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ser un cas spécial où le dol ne serait suffisamment caractérisé que lorsque les circonstances qu'il énumère se trouveraient réunies (Comm., t. 2, p. 85). (V. suprà, Quest. 1742.)

Si telle est la vérité des principes, comment prétendre, d'un autre côté, que la loi ne distingue pas, que le fait de la partie peut indifféremment être innocent ou coupable?

[L'affirmative n'est pas douteuse; l'art. 480, § 10, exige que les pièces nouvellement recouvrées soient décisives; or, il est impossible d'attribuer ce caractère à des pièces arguées de faux, tant que l'accusation dont elles sont l'objet du degré d'autorité qui leur appartient, on les ne sera pas purgée. Si, dans le doute où l'on est admettait comme vraies, et que sur cette présomption, le premier jugement fût rétracté, qu'arriverait-il souvent? C'est que le faux étant depuis reconnu, il faudrait à son tour rétracter la seconde décision, inconvénient qui n'existe pas dans le système d'une instruction préa

Il nous semble évident, au contraire, que le § 10 prévoit un cas de dol aussi bien que le $1er, et que s'il diffère de ce dernier par une précision spéciale, comme lui, du moins, il pose à titre de condition essentielle qu'il faut que le dol provienne du fait de la partie.lable. Cette doctrine s'induit de la jurisprudence. (V. aussi la Quest. 1761.)

Rien de tout cela n'existe dans notre hypothèse.

Pigeau, liv. II, part. 4, tit. Jer, chap. 1er, doctrine. (V. aussi notre Quest. 1760.)]} sect. 4, art. 5, 10° ouvert., professe la même

Il n'y a pas de dol, car le dol suppose l'in-1765. Peut-on se pourvoir, soit par requéte

tention de nuire; il n'existe même qu'à ce titre, et ici tout le contraire est admis.

Encore moins peut-on dire qu'il se révèle par une manoeuvre coupable de la partie, puisque celle qui, par pure ignorance, a retenu des pièces qu'elle ne croyait pas en sa possession, n'a pas même encouru le reproche de négligence.

Ce n'était pas à elle, en effet, de chercher des armes à son adversaire; et il suffit qu'elle n'ait pas sciemment mis obstacle aux recherches que celui-ci aurait pu effectuer, pour qu'elle soit exempte de tout blâme.

Du reste, et lors même que cette négligence pourrait lui être imputée comme faute, ainsi que le voudrait Pigeau, l'acte négatif qu'elle constitue ne pourrait jamais être assimilé au fait de rétention que prévoit et réprime le § 10, car celui-ci implique nécessairement que les pièces ont été retenues avec connaissance de cause, avec intention; et, comme nous l'avons déjà dit, notre espèce exclut cette présomption. Il faut donc tenir la négative de la question, contrairement à l'avis de Pigeau. Mais nous entendons que le juge devra se montrer très-scrupuleux dans ce cas, et n'avoir pas le moindre doute sur la sincérité d'intention de la partie qui alléguera n'avoir retenu les pièces que par ignorance.]

1764. Si le défendeur à la requête civile, fondée sur pièces nouvellement recouvrées, prétend qu'elles sont fausses, fautil, avant de prononcer sur l'admission de la requête civile, commencer par instruire et juger le faux ?

L'affirmative a été jugée par un arrêt du parlement de Toulouse du 12 juillet 1740, dont l'espèce est rapportée par Rodier, sur l'art. 34 du tit. XXXV, § 11, et nous pensons que l'on devrait se conformer à cette décision, d'après la maxime frustrà probatur quod probatum non relevat.

civile, soit par action nouvelle, contre un jugement qui a été rendu faute à une partie d'avoir produit certaines pièces ? En d'autres termes et plus généralement : La jurisprudence qui, en Bretagne particulièrement, autorisait l'action en LIEF DE COMMINATOIRE, c'est-à-dire une action que l'on pouvait former par demande principale et pendant trente ans, afin de faire rétracter un jugement rendu dans l'élat, faute à la partie d'avoir fourni telle preuve ou telle pièce, est-elle abrogée par le Code de procédure civile ?

