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l'attaquer par requête civile, de même que nous avons décidé que l'appel ne pouvait pas être interjeté contre un jugement rendu d'accord, suprà, Quest. 1651.

Mais outre que nous avons pensé (loco citato) que le dol et la fraude feraient exception, on ne doit pas oublier que la requête civile a son premier fondement dans les principes qui régissent les restitutions contre les contrats, et que de même qu'un majeur est restituable contre la convention qui lui a été surprise par dol, de même la partie colitigante, qui n'aurait donné son assentiment à l'arrêt rendu sur expédient que parce que son adversaire l'aurait trompée, soit en retenant des pièces décisives, soit en faisant usage de faux actes, ou par toute autre manœuvre frauduleuse, doit être restituable, par la voie de la requête civile, contre la chose que juge l'arrêt, comme l'a décidé implicitement la cour de Paris, le 28 nov. 1810 (Sirey, t. 14, p. 406; Dalloz, t. 23, p. 469).

Objectera-t-on que la déchéance prononcée contre les parties qui ont laissé périmer les délais de l'appel, ayant son principe dans l'acquiescement présumé de leur part, on ne voit pas comment l'acquiescement exprès ne produirait pas des effets identiques?

A cela il est facile de répondre que l'analogie est inexacte, en ce qu'il s'agit ici d'une sentence en dernier ressort qui, par elle-même, et sans le secours de la péremption, avait force de chose jugée.]

1739. La requête civile est-elle recevable, lorsque le jugement a été qualifié en premier ressort?

On ne doit point considérer la qualification du jugement, mais seulement la matière jugée. (Arg. de l'art. 433, voy. nos questions sur cet article.) Ainsi, lorsqu'un jugement est qualifié en dernier ressort, tandis qu'il ne pouvait être rendu qu'en premier ressort, la voie de la requête civile est fermée; on ne peut prendre que celle de l'appel. Si, au contraire, le jugement est qualifié en premier ressort, lorsque la matière était susceptible d'être jugée souverainement, il suffit que l'appel soit prohibé de droit pour que la requête civile soit autorisée. (Voy. Demiau, p. 340.)

[Voy. encore à l'appui de cette solution évidente, Dalloz, t. 23, p. 450.]

1740. Quelles sont les personnes qui peuvent,

et contre lesquelles on peut se pourvoir par requête civile?

Le conseiller d'État Bigot de Préameneu répond cette question dans l'Exposé des motifs. (Voy. édit. de F. Didot, p. 146.)

Remarquons que les héritiers, les successeurs ou ayants cause de la partie qui a été appelée au jugement, peuvent se pourvoir par requête civile, parce que cette voie est considérée comme une suite, comme un complément de la procédure sur laquelle est intervenu le jugement ainsi attaqué. Mais à l'égard des jugéments dans lesquels les demandeurs n'ont pas été parties, on ne peut envisager la requête civile sous ce rapport: ils ne peuvent donc se pourvoir de cette manière contre ces jugements, et n'ont que la voie de la tierce opposition, qui, comme moins dispendieuse, était préférée, ainsi que le fait observer le conseiller d'État Bigot de Préameneu, lorsque l'ordonnance de 1667, tit. XXXV, art. 25, ouvrait à la fois aux plaideurs cette voie et celle de la requête civile. (Voy. Quest. de Lepage, p. 327.)

De ce que la requête civile est admise de la part de ceux qui ont été parties dans le jugement, leurs successeurs ou ayants cause, il résulte que l'on peut user de cette voie contre les personnes qui ont les mèmes qualités. Et d'ailleurs, en dirigeant la requète contre les successeurs ou ayants cause de la partie, on ne fait qu'agir en vertu du principe que l'on peut exercer contre eux les droits qu'on avait contre leur auteur. (Voy. Pigeau, liv. II, part. 4, tit. Ier, ch. 1er, et l'arrêt de la cour de cass. du 1er germ. an XI; Quest. de droit, v° Requéte civile, § 7) (1).

