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Mais une question plus importante est celle de savoir ce qu'on doit entendre par conclusions des parties, et si, par exemple, les qualités qu'elles posent à l'audience peuvent servir de base à la décision du juge, aussi bien que celles qui ont été signifiées par écrit: l'affirmative, dans ce dernier sens, a été jugée par un arrêt de la cour de Brux. du 28 mars 1815 (Pasicrisie belge), et nous croyons qu'elle devra être adoptée toutes les fois que, comme dans l'espèce de cet arrêt, les qualités posées à l'audience auront été contredites par la partie adverse, et que le contrat judiciaire qui résultera nécessairement pour elle de ce fait mettra, par voie de conséquence, le juge à l'abri du reproche d'avoir prononcé sur chose non demandée. (V., du reste, sur cette difficulté, Merlin, Répert., vo Loi, § 7, n° 9.) Ajoutons encore que le juge peut, sans excès de pouvoir, accueillir les conclusions de l'une des parties par des moyens qu'elle n'a pas cru devoir employer; alors surtout qu'il s'agit, comme dans l'espèce jugée par la cour de cass. le 12 déc. 1810 (Pasicrisie), d'un moyen de pur droit, mis en avant par le ministère public, et qui se lie plus ou moins directement an fond du procès. On ne peut pas dire en effet que le juge, dans cette hypothèse, a prononcé sur choses non demandées.

Il n'est donc point nécessaire, à peine de nullité, qu'il y ait entre la réponse du juge et la demande des parties une corrélation exactement symétrique le rapport qui lie ces deux choses peut être plus ou moins médiat, plus ou moins implicite, sans vicier la sentence rendue (arrêts de la cour suprème du 3 déc. 1838; Devilleneuve, t. 38, 1re, p. 931 ; et de Lyon, 14 juillet 1828; Dalloz, t. 28, p. 194, et Sirey, t. 29, | p. 85). Mais quelles que soient ses modalités diverses, il faut toujours que ce rapport existe au fond, parce qu'il est la sauvegarde essentielle de l'intérêt des colitigants contre les empiétements faciles de l'arbitraire.

Une doctrine conforme s'induit encore d'un arrêt de la cour de Paris du 3 mars 1810 (Dal

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loz, t. 23, p. 464), qui a jugé que l'absence de conclusions précitées ne viciait pas un arrêt déclaré commun avec une partie qui procédait conjointement avec une autre, et prenait les mêmes conclusions; tandis qu'il y avait au contraire ultrà petita, lorsque l'arrêt, en déclarant qu'il y avait contrat de vente, fixait le prix de l'objet vendu sans que personne l'eût demandé.]

1746 bis. Lorsqu'un désistement signific sur un chef de conclusions n'a pas été accepté, l'arrêt qui statue sur ce chef de conclusions commet-il un exces de pouvoir?

Non; parce que le contrat judiciaire ne peut se former que par le consentement réciproque des parties; que, dans l'espèce supposée, le désistement n'ayant pas été accepté, il ne s'est pas formé de contrat judiciaire sur le chef de demande qui avait été l'objet de ce désistement, et que, par suite, en statuant sur ce chef, le juge n'a pas violé le contrat judiciaire, ni commis un excès de pouvoir.

Ainsi jugé par la cour de cassation, le 5 décembre 1838 (Devilleneuve, t. 38, 1re, p. 951. — V. nos Quest. 1451 bis et 1459 ter.] 1747. Ne peut-on se pourvoir que par requéte civile, lorsque, par la disposition même qui prononce ULTRA PETITA, les juges ont violé la loi ou excédé leurs voirs?

pou

Par arrêt du 12 juin 1810, rapporté par Sirey, t. 10, p. 293, la cour de cassation a décidé qu'une condamnation ultrà petita cesse d'être uniquement moyen de requête civile, et devient moyen de cassation, dans les cas où la loi s'opposait à la condamnation, encore bien qu'on y eût conclu (1).

[Voyez les motifs que nous avons donnés à l'appui de cette décision, sous les no 1741 et 1745. (V. aussi la question suivante.)]

