu'il a voulu dire, il faut se contenter de constater ce qu'il a dit.

On n'a jamais soutenu que le Code de procédure abrogeât une disposition formelle et fondamentale du Code civil, dont il ne parlait pas; or, l'art. 1551, C. civ., consacre les plus vieux principes, en disant que la chose jugée ne pouvait être opposée qu'à ceux qui étaient parties au jugement ou à l'arrêt. Donc, lorsqu'on m'oppose un jugement auquel je n'ai point été partie, c'est comme si on m'opposait une feuille de papier blanc; la comparaison n'est pas trop énergique, car il n'y a contre moi ni chose jugée, ni préjudice, ni préjugé; l'art. 474 exigeant que le jugement préjudicie aux droits de la partie qui veut former tierce opposition, tout jugement rendu hors de la présence de la partie à laquelle on l'oppose, ne pouvant lui occasionner aucun préjudice, nul n'a le droit de former tierce opposition contre un jugement ou contre un arrêt auquel il n'a

Dans ces deux hypothèses, la chose réellement, sérieusement et légalement jugée, n'était nullement entamée; le législateur ne paraissait pas avoir eu la pensée de permettre à une partie qui n'avait pas dû être appelée, ou qui avait été représentée, de détruire un jugement qui pouvait, qui devait même, dans l'ordre habituel de la procédure, être rendu en son absence; mais, au conseil d'État, ainsi que nous l'apprend Locré, t. 9, p. 558, après l'adoption pure et simple du premier principe, une discussion s'éleva entre Siméon, Treilhard et Muraire, le grand juge, et l'archichan-pas figuré comme partie. celier, sur la demande de rejet que fit Muraire, du second principe. « Pourquoi, dit cet orateur, accorde-t-on le droit d'attaquer le jugement à celui qu'on reconnaît n'avoir pas dù ètre appelé?»

Il faut bien avouer que la discussion qui suivit cette interpellation fut de nature à confondre tous les principes d'opposition, de chose jugée et de requête civile; cette matière était

Mais si l'on disait qu'un jugement auquel on n'a pas été partie par soi-même, peut porter un grand préjudice, parce qu'ayant des intérêts liés à celui qui a été condamné, sa condamnation entraîne la nôtre par voie de conséquence, l'art. 474 serait encore là pour répondre, c'est une question de représentation légale ou la partie qui a été condamnée était votre représentant naturel et légal, ou elle ne

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l'était pas. Dans le premier cas, tout est censé opposer par les voies légales ordinaires, de fait avec vous. L'art. 1351, C. civ., vous est revendication pour les meubles, d'action posapplicable, et la voie de la tierce opposition sessoire ou pétitoire pour les immeubles; le n'est pas ouverte. Dans le cas contraire, la jugement ou l'arrêt ne sera donc jamais qu'un décision vous est étrangère, on ne peut pas préjugé et ne vous occasionnera donc pas un vous l'opposer, elle ne vous porte pas un pré- | préjudice. judice, donc vous ne pouvez pas y former tierce opposition.

Soutiendrez-vous que cette décision vous porte un grave préjudice moral, en ce sens, ou qu'elle forme un préjugé, ou qu'elle sera exécutée contre la partie condamnée malgré vos réclamations; et qu'ainsi votre chose passera de la main de Jean dans la main de Jacques, sans votre volonté?

Dans votre première hypothèse, un préjugé résultant d'un jugement ou d'un arrêt qui nous est étranger, n'offre pas le cas d'un préjudice causé; sans cela, il faudrait accorder à toutes les parties qui craindraient le préjugé d'un arrêt rendu sur la question qui est celle de leur procès, un recours, au moins dans l'intérêt de la loi, contre cet arrêt.

Dans la seconde hypothèse, l'exécution du jugement ou de l'arrêt ne sera pas, quant à vous, considérée comme une exécution d'arrêt, mais uniquement comme une remise volontaire à laquelle vous pouvez toujours vous

(1)[Principes de compétence et de juridiction administ., 1.1, p. 23, nos 84 et suiv.]

(2) [Un honorable et savant jurisconsulte, Devillenenve, qui a bien voulu parcourir à Paris nos feuillets manuscrits, nous a soumis quelques objections contre

Première objection.

L'exception de chose jugée ne suffit pas pour celui qui a un intérêt actuel à faire tomber un jugement qui préjudicierait à son droit; il lui faut une action, et il n'en trouve le principe que dans l'art. 474, Code proc. civ.

Deuxième objection.

