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notamment celle d'Aix, 16 déc. 1825. (Voy. aussi l'arrêt Forbin-Janson.) Il faut, ainsi que l'enseignent Favard, t. 5, p. 396, et Poncet, nos 403 à 415, que l'intérêt qui sert de mobile au tiers opposant soit réel, légitime; en d'autres termes, que l'atteinte portée à l'exercice d'un de ses droits actifs, autorise l'emploi du recours extraordinaire qui lui est ouvert contre cette sentence pour en obtenir la rétractation.

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(Sirey, t. 10, p. 263), qui a décidé que celui qui avait acquis un immeuble durant une instance concernant cet immeuble même, mais avant le jugement qui l'a terminée, n'avait pas été représenté par son vendeur, et que, conséquemment, cejugement ne pouvait avoir contre lui l'autorité de la chose jugée.

A ces exemples ajoutez :

1o L'espèce de l'arrêt du 21 fév. 1816, cité au no 1709;

pas intervenu dans un procès intenté à son cédant depuis la cession, par des tiers qui se prétendaient propriétaires de la créance cédée.

Aussi la cour de cassation a-t-elle eu raison 2o Un arrêt de la cour de Colmar du 11 mai de rejeter en audience solennelle, le 20 janv. 1811 (Sirey, t. 11, p. 457), qui déclare la tierce 1838 (Devilleneuve, t. 38, 1re, p. 541), le pour-opposition ouverte au cessionnaire qui n'est voi de la commune de Marval, qu'elle avait accueilli une première fois, le 27 janv. 1830 (Devilleneuve, t. 31, 1re, p. 342), et de décider que la commune était non recevable à former tierce opposition contre un arrêt qui n'avait fait que confirmer un jugement auquel la commune avait acquiescé.]

1710. Comment s'applique le principe que l'on ne peut former tierce opposition contre un jugement où ceux qu'on représente ont été parties?

Ce principe s'entend et s'applique en ce sens, que l'on ne peut former tierce opposition au jugement rendu par suite d'une instance dans laquelle auraient été parties tous ceux auxquels on a succédé, soit à titre universel, soit à titre particulier; tous ceux encore dont on est ayant cause à titre de cession, de subroga- | tion, de vente, etc. (Voy. la Quest. 1709; Ro- | dier, sur le tit. XXXV de l'ordonnance, art. 2, et l'arrêt de la cour de cass. du 9 niv. an IV, Table de Bergognié, t. 1, p. 472, vo Tierce opposition.) (1).

On admet néanmoins à la tierce opposition, 1o l'héritier bénéficiaire, parce qu'il ne confond pas son patrimoine avec celui du défunt (voy. | arrêt de la cour de cass. du 1er germ. an XI, Nouv. Répert., v° Légataire, 57, art. 1er); 2o l'acquéreur, le cessionnaire, etc., comme nous l'avons vu sur la Quest. 1709, qui sont devenus ayants cause avant le procès où leur auteur a succombé, ou qui le sont devenus, même pendant le procès, pourvu que ce soit avant le jugement. [Voy. infrà, notre Question 1710 quater.]

Cette dernière proposition est fondée sur les lois 11, dernier §, et 29, § 1er, au Digeste, de exceptione rei judicatæ, et résulte d'un arrêt de la cour de cassation du 8 mai 1810

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[Il ne sera pas inutile d'indiquer ici, d'une manière générale, sur quoi se fonde le principe que l'on ne peut attaquer, par la voie de la l'on représente ont été parties; et comment tierce opposition, le jugement où ceux que l'idée qui lui sert de base doit régler son appli

cation (2).