[1747 bis. Le jugement qui condamne à payer une somme excédant le dernier

(1) Pour faire saisir cette décision, nous croyons devoir rappeler qu'il s'agissait, dans l'espèce, d'une condamnation à des intérêts moratoires prononcée contre la régie de l'enregistrement, sans que la partie qui avait obtenu gain de cause y eût conclu. Or, celle-ci soutenait devant la cour que le pourvoi en cassation de la régie n'était pas recevable, parce qu'il y avait lieu à requête civile, conformément à l'art. 480. S 4. Mais l'avocat général Daniels, sur les conclusions duquel a été rendu l'arrêt précité, fit observer que la régie ne se plaignait pas d'un simple ultrà petita, mais de ce qu'elle avait été condamnée à des intérêts qu'aucune loi n'autorisait à prononcer en matière d'impôts indirects, c'est-à-dire de ce que la disposition qui la condamnait à des intérêts était contraire à la Joi, ou présentait un excès de pouvoir. C'est par ces motifs que ce magistrat pensait qu'il y avait lieu à la

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cassation comme à la requête civile, lorsque, comme dans l'espèce, les juges, en prononçant sur choses non demandées, ont violé quelque loi ou excédé leur pouvoir.

Mais, dans tous autres cas, pourrait-on dire que la requête civile est ouverte contre un jugement rendu en matière d'enregistrement, lorsque la loi du 12 frim. an vii (art. 65) dispose qu'en ces matières les jugements seront sans appel, et ne pourront être attaqués que par la voie de cassation? Cette question a été jugée pour l'affirmative, parce que la voie de la requête civile est ouverte contre toute espèce de jugements, (V. arrêts de la cour de cass., des 3 frim. an Ix, 5 brum. an xi, 30 août 1809 et 14 mai 1811; Sirey, t. 11, p. 256; Dalloz, t. 14, p. 36; voy. aussi la note de Denevers, t. 10, p. 267; voy, en outre Sirey, t. 1, p. 877, et t. 11, 2e, p. 526.)

ressort, lorsque la demande était inférieure à 1,500 francs, doit-il être attaqué par la voie de la requête civile ou par la voie de l'appel?

Notre savant collègue Benech a le premier soulevé cette difficulté, dans son substantiel Traité des tribunaux civils, p. 511. Il se prononce pour la voie de l'appel et nous adop

tons son opinion.

desquels il ne donne aucune décision particu-
lière, fait connaître qu'il s'en est occupé; si,
d'un autre côté, l'on envisage que c'est faire
au magistrat une injure gratuite que de sup-
poser qu'il n'énoncerait une mise hors de
cause sur ces chefs qu'afin de soustraire son
jugement à la requête civile, on reconnaîtra
Duparc-Poullain, de Pigeau et des auteurs
peut-être avec nous que l'opinion de Rodier,
Pratsion sentira qu'afin de prévenir
doit être suivie.
toutes contestations à ce sujet, les juges agi-
ront prudemment en énonçant en détail, dans
le dispositif du jugement, les différents chefs
de demande sur lesquels ils croiraient devoir
mettre les parties hors d'instance.

de

du

Quoiqu'il soit reconnu que, pour fixer le terme du dernier ressort, il faut avoir égard uniquement au montant de la demande, et non au montant des condamnations prononcées, Benech fait observer avec raison que cette maxime n'est applicable qu'au cas où la condamnation est inférieure à 1.500 fr., et il cite [Nous ne pouvons que joindre notre assenfort à propos ce passage de Gaius (Inst. comm., 3,5 180) ante litem contestatam dare debiteurs, dont l'opinion se trouve d'ailleurs contiment à celui de la presque unanimité des autorem oportere, post litem contestatam condemnari oportere, post condemnationem ju- 20 déc. 1820 (Sirey, t. 21, p. 428; Dalloz, sacrée par un arrêt de la cour de cassation, du dicatum facere oportere. t. 23, p. 463.)