[Nous ne pouvons que joindre notre assentiment à celui des auteurs que sont unanimes sur l'interprétation large que doit recevoir ce mot parties, dans l'art. 480. (Voy. Demiau, p. 341; Favard, t. 4, p. 883; Berriat, titre de la Requête civile, note 6, et Merlin, Quest. de droit, t. 5, p. 461.) Pour les effets de l'indivisibilité en matière de requête civile, voy. notre Quest. 1794 bis.]

(1) Cependant la section du tribunat, sur la proposition de laquelle la première disposition de l'art. 480 fut adoptée, avait formellement établi que, si les héritiers pouvaient prendre la voie de la requête civile, parce qu'ils sont compris dans la dénomination de parties, suivant la maxime que les successeurs universels représentent le défunt; que si les créanciers et les successeurs à titre particulier peuvent prendre celle de la tierce opposition, parce qu'ils sont ayants cause, il en était autrement pour la requête civile, qui ne doit être formée que par ceux qui ont été par

ties dans le jugement ou dûment appelés. (Locré, t. 2, p. 301.)

Mais les orateurs du gouvernement et du corps législatif ayant, au contraire, expressément placé les ayants cause au nombre des parties qui peuvent se pourvoir par la voie de la requêté civile, nous estimons que tout ayant cause a ce droit, suivant le vœu du législateur qui a décrété la loi après ces explications: c'est aussi ce que les auteurs ont enseigné dans tous les temps.

[1740 bis. Une requête civile, fondée sur un des moyens prévus par la loi, peut-elle étre écartée sous prétexte de défaut d'intérét?

Non, parce que l'unique mission du juge est d'apprécier la valeur des moyens que présente la partie, eu égard au texte de la loi, qui lui sert à la fois de limite et de règle, et qu'il ne peut, sans violer ce texte et outre-passer les bornes de son mandat, créer arbitrairement une nullité qu'il n'a pas prévue. C'est ce qu'a jugé un arrêt de la cour de cass. du 16 août 1808 (Sirey, t. 9, p. 575; Dalloz, t. 23, p. 455) sous l'empire de l'ordonnance de 1667, et nous pensons avec Berriat, titre de la Requête civile, note 3, que la décision doit être la même aujourd'hui.]

1741. Peut-on se pourvoir par requête cirile, lorsque les voies d'appel, d'opposition

et de cassation sont ouvertes?

C'est un principe général que l'on ne peut user à la fois de deux voies pour faire réformer ou rétracter un jugement, et qu'on ne doit employer celle que la loi indique en dernier lieu qu'après avoir épuisé toutes celles qu'elle désigne en premier ordre.

Ainsi, premièrement, quand on a la voie de l'opposition, on ne peut recourir ni à l'appel, ni à la tierce opposition, ni à la requête civile, ni à la cassation. (Voy. arrêt de la cour de Montpellier, rapporté dans la Jurisprudence sur la procédure, t. 5, p. 402, sous la date du mois de février 1809, sans indication du jour.) De là il suit qu'on ne peut se pourvoir par requête civile contre un jugement par défaut qu'autant que l'opposition n'est plus admissible. Secondement, quand on a la voie de la requête civile, on ne peut se pourvoir en cassation, en ce sens du moins que l'on fonderait ce pourvoi sur un moyen qui serait indiqué par la loi comme donnant ouverture à la requête civile. (Voy., entre autres, les arrêts de la cour de cassation des 26 avril et 29 mars 1809.) Si donc l'on use de la requète civile, on ne peut en même temps agir en cassation. (Voy. Berriat, titre de la Requête civile, et Pigeau, liv. II, part. 4, tit. Ier, ch. 1er.)

