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Si l'on admettait l'opinion contraire, il s'en- | suivrait qu'après avoir été condamné, on pourrait soumettre le différend au même tribunal une seconde fois, au mépris des art. 1550 et 1351, C. civ., sur l'autorité de la chose jugée, puisque si le second jugement était contraire au premier, on pourrait attaquer celui-ci par requête civile. (Voy. infrà, nos Quest. 1756 et 1756 bis.)]

1755, Peut-on se pourvoir pour contrariélé entre deux jugements, après le délai fixé par la loi?

suprà, par la raison, dit-il, que la contrariété On le pourrait, suivant Ferrières, ubi des jugements ne se connaît que par l'usage qu'on en fait. Rodier réfute cette décision d'une manière victorieuse, et, comme lui, nous dirions aujourd'hui qu'elle consacrerait une erd'ailleurs la contrariété dans les jugements se tion que l'art. 485 n'a point établie, et que connaît autant par leur disposition que par leur exécution.

1754. Doit-on considérer comme étant éma-reur, puisqu'elle tendrait à faire une distinc

nés de tribunaux différents les jugements rendus par deux sections d'un même tribunal, en sorte qu'en cette circonstance la voie de la requête civile ne fût pas ouverte?

Le texte du Code, disent les auteurs du Praticien, t. 5, p. 300, permet la rétractation par requête civile, quand les deux arrêts émanent d'une même cour ou d'un même tribunal. Cependant ils regardent deux sections d'un même tribunal comme deux tribunaux différents, et décident qu'en ce cas on doit se pourvoir en cassation, comme dans l'espèce prévue par l'art. 504.

l'égard des arrêts émanés des cours supérieuDans l'ancien régime, cette opinion était, à res, par exemple d'un parlement, celle de plusieurs auteurs (voy, Ferrières et Denisart, au mot Contrariété); mais Rodier, ubi supra, et Duparc-Poullain, t. 10, p. 939, étaient d'un

avis contraire. Tous les deux attestent avoir

vu plus d'un exemple de requêtes civiles prises pour contrariété d'arrêts, l'un de la grand'chambre du parlement, l'autre de celle des enquètes.

Nous croyons comme eux que cette fiction, au moyen de laquelle on considérait autrefois les différentes chambres du parlement comme ne composant qu'une même cour, est détruite par le texte précis de la loi actuelle ; et il y en a là, selon nous, une raison décisive; c'est que si quelque chose était de nature à autoriser l'opinion de Ferrières et de Denisart, ce ne pouvait être que la différence des attributions données autrefois à chacune des chambres d'une cour souveraine; ce qui n'a pas lieu dans l'organisation actuelle. Au reste, ce n'est point par des fictions que l'on peut saisir le sens de la loi; elle dispose et ne feint point; et ici sa disposition formelle nous dit que la contrariété des jugements entre deux sections ou chambres d'un même tribunal ou d'une mème

cour peut donner ouverture à la requête civile. (Voy. Rép., au mot Requéte civile, § 11.)

[Cette opinion, qui est aussi celle de Merlin, Repert., v Requête civile, § 3, p. 694; de Favard, t. 4, p. 893, et de Berriat, titre de la Requête civile, est la seule qui nous semble pouvoir être adoptée sous le Code de procédure.]

[La négative est incontestable, et se légitime surtout par le texte de l'art. 489.]

1756. Dans le cas où, sur un jugement rendu en dernier ressort, les juges rendraient, dans la cause, un autre jugement qui changerait les dispositions du premier, serait-ce une contrariété qui donnerait ouverture à requête civile?

ments serait sujet à cassation, comme ayant Non; mais seulement le dernier de ces juge(Voy. cass., 15 germ. an vI.) porté atteinte à l'autorité de la chose jugée, en changeant la disposition du premier jugement.

[Cette solution est incontestable, car si la ture de requête civile qu'autant qu'elle est le contrariété des arrêts ne constitue une ouverture de requête civile qu'autant qu'elle est le résultat d'une erreur involontaire, les juges

qui, dans la même cause, rendent, malgré les sciemment deux arrêts ou deux jugements dont conclusions des parties, successivement et les dispositions se contrarient, ont bien voulu réformer la première de ces sentences, et comme ils ne peuvent le faire autrement que par la requète civile sans commettre un excès de pouvoir, il est évident que c'est la voie de la cassation qu'il faut prendre dans l'hypothèse que nous examinons. La partie ne pourrait d'ailleurs espérer de reproduire d'une manière efficace par la voie de la requête civile des moyens qu'elle aurait déjà sans doute inutilement présentés devant le même tribunal.