Nous nous sommes fortement prononcé pour l'abrogation de cette jurisprudence, tant dans notre Analyse, no 1615, que dans notre Traitė savant collègue Toullier, dans son 10 vol., et Questions de procédure, no 2516, et notre avions essayé de faire à cet égard. no 121, a complété la démonstration que nous

d'équité, très-louable d'ailleurs, avait admis La cour de Rennes, qui, par un sentiment l'ancienne doctrine des comminatoires, mème système, et par conséquent nous sommes dissous l'empire du Code, a enfin abandonné ce pensé d'entrer dans tous les développements que nos deux premiers ouvrages contenaient sur ce point.

Nous dirons donc, sans entrer dans aucune ment de la province, du 3 juill. 1740, rapdiscussion, qu'en Bretagne, un arrêt du parleporté au Journal de ce parlement, t. 3, chapitre 50, p. 250, avait décidé que le jugement qui ne déclare un individu héritier pur et simple que faute d'avoir émis au proces les bénéficiaire, ne pouvait être réformé sur la propieces qui établissaient la qualité d'héritier duction de ces pièces dans l'instance d'appel, à lever le comminatoire dans la juridiction où et que la sentence devait être confirmée, sauf la sentence avait été rendue.

Par suite de ce premier arrêt, on considéra comme simplement comminatoire, et ne pou

vant acquérir autorité de la chose jugée qu'a- | » sement de la formalité ait été détournée par près trente ans, tout jugement ou arrêt qui» le fait de son adversaire. » prononçait dans l'état, quant à présent, En un mot, comme le Code de procédure faute d'avoir fourni telle preuve ou telle n'admet d'autres voies pour se pourvoir contre piece; expressions qui supposaient que si la les jugements que celles dont il a établi les preuve avait été faite ou la pièce fournie, en un règles, c'est-à-dire l'appel, l'opposition simple mot, que si l'affaire avait été jugée dans d'au- et les voies extraordinaires de la tierce oppotres circonstances, la décision eût été diffé-sition et de la prise à partie, nous décidions rente; et en conséquence on admettait une que l'action en lief de comminatoire était action en lief de comminatoire, dont l'effet proscrite. était d'obtenir jugement nouveau, en faisant la preuve ou produisant les pièces qui avaient manqué lors de la première décision.

Nous disions n'avoir rien trouvé dans les ouvrages des anciens auteurs, sur cette espèce d'action; que Ferrières, dans son Dictionnaire de droit et de pratique, au mot Comminatoire, se bornait à nous apprendre que lorsqu'un jugement prononçait que, dans un certain temps, une partie ferait telle chose, sinon qu'elle serait déchue de ses droits, cette déchéance n'était réputée que comminatoire, à moins que le juge n'eût ajouté : En vertu du présent jugement, et sans qu'il soit besoin d'autres, la partie sera déchue, etc.; ou bien qu'à l'échéance du délai on eût obtenu un jugement portant que, faute à la partie d'a- | roir satisfait au précédent, elle demeurerait déchue. Mais il ne s'agit point ici d'un jugement comminatoire, dans l'acception de la jurisprudence bretonne; il s'agit d'un jugement rendu sous condition, et qui avertit la partie de ce qu'elle doit faire pour en prévenir les effets; tandis, au contraire, que le jugement auquel on donnait, en Bretagne, la qualification de comminatoire, ne condamnait pas, sauf la condition de faire telle chose, mais, au contraire, faute à la partie d'avoir fait ce qui lui incombait.