Ces questions générales étant résolues, nous allons examiner celles que font naître les dispositions des dix paragraphes dans lesquels l'art. 480 détaille les differentes causes qui donnent ouverture à la requète civile. Mais nous devons remarquer, avant tout, que cette voie ne peut être admise qu'autant que la partie qui l'emploie se fonde sur une de ces causes. C'est que la requête civile est une voie extraordinaire, et qu'on ne peut user de ces voies que dans les circonstances précises indiquées par la loi, sans s'exposer toujours à de fortes amendes, et souvent à des dommages-intérêts. (Voy. art. 497, 493 et 516.)

[Nous ferons remarquer ici combien l'article 480 prête à la discussion. Pourquoi le législateur n'a-t-il pas laissé dans le domaine de la cour de cassation plusieurs cas dont l'applidifficultés? Les § 2, 6 et 8 n'offrent-ils pas des cation scindée pouvait faire naître de si graves violations de loi, qu'il était plus simple de ne pas détacher de toutes les autres violations que la cour régulatrice est chargée de réprimer?

Qu'en résulte-t-il? C'est qu'on se demande dans quels cas la violation des formes ou le défaut d'audition du ministère public devront être soumis à la cour de cassation : les parties, qu'on a voulu traiter favorablement en leur accordant, dans certains cas, une voie moins longue, moins dispendieuse, sont embarrassées de leurs richesses; ces avantages deviennent un inconvénient, car rien n'est pire que l'incertitude de la juridiction à laquelle on doit

s'adresser.

Pour notre compte, après avoir examiné longuement la jurisprudence et la doctrine, et surtout la docte dissertation d'Achille Morin, qui a, pour ainsi dire, écrit un traité à l'occasion d'un pourvoi qui lui était confié, nous avons vainement recherché une raison tranchante et sans réplique. Nous serions tenté de dire avec le sceptique, sempre bene.

Comme toutes les raisons ont été données, nous nous contenterons de faire quelques remarques critiques, et de conclure."

deux voies ne peuvent pas être concurremment I. Il est assez généralement reconnu que ouvertes, et cependant on lit dans un arrêt de la cour de cassation du 5 déc. 1836 (Devilleneuve, t. 37, 1ro, p. 71), que les arrêts qui n'ont pas été prononcés publiquement peuvent être également rétractés par la voie de la tion. requête civile, et annulés par la voie de cassa

Un arrêt du 19 déc. 1851 de la même cour

(Devilleneuve, t. 32, 1re, p. 216) paraissait avoir posé le principe contraire d'une manière assez satisfaisante.

II. La cour de cassation, dans un arrêt du 9 fév. 1836 (Devilleneuve, t. 36, 1re, p. 88), avait adopté ce principe que pour tous les cas, même ceux où il s'agit seulement de l'ordre public en général (des questions d'usure avaient été soulevées) le défaut d'audition du ministère public ne pouvait être qu'un moyen de requête civile.

Mais le 8 août 1837 (Devilleneuve, t. 37, 1re, p. 937), à la vérité après la plaidoirie dans laquelle Morin reproduisit son système avec la netteté qui caractérise son talent, la mème cour rejeta, au fond, le moyen tiré du defaut d'audition du ministère public, en décidant que, dans l'espèce, il ne devait pas être en tendu. Cet arrêt est d'autant plus important

que la cour pouvait se dispenser de juger la question fort délicate de savoir si l'ordre pu- | blic est intéressé lorsque les parties plaident sur les conséquences civiles d'un délit.

Celles qui proviennent du fait du juge sembleraient rentrer dans le § 2 de l'art. 480; mais l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810 en décide autrement, et il est assez géneralement reçu que les nullités de jugements forment des moyens de cassation.