Dans le cas où la chose jugée avec les tiers est opposée dans le cours d'une instance, il ne suffit pas de la repousser par l'exception res inter alios judicata, si toutes les parties avec lesquelles cette chose a été jugée ne sont pas en cause; il faudra exercer alors une action par voie de tierce opposition incidente, visà-vis des tiers qui ne figurent pas au procès, et le principe de cette action ne se trouvera encore que dans l'art. 474, C. proc. civ.

Troisième objection.

Le droit de former tierce opposition ne dure que trente ans, tandis que l'exception prise de l'art. 1351 est perpétuelle. Ne suit-il pas de là que ces deux moyens

Si, en matière administrative, nous avons cru pouvoir démontrer qu'il y a une différence énorme entre l'intérêt et le droit (1); si nous avons même appliqué nos principes aux matières de procédure, sous certains rapports (Quest. 378), nous croyons aussi pouvoir declarer que, comprendre un préjugé dans le mot préjudice, ce serait bouleverser les notions les plus simples du droit, ce serait d'ailleurs troubler dans sa base une vérité fondamentale de l'ordre social, la chose jugée, et nous devons nous empresser de déclarer que, si la doctrine et la jurisprudence ont flotté d'opinions en opinions plus ou moins incertaines, dans l'application de l'art. 474, il n'existe pas une ligne qui permette de penser que le préjudice moral suffise pour constituer le préjudice légal; de tout quoi il résulte, car il faut conclure, que, dans notre Code de procédure, la tierce opposition mutilée, comme elle l'a été en l'an XIII, est une voie complétement inutile (2).

cette conclusion, trop absolue selon lui; nous le remercions sincèrement, parce qu'avant tout, nous recherchons la vérité.

Voici notre réponse :

Réponse.

L'intérêt actuel ne pourrait exister qu'autant qu'il y aurait préjudice, et en cas de préjudice il y aurait condamnation. Nos principes deviendraient applicables; l'opposition ou la tierce opposition seraient permises. D'ailleurs le préjudice, tel qu'on l'entend, peut toujours disparaître, puisque celui à qui on voudrait accorder la tierce opposition, a les voies légales ou de la saisie-revendication, ou de la saisie-arrêt ou de l'action possessoire. On suppose sans doute un préjudice imminent; les voies que nous venons d'indiquer seront toujours suffisantes pour le faire

cesser.

Réponse.

Qu'importe que les parties qui ont figuré dans le jugement qu'on oppose soient en cause! Toute la question, quand on parle de chose jugée, est de savoir si celui qui la repousse a figuré, par lui ou par ses représentants légaux, dans l'instance terminée par la décision où l'on puise la force de la chose jugée. C'est donc un fait à reconnaître; et ce fait est complétement indépendant de toute prétention, autre que celle du défendeur à la chose jugée (qu'on nous passe l'expression); l'exception de la chose jugée sera donc tout aussi efficace et bien plus simple que l'action de la tierce opposition.

Réponse.

Nous ne verrions là qu'une raison de plus pour préférer l'exception de la chose jugée à la voie de la tierce opposition, et nul motif d'enlever à une partie le droit

D'un mot, tout plaideur pourra faire tomber un jugement ou un arrêt qui lui sera opposé; il dira: Je n'étais partie à ce jugement, ni par moi-même, ni par un mandataire, ni par un représentant légal; l'art. 1551, C. civ., est une barrière qu'il n'est pas permis aux juges de franchir; plaidons sur le fond, et voyons qui de vous ou de moi a raison.

Que si on lui répond : Mais vous étiez partie à la décision opposée; car votre nom figure dans les qualités, il dira: Je n'ai pas été appelé, je n'ai jamais été assigné; si j'avais été assigné, et que j'eusse fait défaut, j'aurais le droit de former opposition, à fortiori dois-je jouir de cette prérogative contre une décision qui m'a condamné sans que j'aie été assigné pour me défendre. L'opposition que je forme ne sera pas l'opposition d'un tiers, ou bien une tierce opposition, puisque mon nom figure au nombre des parties condamnées; mais mon opposition reçue en la forme, cette décision tombera, et je reviendrai suivre la contestation.

Évidemment, dans ce cas, une partie à qui une décision de cette nature est notifiée, s'empresse d'y former opposition, et n'attend pas que, plus tard, dans un procès où elle sera demanderesse, on puisse la lui opposer. Il n'y a d'ailleurs aucun danger pour elle, car si cette décision, rendue par défaut, n'avait pas été exécutée contre elle dans les six mois, il lui suffirait d'en opposer la péremption qui ferait tomber, bien mieux encore, l'exception de chose jugée.