Cette doctrine qu'adopte Favard, t. 4, p. 895, s'étaye de quatre arrêts de la cour de cassation des 8 avril 1812, 21 avril 1813, 8 juin 1814 (Sirey, t. 15, p. 258; Dalloz, t. 4, p. 177), et 18 déc. 1815 (Pasicrisie). On remarquera que, dans l'espèce de chacun de ces arrèts, la cour a rétracté leurs premières décisions. (Voy, infrà constaté que les juges avaient volontairement la Quest. 1796.)]

[1756 bis. Lorsque deux jugements contradictoires passés en force de chose jugée ne peuvent plus étre attaqués par la voie de l'appel, quel est celui de ces deux jugements qui peut être mis à exécution?

Nous avons déjà exprimé notre opinion sur cette grave difficulté dans nos Principes de Compétence administrative, no 882, et nous y persistons.

Les jugements sont la loi des parties, ce sont des contrats judiciaires; or, dès là que les lois et les conventions les plus récentes sont seules applicables, pourquoi déciderait-on autrement pour les jugements?

Il y a plus; si l'opinion contraire était admise, il en résulterait que la requête civile deviendrait une voie plus qu'inutile en cas de contrariété de jugements, et voici pourquoi : le second jugement ne peut être contraire au premier qu'en faisant perdre le procès à celui qui, une première fois, a obtenu gain de cause. Si le premier jugement doit être le seul qui conserve force exécutoire, celui au bénéfice de qui il a été rendu laissera expirer les délais de la requête civile. La loi a donc prévu le cas tout contraire; le titre de la requête civile présuppose nécessairement ce principe qu'un second jugement anéantit le premier; et pour faire rétracter le second, elle pose alors des règles qui doivent être suivies dans un délai de rigueur. (Art. 480 et 489.)]

SEPTIÈME MOYEN (1).

1757. Que faut-il, pour qu'il y ait, dans un même jugement, une contrariété qui donne lieu à la requête civile ?

Il y a contrariété dans les dispositions d'un même jugement, lorsqu'elles sont tellement inconciliables qu'elles ne peuvent être exécutées simultanément. Mais les motifs du jugement ne sont pas des dispositions : c'est donc la contrariété dans le dispositif, et non dans les motifs, qui donne ouverture à requête civile. (Cass., 4 germ. an XIII; Nouv. Répert., au mot Contradiction (jugement), t. 3, p. 48.)

[La doctrine sur laquelle se fonde cette solution qu'approuvent tous les auteurs (voy. Pigeau, Comm., t. 2, p. 75; Prat. français, t. 3, p. 300; Berriat, titre de la Requête civile; Merlin, Répert., t. 3, p. 49, et Boitard, sur l'art. 480), peut s'étayer encore de deux arrêts de la cour de cass., 4 fruct. an vIII, 2 sept. 1806 (Dalloz, t. 25, p. 467), et de trois autres des cours de Paris, des 3 mars 1810 (Dalloz, t. 23, p. 464) et 6 août 1825, et de Rennes, 6 janv. 1834.

Nous avons développé, sous l'art. 141, cette pensée, que le dispositif seul constituait la chose jugée.]

(1). art. 480, $ 7. (2) . art. 480, § 8.

(3) [ «Ce moyen a été si souvent proscrit par la cour de cass., a dit, lors de ce dernier arrêt, le conseiller

HUITIEME MOYEN (2).

1758. Pourrait-on se pourvoir en cassation contre un jugement rendu sans communication au ministère public?

Non, mais seulement par la voie de la requête civile. (Cass., 26 avril 1808 et 22 mars 1809; Sirey, t. 8, p. 328, et t. 9, p. 205; Dalloz, t. 23, p. 467.)

[Nous avons exposé nos principes suprà, Quest. 1741. On peut consulter les arrêts de la cour de cass., 8 avril 1811, 12 janv. 1831, 25 avril 1853, 29 mars 1856, 21 juin et 22 nov. 1837 (3) (Devilleneuve, t. 33, 1re, p. 430; t. 36, 1re, p. 748; t. 57, 1re, p. 846, et t. 38,

1re, p. 524.)

On a même décidé que la femme non autorisée de son mari peut faire résulter un moyen de requête civile du défaut de communication au ministère public, même lorsqu'il ne s'agit pas de sa dot. (Florence, 16 août 1810; Sirey, t. 15, p. 34; Dalloz, t. 23, p. 468; Pasicrisie.)]

