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qui n'a jamais eu l'intention de poursuivre le cessaires pour saisir d'un droit certain les aufait criminellement ou correctionnellement ne tres créanciers. La cour de cassation s'est donc demande qu'une réparation civile au point de décidée ici par un autre motif que celui qu'iovue exclusif de son intérêt personnel. dique Mangin, et ce motif est le même que celui Resterait uniquement la partie délinquante; qui l'avait déjà déterminée en 1822, et qui la mais on doit reconnaître, avec la cour de cas- fit persister plus tard, le 17 déc. 1839 (Devilsation, 26 mars 1829, qu'il ne saurait lui ap- leneuve, t. 40, 1re, p. 454), dans la doctrine partenir d'aggraver les faits et les circonstan- que l'action civile exercée isolément devant le ces, en s'imputant une turpitude pour échap-juge civil n'est soumise qu'à la prescription orper à une condamnation civile; et que si, pour dinaire. obtenir le bénéfice d'une prescription de trois ans, elle soutient qu'elle n'a commis qu'un délit, le demandeur demandera à prouver qu'il y a eu crime, ce qui constituera les tribunaux civils en juges de matières criminelles; ne serait-il pas déplorable de trouver dans un jugement rendu au civil la qualification d'un fait que les tribunaux criminels répudieraient ensuite (1)?

Ainsi tout se réunit pour prouver que, plus la distinction faite par Mangin est fondée en droit, plus elle répugne à être restreinte dans l'étroite catégorie d'exception où il n'a pu s'empêcher de lui faire place, d'où la conséquence qu'elle constitue une règle commune de prescription, toutes les fois que l'action civile | est intentée à part de l'action publique, soit que celle-ci n'ait jamais été formée, soit que, depuis le désistement du ministère public, les délais fixés par l'art. 657 se soient accomplis.

Au surplus, l'arrêt du 26 mars 1829, invoqué par Mangin à l'appui de sa doctrine, ne nous semble pas applicable.

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Ces principes une fois posés, voyons en quoi
ils peuvent influer sur la question de savoir
quelle est la durée de la prise à partie.

Les divers faits qui lui servent d'ouverture et qu'énumère l'art. 505 peuvent se réduire à trois catégories qui les comprennent tous; en effet, la prise à partie résulte tour à tour d'un crime, d'un délit ou de ce que nous appelons une simple contravention, commise par le juge dans l'exercice de ses fonctions civiles ou criminelles (2). Cette nature complexe donne lieu à des distinctions nécessaires.

Et d'abord, en ce qui touche le dernier cas, celui d'une simple contravention ou omission constituant un quasi-délit, aux termes de l'art. 1382, C. civ., ou des art. 77, 112, 164, 271 et 370, C. crim., il est évident que le fait dommageable ne donnant ouverture qu'à l'action en réparation purement civile, et le Code de procédure n'en ayant pas fixé la durée, les difficultés soulevées à l'occasion du concours de cette dernière action avec l'action publique disparaissent entièrement; la prise à partie, dans ce cas, ne sera soumise qu'à la prescription trentenaire.

Dans l'espèce jugée, il s'agit d'un créancier surenchérisseur qui aurait été actionné par un Poncet, no 599, adopte néanmoins un avis autre créancier en réparation de dommages, différent. Selon lui, le silence du Code ne sepour s'être frauduleusement désisté de la sur-rait pas exclusif de toute prescription limitée ; enchère. L'action dirigée contre lui n'avait pas, la prise à partie devrait être soumise aux décomme on le voit, son principe dans un con- lais que la loi détermine pour les autres voies trat préexistant tel que l'exige le système que contre les jugements. Cette opinion lui parait nous combattons; il n'y avait pas même obli- hors de doute, « par la raison, dit-il, qu'un gation tacite de la part du surenchérisseur, car jugement non attaqué dans les délais, par la surenchère n'avait jamais légalement existé, voies qui lui sont propres, est un jugement à défaut d'accomplissement des formalités né- acquiescé, cas auquel la prise à partie n'est

