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mière instance, tandis qu'elle est dispensée de la subir, dans le cas où elle a lieu devant une cour d'appel.

Mais il est facile de lui répondre: Si le rapprochement de quelques articles sert à prouver que, dans un cas spécial, la tierce opposition n'est point assujettie au préliminaire de conciliation, il ne s'ensuit pas qu'on doive faire de l'exception la règle générale. L'arrêt qu'invo- | que ce savant auteur ne vient pas davantage à l'appui de son système; il milite même en faveur de notre opinion. En effet, si la cour de Paris a jugé, le 29 prair. an x, que la conciliation n'était pas nécessaire, c'est que, dans l'espèce, elle ne considera la tierce opposition que comme une exception qui ne pouvait être astreinte à ce mode préliminaire d'introduction d'instance; tandis que les premiers juges l'avaient envisagée, au contraire, comme n'étant pas incidente à la cause; d'où la conséquence que les deux décisions devaient nécessairement se trouver opposées.

Cet arrêt ne fait donc que donner une nouvelle force à la distinction que nous venons de poser, et qu'il sera utile de ne pas perdre de vue.]

1725. Est-il un délai passé lequel la tierce

opposition ne soit plus recevable?

L'art. 474 est à peu près conçu dans les mèmes termes que l'art. 2 du tit. XXXV de l'ordonnance. Or, sous l'empire de cette loi, la cour de cassation, par arrêt du 17 germ. an IV (voy. Table de Bergognié, t. 1, p. 468), a décidé que, cet article ne prescrivant aucun délai pour se pourvoir, les juges ne pouvaient rien suppléer à cet égard: ne doit-on pas décider la même chose sous l'empire du Code?

Nous pensons qu'en effet on ne peut, dans le silence du Code, assujettir à aucune prescription le droit de former tierce opposition; mais cette solution ne doit être entendue, selon nous, que sauf l'application des principes généraux posés au Code civil sur la prescription des actions.

Ainsi, comme le dit Berriat, titre de la Tierce opposition, il paraît naturel de n'assujettir le droit de former tierce opposition qu'à la prescription ordinaire, qui courrait du jour où le jugement aurait été connu de la partie, à moins toutefois que, pendant cet intervalle, celle en faveur de laquelle le jugement aurait été rendu n'ait prescrit la chose reclamée. (Voy. Pigeau, liv. II, part. 4, tit. Ier, ch. 2; Prat., t. 5, p. 265, et cass., 11 germ. an IV; Sirey, t.15, p. 58.)

[(1) Nous pensons également avec plusieurs auteurs (Demiau, p. 555; Thomine, no 328,

(1) V. suprà, notre observation IV sur l'art. 1709, et nos réponses à quelques objections.

et Poncet, no 429 et 430), qu'en thèse, le temps de former tierce opposition n'étant pas limité, elle peut avoir lieu, soit tant que le jugement est susceptible d'exécution, soit alors même qu'il aurait été exécuté, tant que le tiers n'y a acquiescé ni directement ni d'une manière indirecte.

Mais ce principe général peut subir de graves modifications par la nature mème du droit dont l'exécution donnée au jugement pourrait avoir privé la personne interessée; et c'est pourquoi la sage restriction posée par Berriat nécessite quelques précisions importantes.

D'abord, dirons-nous avec Poncet, ubi supra (auquel nous empruntons, sur ce point, une excellente dissertation), nul doute en ce qui concerne la tierce opposition incidente, puisqu'elle n'est qu'une exception contre l'exception de la chose jugée; nous savons, en effet, que ce qui est temporaire pour agir, est perpétuel pour exciper: quæ sunt temporalia ad agendum sunt perpetua ad excipiendum. Ainsi, quand même la loi aurait fixé un délai pour l'emploi de la tierce opposition principale, on sent très-bien qu'il ne pourrait pas s'appliquer à la tierce opposition incidente, vu que celui qui s'en sert, n'a d'intérêt à s'en prévaloir, et n'est même censé avoir connaissance du jugement qu'on lui oppose qu'au moment même où l'on invoque ce jugement qu'il prétend lui ètre étranger: quel que soit donc le temps écoulé depuis la reddition de ce même jugement, comme il n'a pu l'attaquer avant de le connaître et d'y avoir intérêt, aucune prescription ne peut avoir couru contre sa tierce opposition: contra non valentem agere, non currit præscriptio.