NEUVIÈME MOYEN (4).

1759. Que faut-il pour que la requête civile soit recevable contre un jugement, attendu qu'il serait rendu sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis sa prononciation?

Ces mots du § 9, si l'on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement, expriment, ainsi que l'avaient établi tous les commentateurs de l'ordonnance, sur l'art. 12 du tit. XXXIV, qu'il ne suffit pas que l'on ait fait usage, sous le cours de l'instance, des pièces reconnues ou déclarées fausses, mais qu'il faut, outre la preuve du faux, fournir encore celle que ces pièces ont servi de base au jugement. Il se peut faire, en effet, que d'autres pièces produites prouvent le bien jugé.

Remarquons encore que ces mêmes termes, si l'on a jugé sur pièces, etc., excluent toute idée que le législateur ait entendu parler du jugement même contre lequel la requête civile serait dirigée : c'est donc seulement le faux des pièces et non celui du jugement lui-même, qui peut fournir ouverture à requête civile. (Cass., 11 vent. an x1; Sirey, t. 5, 1re, p. 257; Dalloz, t. 23, p. 468.)

[Cette opinion, confirmée avec raison par un arrêt de la cour de Paris du 23 juin 1810, est également professée par Favard, t. 4, p. 894;

Jaubert, rapporteur, qu'on devrait cesser de le reproduire. »]

(4) V. art. 480, 59; nos questions sur l'art. 448, et Pigeau, liv. II, part. 4, tit. Ier, ch. 1er.

Poncet, no 464; Dalloz, t. 23, p. 453, no 19, et Boitard, sur l'art. 480, qui veulent tous, pour que le faux donne ouverture à la requête civile, qu'il ait servi de base au jugement attaqué.

Nous pensons aussi, avec Dalloz, loc. cit., $19, que le § 9 autorisant la voie de la requête civile, si l'on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses DEPUIS LE JUGEMENT, la question de savoir si la requête civile peut être fondée sur un faux reproché au jugement même contre lequel elle serait dirigée, devrait à plus forte raison recevoir la solution négative qu'on lui donnait sous l'empire de l'ancienne ordonnance et qu'adopte Carré.

Lorsqu'un faux est reproché à un jugement, c'est par la voie du faux qu'il faut l'attaquer; par exemple, si un président fait écrire sur les registres une décision contraire à celle qui a été prononcée à l'audience; nous avons été consulté sur une espèce fort bizarre dans laquelle un président de très-bonne foi a commis une erreur de cette nature.] [1759 bis. La fausseté du serment décisoire donnerait-elle ouverture à requête civile ?

Non, dit Favard, t. 4, p. 887, 2° col., 7° alin., puisque ce serait un moyen de prouver cette fausseté, preuve que l'art. 1365 du Code civil ne permet jamais de faire, et dont la prohibition repose sur ce motif, que celui qui a déféré le serment a pris l'engagement d'abandonner sa prétention en cas qu'il soit prêté, et a renoncé par là même aux moyens qui pourraient la faire réussir. Tel est aussi le sentiment de Toullier, t. 10, no 426, 3o alin.

fausses sur lesquelles la requête civile est fondée sont sans influence au fond, et à faire résulter de cette circonstance un moyen de cassation contre un ARRÊT qui a admis la requête civile?

sur la requète civile qu'il appartient de décider Non, parce que c'est au juge qui prononce de quelle influence a pu être la pièce fausse sur le jugement attaqué. (Cassation, 22 pluv. an XI; Sirey, t. 16, p. 200.)

[Cette solution nous parait incontestable.] [1760 bis. Est-il nécessaire, pour admettre la requête civile, que la fausseté des pièces sur lesquelles on la fonde ait été DÉCLARÉE par un jugement, ou suffit-il qu'elle soit RECONNUE par le juge?

l'empire de l'ordonnance de 1667, dont l'artiUn arrêt du 22 pluv. an Ix, rendu sous cle 34 portait seulement si on a jugé sur pouvait être formée avant la reconnaissance pieces fausses, a décidé que la requête civile ou la déclaration juridique du faux; mais aujourd'hui que le Code veut formellement que les pièces aient été reconnues ou déclarées fausses, la solution ne peut plus être la même. Pigeau, Comm., t. 2, p. 76, fait, à cet égard, une distinction qui ne nous satisfait pas comcrit point la doctrine de l'arrêt précité, ce qu'a plétement, parce qu'en définitive elle ne prosfait virtuellement, selon nous, le § 9 de l'arti

cle 480.