les

(1) [Le 8 juillet 1839, le tribunal de Clermont-Ferrand a appliqué nos principes, en disant : « Attendu » qu'il s'agit de la restitution d'une chaîne en or qui » aurait été prise dans une rixe; que s'agissant d'une » obligation résultant d'un délit ou d'un quasi-délit, » la preuve testimoniale est admissible (art. 1348); qu'à » la vérité il a été excipé de la prescription de trois >> ans établie par les art. 637 et 658, C. inst. crim.; » mais d'une part, il n'est point allégué par la deman>> deresse que la soustraction a été frauduleuse, et, par » suite, elle serait un simple fait dommageable, un » quasi-délit; d'autre part, il serait difficile d'admettre » un débat préalable pour savoir si le vol devrait être » qualifié crime ou simplement délit, la prescription >>ne devant être admise que dans ce dernier cas. »

Ce jugement est bien rendu, et s'appuie sur la loi civile pour juger une question civile; si ce n'était pas

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par trop nous éloigner de notre matière de la prise à partie, nous démontrerions que la question de la réparation de dommages occasionnés par la presse poursuivie devant les tribunaux civils, question qui a eu les honneurs de si éclatantes discussions, se décide par les mêmes principes; nous dirons seulement que ce n'est pas dans la loi criminelle, en général, que les juges civils saisis d'une demande en dommages doivent puiser leurs raisons de décider; ils sont juges naturels de ces dommages en vertu d'une loi du droit commun, et ne pourraient être dessaisis que par une loi formelle qui créerait alors une exception anormale.]

(2) [D'un crime, art. 127, § 2, 166, 173, 174, 177, 181, 182 et 183, C. pén.; d'un délit, art. 128, 175 et 185, même Code; d'une simple contravention ou quasi-délit, art. 1382, C. civ., et art. 77, 112, 164, 271 et 370, C. crim.]

plus applicable à ce jugement, mais au juge | lui seul.»

Mais ces dernières paroles ne témoignentelles pas que, dans la pensée mème de l'auteur, la prise à partie ne saurait être considérée comme une voie de réformation contre les jugements; qu'elle constitue seulement un recours personnel contre le juge prévaricateur; et que c'est là un des caractères tout particuliers qui la distinguent?

Or, s'il en est ainsi, comme nous l'établissons infrà, sous la Quest. 1825 quater, pourquoi s'occuper du point de savoir s'il y a eu ou non acquiescement à tel jugement, par défaut de poursuite dans les délais voulus? S'agit-il ici de faire réformer une sentence ou d'obtenir une réparation légitime? C'est incontestablement à ce dernier mobile qu'il faut s'arrêter: l'autorité de la chose jugée ne se trouve nullement en question; c'est uniquement l'intérêt personnel qui demande, par action simple et directe, un dédommagement de la lésion que le juge lui a fait éprouver. Ainsi donc, dans ce dernier cas d'ouverture en prise à partie, nul doute que l'action en prise à partie ne soit soumise qu'à la prescription générale des actions personnelles.

Mais en est-il de même dans les deux premiers cas, c'est-à-dire lorsque le fait dommageable pour un particulier provoque également la vindicte publique?

Ici reparaissent les objections relatives à l'influence de l'action publique sur l'action civile, et, avec elles, les réponses que nous y avons faites puisque nous venons d'établir que la prise à partie constitue réellement une action.

Il ne faudrait pas toutefois se méprendre sur le caractère propre de cette action, formalisée d'une manière spéciale, et soumise à des règles de compétence qui en font une voie de recours tout à fait à part. Sans doute, et quoique classée sous la rubrique des voies extraordinaires contre les jugements, elle n'est pas, à proprement parler, un moyen de réformation; mais elle peut cependant le devenir d'une manière indirecte, en donnant ouverture ellemême à l'exercice des autres voies, dès que le fait qui lui sert de base a été légalement constaté. Telle serait l'espèce où le juge aurait prononcé, sans qu'elle eût été demandée, la contrainte par corps, en matière civile, hors des cas prévus par la loi; il y aurait alors ultrà petita et ouverture à requête civile.