» Mais, d'un autre côté, les mêmes raisons peuvent servir à faire comprendre que la tierce opposition principale est aussi une action perpétuelle par sa nature; car quoiqu'elle soit originaire ou introductive d'instance, elle n'a toujours pour objet que de repousser les inductions qu'on aurait tirées ou qu'on voudrait tirer contre nous du jugement rendu sans

nous.

» Il y aurait pourtant une distinction à faire en raison de la nature du droit, dont l'exécution donnée au jugement pourrait avoir privé la personne tierce; car si ce droit, qu'on a possédé à son préjudice, était susceptible par lui-même d'une prescription moindre de trente ans, comme, par exemple, s'il s'agissait de la propriété d'un meuble qui peut se perdre par la prescription de trois ans, daus les cas prévus par la loi, alors on conçoit que la voie de tierce opposition serait elle-mème prescriptible par ce même laps de temps, attendu qu'il n'y aurait plus desormais pour le tiers opposant d'intérêt à l'employer.

» En effet, que le jugement rendu entre des tiers, qui avait eu pour effet de procurer à l'un

la possession de ce meuble, soit ensuite rétracté ou non sur la tierce opposition du réclamant, la possession de trois ans n'en aura pas moins produit pour le tiers un droit de propriété sur le meuble en question. (C'est aussi ce qu'enseigne Pigeau, liv. II, part. 4, tit. 1, ch. 2, et Comm., t. 2, p. 62.) Car la prescription des meubles s'acquiert sans titres. Autre chose serait s'il s'agissait d'un immeuble, qu'on peut bien prescrire par dix ou vingt ans, mais seulement à l'aide d'un titre translatif de propriété; si effectivement le titre en vertu duquel on a possédé l'immeuble n'était autre qu'un jugement rendu entre des tiers, en faisant rétracter ce jugement on ferait tomber le titre qui avait servi de base à la prescription, et, par suite, cette prescription même, etc. Tout cela tient donc aux circonstances et aux règles du droit civil. »

Poncet, on le voit, part du principe également admis par Pigeau et Favard, t. 5, p. 596, à savoir qu'une décision judiciaire est purement déclarative, qu'elle ne constitue pas un titre translatif de propriété; en d'autres termes, le juste titre exigé par la loi pour la prescription de dix ou vingt ans.

Mais cette doctrine semble avoir été repoussée, et avec raison, selon nous, par la cour de cassation, le 20 fév. 1827.

si la tierce opposition est de nature à suspendre l'exécution, mettre le condamné en cause, pour l'empêcher de satisfaire à cette exécution; dans le second, la tierce opposition sera formée uniquement contre la partie qui aura obtenu ce jugement. (Voy. Pigeau, liv. II, part. 4, tit. Ier, ch. 2; liv. III, art. 3, no1 et 2.)

[Cette solution évidente est la même, si la tierce opposition n'est pas de nature à empêcher l'exécution du jugement; dans ce cas, la mise en cause de la partie qui a été condamnée est inutile et serait frustratoire.] 1727. La tierce opposition principale à un jugement confirmé ou infirmé sur l'appel doit-elle être portée devant la cour?

Il résulte des art. 473 et 476 que si la tierce opposition est formée par action principale, elle doit être portée devant les juges de qui émane le jugement attaqué. Cette règle a toujours été suivie. Donc, s'il s'agit d'un arrêt, il faut s'adresser à la cour d'appel qui l'a rendu.

Mais faut-il distinguer entre les arrêts qui ont confirmé et ceux qui ont infirmé? La tierce opposition ne doit-elle être portée à la cour d'appel que lorsqu'en infirmant elle a prononcé elle-même la décision dont se plaint le tiers opposant? Doit-elle l'ètre au tribunal de première instance, lorsque les juges d'appel ont confirmé purement et simplement?

En effet, la loi, en disant qu'il faut posséder en vertu d'un juste titre, n'exige pas autre chose qu'un titre légal, en vertu duquel on La cour d'appel de Bruxelles, par arrêt du puisse se dire propriétaire; or, un jugement est 9 avril 1808 (Sirey, t. 9, 2o, p. 107, et t. 5, 2o, assurément un titre légal, et s'il n'est pas trans- p. 516), a décidé que la tierce opposition forlatif, il n'en est pas moins attributif, ainsi mée par action principale à un jugement conque le dit l'arrêt de la cour de cassation pré-firmé sur l'appel, ou l'arrêt confirmatif, devait cité, et ce dernier caractère suffit pour servir de base à la prescription.