Cela posé, ni l'ordonnance, ni aucun de ses commentateurs, ne font mention de cette action en lief de comminatoire, et attendu que l'art. 1041, C. proc., abroge toutes lois, coutumes et usages relatifs à la procédure; qu'enfin nulle disposition de ce Code ne parle de jugements comminatoires, nous avons maintenu qu'on ne pouvait en faire une classe à part, arbitrairement régie par des règles particulières.

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Nous l'avons dit, la cour de Rennes a fini par adopter entièrement cette doctrine, qui était celle de l'illustre chancelier d'Aguesseau (voy. sa lettre, t. 12, p. 32, édit. de Pardessus), et qui est celle de Toullier, et nous dirons que le sort des parties étant une fois fixé par une décision judiciaire, on doit en conclure qu'il ne reste d'autre ressource à celui qui a succombé que celle des voies que la loi établit nommément. Nous dirons même que l'on ne pourrait se restituer par l'action en lief de comminatoire contre un jugement rendu avant la publication du Code de procédure, attendu qu'avant ce Code, comme le prouve la lettre de d'Aguesseau, la jurisprudence qui accordait cette action était en opposition formelle avec les principes du droit commun.

Ainsi, premièrement, on ne peut se pourvoir que par requête civile contre un jugement rendu faute d'avoir fourni telle pièce, et encore faut-il prouver que la pièce a été retenue.

Secondement, on ne peut, suivant les circonstances, se pourvoir que par cette voie et toute autre indiquée par la loi, lorsque le jugement a été rendu dans l'état ou quant à présent, à moins que ce jugement ne porte formellement que le juge se réserve de statuer ce qui sera vu appartenir, si l'état de la cause est ultérieurement changé par la production d'une pièce, ou la justification d'un fait susceptible d'AMENER UNE solution difFÉRENTE (1).

[Il est inutile de rien ajouter sur cette question, qui ne peut plus faire aujourd'hui l'objet d'une difficulté sérieuse. La doctrine des Comminatoires, déjà frappée de réprobation sous l'ancienne législation, est repoussée et proscrite à jamais de notre jurisprudence; la cour de Rennes, dans deux arrêts des 2 mars Nous nous appuyions de l'autorité de Merlin 1818 et 22 janv. 1821, est enfin revenue aux (Nouv. Rép., vo Requéte civile, § 1er). « Lors-véritables principes également soutenus par » qu'un jugement, dit-il, en a déclaré un autre Favard, t. 4, p. 894. » nul, faute à la partie qui en soutenait la » validité d'avoir prouvé l'accomplissement » d'une formalité dont il devait être suivi, » cette partie ne peut, en rapportant la preuve » de l'accomplissement de cette formalité, » demander, par action nouvelle, l'exécution » du même acte. Elle doit, au contraire, être » déclarée non recevable tant qu'elle n'atta» quera pas le jugement par requête civile, sur le fondement que la preuve de l'accomplis

Nous ajouterons avec ce même auteur, Compélence, no 52, que les magistrats peuvent fixer un délai pendant lequel le demandeur produira une pièce qui doit être décisive; c'est alors un jugement provisoire et non définitif.

(1) C'est qu'alors le jugement prend le caractère de jugement provisoire, tandis qu'il est définitif, lorsque le juge n'y a pas inséré cette clause.

V., sur le droit que prétendrait avoir une partie d'intenter une action principale, notre Quest. 1749 ter.]

1766. Peut-on intimer, dans l'instance de requéte civile, une personne qui n'était point partie, et qui était sans intérêt dans le jugement attaqué?

L'usage de la requête civile est un moyen extraordinaire que la loi présente à une partie, non pour introduire une demande ou une action nouvelle, mais pour obtenir, selon les circonstances, et pour les causes qu'elle indique, la rétractation de jugements contradictoires rendus en dernier ressort, par les tribunaux de première instance et d'appel, et de jugements par défaut, aussi rendus en dernier ressort, et non susceptibles d'opposi

tion.