Il suit de là que la prise à partie forme toujours une action à part, sui generis, dont le caractère particulier répugne à ce qu'on puisse la considérer jamais comme accessoire d'une action principale, fût-elle publique, et comme

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pouvant se trouver occasionnellement soumise à la prescription exceptionnelle des articles 657 et suiv., du Code d'instruction criminelle.

Autrement, il faudrait admettre que, suivant qu'elle résulterait d'une infraction aux lois criminelles ou d'une simple contravention à la loi civile, elle se prescrirait par des délais différents, ce qui est manifestement contraire à tous les principes du droit, qui veulent que la règle de prescription se puise dans la nature mème de l'action. Et qu'on n'objecte pas que, dans le cas où le fait punissable constitue un délit ou un crime, il serait injuste d'assujettir le magistrat poursuivi à une responsabilité plus longue que celle qui est assignée à l'action publique par les art. 637 et 658; car, indépendamment de tout ce qui vient d'être dit sur l'impossibilité logique de faire de la prise à partie une action accessoire, l'anomalie serait bien plus grande si la durée de la prescription devait se mesurer en raison inverse de la gravité du fait poursuivi, c'est-à-dire si, ayant trente ans pour actionner le juge à l'occasion d'un quasi-délit, la partie lésée n'en avait que trois ou que dix, pour la réparation d'un délit ou d'un crime.

Il est vrai que Thomine, no 556, qui opte en faveur de la prescription limitée, à l'exemple de Poncet, en infère en définitive que l'action, en prise à partie fondée sur un quasi-délit ne peut pas durer plus longtemps que pour un délit véritable, parce que les juges, dit-il, ne sont point garants des fautes qu'ils commettent, et qu'il serait absurde de les poursuivre eux ou leurs héritiers pendant trente ans.

Mais l'étrangeté d'une pareille conséquence fait justice de ce système; elle renverse en effet les notions les plus élémentaires du droit tant sur le principe général de la réparation légitimement due à quiconque est lésé (art. 1382, C. civ.), que sur la nature particulière de la prise à partie.

Sans doute, dirons-nous avec le même auteur, les juges ne sauraient être responsables d'une simple faute, d'une négligence, d'une erreur involontaire trop souvent inhérente à l'infirmité de la raison humaine; mais s'ensuitil que leur qualité de magistrat doive les mettre en dehors de la règle commune? l'art. 505 témoigne ouvertement du contraire, et il est universellement reconnu que, outre les cas d'ouverture qu'il prévoit et ceux où le Code d'instruction criminelle prononce la peine de la prise à partie, les juges peuvent être attaqués par la même voie, dans plusieurs circonstances où la loi les rend responsables de tel fait ou de telle négligence, à peine de dommages-intérêts (1).

(1) [Par exemple, comme nous venons de le dire ci-dessus, lorsque le juge prononce la contrainte par CARRÉ, PROCÉDURE CIVILE.-TOME IV.

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Il faut donc tenir pour certain qu'une action | qui, d'une part, a toujours son principe dans un fait dommageable, comme toutes les autres, mais qui, d'autre part, demeure néanmoins soumise à des règles particulières de compétence qui s'opposent invinciblement à ce que, dans un grand nombre de cas, elle puisse être portée concurremment devant les mêmes juges que l'action publique, est et demeure essentiellement distincte de celle-ci, bien qu'en apparence quelques-unes des causes dont elle dérive semblent s'y rattacher accessoirement; qu'on ne peut soutenir le contraire, avec Thomine, ubi suprà, sans la soumettre à la fois à trois ou quatre prescriptions différentes, et sans violer par suite les règles fondamentales en matière de prescription; que dès lors, et à cause même de cette nature complexe, qui permet de l'envisager tour à tour comme une voie de recours médiat contre les jugements, ou comme une action personnelle et directe contre le juge, elle ne peut tomber sous le coup de l'art. 657, C. crim., qui, selon nous, n'a réglé que le cas où l'action civile, simultanément exercée avec l'action publique, doit subir en sa qualité d'accessoire toutes les vicissitudes du principal.