Lorsqu'un procès est intenté, sitôt que les deux parties comparaissent devant le tribunal, l'une pour demander que la chose qui fait l'objet de sa réclamation lui soit adjugée, l'autre pour défendre au fond sur cette demande, il se forme entre les deux contendants une convention tacite par laquelle ils sont censés s'obliger mutuellement, l'un envers l'autre, à exécuter ce qui sera, en définitive ou en dernier état de cause, prononcé par le juge. Cette convention, ce compromis judiciaire ne diffère d'un compromis arbitral qu'en ce qu'il n'est point, comme ce dernier, spontané de la part de celui qui est forcé de comparaitre pour pouvoir se défendre; mais du reste, formé par le consentement réciproque des colitigants, il opère entre eux une obligation nouvelle, une sorte de novation dont l'effet est de remplacer tous les autres titres par le jugement qui intervient sur leurs différends, et qu'ils sont censés avoir promis d'exécuter, sans qu'il soit besoin, par la suite, de remonter aux causes qui l'ont précédé : «Litis contestatio contractus est et obligatio nova, nam secutâ condemnatione, actio pristina convertitur in actionem judicati atque ita novatur. (Cujas, ad l. 29, ff. de novat.)

C'est par une conséquence de cette fiction légale qui, au dire de Proudhon (Tr. des

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droits d'usufruit, no 1294), « constitue toute la légitimité de la procédure dans son principe, toute sa régularité dans sa marche, tous ses effets dans son résultat, » que l'on ne peut être admis à revenir, par voie de tierce opposition, contre un jugement auquel on est censé avoir acquiescé, lorsqu'on y a comparu soit en personne, soit par ceux que l'on représente à quelque titre que ce puisse être.

En effet, la tierce opposition étant un recours extraordinaire, exclusivement admis au profit des tiers, est complétement en dehors de la volonté des parties; elle ne peut jamais, à l'exemple de l'appel ou de l'opposition ordinaire que la loi leur réserve, faire l'objet d'une condition résolutoire tacite du compromis judiciaire auquel elles ont souscrit : il est donc naturel qu'elle soit interdite à celui qui, directement ou d'une manière immédiate quelconque, a participé à l'espèce de contrat synallagmatique dont la sentence du juge n'est que l'instrument authentique, et à l'exécution duquel il doit être tenu (art. 1134, C. civ.).

Telles sont les raisons qui motivent les fins de non-recevoir résultant de la deuxième condition établie par l'art. 474. Mais toute la difficulté consiste dans l'application que le juge doit faire du principe, en apparence si simple, qui lui sert de base.

On conçoit, en effet, que l'appréciation des motifs qui sont de nature à légitimer la tierce opposition, subisse et doive nécessairement subir, dans la pratique, des variations égales à la diversité infinie des cas dont il n'appartient à personne de prévoir ni de fixer le nombre. Entrer dans tous les détails qu'ils comporteraient serait sans utilité réelle pour la science. Bornons-nous à dire, d'une manière générale, qu'on représente une personne quand on tire son droit d'elle, c'est-à-dire quand ce droit a été transmis d'elle à nous, soit par la disposition de la loi, soit par le fait de l'homme, avec cette précision importante, néanmoins, que si la représentation à lieu en qualité de successeur à titre universel, l'autorité de la chose jugée contre le défunt s'applique sans restriction à celui qui n'est que le continuateur de sa personne civile et demeure revêtu de ses droits, comme chargé de ses obligations; tandis qu'à l'égard du simple ayant cause, elle ne peut l'exclure du droit de former tierce opposition au jugement rendu contre son auteur que relativement à la chose même qu'il en a reçue, puisqu'il ne le représente pas dans ses obligations personnelles, mais seulement à titre particulier, et que, sous tous les autres rapports, il demeure tiers vis-à-vis de lui. Poncet, no 400, développe la même doctrine.]

[1710 bis. Celui qui a concouru volontairement à l'exécution d'un arrêt, sous toutes protestations et réserves de droit, est-il

recevable à l'attaquer par la voie de tierce opposition?

Dans notre système (Quest. 1709), la négative ne peut faire le plus léger doute.

Sous quelque physionomie que la tierce opposition soit envisagée, la solution doit être la même.