Cette définition est exacte; elle est la conséquence immédiate, nécessaire, indispensable, de la réunion et de la combinaison des dispositions diverses qui composent le titre II, 1re part., liv. IV, C. proc. On ne saurait donc prétendre qu'une instance aux fins de requête civile puisse légalement se compliquer comme toutes les autres d'actions en garantie, en dommages-intérêts, recours, etc., etc.

En effet, en matière de requête civile, le juge n'a et ne peut avoir à prononcer qu'entre les parties qui ont figuré dans les arrêts et jugements en dernier ressort dont on demande la rétractation, les personnes seules qui ont figuré dans le jugement ou arrêt pouvant former cette demande, d'après l'art. 480 du Code.

Si d'ailleurs on prenait à la lettre l'art. 492, il faudrait décider que l'on ne serait même pas recevable à procéder par requête civile envers les ayants cause de la partie au profit de la- | quelle l'arrêt a été rendu.

Mais l'opinion commune et même uniforme des commentateurs est que l'on peut agir par la même voie contre les ayants cause, et ce, en vertu du principe que l'on peut exercer contre eux tous les droits que l'on avait envers leurs auteurs. (V. suprà, Quest. 1740.) Ajoutons, premièrement, que le juge, en matière de requête civile, n'a d'abord à prononcer que sur la question unique de savoir si les parties seront remises en même et pareil état qu'elles étaient antérieurement aux décisions attaquées. (Art. 501.)

Secondement, que les parties entre lesquelles le jugement rétracté est intervenu ont à plaider de nouveau sur le fond de la contestation. (Art. 502.)

Donc un tiers mis en cause dans l'instance de requête civile, et qui n'a été partie dans aucun des arrêts dont le demandeur poursuit la rétractation, qui, d'ailleurs, n'est ayant cause d'aucune de celles qui y ont figuré, ne

peut être valablement appelé dans l'instance dont il s'agit.

[Pigeau, Comm., t. 2, p. 72, adopte la même opinion contre laquelle il nous semble impossible de s'élever.]

ART. 481. L'État, les communes, les établissements publics et les mineurs, seront encore reçus à se pourvoir, s'ils n'ont été défendus, ou s'ils ne l'ont été valablement.

Ordonnance de 1667, til. XXXV. art. 55 et 36. [Devilleneuve, vo Req. civ., no. 29 à 34 et 39. - Locré, t. 9, p. 521 et 556, no 20, et p. 371 et suiv., nos 31 et 52.]

CCCXCIX. Le législateur accorde ici une faveur particulière à ceux qui, ne pouvant agir par eux-mêmes, se trouvent, par la force de la loi, confiés aux soins d'autrui. Cette faveur est fondée sur la crainte que l'administrateur chargé de leurs intérêts ne remplisse pas son mandat avec le zèle et l'exactitude qu'il mettrait à ses propres affaires, et ne les compromette, en négligeant leur défense.

1767. En général, que doit-on entendre par ces mots, S'ILS N'ONT ÉTÉ DÉFENDUS, ou s'ILS N'ONT ÉTÉ VALABLEMENT DÉFENDUS?

On ne saurait contester que l'art. 481, en reproduisant les dispositions de l'art. 33 du tit. XXXV de l'ordonnance, ne donne une grande latitude pour le pourvoi en requête civile, surtout par ces expressions, s'ils n'ont été valablement défendus, expressions dont on avait souvent abusé sous l'empire de cette ordonnance, et dont on pourrait abuser encore. Sans doute il eût été à désirer que le Code, ainsi que le demandaient les cours d'Aix et de Limoges, eût précisé clairement les cas dans lesquels l'art. 481 serait applicable. On ne l'a pas fait, parce que l'on a trouvé difficile de donner des règles fixes à cet égard. Néanmoins, on peut en général se guider, dans l'application de l'article dont il s'agit, par une disposition qui avait été rédigée pour faire partie de l'ordonnance, et dans laquelle on avait cherché à désigner les cas où le pourvoi serait recevable.