Nous le déciderions même, dans le cas où il s'agirait de défenses faites aux juges de passer outre en certains cas (art. 514, C. proc.), parce que ce ne sont pas en réalité de simples nul

La cour de Paris a refusé même la requête civile à une partie qui ne se trouvait pas dans une position exceptionnelle, quoique la loi exigeat la communication au ministère public, 9 août 1817 (Sirey, t. 17, p. 410; Dalloz, t. 21, p. 379). Cet arrêt a été rendu sur la plaidoirie du célèbre jurisconsulte Persil, qui a consi-lités de forme. gné ses principaux arguments dans son tome 2, yo Ordre.

D'où il résulterait que toutes les fois que les parties sont majeures et placées dans la position commune, la disposition de la loi qui exige la communication du ministère public resterait sans sanction.

III. Voici quel est le sentiment que nous hasardons sur ces difficultés qui résultent d'une inattention législative.

1o Nous reconnaissons comme un point hors de contestation que le ministère public qui n'est pas partie principale n'a jamais le droit de se pourvoir, soit par la requète civile, soit par le recours en cassation, quelle que soit la gravité des motifs d'ordre public qui aient fait

ordonner son audition. Nous avons développé notre doctrine, Quest. 414, 414 ter, et 964 bis.

2o La requête civile est ouverte en faveur de celui pour qui l'audition du ministère public était ordonnée par la loi, mais uniquement en sa faveur. Hors de ce cas spécial, le défaut d'audition est un vice de forme, une violation de loi, et doit donner lieu au recours en cassation, en faveur de toute partie; le ministère public fait alors partie intégrante du tribunal, le jugement ne peut pas être valablement rendu sans son audition; cette audition manquant, le jugement n'est pas complet. Le ministère public n'a pas, il est vrai, voix délibérative, mais une voix consultative peut souvent avoir un haut degré d'importance. Il n'est pas indifférent d'avoir ou de n'avoir pas, dans une cause, les conclusions des Dupin, des Laplagne-Barris, etc., etc. (1).

5° Quant à la violation des formes, ainsi que nous le décidons Quest. 1756, pour la contrariété des jugements, si la nullité a été invoquée et si le tribunal (2) l'a rejetée, le pourvoi en cassation est la seule voie qui doive être suivie pour faire annuler le jugement.

Nous voulons parler des nullités qui proviennent du fait des parties, et qui ne sont pas

couvertes.

(1) [De notre Quest. 2412 septies, nous avons renvoyé à notre titre de la Requête civile; la disposition de l'art. 718 est impérative.]

(2) [Quand nous parlons de tribunal, c'est d'un tri

4o Nous n'admettons pas qu'on puisse tout à la fois se pourvoir et par requète civile, et par le recours en cassation, pour le même grief; il faut que l'une ou l'autre de ces voies soit suivie, il ne peut y en avoir qu'une de légale. (Voy. infrà, nos Quest. 1747 et 1747 bis.)

Ce n'est pas à dire pour cela qu'à l'occasion d'un jugement la requête civile et le pourvoi en cassation ne seront pas permis; ce serait là, nous le croyons, une erreur évidente. qu'on n'a pas jugé un des chefs de sa demande, Ainsi le plaideur qui se plaindra, 1o de ce 20 de ce qu'en jugeant l'autre chef on a violé la loi, pourra se pourvoir successivement et il sera même forcé de le faire concurremment par requête civile, et par recours en cassation; dans certains cas, pour éviter des déchéances, à raison de l'expiration des délais.

IV. Nous croyons devoir rapporter textuellement le travail de Morin qui projettera toujours une grande lumière sur la controverse, quelle que soit l'opinion que l'on adopte.

«Les conclusions du ministère public devant être données oralement à l'audience (C. proc., art. 112), et la rédaction des jugements devant constater l'accomplissement des formalités essentielles à leur régularité (141), il y a présomption légale de non-audition toutes les fois que la minute ne porte pas, en termes exprès ou équipollents, que le ministère public a été entendu dans ses conclusions à l'audience, ou qu'il a déclaré s'en rapporter à la prudence du tribunal. La seule mention de sa présence, loin de faire présumer l'audition, prouverait qu'elle n'a pas eu lieu, ainsi que l'ont jugé une foule d'arrêts de cassation, depuis 1806 jusqu'à ce jour. (Devilleneuve, t. 57, 1re, p. 145.)