L'exécution volontaire a été considérée comme un acquiescement dans un arrêt de la cour de Paris du 10 avril 1810 (Dalloz, t. 1, p. 174). Cette cour a même rejeté la tierce opposition d'une partie qui avait connu et laissé exécuter.]

[1710 ter. L'acquéreur est-il toujours recevable à former tierce opposition au jugement rendu contre son vendeur, et qui préjudicie à ses droits?

Cette question ainsi formulée doit être décidée négativement; mais elle présente diverses nuances susceptibles de solutions opposées, et que Pigeau, Comm., t. 2, p. 61, distingue très-judicieusement en trois cas.

L'acquéreur peut l'ètre devenu, en effet, out avant le procès, et, par conséquent, avant le jugement, ou pendant le procès, mais avant le jugement, ou bien enfin depuis le juge

ment.

I. « S'il a acquis avant le procès, dit Pigeau, le vendeur n'ayant plus de droits lors de l'action, ne représentait pas son acquéreur, et celui-ci peut, par conséquent, former tierce opposition. (Cass., 10 août 1807; Sirey, t. 7, p. 262; Dalloz, t. 27, p. 191, et Poitiers, 2 mars 1852; Sirey, t. 33, p. 441.)

» Cela est vrai quand l'action qu'avait le réclamant contre le premier possesseur, vendeur, était purement réelle; cette action, ayant cessé contre lui avec sa possession, a été mal à propos intentée et jugée contre lui. Elle aurait dù l'être contre l'acquéreur, possesseur lors de l'action. Mais en serait-il de même si l'action, mixte, dans le principe, contre le possesseur, c'est-à-dire personnelle et réelle, s'était depuis divisée par l'aliénation faite par ce possesseur; que cette action, restée personnelle contre lui, fût devenue réelle contre le deuxième possesseur, comme dans les actions en rescision, réméré et autres dérivant d'un contrat, lesquelles, personnelles et réelles contre l'acquéreur, premier possesseur pendant sa possession, se divisent dès qu'il aliène, en sorte que l'action personnelle continue bien contre lui, même après l'aliénation, mais que l'action réelle, qui a cessé contre lui dès son aliénation, a passé contre l'acquéreur, deuxième possesseur? Exemple: Un acquéreur ayant vendu l'héritage, le vendeur l'assigne depuis en réméré ou rescision, sans mettre en cause le deuxième acquéreur; celui-ci peut-il être considéré comme ayant été représenté par le

premier acquéreur, et serait-il recevable à former tierce opposition au jugement.

plus intéressé, en quelque sorte, que le premier à repousser l'action en éviction.

peut y former tierce opposition, parce que, vis-à-vis du demandeur, il est représenté par son vendeur. »

» Il faut décider qu'il y est recevable; le premier acquéreur n'étant plus tenu de la res- II. « Mais si l'acquéreur, dit encore Pigeau, cision ou du réméré, que par l'action person- a acquis pendant le procès et avant le jugenelle et non par l'action réelle qui a passément rendu ensuite contre son vendeur, il ne contre le deuxième; cette action en rescision ou réméré, comme réelle, devait être jugée contre le deuxième, non représenté par le premier. D'ailleurs, si le premier acquéreur a intérêt à repousser la rescision ou le réméré, le deuxième l'a aussi; et, comme le premier pourrait, par négligence ou collusion, lui porter préjudice, il est juste qu'il puisse y remédier par la tierce opposition.