De cette disposition, rapportée par M. le conseiller d'État Bigot de Préameneu (voy. Exposé des motifs), il résulte que les mineurs, les communes, les établissements publics sont réputés n'avoir pas été défendus, lorsqu'ils ont été jugés par défaut ou par forclusion; qu'ils sont réputés n'avoir pas été valablement défendus, quand les principales défenses de fait et de droit ont été omises; mais qu'il faut qu'il paraisse que l'omission de ces défenses ait donné lieu à ce qui a été jugé, ou qu'il aurait été jugé autrement si les parties

dont il s'agit avaient été défendues, ou si les défenses avaient été complétement fournies.

Ce projet d'article, dont nous venons d'indiquer les conséquences, ne fut point mis en entier dans l'ordonnance; mais, comme le dit l'orateur du gouvernement, il a toujours été regardé comme une explication utile pour guider les juges et prévenir les abus. (V. Rodier et Jousse, sur l'art. 35, 2o Question.) C'est aussi d'après lui que Pigeau, liv. II, part. 2, tit. IV, chap. 5. a expliqué l'art. 481 du Code. [Comme la question de savoir s'il y a eu ou non valable défense est plutôt une question de fait que de droit, nous nous bornerons simplement à renvoyer à Pigeau, Comm., t. 2, p.77, 88 et 89, et à Boitard, sur l'art. 481, qui en donnent plusieurs exemples, ainsi qu'à deux arrêts des cours de Turin, 21 mai 1812, et de cass., 25 mars 1830 (Sirey, t. 30, p. 199). Ce dernier arrêt a jugé, en outre, que la cour de cassation était compétente pour apprécier si une commune qui se pourvoit par requête civile pour non valable défense avait été valablement défendue.

Malgré la généralité des termes de l'art. 481, et l'explication qu'en donne Carré, les communes ou autres établissements ne peuvent pas se plaindre de n'avoir pas été défendus lorsque l'autorisation de plaider leur a été refusée, ou qu'on ne la leur a pas accordée dans les délais indiqués par la loi.

Remarquons également qu'ici (art. 481), la requête civile n'est plus fondée sur des causes générales, sur l'omission de certaines règles, omission qui pourrait être invoquée par toutes les parties, mais bien sur la position speciale de quelques-unes d'entre elles dont l'incapacité est un titre à de nouvelles garanties contre la lésion qu'elles pourraient éprouver, par l'incurie où la mauvaise foi de ceux que la loi prépose à la garde de leurs intérêts.]

1768. Mais l'art. 481 suppose-t-il que la requête civile soit la seule voie que l'Etat, un établissement public, un mineur, puissent prendre contre le jugement rendu contre eux, sans que leurs administrateurs légaux aient été appelés?

Pigeau avait résolu cette question pour l'affirmative, dans son premier ouvrage sur la procédure (voy. t. 1, p. 556); mais, dans l'édition qu'il a publiée depuis la mise en activité du Code (voy. liv. II, part. 4, tit. ler, chapitre 1er), il dit qu'il ne faut pas prendre la voie de la requête civile, quand les mineurs, l'État, les communes et les établissements publics n'ont pas été défendus par leur tuteur ou administrateur, ou quand le tuteur ou administrateur n'avait pas de pouvoir; qu'il n'y a lieu qu'à la tierce opposition, parce qu'il faut avoir été partie pour prendre la voie de la

requête civile, tandis que le mineur et les personnes morales dont nous parlons ne sont pas valablement parties, si elles ne sont assistées de leurs administrateurs. Il cite un arrêt du parlement de Paris du 17 janv. 1767, rapporté par Denisart, au mot Tierce opposition, n° 13.