<< Si l'acte, dit-il, ne peut être déclaré faux thentique, il faut un jugement préalable. que sur inscription, c'est-à-dire, s'il est auC'est de la dernière évidence: «< mais, ajoute ensuite le même auteur, si la pièce est privée, examinée et reconnue fausse, la déclarer dans ce cas, les juges peuvent, après l'avoir telle et admettre la requête civile par le même jugement. »

commis une erreur dans l'interprétation qu'il Or, c'est ici que Pigeau nous paraît avoir donne du § 9 de l'art. 480.

Mais il en serait autrement, selon les mêmes auteurs et Pigeau, t. 1, p. 628, 7° alin., s'il s'agissait du serment déféré d'office par le juge; alors, en effet, il n'est intervenu aucune transaction entre les deux parties: le serment est le fait seul du juge, qui se fut bien gardé de l'ordonner, s'il avait pu prévoir que celui auquel il le déférait était capable de se parjurer. Si donc la fausseté en est prouvée par des pièces recouvrées depuis le jugement, encore bien qu'elles ne fussent pas retenues par celui qui s'est parjuré, elle constitue un dol qui donne ouverture à la requête civile; à moins cependant, comme le dit Pigeau, loco citato, que la preuve du parjure ne résulte d'une pièce gardée par la partie qui a été condamnée.] Dans le premier, on voit que le législateur assimile la reconnaissance à la contestation ju1760. Serait-on recevable à soutenir, de-ridique (1). Dans le second, après avoir mis sur vant la cour suprême, que les pièces la même ligne le faux, le dol et la découverte

(1) [Au titre de l'Appel, Quest. 1609, nous avons décidé que l'appel pouvait être interjeté avant même que le faux eût été jugé. Cela se conçoit l'appel ne se fonde pas sur le faux ; le faux sert à repousser une fin

sions de ce paragraphe; elles ne peuvent éviRien de plus clair, en effet, que les exprestie ou d'une déclaration de justice; il suffidemment s'entendre que d'un aveu de la parrait, pour s'en convaincre, de consulter le sens

interprété, de rapprocher les art. 448 et 488 de

ordinaire des mots, et, s'il avait besoin d'être

l'art. 480.

de non-recevoir; tandis que la requête civile manque de base, lorsque le faux n'a pas été reconnu ou juridiquement déclaré.]

des pièces nouvelles, il exige, pour les deux derniers cas seulement, qu'il y ait preuve par écrit du jour où l'on a reconnu le dol ou découvert les pièces.

Voy. le Commentaire CCCCII bis.

Que si le législateur n'a pas exigé la même preuve pour le faux, c'est qu'ayant dit, dans l'art. 480, que la requête civile ne serait admise, à raison de la fausseté des pièces, qu'après reconnaissance ou jugement, la date était dès lors certaine, et qu'il devenait inutile de renouveler cette prescription.

Nous pensons donc que non-seulement l'aveu de la partie ou la déclaration du juge est indispensable pour l'admissibilité de la requête civile, dans le cas du § 9, mais encore qu'il faut que cette déclaration du juge ait lieu par un jugement préalable et distinct de celui qui statue sur la demande en requête civile, comme l'enseigne Favard, t. 4, p. 894, et ainsi que l'établissent d'une manière évidente trois arrêts successifs de la cour de cass., des 9 avril 1835, 2 mai 1857 et 13 fév. 1838, auxquels on peut ajouter une décision de la cour d'Aix du 8 fév. 1859, dont l'espèce est vraiment remarquable.]

DIXIÈME MOYEN (1).

1761. Le concours de toutes les conditions mentionnées au § 10 est-il nécessaire pour qu'il y ait ouverture à requête civile? Oui, le concours de toutes ces conditions est absolument nécessaire. (V. Rodier, sur l'article 34, § 11, et cass., 17 pluv. an X11 (Sirey, t. 4, p. 217; Dalloz, t. 23, p. 473.)

[Cela n'est vrai que d'une manière relative, c'est-à-dire dans le cas où la requète civile serait uniquement fondée sur le § 10 de l'art. 480. La réunion des circonstances qu'il énumère devient alors rigoureuse; mais rien n'empècherait qu'en dehors de ce cas spécial, la simple dissimulation d'une pièce décisive ou tout autre mode de rétention qui constituerait un dol personnel ne donnât ouverture à requête civile, ainsi que nous l'avons établi sur l'autorité de plusieurs arrêts, à la Quest. 1742. (V. aussi la Quest. 1763.)]