» On rapporte dans Sirey, t. 2, p. 295, un arrêt de Paris, qui a décidé le contraire; mais comme l'espèce ne met pas à portée de voir si le deuxième acquéreur avait acquis depuis l'action (auquel cas il faudrait décider différemment, comme on va le voir), on ne peut tirer argument de cet arrêt, lequel serait opposé aux principes, si le deuxième acquéreur avait acquis avant l'action. >>

C'est aussi ce qu'enseignent Proudhon, dans son Traité des droits d'usufruit, d'usage, etc., no 1353, et Thomine, no 526. Poncet, no 401, paraît d'un avis opposé. Sans vouloir établir de règle absolue sur des questions toujours subordonnées, dit-il, aux circonstances, il n'en estime pas moins qu'au cas d'éviction prononcée en justice contre le deuxième vendeur, en faveur du vendeur primitif, le dernier acquéreur est soumis à l'autorité de la chose jugée. Mais il suffit d'appliquer à l'espèce de Poncet la distinction que nous venons de citer, pour reconnaitre l'erreur dans laquelle est tombé le savant professeur. Dès lors, en effet, qu'il s'agit ici d'une cession de propriété, c'est-àdire d'une action réelle, le second vendeur, irrégulièrement attaqué, n'a pu compromettre judiciairement sur un droit qu'il avait aliéné avant toute poursuite: il n'a donc pas représenté le deuxième acquéreur; celui-ci est donc recevable à former tierce opposition; et avec d'autant plus de raison que le soupçon de collusion que Poncet veut induire contre lui de son inaction, est bien autrement imputable au vendeur primitif, puisqu'au lieu d'exercer sa revendication contre le détenteur de l'objet par lui réclamé, ou de l'appeler au moins en déclaration de jugement commun, ainsi que le prescrivaient les règles du droit et de la prudence, il a préféré intenter une action contre şon acquéreur, sans s'informer s'il était encore possesseur ou non. Du reste, et même en envisageant ce fait négatif de la part du premier vendeur comme dénué de tout esprit de fraude, disons que la négligence volontaire qu'il constitue n'est pas trop punie, en soumetiant celui qui l'a commise à la chance d'une seconde discussion, de la part du deuxième acquéreur,

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La raison de le décider ainsi, bien que moins apparente que dans le premier cas, n'en est pas moins péremptoire. En effet, 1° quoique le jugement n'ait pas encore été prononcé, l'instance une fois liée entre les parties, le compromis judiciaire est en voie d'exécution, et le fonds contesté se trouvant déjà valablement grevé de la servitude du litige au moment où il passe dans les mains du nouveau possesseur, il ne peut lui être transmis qu'avec cette charge. 2° La présomption de dol, qui entache l'acte de vente passé dans ces circonstances, empêche que l'action à laquelle le vendeur a défendu depuis, ne soit exclusivement personnelle; elle demeure aussi réelle contre lui, quoiqu'il ne possède plus, en vertu du principe consacré par la loi romaine: is qui ante litem contestatam dolo desiit rem possidere, tenetur in rem actione (lf. L. 27, tit ler, § 3, lib. VI et IV).

D'où il faut conclure, avec Proudhon, dont on peut lire la savante dissertation sur ce point, loco citato, no 1338 et suiv., que lorsque l'action a été régulièrement liée avec le possesseur primitif, et que le juge prononce la résolution de son droit en proclamant la nullité de la cause de sa possession, celui qui lui a succédé, pour avoir acquis l'héritage dans l'intervalle, doit être forcé de souffrir l'exception de la chose jugée contre son cédant, comme celui-ci est forcé de la souffrir luimême, suivant cette autre règle encore, quod ipsis, qui contraxerunt, obstat, et successoribus eorum obstabit. (L. 143, de regul. jur.)

Et l'acquéreur ne serait pas recevable à opposer au tiers qui plaidait contre le vendeur en revendication de l'objet cédé, la circonstance qu'il aurait dû l'appeler en cause; parce que ce tiers pouvait ne pas le connaître, et que, l'eût-il connu d'ailleurs, la nature mème du compromis judiciaire intervenu entre lui et le vendeur, le dispensait de poursuivre son action contre toute autre personne que ce dernier.