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L'irrégularité se trouvant dans un jugement de premier degré, en cause d'appel, l'annulation de ce jugement pour vice de forme (voy. C. proc., art. 475) peut être demandée :

» Si l'audition était requise dans un intérêt privé, par la personne privilégiée que les conclusions du ministère public devaient protéger,

bunal ayant jugé en dernier ressort. Les principes sont les mêmes dans les cas où il s'agit d'un arrêt de cour royale.]

mais par elle seule, puisque la nullité n'est que relative;

» Si l'audition était exigée dans l'intérêt public, par chacune des parties, attendu que toutes ont droit de se dire lésées par l'omission d'une formalité essentielle, et même par le ministère public, partie jointe, du moment où la formalité intéressait l'ordre public. C'est ce qu'ont jugé : 1o en matière de faux incident civil, deux arrêts, l'un de la cour de Turin du 7 fév. 1809, très-bien motivé, l'autre de la cour de Paris, du 29 avril suivant (Pasicrisie); 2o dans la cause d'une femme mariée, plaidant sans autorisation maritale, un arrêt de la cour de Rennes du 15 avril 1811. Ici, comme dans l'espèce précédente, la nullité n'était pas simplement relative, mais absolue, quoi qu'en aient dit les auteurs cités dans les observations sur cet arrêt; 5o dans une cause de compétence, un arrêt de la cour de Bordeaux du 20 mai 1829 (Sirey, t. 29, 2o, p. 309).

» Quant aux jugements en dernier ressort, entachés de ce vice de forme, quelle voie est ouverte, et en faveur de qui? A cet égard, nous ne craignons pas de dire que tous les traités de procédure où la question a été tranchée sans discussion contiennent des erreurs, soit sur le principe à poser, soit sur l'application du principe.

» Ainsi, Carré donne comme certain, sur l'art. 83, que « la sanction de toutes les dis» positions par lesquelles la loi déclare une » affaire communicable, se trouve dans l'arti»cle 480, dont le § 8 donne ouverture à re» quète civile, si le ministère public n'a pas été » entendu » et sur l'art. 480 8o, « qu'on ne » peut se pourvoir en cassation, mais seule»ment par la voie de la requête civile. » Berriat dit aussi que « la communication est exigée » sous peine de rétractation des jugements, » art. 480 8°» (ch. 2, § 2, du Ministère public, note 23), « que l'omission n'est plus un moyen » de cassation.» (De la Requête civile, note 32.) Quelques arrêts mème, dans leurs motifs, semblent n'admettre aucune distinction; et les arrétistes, dans leurs sommaires, généralisent toujours la question jugée, comme si la voie de cassation n'était jamais ouverte pour défaut de conclusions du ministère public. (Voy. Devilleneuve, t. 53, 1re, p. 450; t. 36, 1re, p. 88; et t. 57, 1re, p. 846.) Enfin, c'est là une opinion généralement professée et accréditée.

» On n'a donc pas remarqué que l'art. 480 8° n'ouvre pas toujours, et en faveur de chaque partie litigante, la voie de la requête civile pour défaut d'audition du ministère public, et que, si cette disposition était la seule sanction de toutes celles qui veulent l'audition, toute sanction manquerait dans la plupart des cas. Suivant les termes de l'art. 480 8°, qui sont l'expression fidèle du vœu de la loi, la requête

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civile n'est ouverte qu'en faveur de celui pour qui la communication était ordonnée. Cette disposition est fort claire pour toutes les causes déclarées communicables dans l'intérêt privé, collectif ou individuel, d'une personne morale ou réelle privilégiée, laquelle, ayant succombé, pourra (mais elle seule, puisque la nullité est relative), former requête civile, savoir :