Nous devons dire que cette dernière opinion de Pigeau est opposée à celle de tous les commentateurs de l'ordonnance. Jousse et Rodier, sur l'art. 55, disent que la requête civile est ouverte contre les jugements rendus sans l'assistance du tuteur, ou avec l'assistance d'une personne qui n'aurait pas cette qualité. Duparc-Poullain, t. 10, p. 965, s'exprime plus formellement encore : « Un des plus forts moyens de minorité non valablement défendue, c'est, dit-il, lorsque le mineur a procédé sans l'autorité du tuteur ou du curateur. » On trouve la même proposition dans presque tous les ouvrages publiés depuis le Code. (V. Praticien, t. 3, p. 510, et surtout Demiau, p. 344 et 345.)

Mais Berriat, titre de la Requéte civile, note 36, s'est particulièrement appliqué à combattre l'avis de Pigeau, relativement à la tierce opposition. Il s'appuie de l'autorité de plusieurs arrêts, et de l'opinion de Merlin, pour maintenir que le mineur, n'ayant pas une incapacité absolue d'ester en justice, est partie au procès, quoiqu'il ait procédé sans l'assistance de son tuteur, et que conséquemment il n'a pas la voie de la tierce opposition, mais seulement celle de la requête civile. (V. Quest. de droit, au mot Curateur, t. 1, p. 665; Nouv. Rép., au même mot, § 1er, n° 8. et aux mots Requéte civile, § 1or, no 15, et Tierce opposition, § 2, art. 5.)

Il faut bien remarquer que les autorités citées par Berriat ne prouvent autre chose, si ce n'est que des mineurs ont été reçus à se pourvoir par requête civile, pour cause de défaut de défense résultant de ce que leur tupoint formellement décidé que la tierce oppoteur n'avait pas été mis en cause; mais on n'a sition fût non recevable. Nous croyons que les deux voies concourent: premièrement, la tierce opposition, parce qu'il nous paraît vrai de dire que le mineur n'a pas été valablement partie, si son tuteur n'a pas été appelé; or, c'est la même chose que s'il n'avait pas été appelé lui-même; d'ailleurs, la partie adverse n'a aucun intérêt à contester que cette voie soit ouverte : secondement, la requête civile, parce qu'il est également vrai de dire que le mineur n'a pas été valablement défendu, lorsque son tuteur n'a pas été appelé à faire valoir ses moyens on aura donc en ce cas l'option. Ainsi qu'en plusieurs circonstances, une partie peut avoir à choisir entre deux voies différentes qui la conduisent au même but: l'essentiel, c'est que l'on ne prenne pas en même

temps ces deux voies; elles concourent, mais elles ne peuvent être cumulées.

Nous remarquerons maintenant que si le tuteur a été appelé, on ne peut dire que le mineur n'ait pas été partie, et alors il n'y a lieu qu'à la requête civile pour les causes ci-dessus exprimées, c'est-à-dire lorsque le mineur n'a pas été défendu; par exemple, s'il avait été jugé par défaut ou forclusion, ou lorsqu'il ne l'a pas été valablement, comme il arriverait si le tuteur n'avait pas fait valoir tous ses moyens (1).

[L'opinion de Carré nous paraît préférable; dès lors en effet qu'en admettant l'emploi alternatif de la requête civile et de la tierce opposition, elle en proscrit néanmoins le cumul, on ne conçoit pas quel intérêt la partie adverse pourrait avoir à contester au mineur la faculté d'user à son choix de la première ou de la seconde de ces deux voies.

Cette doctrine peut d'ailleurs s'étayer d'un arrêt de la cour de Brux., 24 juin 1816. (Pasicrisie belge;-voy. notre titre de la Tierce opposition, Quest. 1709).]

1769. Si le mineur émancipé, qui aurait esté en justice sans l'assistance d'un curateur, était devenu majeur avant le jugement, pourrait-il l'attaquer par voie de requéte civile pour cause de minorité non défendue où non valablement défen

due?