Il faut donc reconnaître que, eu égard à la nature du droit dont l'exécution donnée au jugement peut avoir privé le tiers, la faculté de former tierce opposition, quoique perpétuelle dans son essence, puisque la loi n'en a pas subordonné l'exercice à un délai déterminé, n'en demeurera pas moins soumise à la prescription de dix ou vingt ans.

être portée, non à la cour d'appel qui a confirmé, mais au tribunal dont le jugement a été confirmé. Elle a ainsi appliqué la première partie de l'art. 475, en vertu de laquelle l'opposition doit être soumise au juge qui a rendu le jugement attaqué. En effet, en confirmant le jugement, et mettant par conséquent l'appel au neant, une cour ne fait autre chose qu'anéantir l'obstacle qui s'opposait à l'exécution du jugement dont était appel, et il ne reste Un arrêt contraire de la cour de Poitiers, du rien de tout le procès entre parties que le ju2 mars 1832 (Devilleneuve, t. 33, 2o, p. 441),gement confirmé; d'où il suit bien que le june nous paraît pas devoir faire jurispru-gement attaqué par tierce opposition n'est pas dence. l'arrêt de la cour, mais le jugement appelé.

La raison en est que, dans le premier cas, le jugement subsiste, et c'est contre lui que le pourvoi est dirigé; dans le second, il est détruit, et c'est conséquemment l'arrêt qu'on

Nous n'approuvons pas davantage ce qu'enseigne Pigeau, Comm., t. 2, p. 58, relativement à l'execution entière du jugement qu'il considère comme devant rendre inutile l'objet principal de la tierce opposition, qui est d'ar-attaque. rêter les effets d'une décision judiciaire.] 1726. Contre qui la tierce opposition se

forme-t-elle?

Il faut distinguer deux cas: ou le condamné n'a pas execute le jugement, ou il l'a entièrement exécuté. Dans le premier cas, on devra,

[Nous avons décidé, suprà, p. 177, Question 1709, que la tierce opposition était purement facultative et qu'elle ne devait plutôt être permise que comme opposition; la conséquence rigoureuse est, pour nous, le rejet de toute distinction; aussi pensons-nous que la procédure en tierce opposition doit toujours

ètre portée devant le tribunal ou la cour qui a rendu la décision attaquée.

Voici quel est sur cette question l'état de la doctrine et de la jurisprudence:

Pigeau, Comm., t. 2, p. 65; Favard, t. 5, p. 614, et Poncet, nos 418 et suiv., adoptent l'avis de Carré.

On peut citer à l'appui de cette doctrine, outre l'arrêt de Bruxelles que rapporte Carré, trois décisions de la cour de Douai, des 20 juill. 1818, 14 janv. 1825 (Sirey, t. 25, p. 305), et 10 août 1827 (Gazette des Tribunaux, 8 oct. 1828, n° 666).

Mais Merlin, Rép., t. 8, p. 823, n'hésite pas à se prononcer contre cette opinion en ces termes : « C'est sans contredit devant le tribunal de qui est émané le jugement confirmatif | que doit être portée la tierce opposition. » Et son avis a été confirmé par deux arrêts de la cour de cassation, 16 fév. 1830 et 11 mai 1840 (Devilleneuve, t. 40, 1re, p. 719), dont le premier dit de la manière la plus explicite qu'en cette matière, les principes sur les deux degrés de juridiction ne sont point applicables.

Voy., touchant cette dernière précision, notre Quest. 1729.]

1728. En est-il de même lorsqu'on se pour

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toutes les parties dénommées dans le jugement auquel il forme tierce opposition?

Nous pensons, conformément aux principes que nous avons exposés, suprà, Quest. 1709, que toutes les parties doivent être intimées, dans le cas où la tierce opposition est incidente, comme dans celui où elle est principale. Le motif en est pris de ce que cette voie de recours n'a pas seulement pour effet de suspendre ou de prévenir l'exécution du jugement à l'égard du tiers qui l'attaque, mais qu'elle doit le faire infirmer à l'égard de toutes les parties intéressées. (Voy. Quest. 1755.) Il importe donc à celles-ci d'être légalement informées des attaques que le tiers dirige contre le jugement. C'est aussi ce qu'a décidé le tribunal d'Arbois, le 16 août 1808.]