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L'État, le domaine ou le roi, par leurs agents (C. proc. civ., art. 69); les communes, les établissements publics, par leurs administrateurs;

» Les pauvres, pour les dons et legs à eux faits, par l'administrateur autorisé à accepter (C. civ., art. 937, et ordonnance du 2 avril 1817);

» Les masses de créanciers, par la personne qui a représenté la masse : par exemple, dans les questions d'ordre, l'avoué du créancier dernier colloqué (C. proc. civ., art. 760), mais non le créancier majeur et ayant l'exercice de ses droits, qui avait figuré personnellement au procès (Paris, 9 août 1817; Pasicrisie, et Persil, vo Ordre, § 10);

» Les femmes mariées, pour leur dot, par elles-mèmes, avec l'autorisation de leur mari ou de la justice (C. civ., art. 215 et 218);

» Les mineurs et interdits, par leur tuteur, sans qu'il soit besoin, suivant nous, d'une nouvelle autorisation du conseil de famille, attendu qu'il ne s'agit pas ici d'introduire une action (roy. C. civ., art. 464);

» Les personnes pourvues d'un curateur, par celui-ci ; et les personnes présumées absentes, par leur représentant légal.

» Mais pour les causes communicables dans l'intérêt public, peut-on dire que, quelle que soit la partie qui succombe, c'est celle pour qui la communication etait ordonnée, et que dès lors la requête civile est ouverte en sa faveur? Cette question mérite examen, car il importe de savoir qui peut demander, et par quelle voie on peut obtenir la réparation d'un vice de forme aussi capital.

» Le seul ouvrage où nous ayons trouvé la question discutée, Le ministère public en France (t. 1, p. 295), se prononce pour la requète civile, par les raisons suivantes, qu'il faut connaitre textuellement pour en mesurer la justesse:

« Nous savons que la sanction des lois qui exigent la communication se trouve dans la » voie de la requête civile; mais que décider, » lorsque c'est dans un intérêt général que la >> communication est exigée, comme lorsqu'il » s'agit d'ordre public, de déclinatoire, de reglement de juges, de récusation, de renvoi, » de prise à partie, etc.? L'art. 480, no 8, » ouvre la requète civile, lorsque la communi»cation n'a pas eu lieu, et que le jugement a » été rendu contre celui pour qui elle etait or» donnée; mais dans le cas que nous nous pro

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» posons, la communication n'est pas plus » exigée dans l'intérêt de l'une des parties que » dans celui de l'autre ; elle est prescrite par la » loi dans l'intérêt social. Donnera-t-on au mi»nistère public le droit de former la requête » civile? Mais comment exercerait-il cette voie » contre un jugement dans lequel il n'était » point partie principale, et qui, par consé» quent, ne le concerne point? »

» Effectivement la voie d'action ne saurait appartenir ici au ministère public; et nous repoussons, avec Ortolan et Ledeau, l'opinion contraire, échappée à la sagacité habituelle de Loret, dans son Comm. sur le Code de proc., t. 5, p. 273.

» dans l'intérêt de qui la communication était >> exigée; or, dans l'espèce, la communication » était prescrite dans l'intérêt de chacune des » parties, puisqu'elle l'était dans l'intérêt de la » société. Cette solution n'est-elle pas d'autant » plus admissible, de préférence à la première, » qu'en matière civile l'inobservation des >> formes prescrites à peine de nullité ne frappe » pas le jugement d'une nullité radicale, mais » donne seulement ouverture à la requête ci» vile de la part de la partie qui y a intérêt, >> aux termes du même art. 480, no 2. De sorte » qu'expliqués de cette manière, les deux nu»méros de cet article coïncideraient parfaite»ment, et les dispositions du no 8 rentreraient » dans celle du n° 2, pour tous les cas où la >> communication n'est pas fondée sur un inté» rèt purement personnel. »

» C'est là ce que nous contestons.