L'acquéreur ne doit imputer qu'à sa négligence même le préjudice qui lui est causé; il était libre d'intervenir en effet pour soutenir ses droits, et s'il a omis de le faire, par suite de la mauvaise foi du vendeur qui lui a laissé ignorer le procès, il peut encore demander et obtenir contre lui des dommages-intérêts.

Ces principes, que certains auteurs, et no.

tamment Favard, t. 5, p. 602, considèrent | vendeur représente l'acquéreur relativement comme étant désavoués par la cour de cassa- aux droits immobiliers qu'il a aliénés (postétion, ne sont toutefois nullement incompati- rieurement), puisque ces droits ne lui apbles avec les arrêts qu'ils citent à l'appui de partiennent plus, et que, s'en étant irrévocaleur opinion; nous croyons, au contraire, blement dessaisi, il ne peut plus ni en traiter, qu'interprétés dans leur ensemble, ils ne peu- | ni en disposer, ni les compromettre d'aucune vent que leur prêter une nouvelle force. manière, au préjudice de l'acquéreur qui en est devenu seul maitre et propriétaire, et contre qui doivent être conséquemment exercées toutes les actions en revendication et en délaissement. »

Et d'abord, il est incontestable que lorsque l'acquisition a eu lieu avant l'introduction de l'instance en revendication qui, postérieurement, a été dirigée contre le vendeur, l'acquéreur est en droit de former tierce opposition; ce droit, il le puise dans l'aliénation complète que le vendeur lui a consentie du sien, aliénation qui le rendait conséquemment incapable de compromettre plus tard en justice sur ce qu'il ne possédait plus déjà; aliénation qui empêchait que le vice du litige en vertu duquel seulement on pourrait écarter l'acquéreur, ne fût transmis à ce dernier, puisqu'il n'affectait pas encore le fonds quand il l'a reçu.

Or, il est facile de s'apercevoir que la cour de cassation est partie du principe qu'à l'époque de l'acquisition, le vendeur avait saisi l'acquéreur de la plénitude de son droit. La cour considérait donc la citation en conciliation signifiée par le tiers qui revendiquait comme insuffisante pour établir entre celui-ci et le vendeur un compromis de nature à diminuer en rien cette plénitude de droit: elle était donc passée intacte au dernier acquéreur, et dès lors, il était inévitablement fondé à re

Or, tout le contraire existait dans l'hypothèse que nous venons d'examiner. Le juge-pousser l'autorité de la chose jugée contre son ment, il est vrai, n'était pas encore rendu, mais l'instance n'en était pas moins régulièrement liée en justice; il y avait, de la part des parties, comme le dit la loi romaine, judicium acceptum, c'est-à-dire droit acquis de poursuivre respectivement l'un contre l'autre la décision du juge sur des prétentions opposées; il y avait compromis judiciaire.

Le Code de procédure considère-t-il donc une aliénation comme un changement d'état de nature à nécessiter une reprise d'instance?

C'est pour avoir méconnu les distinctions și habilement déduites par Proudhon, que Favard et Carré ont attribué à la cour de cassation une doctrine qu'elle n'a, au fond, jamais consacrée. Il nous sera facile de l'établir.

Des divers arrêts de cette cour, qui ont eu à se prononcer sur la question actuelle, et qui sont sous les dates des 18 mai 1810, 2 mai 1811, 14 juin 1815, 21 fév. 1816, 19 août 1818 (Sirey, t. 19, p. 24; Dalloz, t. 27, p. 196; Devilleneuve, Pasicrisie, édition belge, à ces dates), et 11 mars 1834 (Devilleneuve, t. 54, 1re, p. 345), le plus péremptoire, sans nul doute, en faveur de l'opinion que nous réfutons est celui du 19 août 1818. Dans l'espèce qu'il juge, en effet, la cour a décidé qu'il n'y avait pas eu représentation suffisante de l'acquéreur, malgré cette double circonstance que la citation en conciliation avait eu lieu avant la vente et que l'instance avait été introduite avant la transcription.