1729. Peut-il ou doit-il être statué, à la charge de l'appel, sur une tierce opposition à un jugement en dernier ressort ? Cette question ne peut se présenter pour les tierces oppositions aux arrèls des cours d'appel. Puisqu'elles ne peuvent, par le titre même sort, il est bien évident qu'elles ne peuvent pas de leur institution, juger qu'en dernier resstatuer, à la charge de l'appel, sur une tierce opposition quelconque, c'est-à-dire principale ou incidente.

voit en déclaration d'arrêt commun? Si la tierce opposition, lorsqu'elle est principale, doit toujours être portée au tribunal qui a rendu le jugement attaqué, et lorsqu'elle Mais la difficulté peut se présenter aux triest incidente au même tribunal, s'il est supé- bunaux civils d'arrondissement, qui sont à la rieur à celui qui est saisi de l'instance princi- fois juges d'appel des jugements de justices de pale, c'est par la raison que la loi assujettit le paix et juges de première instance. «Par exemtiers opposant aux mêmes règles de compé-ple, dit Merlin (voy. Quest., au mot Oppositence qu'il eût dû suivre, s'il était intervenution (tierce), § 2), deux parties plaident devant dans l'instance terminée par le jugement qu'il attaque. Mais la demande en déclaration d'arrèt commun est une demande principale en exécution de cet arrêt; comme toute autre de- | mande de ce genre, elle est sujette à l'essai de conciliation (voy. suprà, no 1271); elle doit subir les deux degrés de juridiction, et, par conséquent, il nous semble qu'elle doit être portée devant le tribunal de première instance qui a rendu le jugement confirmé par l'arrêt. En cela l'on ne porte nulle atteinte à l'autorité de la cour, puisqu'il ne s'agit que de déclarer exécutoire un arrêt qui a confirmé un jugement dont, aux termes de l'art. 473, l'exécution appartient au tribunal qui l'a rendu, puisqu'on ne le rétracte pas, et qu'on ne fait qu'appliquer à un tiers ce qu'il a jugé.

La même chose doit encore avoir lieu quand l'arrêt n'a confirmé qu'en partie, d'après ce que nous avons dit no 1697.

[Il faut appliquer à cette question les principes que nous avons adoptés sous la question précédente.]

une justice de paix; il y intervient un jugement dont l'une d'elles se rend appelante; le tribunal d'arrondissement prononce sur cet appel et infirme le jugement qui en est l'objet; quelque temps après, un tiers se présente, et forme opposition au jugement du tribunal d'arrondissement; comment ce tribunal statuera-t-il sur cette opposition?

» La jugera-t-il à la charge de l'appel? Alors une affaire qui, par sa nature, ne peut arriver à la cour d'appel, lui sera cependant soumise. La jugera-t-il en dernier ressort? Dans ce cas, le tiers opposant ne jouira pas des deux degrés de juridiction que la loi accorde à toutes les parties, dans les affaires qui ne sont pas sujettes à ètre jugées en premier et dernier ressort par les tribunaux d'arrondissement. La renverra-t-il au juge de paix? Mais le juge de paix ne peut pas rétracter un jugement émané de son juge supérieur.

» Ainsi, continue le même auteur, de quelque côté que l'on se tourne, on rencontre un principe qui s'oppose au parti que l'on voudrait embrasser : il faut cependant se fixer, et, [1728 bis. Le tiers opposant doit-il appeler inconvénient pour inconvénient, on doit s'en

tenir à l'opinion qui en offre le moins; c'est dire, en d'autres termes, que l'on doit regarder le tribunal d'arrondissement comme investi d'un pouvoir suffisant pour juger la tierce opposition en dernier ressort. >>

Ce qui lève à cet égard toute espèce de doute, c'est que la cour de cassation a constamment jugé, sous le régime de la constitution de l'an III, qui avait établi les tribunaux civils de département juges d'appel les uns des autres, qu'ils devaient prononcer en dernier ressort sur les tierces oppositions formées aux juge ments qu'ils avaient rendus en cause d'appel. (Voy. Question de droit, ubi suprà, Nouv. Répert., v° Opposition (tierce), § 4, et 21 brum. an v.)

[Dans son Traité sur la compétence, 2e part., liv. II, tit. IV, Quest. 506, Carré revient, en ces termes, à l'opinion contraire soutenue par Pigeau, Comm., t. 2, p. 66:

|

réduit à celle de savoir si l'on privera ou non le tiers opposant du bénéfice des deux degrés, dont il eut joui en prenant une autre voie.

Or, qu'arriverait-il si, au lieu de se pourvoir contre un jugement de première instance en dernier ressort, le tiers opposant avait exercé son recours contre un arrêt?

Dans ce cas, tout le monde le reconnaît, il ne saurait être question de faire jouir le tiers du bénéfice ordinaire d'un double degré; l'institution même des cours royales, appelées à juger exclusivement en dernier ressort, y mettrait un obstacle invincible.