Voy. suprà notre Quest. 1741.]

CINQUIÈME MOYEN (1).

1748. Lorsque le juge ne statue que sur un chef, et qu'il ajoute, soit qu'il met les

PARTIES HORS DE CAUSE SUR LEURS AUTRES

CONCLUSIONS, Soit QU'IL N'Y A LIEU DE STATUER SUR LEURS AUTRES DEMANDES, peut-on néanmoins se pourvoir par voie de requête civile, pour omission de prononcer sur ces mêmes chefs?

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Favard, qui penche pour la doctrine de Serpillon, adopte néanmoins un système intermédiaire il veut que si l'énoncé des motifs porte sur les points principaux de la décision, cette disposition générale comprenne toutes les demandes des parties sans que l'on puisse dire qu'il y ait omission de prononcer ni dès lors ouverture à requête civile, et c'est aussi ce que

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nous reconnaissons avec un arrêt de la cour de Turin du 1er juillet 1812 (Sirey, t. 14, p. 271; Dalloz, t. 23, p. 465; Pasicrisie; voy. infra, Quest. 1749 bis); mais, dit-il ensuite, t. 4, p. 892, si le hors de cause comprend un chef de demande sur lequel les motifs énoncés ne s'étendent pas, il y a ouverture à cassation, d'après l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, qui veut, à peine de nullité, que tous les jugements soient motivés. »

Pigeau, liv. II, part. 4, tit. Ier, ch. 1er, et les auteurs du Praticien, t. 3, p. 297, disent qu'en ce cas on ne peut prétendre qu'il y ait omission, et, par conséquent, ouverture à requête civile, puisque tous les chefs sont compris dans le jugement par cette disposition générale. Telle était aussi l'opinion de Rodier sur l'art. 53 de l'ordonnance, 5, et celle de Duparc-Poullain, C'est là, selon nous, une grave erreur. Sans t. 10, p. 959. Mais Serpillon, sur le même arti- doute l'art. 7 de la loi précitée est formel; mais cle, est d'un avis contraire, sans doute parce est-ce bien ici le cas de l'appliquer? Nous ne qu'il a pensé que l'on avait pu imaginer cette le pensons pas; il ne s'agit pas, en effet, d'un clause générale afin de sauver l'omission et défaut de motifs qui vicie radicalement toute d'éluder la loi. C'est ce motif qui paraît avoir sentence, mais d'une omission de prononcer déterminé Demiau, p. 342, à décider qu'une sur un chef de demande; infraction de la part telle manière de prononcer une mise hors du juge qui n'a jamais donné lieu qu'à la red'instance, sur plusieurs chefs à la fois qui ne quète civile, ainsi que le porte textuellement seraient pas nommément exprimés, ne pour-l'art. 480, § 5, ainsi que nous le décidons avec rait fermer la voie de la requête civile qu'autant qu'on trouverait dans le point de droit du jugement des motifs qui se rapporteraient à chacun de ces chefs en particulier.

Mais si l'on considère d'une part, que le prononcé du juge est indépendant de l'exposé de ses motifs, et qu'un tribunal, en déclarant, dans le dispositif du jugement, qu'il n'y a lieu de statuer sur des chefs de demande à l'égard

(1) V. art. 480, § 5.

Carré sous l'art. 141, Quest. 595, § 5, et que l'a constamment jugé la cour souveraine; on peut consulter notamment les arrêts des 5 août 1824, 16 janv. 1834 (Sirey, t. 54, p. 118) et 21 fév. 1854 (Devilleneuve, t. 34, 1re, p. 211).