1762. Si la pièce retenue et recouvrée n'eût dù avoir aucune influence sur le fond, la requéte civile serait-elle admise?

La négative résulte de ce que le § 10 exige que la pièce soit décisive. Il faut, dit Pigeau, que la pièce soit décisive, et pour savoir si elle l'est, on examinera le fond. S'il résulte de cet examen que la cause eût été perdue, quand même la partie eût plus tôt produit la pièce, on

(1). art. 480, S 10.

n'aura pas le droit de recourir à la requête civile. Telle est aussi l'explication que tous les auteurs ont donnée sur le paragraphe dont il s'agit, et c'est de la même manière que s'exprimaient les commentateurs de l'ord. de 1667, sur l'art. 34 du tit. XXXV.

On pourrait cependant conclure d'un arrêt du parlement de Grenoble, du 14 juillet 1779, rapporté au Nouv. Répert., vo Requéte civile, § 1, t. 11, p. 287, qu'encore bien que la pièce retenue et recouvrée doive en définitive faire rendre un jugement semblable au premier quant à ses résultats, il n'en faut pas moins rétracter celui-ci. Il s'agissait, dans l'espèce de cet arrêt, d'un second testament découvert depuis le jugement. Ce testament, d'après les règles de droit, révoquait le testament antérieur; mais il donnait le même résultat, parce qu'il instituait le même héritier.

Merlin ne fait aucune remarque sur cet arrêt, qui, d'après les moyens des parties, nous paraît avoir statué de la sorte, 1o parce que le jugement rendu sur le premier testament devait être rétracté comme ordonnant l'exécution de cet acte, que le second avait anéanti; 2o parce qu'il était inutile d'examiner au rescindant ce que contenait ce second testament, puisque d'un côté, la partie adverse n'avait point encore intenté l'action qui pouvait naître, et que, d'une autre part, l'ordonnance défendait de cumuler le rescindant avec le rescisoire.

De là, Berriat, titre de la Requéte civile, note 34, établit comme une règle générale que, quoique la pièce retenue et recouvrée doive, en définitive, faire rendre un jugement semblable au premier quant à ses résultats, il ne faut pas moins rétracter celui-ci. Ainsi done, les mots pièces décisives ne paraîtraient se rapporter qu'au rescindant, et non au rescisoire, c'est-à-dire qu'il suffirait de fournir une pièce qui n'aurait pas été produite lors du jugement, mais qui y aurait trait, pour que l'on dût admettre la requête civile, encore bien que cette pièce ne pût, en définitive, avoir aucune influence sur le rescisoire, autrement sur le fond.

Nous sommes loin de penser que l'on doive tirer de l'arrêt que nous venons de rapporter une conséquence semblable, contre le principe que l'admission de la requête civile est subordonnée à la circonstance que la pièce soit de nature à influer essentiellement sur le fond, sauf à juger ensuite le mérite et les résultats de cette influence, en statuant sur le rescisoire. En effet, un second testament, qu'il soit ou non conforme au premier, est de nature à influer sur le premier jugement, et dès lors il doit être considéré comme pièce décisive, sauf à examiner au fond quelle doit être son influence. Mais sans nous arrêter à prouver cette proposition, il suffit de considérer que l'arrêt a été rendu sous l'empire de l'ordonnance, qui