Qu'on lise attentivement les motifs de cet arrêt, et l'on verra qu'ils sont des plus explicites; on demeurera convaincu qu'ils ne sont applicables qu'à la première des deux distinctions que nous venons d'indiquer. Il y est dit, en effet, que l'on ne peut prétendre qu'un

auteur qui n'était plus qu'un étranger pour lui dans le jugement qu'on voulait lui imposer.Quant à la circonstance de la transcription, la cour la tranche de même en faveur de l'acquéreur; la demanderesse, dit-elle, étant devenue propriétaire de l'immeuble dès le moment de la vente authentique.

Ainsi la cour, dans cette espèce, a jugé qu'aucune des deux circonstances précitées n'était suffisante pour qu'on pût admettre que le vendeur avait compromis sur ses droits avant d'en investir l'acquéreur: quoi de plus naturel, dès lors, que de déclarer ce dernier recevable à décliner l'autorité de la chose jugée?

Cet arrêt ne résout donc pas la difficulté proposée: il n'a de portée qu'en ce qui touche la règle générale; mais il est en dehors des principes spéciaux qui régissent l'exception qui nous occupe.

Ce qui prouve au surplus la vérité de notre système, c'est qu'il se trouve nettement formulé dans un arrêt de la même cour, du 21 fév. 1816. Il est facile de s'en convaincre en lisant les motifs de son arrêt, quoiqu'elle eut décidé, le 2 mai 1811, en confirmant une décision de la cour de Caen, que l'acquéreur était suffisamment représenté par son vendeur lorsque l'acquisition de l'immeuble, objet du litige, avait eu lieu avant le jugement qui réglait définitivement les prétentions opposées des parties. C'est aussi dans le sens de l'arrêt de 1816 que s'était prononcée la cour de Paris, le 29 prair. an x, et que jugea plus tard, le 50 juin 1818, la cour de Grenoble, dans une espèce où il s'agissait précisément, comme dans celle de l'arrêt du 19 août 1818 précité, d'une action en résolution de vente pour défaut de payement du prix,

la fraude, sur le motif qu'on ne pourrait soutenir qu'en ce cas le vendeur l'eût représenté. (Rouen, 15 therm. an x et cass., 10 août 1807; Sirey, t. 7, p. 262; Dalloz, t. 27, p. 191; Devilleneuve, Pasicrisie. Voy. Quest. 1711.)

Thomine, no 526, sans se dissimuler les in- | opposition, si elle était motivée sur le dol où convénients du système de Favard, n'aborde pas franchement la difficulté. « Quoique l'acquéreur saisi avant le jugement, dit cet auteur, ait connu le procès existant et négligé d'y intervenir, ce ne serait pas toujours un motif suffisant pour l'exclure du droit de former tierce opposition; mais il en serait autrement, s'il devenait évident qu'il avait consenti à être représenté par son vendeur dans le dessein d'essayer en quelque sorte de la justice, et de se donner la chance de profiter du jugement, s'il lui était favorable, ou de le frapper de tierce opposition, s'il lui était contraire. »

Ce terme moyen, qui tend à éluder les principes du droit pour y substituer une question de fait livrée à l'arbitraire du juge, ne nous satisfait pas davantage, car il laisse entière la difficulté. La question n'est pas, en effet, dans la connaissance que l'acquéreur peut avoir de l'instance en revendication ou en résolution de la vente concernant l'objet primitivement acquis par son vendeur même, elle git toute dans le point de savoir si le droit qui lui a été transmis n'était pas vicié dans son principe, en d'autres termes, comme nous l'avons déjà dit, si le fonds qu'il tient du vendeur n'était pas déjà grevé de la servitude du litige, au moment où l'acquisition en a été faite. Or, ce point une fois concédé, comme dans l'espèce, il ne peut plus y avoir de doute sur la solution négative de la question. Le vendeur n'a pu transmettre à son cessionnaire plus de droits qu'il n'en possédait lui-même. Il en est du vice qui frappe l'objet vendu, dans ce cas, comme il en serait d'une affectation hypothécaire, qui ne peut plus être valablement consentie par le vendeur après la vente; comme il en serait d'une seconde vente, qui ne peut plus être efficacement faite au profit d'un autre, parce qu'après avoir compromis, en jugement, le droit que l'on a sur une chose, on ne peut plus le reprendre pour le céder à une seconde per

sonne.