Mais enfin il peut arriver, comme le supposait le projet de C. de proc., que la décision obtenue, ou contre un mandataire, ou contre un représentant légal, l'ait été par collusion, par fraude, par dol; ne devra-t-on pas du moins dans ce cas admettre la tierce opposition?

Non, sans doute; un titre spécial du Code de procédure a été consacré à modaliser l'attaque d'une partie contre un jugement rendu en dernier ressort; car si la décision fraudu- | leuse était encore susceptible d'appel, cette voie serait incontestablement ouverte à celui qui aurait à s'en plaindre. La procédure en requête civile ne peutêtre commencée qu'après l'accomplissement de formalités nombreuses, combinées avec soin, de nature à arrêter la témérité d'un plaideur: on ne peut pas les éluder

de défense ne sont pas identiques, qu'ils ne se confondent pas?

Ces objections prouvent que le plus grand tort de notre système est de heurter toutes les idées reçues en matière de tierce opposition, Nous espérons que la réflexion et la pratique viendront en aide à notre doctrine que nous persistons à croire conforme à la loi et aux principes.]

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en prenant une autre voie, par induction d'un article, dont les termes semblent au contraire l'exclure formellement.

Ainsi donc, en cas de collusion, de fraude, ou de dol, la partie lésée par le jugement obtenu aura le droit d'appel, si le jugement n'est qu'en premier ressort, et la voie de la requête civile, s'il est au contraire en dernier ressort, ou si la décision opposée est un arrêt. En résultat, quel est le danger de notre opinion?

Dans tous les cas, excepté celui d'une partie condamnée sans avoir été assignée, ou d'une partie victime d'une collusion, d'une fraude, d'un dol, la chose jugée s'évanouit, la tierce opposition est inutile. (V. infrà, notre Quest. 1752.)

Pour ces deux cas spéciaux, nous avons indiqué les voies, l'une, plus naturelle et plus simple, l'autre, la seule légale, mais devant produire la rétractation.

Notre opinion s'harmonie donc naturellement avec les principes du droit naturel, ct avec la liberté de la défense.

Toutefois, le Code de procédure a posé dans l'art. 466 le principe de la tierce opposition (1); un titre spécial a été consacré à cette procédure.

Nous croyons pouvoir l'admettre comme facultative, uniquement de la part de celui qui a été condamné sans avoir été appelé, quoiqu'il soit de principe que les voies extraordinaires ne doivent pas être permises en concurrence avec les voies ordinaires, et qu'à nos yeux, l'opposition est incontestablement ouverte; nous pensons que les deux voies de l'opposition ou de la tierce opposition appartiendront à la partie qui se trouvera dénommée dans une décision qui aurait dû lui rester étrangère.

Hors de ce cas unique, pas de tierce opposition permise.

II. Notre doctrine est tellement tranchée, qu'il suffira de la comparer aux traités des auteurs et aux arrêts, pour saisir les différences et les oppositions à la première lecture. Entrer dans une discussion spéciale, serait s'exposer à des redites et surtout à des longueurs théoriques que ne comporte pas le plan des Lois de la procédure civile.

A la doctrine de Proudhon, Traité de l'u

de repousser les effets d'une sentence qui lui est étrangère. (Mais voy. notre Quest. 1725.)

(1) [Sous cet article (Quest. 1679 et suiv.), nous avons toujours supposé que le droit de l'intervenant serait blessé directement par l'arrêt à intervenir; il faut appliquer à notre doctrine la précision encore plus nette que nous établissons ici.]

sufruit, no 1266, sur la nécessité de la tierce opposition, on opposera celle de Merlin, Rép., vo Opposition (tierce), § 6, et Quest. de droit, To Chose jugée, § 11; de Thomine, no 525, et de Boitard, sur l'art. 474, qui, avec la cour de cassation, 11 mai 1840 (Devilleneuve, t. 40, 1re, p. 720), la déclarent facultative.

Poncet, Traité des jugements, no 408, sera consulté avec fruit dans le même sens.

III. 1o L'opinion de Carré, sur la condition d'avoir dù étre appelé, a été répoussée par Pigeau, Comm., t. 2, p. 67; Thomine, no 526, et Favard, t. 5, p. 596, et par trois arrêts de la cour de cassation du 15 juill. 1822, déc. 1833 (Devilleneuve, t. 56, 1re, p. 177), et 24 déc. 1858, dont plusieurs autres cours se sont empressées d'adopter la jurisprudence. (Agen, 9 août 1827; Sirey, t. 28, p. 210; Nimes, 20 nov. 1829; Sirey, t. 50, p. 160; et 13 janv. 1836; Bordeaux, 4 janv. 1830; Sirey, t. 50, p. 115, et Douai, 23 mars 1851; Devilleneuve, t. 31, 1re, p. 244.) (1).