» Et d'abord nous repoussons l'application du no 8 de l'art. 480, par plusieurs motifs. » En premier lieu, s'il est exact de dire qu'une formalité prescrite dans l'intérêt de l'ordre public l'est par conséquent dans l'inté

«Laissera-t-on la disposition de la loi dé» nuée de toute sanction? Mais une pareille dé» cision atteindrait les cas les plus fréquents et » les plus importants de communication. On » résout la difficulté en disant que la présence » du ministère public, dans ces sortes d'affai»res, est absolument nécessaire; qu'aucun ju»gement ne peut être rendu sans qu'il ait » donné ses conclusions; que s'il n'a pas été >> entendu, ce n'est pas le cas d'invoquer l'arrêt de tous et de chacun, cela ne fait pas qu'une »ticle 480, no 8, qui est inapplicable; mais que » l'acte faussement qualifié jugement se trouve >> infecté d'une nullité radicale que tout le » monde peut opposer. C'est ce qui a été jugé, » en matière de faux incident, par deux arrêts, >> dont le motif principal repose sur le texte de » l'art. 251, C. proc. »

» Nous adoptons pleinement cette opinion, quoiqu'elle n'ait été consacrée par les arrêts de cours royales que citent ici les deux auteurs, d'après Carré, sur l'art. 251, C. proc. civ., que relativement aux jugements dont la nullité pour vice de forme est demandée en appel; ce qui laisse entière la question pour les décisions en dernier ressort.

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voie extraordinaire, telle que la requête civile, ouverte en faveur de la partie privilégiée dans l'intérêt personnel de qui une certaine formalité avait été prescrite, puisse appartenir à toute partie, quelle qu'elle soit, qui vient à succomber; remarquons bien que les causes d'ouverture à requête civile sont toutes relatives, suivant les termes de l'art. 480, depuis le n° 1 jusqu'au no 10, et de l'art. 481, qui établit une 11° ouverture. La requête civile ne peut donc appartenir à toute partie qui succombe, si ce n'est dans les causes où la qualité de chacune des parties les plaçait toutes sous la protection du ministère public, putà deux mineurs plaidant l'un contre l'autre ; ce qui ne fait pas que le vice de forme perde son caractère de nullité purement re

« Mais ne pourrait-on pas dire que, dans les » cas sur lesquels nous discutons, l'interven>>tion du ministère public n'étant pas exigéelative. » dans l'intérêt purement personnel de l'une » ou de l'autre des parties, mais bien dans » l'intérêt de la société, dans l'intérêt de tous, » quelle que soit la partie qui succombe, elle se » trouve lésée par le vice d'ordre général qui frappe la procédure; que par conséquent elle » peut, en qualité de membre de la société, » ayant à la chose un intérêt né et actuel, faire » valoir la nullité qui résulte de ce vice, de » même que tout particulier qui y a un intérêt » privé peut invoquer les nullités de mariage, » fondées sur l'ordre public? »

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» En second lieu, lorsque la nullité est absolue, comme celle qui résulte de l'omission d'une formalité d'intérêt général, il doit y avoir une autre voie ouverte, la voie de cassation, qui est exclusive de toute autre voie extraor dinaire, ainsi que nous l'établirons en examinant la portée du no 2 de l'art. 480, ce qui ne permet plus d'appliquer ce que nous avons dit des jugements en premier ressort, contre lesquels l'appel est la seule voie ouverte pour tout vice de forme.

»De là il faut conclure que la requête civile n'est pas ouverte par le no 8, lorsque l'audition omise était exigée dans l'intérêt public; c'est ce que reconnaissent, pour les causes spécialement de compétence, d'inscription de faux, de règlements de juges, Delaporte, t. 2, p. 50; Lepage, p. 629; Dalloz, Répert., t. 25, p. 455, et Carré lui-même, sur l'art. 251, en s'appro

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