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voulait, comme le dit le tribun Albisson | pièces qui seraient communes aux deux par(roy. édit. de F. Didot, p. 175), qu'on ne pût ties, et dont on a le droit d'exiger la séparaplaider que les ouvertures de requête civile et tion, ou, en cas de refus, de tirer des inles réponses du défendeur, sans entrer au ductions, en prouvant que la pièce est aux moyen du fond. « Or, ajoute cet orateur, possessions de l'adversaire. (V. Quest. 788.) comment plaider le moyen pris du recouvre- Mais il faut remarquer que l'on ne pourrait ment d'une pièce décisive? Comment établir fonder un moyen de requête civile sur des en plaidant que l'État, les communes, les éta- pièces qui se trouvaient entre les mains de la blissements publics ou les mineurs n'ont pas partie adverse à l'époque où le jugement attaété valablement défendus (voy. art. 481)? qué aurait été rendu, s'il existait un moyen de Comment défendre à ces moyens, sans entrer se faire représenter ces pièces, et si l'on avait en connaissance du fond? Cette disposition, négligé de l'employer. C'est ce qui résulte d'un qu'il était impossible d'exécuter au moins dans arrêt de la cour de Paris du 28 nov. 1810, qui ces deux cas, a été retranchée du nouveau a rejeté une requête civile fondée sur ce que projet du Code, parce qu'une loi dont l'exécu- des pièces prétendues décisives se trouvaient tion est quelquefois impossible, ne peut pas entre les mains de la partie adverse, associée être une bonne loi. » On voit que cette expli- de celle qui formait le pourvoi. La cour, en cation tranche toute difficulté sur la question | cette circonstance, a considéré, 1o qu'on ne que nous avions à résoudre. pouvait envisager les pièces en question comme retenues par le fait de la partie adverse; que, par leur nature, elles étaient communes et appartenaient à toute la société, quoiqu'elles fussent habituellement entre les mains de la partie adverse et confiées à sa garde; 2o qu'elles pouvaient être réclamées et consultées à chaque instant par tous les associés qui avaient droit et intérêt de se les faire représenter, et d'y faire les recherches les plus exactes; 5o que rien ne justifiait, dans la cause, que le demanlequel était intervenu le jugement attaqué par deur en requête civile eût, lors du procès sur lui, demandé, mais en vain, une communication de ces mêmes pièces, ni qu'il eût fait, à cet égard, aucune tentative pour vaincre la résistance de son adversaire (1).

[On peut citer à l'appui de cette décision un arrêt de la cour de Brux. du 9 juillet 1823, qui en fait ressortir toute l'évidence, en disant | que si la pièce n'est pas décisive, on ne peut prétendre qu'il y ait dissimulation dolosive, et partant ouverture à requête civile.

C'est aussi ce qu'enseignent tous les auteurs et ce qu'avait déjà nettement jugé la cour de Paris, le 1er fév. 1810 (Sirey, t. 11, p. 288; Dalloz, t. 23, p. 459; Pasicrisie).]

1763. Peut-on fonder un moyen de requéte civile sur des pièces que l'on prétendrait avoir été retenues par la partie adverse, si, lors du jugement, l'on a négligé les moyens possibles d'en obtenir la repré

sentation?

Rodier, sur l'art. 34, §11, fait observer que si les pièces qu'on supposerait décisives étaient encore entre les mains de l'adversaire, on ne pourrait, même en le prouvant, forcer celui-ci à les remettre pour soutenir la requête civile contre lui, si ce n'est, ajoute-t-il, qu'on ne prouvât qu'il les eût enlevées ou frauduleusement soustraites, parce qu'en ce cas il y aurait dol personnel de sa part. Ce commentateur se fonde sur ce principe du droit romain, intentionis vestræ proprias debetis afferre probationes, non ab adversariis adduci. (Loi 7, Code, de testibus, et loi 22, Code, de fide instrumentorum. V. Prat., t. 3, p. 290;

Voy. Quest. 1742.)
Nous croyons cette décision fondée, mais
pour le cas seulement où il ne s'agirait pas de

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[Quand cette solution n'aurait pas été confirmée de nouveau par un arrêt de la cour de cass. du 20 nov. 1832 (Devilleneuve, t. 33, 1, p. 474), elle n'en serait pas moins à l'abri de toute critique.

Mais peut-on dire avec Pigeau, Comm., t. 2, p. 87, que si les pièces n'avaient point été frauduleusement retenues, mais simplement par ignorance (si, par exemple, une partie les avait sans le savoir), il y aurait également lieu à requête civile ?

Nous ne le pensons pas. Pigeau, liv. II, partie 4, titre 1er, chap. ler, sect. 4, art. 5, 10 ouvert., reconnaît lui-même, d'une part, que trois conditions sont indispensables pour constituer un moyen de requête civile, aux termes du § 10; d'autre part, que le législateur n'a voulu, dans ce paragraphe, que préci

(1) Nous ajouterons que, par arrêt du 28 flor. an xii, il avait été décidé que, dans le cas où les pièces, sur lesquelles le pourvoi en requête civile était fondé n'avaient pas été retenues par le fait de la partie adverse, mais étaient au contraire consignées dans des registres publics, la requête civile n'était pas admissible, parce qu'il était au pouvoir du demandeur d'en prendre com

munication, sans que son adversaire pût s'y opposer. Nous pouvons conclure de là que la requête civile n'est pas recevable, toutes les fois qu'avant le jugement, la partie qui veut user de cette voie a eu des moyens de se procurer la communication des pièces dont elle argumente, et qu'elle prétend avoir été retenues par son adversaire.

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