Rodier, ubi suprà, résout négativement cette question, par la raison que le mineur étant devenu majeur a pu connaître et rectifier sa défense, et qu'il est censé l'avoir approuvée (2). Mais Catelan, liv. IX, chap. 3, établit sur cette difficulté la distinction suivante, conforme à l'esprit d'un arrêt qu'il rapporte; il dit que si l'instruction faite pendant la minorité, étant incomplète et imparfaite, n'a été achevée par le mineur que depuis sa majorité, le moyen de requête civile ne doit pas être admis; au lieu qu'il le serait si, depuis sa majorité, il n'avait fourni aucunes écritures, ni fait aucun acte approbatif de cette instruction. Cette distinction, qu'admet aussi Duparc, t. 10, p. 966, est conforme à la justice, et, en conséquence, nous sommes porté à croire qu'on la suivrait aujourd'hui, dans le cas où l'affaire eût été en état au moment de la majorité de la partie.

[Nous admettons cette distinction, et nous citerons à l'appui : Turin, 21 mars 1812; Paris, 27 déc. 1825, et Toulouse, 1er mars 1850 (Sirey, t. 30, p. 186;-voy. pour les effets de

l'indivisibilité en matière de requête civile, notre Quest. 1794 bis).]

1770. Pour établir la valable défense d'un mineur, faut-il qu'il ait été pris des conclusions expresses sur le moyen de défense?

Il suffit que le moyen de défense ait été proposé, soit dans les écrits du procès, soit dans les plaidoiries. (Cass., 8 niv. et 11 vent. an xr; Sirey, t. 3, 2, p. 262.)

[L'art. 481 n'ayant fait que reproduire les dispositions de l'art. 35, tit. XXXV de l'ancienne ordonnance, nous ne voyons pas le motif qui s'opposerait à ce que la solution donnée à cette question fùt la même sous le Code de procédure actuel.

C'est aussi l'avis auquel se range Pigeau, Comm., t. 2, p. 77 et 78, en rapportant le premier des arrêts cités; mais il fait observer avec beaucoup de raison qu'il en serait autrement si la partie, au lieu de proposer soit par écrit, soit dans les plaidoiries, le moyen de défense, s'était bornée à l'alléguer, sans s'y arrêter ni le présenter au juge comme devant déterminer sa décision.

omission de défense, et c'est aussi ce qui nous Dans ce cas, dit-il, il y aurait réellement parait hors de doute. Poncet, no 477, paraît question; il enseigne que la communication incliner pour l'affirmative tranchée de notre sans conclusions subséquentes ne serait qu'une vaine formalité qui ne fermerait pas la voie de la requète civile.]

1771. L'omission de proposer un moyen de forme donnerait-elle ouverture à requête civile, pour cause de non valable défense?

Il paraît, d'après un arrêt de la cour de cass., du 10 janv. 1810, et surtout d'après les conclusions de Merlin sur cet arrêt, que cette question doit être résolue négativement. Ainsi, pour qu'il y ait ouverture à requête civile, il semble nécessaire que les moyens de défense omis aient trait au fond de la contestation.

[C'est ce qu'a jugé formellement la cour de Paris, le 27 déc. 1825, et le doute ne nous semble plus permis sur la négative de la question. Cette ouverture ne peut être invoquée en effet qu'autant que le moyen omis est décisif; et une nullité de forme n'est pas décisive, puisqu'elle n'eût pas empêché la perte du procès. Si cependant l'omission d'un moyen de forme entraînait la perte du fond, si, par exemple, une assignation donnée à un

(1) On sent que ce que nous disons ici du mineur s'applique nécessairement à l'Etat et aux établissements publics, puisque l'art. 481 les comprend dans la généralité de sa disposition.

(2) [Il en serait de même si le frère, tuteur, avait donné, par exemple, son adhésion à un jugement, et en avait ainsi couvert les nullités. (Paris, 27 déc. 1825.)]

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