2o Berriat, titre de l'Opposition, note 8, n° 2, et Poncet, no 599, pensent que la partie, qui a été irrégulièrement appelée et néanmoins condamnée nommément, doit former opposition et non tierce opposition. Nous n'objectons rien à ce système, parce qu'avoir été irrégulièrement appelé n'est pas la même chose que n'avoir pas été appelé du tout.

3o C'est avec raison que la tierce opposition a été reçue de la part d'un tribunal récusé en masse contre l'arrêt qui avait admis la récusation (Angers, 12 janv. 1815; Sirey, t. 17, p. 131); d'un électeur municipal, contre le jugement qui l'avait éliminé de la liste électorale (cass., 22 mai 1852; Sirey, t. 32, p. 502); d'un huissier, contre l'arrêt qui avait mis à sa charge les frais d'un acte annulé (Rennes, 11 avril 1825); d'un associé, contre le jugement qui avait formé le tribunal arbitral. (Cass., 21 mars 1827.)

Dans ces quatre espèces, c'était une véritable opposition qu'on a transformée en tierce opposition. (Voy. les principes que nous venons de développer.)

IV. Dans les Quest. 1708, 1710 et suivantes, nous n'avons pas cru devoir répéter partout que l'examen partiel des espèces particulières était fait par nous, sous toutes réserves de l'application de notre système général; mais nos lecteurs comprendront que si nous avions voulu nous borner à l'exposition de ce système, toute autre réflexion secondaire devenait inutile.

Pour ne donner qu'un exemple, nous dirons que ce n'est pas, selon nous, dans une procédure de tierce opposition que doit se vider la question de savoir si un créancier a été représenté par son débiteur, mais dans une procedure ordinaire, au moment où l'on veut opposer à un créancier la chose jugée avec son débiteur, chose jugée qu'il repousse en prétendant qu'elle ne réunit pas toutes les conditions de l'art. 1351, C. civ.

Même observation, pour les questions de forme qui supposent presque toutes qu'il s'agit d'un tiers qui n'est pas dénommé au jugement.

Si nos principes sont adoptés, la procédure sera fort simple, et ne pourra donner lieu à aucune difficulté.

Si, au contraire, on persiste à suivre les errements actuels de la jurisprudence et de la doctrine, on appliquera les solutions que nous avons cru devoir conserver.]

[1709 bis. Suffit-il d'un intérêt quelconque, ou faut-il toujours un intérêt présent et réel, pour former tierce opposition (2)? L'affirmative, dans le dernier sens, résulte naturellement des principes que nous avons posés sous la Quest. 1709. Ce n'est pas un intérêt, mais un droit quelconque compromis directement, qui est indispensable pour légitimer la voie de tierce opposition.

Cette voie, en effet, tendant à faire rétracter le jugement, il s'ensuit que la tierce opposition ne peut ni rentrer, à titre de mesure préventive, dans les termes de l'art. 1180, C. civ., qui autorise le créancier conditionnel à exercer tous les actes conservatoires de son droit, avant l'accomplissement de la condition, ni même se fonder sur un simple préjudice de fait, en tant qu'il ne résulte que de la lésion d'un intérêt purement matériel, en dehors de toute atteinte portée au droit.

Nous avons vu, Quest. 1709, qu'un préjugé qui serait défavorable au tiers ne pourrait pas davantage servir de base à cette voie extraordinaire; à plus forte raison, un préjudice moral, une attaque à l'honneur, ne suffiraient-ils point pour l'ouvrir au tiers qui se prétendrait lésé par les motifs d'un arrêt ou d'un jugement; car les motifs d'une décision judiciaire ne sont que des raisonnements qui n'ordonnent rien, ne jugent rien, et, par conséquent, ne disposent ni de l'honneur ni de la fortune des citoyens, comme l'ont jugé les cours de Rouen, 29 nov. 1808 (Sirey, t. 12, p. 208; Dalloz, t. 18, p. 186), de Colmar, 6 nov. 1811 (Sirey, t. 12, p. 315; Dalloz, t. 27, p. 215), et

(1) [. néanmoins, dans le sens contraire, Merlin, Rép., t. 8, p. 795; Besançon, 30 janv. 1818; cass.. 82 fev. 1892, et Pau, 16 mars 1824; Dallos, t. 27, p. 186.]

(2) [V. notre observation IV, sous la question précédente.1

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