Il faut donc tenir pour certain, avec Pigeau et Proudhon, et avec la cour de cassation ellemême, que si l'acquéreur a acquis pendant le procès quoique avant le jugement rendu contre son auteur, il ne peut pas former tierce opposition à ce jugement.

III. La même exclusion aurait lieu contre lui, à plus forte raison, s'il n'avait acquis que depuis le jugement: ce jugement ayant décidé que le vendeur n'avait pas de droit, l'acquéreur qui le représente ne pourrait pas l'attaquer par tierce opposition, mais seulement par les voies qu'aurait son auteur (telles que l'appel, etc.), et qu'il lui a transmises. (Voy. infra, notre Quest. 1719 bis.)

Il a été jugé que l'acquéreur, même après le jugement, serait recevable dans sa tierce

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Il peut arriver (indépendamment de l'époque à laquelle la vente a eu lieu) que la qualité même du vendeur primitif ferme aux vendeurs subséquents la voie de la tierce opposition, en vertu du principe déjà invoqué, que nul ne peut conférer à autrui que les droits qu'il possède lui-même; c'est ce qu'a jugé la cour de Limoges, le 15 fév. 1816 (Sirey, t. 26, p. 216; Dalloz, t. 27, p. 220), dans une espèce où le premier vendeur avait aliéné des immeubles dépendants d'une succession qu'il se trouvait appelé à recueillir conjointement avec sa sœur, et dont le partage ne s'effectua que postérieurement à des reventes successives de ces mêmes immeubles.

Faisons observer, néanmoins, que le principal motif sur lequel cet arrêt se fonde est que le tiers acquéreur opposant avait à s'imputer le tort de ne pas être intervenu dans l'acte de partage pour y discuter ses droits, intervention à laquelle les cohéritiers n'étaient nullement tenus de suppléer, en l'y appelant de leur chef.

On a aussi jugé, toujours eu égard à la qualité du vendeur, quoique sous un autre point de vue, que celui qui a acheté d'un héritier apparent les biens d'une succession est non recevable à former tierce opposition au jugement qui reconnait l'état de l'héritier véritable (Paris, 18 vent. an 11), et, dans une espèce assez bizarre, que lorsque, dans une instance intentée contre le vendeur d'un immeuble litigieux, l'acte se trouve entaché de fraude, l'acquéreur du domaine, qui a été l'avocat et le conseil du vendeur, peut être déclaré avoir été partie en cause, et, comme tel, non recevable à former tierce opposition au jugement rendu entre le vendeur et une tierce personne. (Cass., 16 fév. 1820.)

Quant aux cédants et cessionnaires, la jurisprudence a appliqué les mèmes principes que ceux relatifs aux vendeurs et acquéreurs. (Avis du conseil d'État du 18 août 1807; Colmar, 11 mai 1811; cass., 16 juill. 1816; Sirey, t. 17, p. 25; Dalloz, t. 27, p. 205.)] 1711. Celui qu'un acquéreur a déclaré son command, en vertu de la réserve qu'il s'en était faite par le contrat d'acquisition, peut-il former tierce opposition au jugement qui, depuis, et contradictoirement avec le vendeur seul, a déclaré le contrat d'acquisition frauduleux et nul? Quand on admettrait, ce qui ne peut pas ètre, d'après les arrêts cités sur la Quest. 1710, qu'un acquéreur, ainsi que l'ont décidé d'an

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