Mais s'il en est ainsi, c'est-à-dire, si, comme le fait très-judicieusement observer Poncet, n° 421, la règle générale qui défend d'intervertir l'ordre des juridictions, et de franchir le premier degré pour porter une cause de prime abord devant les juges du second degré, reçoit précisément exception dans le cas de la tierce opposition, pourquoi cette exception ne serait-elle pas applicable au jugement définitif aussi bien qu'à l'arrêt?

Est-ce à dire que l'autorité de la chose souverainement jugée soit moins respectable, moins virtuelle dans le premier que dans le second? On n'oserait le prétendre; car, l'un et l'autre, quoique dans un degré différent de hiérarchie judiciaire, ont été rendus en der

Qu'importe que le jugement entrepris par la voie de tierce opposition ait été rendu en premier ou dernier ressort, dès que la demande qui donne lieu à ce pourvoi est au-dessus ou au-dessous du dernier ressort? Il ne peut résulter du caractère du jugement attaqué par un tiers, et rendu sur une demande formée par une autre partie, que ce tiers puisse être privé de l'avantage du premier ressort ou de l'avan-la tage du dernier; avantage dont il eût incontestablement joui, si, au lieu de se pourvoir par tierce opposition, il avait formé une demande principale et dans la forme ordi

naire.

» Un arrêt de la cour de cassation, du 29 nov. 1820 (Dalloz, t. 8, p. 246) nous semble avoir formellement résolu dans ce sens la question ci-dessus posée.

» Ainsi le jugement à rendre sur une tierce opposition sera en premier ou en dernier ressort, suivant la valeur du litige à vider sur la tierce opposition.

» On pourrait bien dire, pour la négative, que les bornes du dernier ressort ne doivent pas être calculées d'après la valeur du litige, parce que la nature du jugement attaqué par tierce opposition, ayant une influence nécessaire sur la nature du jugement à intervenir touchant le mérite de la tierce opposition, on doit attribuer à ce dernier jugement le caractère du premier.

nier ressort.

Et pourtant, même en présence d'une analogie si frappante, l'intérêt du tiers dont on argumente dans le premier cas, est completement méconnu, oublié dans le second; d'où la conséquence que cet intérêt est ici purement secondaire, et que ce n'est point dans les considérations qui s'y rattachent de près ou de loin qu'il faut rechercher les motifs d'une solution. Cela est si vrai, qu'en supposant mème qu'il en fût autrement, l'induction à tirer de cette circonstance n'en serait pas moins en faveur de l'opinion que nous soutenons.

De cela seul, en effet, que la tierce opposition est une voie de recours essentiellement facultative (voy. supra, Quest. 1709), le tiers qui la choisit ne doit s'imputer qu'à luimême de s'être volontairement soumis à toutes les exceptions rigoureuses qu'elle peut entraîner; et comme au nombre de ces exceptions se place en première ligne, ainsi que nous l'avons déjà dit, la faculté de ne pas tenir compte de l'ordre des juridictions (dans les termes de la question du moins), il est naturel, légitime, que la libre préférence exercée par le tiers, le prive des avantages attachés aux voies ordiMalgré les motifs adoptés par Carré, à l'ap- naires dont il n'a pas voulu, quoiqu'elles fuspui de sa dernière opinion, que semble égale- sent plus que suffisantes pour garantir l'intément confirmer un arrêt de la cour de Besan-grité de ses droits; nous croyons l'avoir déçon du 16 juin 1809 (Dalloz, t. 8, p. 338), montré ubi suprà. nous pensous néanmoins que la solution donnée par Merlin est la seule vraie.

» Mais le principe général invoqué plus haut, et d'après lequel la compétence doit être fixée par la valeur de la demande, repousse invinciblement cette objection. »

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Ainsi, et sous ces divers rapports, la privation de laquelle argumente Carré résulte moins En dernière analyse, toute la question se du caractère propre du jugement que de la

merce. (Voy. Questions de Lepage, p. 322 et suivantes.)

nature même de la voie adoptée et du fait de l'avoir choisie. Le principe général, d'après lequel la compétence doit être fixée par la va- [A plus forte raison, d'après les principes leur de la demande, demeure ici sans applica- que nous avons développés suprà, Question directe; par la raison fort simple que lation 1709, déciderons-nous cette question tierce opposition étant une sorte d'incident qui se lie à la cause, ou qui la remet en question, elle en prend nécessairement le caractère dans l'état où cette cause se trouve, et ne peut même en avoir d'autre en sa qualité d'accessoire.