Il en serait autrement, il est vrai, si l'omission portait sur un chef de défense, qui n'est jamais qu'un moyen d'exception opposé au chef de demande et conséquemment lié à la décision dont ce dernier est l'objet. Par là s'explique la différence apparente qui existe entre les décisions que nous avons rappelées et plu

[1749 bis. Un arrêt qui prononce sur une demande principale, sans statuer sur une demande incidente, peut-il être attaqué par la voie de la requête civile, lorsque la décision de la première ôte tout intérêt à la seconde?

sieurs autres par lesquelles la cour suprême a | qu'après avoir prononcé la nullité d'un emcassé des arrêts qui ne statuaient pas sur des prisonnement, il avait omis de prononcer sur conclusions. Cette différence provient de ce la demande en dommages-intérêts formée par qu'il est toujours possible de revenir devant le débiteur.] une cour royale pour lui faire juger une demande qu'elle n'a pas jugée, et pour laquelle la loi ouvre la voie de la requête civile, tandis qu'il est impossible de lui soumettre de nouveau un chef de défense essentiellement accessoire au principal qu'elle a jugé, et qui ne peut plus être revisé par elle. C'est alors le cas de recourir à la cour de cassation, seule voie qui demeure ouverte aux parties. C'est une distinction importante qu'on ne doit pas perdre de vue.]

1749. Le silence du jugement, sur les conclusions tendantes à être admis à une

preuve, constitue-t-il une omission de prononcer? [Quid des dépens?]

Non, dit Serpillon, ubi suprà, parce que ces conclusions sont un moyen et non une demande. Il cite, en faveur de cette décision, un arrêt du parlement de Dijon du 18 mai 1694. Nous sommes de cet avis, attendu que l'article 480 du Code, en tout semblable en ce point à l'art. 54 de l'ordonnance, n'ouvre la requête civile que dans le cas où il a été omis de prononcer sur l'un des chefs de demande. Or, ces mots, chefs de demande, nous paraissent exprimer uniquement les divers points ou objets des contestations des parties, et non pas les conclusions qu'elles prendraient afin de justifier les prétentions respectives relativement à ces chefs: c'est ce qu'exprime la maxime sententia debet esse conformis LI

BELLO.

[Favard, t. 4, p. 892, n'hésite pas à se prononcer dans le même sens, et cette opinion ne nous paraît pas susceptible de controverse.

Mais si un jugement en dernier ressort ou un arrêt n'avait pas décidé laquelle des deux parties devait supporter les dépens, serait-ce là une omission de prononcer qui donnât ouverture à la requête civile?

Oui, ainsi que l'a jugé un arrêt de cass., du 4 mai 1825 (Sirey, t. 26, p. 214), parce que cette omission de la part du juge constitue, selon Thomine, no 537, une de ces erreurs graves et substantielles qui, par analogie de ce qui a lieu en matière de contrat (art. 1110, Č. civ.), ouvrent aux parties la requête civile comme un moyen de se faire restituer contre la sentence qui lèse leurs intérêts (1).

C'est encore dans le même sens que la cour de Florence a décidé, le 25 mai 1809 (Sirey, t. 15, p. 120), qu'on pouvait faire résulter un moyen de requête civile contre un arrêt de ce

(1) Mais il faut qu'il ait été conclu aux dépens. (Voy. Quest. 555.)

Nous ne saurions le penser, par le motif que la disposition du 5e § de l'article 480 ne peut se rapporter qu'à l'omission de statuer sur un chef de demande utile. Or, puisque les demandes incidentes, les demandes subsidiaires peuvent être absorbées ou devenir inudemande principale, il est sensible que le juge tiles, par suite de la décision rendue sur la ne peut être tenu de statuer sur ces sortes de demandes, et qu'en thèse il faut dire qu'il y est virtuellement statué par le jugement prononcé sur la demande principale. La cour de Turin a consacré cette doctrine le 1er juillet 1812 (Sirey, t. 14, p. 271; Dalloz, t. 23, p. 465; Pasicrisie), et c'est aussi ce que nous avons soutenu sous l'art. 141. (V. Quest. 393, no 5.)

Mais dans tous autres cas il ne suffirait pas d'arguer du rejet implicite qu'on voudrait faire résulter des motifs qui auraient rapport au chef de conclusions omis, pour écarter la nullité résultant du défaut de prononcer et la requête civile à laquelle elle donne ouverture. Nous l'avons également établi sous le mème art. 141, no 4 de notre Quest. 595, en réfutant deux arrêts de cassation qui ont jugé le contraire les 6 fév. 1830 et 4 mai 1838.]