Ce ne sera donc point la valeur actuelle du litige, mais la nature du jugement attaqué, inséparable ici du caractère exceptionnel de la tierce opposition, qu'il faudra consulter pour savoir si le jugement qui l'a admise ou rejetée est susceptible de la voie d'appel; d'où la conséquence que s'il est en dernier ressort, tout recours à un degré supérieur de juridiction demeure interdit au tiers opposant.

Ces principes nous dispensent de réfuter longuement la distinction établie par notre savant collègue Benech, dans son Traité des tribunaux de première instance, p. 507 et suiv., et qui nous parait inadmissible. Il nous suffira de dire que si, dans l'espèce qu'il pose, le créancier gagiste eût exercé l'action en revendication de son mobilier (voy. la Question 1752), au lieu de recourir à la tierce opposition, il eût évité de se placer sous le coup d'une sorte de déchéance exceptionnellement créée pour cette voie extraordinaire.

On sent combien ce que nous avons dit sous le n° 1709 prète naturellement de force à cette solution.]

1730. Si on oppose, devant un tribunal de commerce, un jugement rendu en matière civile par un tribunal de première instance, le tribunal de commerce peut-il connaitre de la tierce opposition au jugement de première instance?

Nous ne le pensons pas. A la vérité, ces deux tribunaux sont bien égaux dans la hiérarchie judiciaire, en ce sens qu'ils ne connaissent qu'en première instance des affaires qui leur sont soumises; mais ils ne le sont pas quant à la nature de la juridiction. Juges de simple attribution, les tribunaux de commerce ne peuvent dépasser les limites de leur compétence, hors desquelles ils cessent d'être juges: la tierce opposition doit donc être portée en ce cas, par action principale, devant le juge qui aura rendu le jugement. (Voy. Demiau, p. 557.)

comme Carré.

Néanmoins, nous ne déciderons pas pour cela, ainsi que l'a fait la cour de cassation, le 12 août 1818 (Pasicrisie, à cette date), que le tribunal de commerce doit nécessairement s'abstenir et renvoyer les parties devant la juridiction qui sera saisie de la tierce opposition. Le tribunal de commerce prononcera un sursis, s'il le juge convenable. (Quest. 1731.)]

ART. 477. Le tribunal devant lequel le jugement attaqué aura été produit pourra, suivant les circonstances, passer outre ou sursevir.

[Devilleneuve, vo Tierce opposition, no 81. — Locré, t. 9, p. 339, no 5; p. 371, no 28, et p. 384 et suiv., no 25.]

CCCXCV. L'instance dans laquelle le jugement aura été produit devait-elle être suspendue ou non, jusqu'à ce qu'il eût été prononcé ment considéré que les motifs de décision à sur la tierce opposition? Le législateur a sagecet égard sont tellement dépendants de la nature et des circonstances de la contestation principale, qu'il devait être entièrement laissé à la prudence des juges de passer outre ou de surseoir. (Exposé des motifs.)

1731. Quels sont, en général, les cas dans lesquels le tribunal où le jugement attaqué par tierce opposition est produit, peut passer outre ou surseoir à la décision de la contestation principale?

Les motifs de décision à cet égard sont tellement dépendants de la nature et des circonstances de la contestation principale, que la loi laisse entièrement à la prudence des juges de passer outre ou de surseoir; mais on peut dire, en général, que le tribunal doit ordonner le sursis, lorsqu'il lui paraît evident que le jugement opposé peut influer sur celui de l'instance principale, ou qu'il sera réformé sous l'instance incidente de la tierce opposition. Si, au contraire, les juges estiment que la tierce opposition est mal fondée ou qu'elle ne pourra avoir aucune influence sur la contestation principale, ils pourront passer outre au jugement de cette contestation, sous la réserve des droits des parties relatifs à la tierce opposition. Mais si la tierce opposition avait pour objet (Voy. Pigeau, liv. II, part. 4, tit. Ier, ch. 2; un jugement rendu par un tribunal ordinaire Prat., t. 3, p. 278; Hautefeuille, p. 183; Beren matière commerciale, il serait évident queriat, titre de la Tierce opposition.) le tribunal de commerce pourrait en connaître, parce que, sous ce rapport, les juges ordinaires sont mis à la place des juges de com

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Mais un tribunal inférieur ne peut surseoir à l'exécution d'un arrêt, encore bien qu'il ait été formé tierce opposition à cet arrèt. (Paris,

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