[1749 ter. Lorsqu'un jugement a omis de prononcer sur un chef distinct, peut-on renouveler sa demande par action principale, ou la voie de la requête civile estelle la seule qui puisse faire obtenir la réparation de ce grief?

Cette question est fort délicate; nous avons hésité longtemps avant d'adopter l'opinion qu'on va lire, et qui, au premier abord, nous avait paru trop absolue.

La loi a déclaré que la partie qui aurait à se plaindre de ce qu'un tribunal n'aurait pas statué sur un des chefs de sa demande aurait le droit de se pourvoir par la voie de la requête civile. Le silence du juge est considéré comme une décision implicite.

Il est de principe que deux voies ne sont pas concurremment ouvertes à un plaideur pour obtenir justice. Incontestablement, lorsqu'il y a omission, la requète civile est permise, donc toute autre voie ordinaire ne doit pas l'être.

Cette déduction est rigoureusement exacte.
Ajoutons que si, en droit français, nous

n'admettons plus les résultats de la litis contestatioaine, néanmoins on ne peut disconvenir que le législateur l'ait eue en vue lorsqu'il a permis de prendre la voie de requête civile contre un jugement qui statuait incomplétement sur les divers points du litige: il lui a paru que lorsque la cause est engagée par les conclusions du demandeur, il y a intérêt et droit pour les deux parties, pour que le litige soit complétement vidé.

Nous pensons donc que l'action principale devrait être rejetée, et que la voie de la requête civile serait la seule légale. (Voy. nos Quest. 1749 quater et 1765.)]

firmation pure et simple du jugement attaqué: donc il est forclos. (Voy. suprà, notre Question 1758 ter.)]

1750. Si, en statuant définitivement sur quelques-uns des chefs, les juges ordonnaient un interlocutoire sur les autres pourrait-on prétendre qu'il y eût omission?

Non; parce qu'il est au pouvoir du juge de statuer, soit préparatoirement, soit définitivement; or, il peut être suffisamment instruit sur certains chefs et ne l'être pas sur les autres; il peut donc statuer définitivement sur les pre[1749 quater. La partie qui a demandé la (Voy. Pigeau, liv. II, part. 4, tit. Ier, ch. 1er, miers, et préparatoirement sur les seconds. confirmation pure et simple d'un juget. 2, p. 94.) juge-Voy. 1,

ment contenant une omission à son pré- [Cela nous paraît de la dernière évidence.] judice, peut-elle prendre contre ce jugement la voie de la requête civile?

Dans la question précédente, examinant si une action principale serait admise de la part d'un demandeur, au préjudice de qui aurait eu lieu une omission de prononcer, nous avons pensé que la requête civile serait la seule voie légale. Nous ne dirons pas, avec un arrêt de la cour de Grenoble du 13 avril 1812 (Dalloz, t. 23, p. 465), que la partie qui n'a pas obtenu sentence sur tous ses chefs de demande a le droit de prendre la voie de la requête civile contre un jugement rendu en premier ressort, parce que ce serait contraire au texte formel de l'art. 480, qui n'admet la requête civile que contre les décisions en dernier ressort. L'omission de prononcer, comme toutes les ouvertures de requête civile, est alors un grief d'appel.

Nous approuvons un arrêt de la cour de Metz du 7 juin 1820 (Dalloz, t. 23, p. 465), qui a décidé que l'interprétation de l'arrêt n'entralnait pas nécessité de se pourvoir par la voie de requète civile. (Voy. aussi Rennes, 29 janv. 1814.)

Revenant à la question que nous avons cru devoir poser, nous n'y voyons qu'une question d'acquiescement. Nous pensons que celui-là qui, en première instance, n'ayant obtenu l'adjudication que d'une partie de ses conclusions, est assez imprudent pour demander la confirmation pure et simple du jugement de première instance, doit être censé acquiescer au contrat judiciaire qui s'est opéré, et qui renferme un refus implicite d'une partie de ses prétentions.

Cela résulte d'ailleurs de la position dans laquelle il s'est placé; l'action principale ne nous paraît pas ouverte dans ce cas; la requête civile est la seule voie légale; il ne peut la prendre ni contre le jugement, puisque ce jugement a été rendu en premier ressort, ni contre l'arrêt, puisque la cour lui a adjugé toutes ses conclusions qui tendraient à la conCARRÉ, PROCÉDure civile.— TOME IV.

SIXIÈME MOYEN (1).

1751. Pour qu'il y ait ouverture à requête civile, faut-il que toutes les conditions mentionnées au § 6 se trouvent réunies?

On ne saurait, en lisant le texte de la loi, douter que toutes ces conditions doivent concourir ensemble aujourd'hui, comme elles le devaient sous l'empire de l'ordonnance. (Voy. Rodier, sur l'art. 35 de l'ord., § 6.)

[Nous adhérons pleinement à cette opinion, que partage Poncet, no 475. Boitard, sur l'article 480, voudrait que dans le cas où la contrariété existerait entre deux jugements, dont le dernier serait rendu en dernier ressort, et le premier n'aurait acquis l'autorité de la chose jugée qu'au moyen de la péremption, on pût néanmoins prendre la voie de requête civile, comme s'ils étaient l'un et l'autre en dernier ressort; la lettre du § 6 est trop précise pour que le reproche d'inexactitude, seul motif sur lequel s'appuie cet auteur, soit une raison suffisante de l'éluder : nous estimons donc qu'en cette occurrence, la partie n'aurait d'autre recours efficace que celui de la cassation, pour violation de la chose jugée, action dont le bénéfice ne peut jamais lui être enlevé. C'est aussi ce que décide, quoique d'une manière implicite, Demiau, p. 342, dont la doctrine exclusive est en tout conforme à celle de Pigeau, Proc. civ., liv. II, part. 4, tit. Ier, chap. 1er, sect. 4, art. 5, 6o ouvert., et Favard, t. 4, p. 893.

Mêmes parties, mêmes moyens, méme objet, mêmes tribunaux, ces quatre conditions doivent concourir; si une seule manque, il n'y a pas lieu à requête civile. (Paris, 2 mai 1810.)

Il ne suffit donc pas, comme l'avance Thomine, no 557, qu'il y ait identité de cause entre les mêmes parties et sur la même chose con

(1) V. art. 480, $ 6.

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trairement jugée pour donner ouverture à la requête civile; et c'est à tort, selon nous, qu'il invoque dans ce sens un arrêt de la cour de cassation du 29 janv. 1821, qui n'a trait qu'au recours en cassation auquel la diversité des moyens ne saurait mettre obstacle, comme à la requête civile, alors surtout que des éléments suffisants se rencontrent, ainsi que cela existait dans l'espèce de l'arrêt cité, pour constituer l'exception de la chose souverainement jugée.

Voy, la question suivante.]

[1751 bis. Mais si les jugements contraires sont rendus entre deux ou plusieurs pour CHOSES INDIVISIBLES, que l'un ait succombé par un premier jugement, et que l'autre ait réussi par le deuxième, y a-t-il lieu à requéte civile de la part de la première partie contre le premier jugement, sur le fondement de contrariété entre le premier jugement et le second dans LEQUEL ELLE

N'A POINT ÉTÉ PARTIE?

[C'est aussi ce qu'enseigne Poncet, no 47%. Il est évident, du reste, qu'il n'est pas nécessaire que les parties en cause dans le second jugement soient nominativement les mêmes, et qu'il faut entendre, sous cette dénomination de mêmes parties, les héritiers, ayants cause, ou tous autres qui représentent, soit à titre universel, soit à titre particulier, les personnes qui ont figuré dans la première instance: ainsi jugé par la cour de cassation, le 14 août 1811 (Sirey, t. 12, p. 560; Dalloz, t. 4, p. 154; -voy, suprà notre Quest. 1740).] 1753. Que faut-il, pour que l'on puisse dire que les jugements contraires ont été rendus PAR LES MÊMES MOYENS?

Presque tous les commentateurs ont expliqué ces termes, les mêmes moyens, en ce sens que les jugements doivent être rendus sur le raisons, les mêmes exceptions, les mèmes même objet, sur les mêmes actes, les mêmes épreuves: idem jus, eademque causa petendi. (Voy. Pigeau et Rodier, ubi suprà.) Mais BerNon, dit Pigeau, Comm., t. 2, p. 74, car riat, titre de la Requéte civile, note 28, rel'objet étant indivisible appartient en totalité marque que Cochin explique mieux ces termes, à chacun des propriétaires, et, par conséquent, en disant, dans sa troisième consultation, qu'il à celui qui s'y est fait maintenir par le deuxième faut que les jugements aient été rendus sur le jugement; de sorte que si l'on veut exécuter même état de cause, c'est-à-dire que depuis le le premier, comme on ne peut le faire sans premier d'entre eux, il ne soit rien survenu contrevenir au deuxième, celui qui l'a obtenu | qui ait pu donner lieu à une décision contraire. paralysera l'exécution de ce premier jugement Et en effet, comme l'observe Merlin, qui proen opposant le deuxième, et rendra sans effet fesse la mème doctrine (voy. Quest. de droit, ce premier jugement; de manière que le co-au mot Contrariété), d'après Tolosan, si lá propriétaire condamné par ce premier jugement, n'ayant pas besoin de l'attaquer et étant sans intérêt pour le faire, il ne pourra prendre la requête civile pour le principal: il ne le pourra pas non plus pour les accessoires, comme les frais, les intérêts, etc. Car ces accessoires, étant divisibles, le concernent seul, et comme le premier et le deuxième jugement sont rendus entre parties différentes, il ne pourra attaquer le premier, pour cause de contrariété.

De tels motifs nous paraissent péremptoires.

Voy. notre Quest. 1794 bis, sur les principes généraux relatifs à l'indivisibilité.]

1752. Suffit-il, pour qu'il y ait lieu à la requéte civile, que les jugements contraires aient été rendus ENTRE LES MÊMES PARTIES? Quand la loi dit entre les mêmes parties, elle entend qu'elles aient agi dans les mêmes qualités. Ainsi, par exemple, la requête civile ne serait pas recevable si, des deux jugements contraires, l'un était rendu contre une personne sous la qualité de tuteur, ou à son profit en cette qualité, et l'autre contre elle personnellement ou à son bénéfice individuel, (Voy. Rodier, sur l'art. 55 de l'ord., § 5, et Pigeau, liv. II, part. 4, tit. Ier, ch. 1er.)

contestation avait changé de face....., si l'on avait agité des questions nouvelles, il n'y aurait point de contrariété entre des dispositions qui seraient relatives à des demandes toutes différentes. (Voy, Prat., t. 3, p. 297 et 299.)

[Voy. suprà, nos observations, sous le no 1751, 2o alinéa.]

[1753 bis. Lorsqu'il y a contrariété entre deux jugements, peut-on attaquer indifféremment l'un ou l'autre?

Les auteurs du Prat. franç., t. 3, p. 316 et 317, adoptent l'affirmative, et ils se fondent sur ce qu'il est possible que le dernier jugement soit le plus juste, et que le premier ait été incompétemment rendu. Mais, dit Pigean, Comm., t. 2, p. 79, c'est une erreur visibleCode, parce que le même art. 501 (déjà cite ment contraire au Code et aux principes : « Au dans ce sens à la question précédente) s'oppose formellement à ce qu'on puisse attaquer le premier jugement, dont il ordonne en définitive le maintien; aux principes, parce que, quand un jugement est rendu en dernier ressort, il subsiste tant qu'il n'est pas rétracté par requête civile, les juges ne pouvant sans cette voie réformer leurs propres décisions. » Le second seul sera donc attaquable comme destructif du premier.

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