D'où la conséquence dernière que la prise à partie, sur les délais de laquelle le législateur ne s'est pas expliqué, n'est soumise par cela même qu'à la prescription ordinaire des actions civiles, c'est-à-dire à la prescription de

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chambre des mises en accusation qui juge la prise à partie. (Arrêt de la cour de cass., du 27 fév. 1812, cité seulement par Favard, t. 4, p. 534, et Berriat, de la Prise à partie, p. 470.]

1821. La section de la cour royale désignée en cet article doit-elle prononcer en audience publique ?

Puisque l'instance de prise à partie doit être jugée par une section de la cour royale, autre que celle qui aura admis la requête, il est évident que cette dernière section doit délibérer, et rendre arrêt d'admission; mais s'ensuit-il qu'elle doive prononcer en audience publique? Nous ne le pensons pas, non-seulement parce que l'art. 515 porte que la prise à partie sera portée à l'audience pour être jugée, ce qu'il n'a point prescrit à l'égard de l'admission, mais encore parce qu'il ne convient pas de rendre publiquement une décision sur un point qui n'admet aucun débat, et qui souvent peut ne tendre qu'à inculper gratuitement un juge. Ainsi, nous croyons que la section de la cour doit prononcer en chambre du conseil, comme le fait la cour de cassation sur l'admission des requêtes.

[L'art. 511, C. proc. civ., nous parait également yenir à l'appui de cette solution. Il ne parle que de la présentation de la requète, sans admettre aucune discussion sur ce point. En combinant ses termes avec ceux de l'article 515, il paraît évident que le législateur n'a pas voulu que l'action fût publique, avant de savoir si elle avait quelque fondement.

C'était une garantie qui était due aux magistrats inculpés; on peut, au reste, assimiler ce cas à celui où un président répond à une ordonnance; il peut le faire à son hôtel. La loi a exigé un plus grand nombre de magistrats dans le cas de la prise à partie, mais la publicité est inutile, parce qu'il ne doit y avoir qu'un simple permis, sans plaidoirie ni arrêt motivé.

Néanmoins, lorsque la section des requêtes de la cour de cassation est saisie d'une demande de prise à partie, elle est dans l'usage d'admettre le demandeur à présenter ses observations en audience publique.] 1822. La requête doit-elle étre communi quée au ministère public?

D'après la disposition générale du § 5 de l'article 83, non-seulement le ministère public doit porter la parole lors d'un jugement de prise à partie, mais la requête doit lui être communiquée, et il doit donner ses conclusions sur

La Loi donne encore l'action en dommages-intérêts contre le juge de paix qui fait la levée des scellés avant l'expiration du délai qu'elle a prescrit, etc., etc. (art. 928, C. proc. civ.)]

l'admission ou le rejet. (Locré, t. 2, p. 352.) [L'art. 506 du projet de loi le portait aussi textuellement. Il a été écarté à la révision, dit Pigeau, Comm., t. 2, p. 111, non point pour décider que cette communication n'était pas nécessaire, mais comme inutile, comme rentrant dans les termes du § 5 de l'art. 85. Poncet, no 601, enseigne également que la demande en autorisation doit nécessairement être communiquée à la partie publique.]

ART. 516. Si le demandeur est débouté, il sera condamné à une amende qui ne pourra être moindre de 300 fr., sans préjudice des dommages-intérêts envers les parties, s'il y a lieu (1).

C. proc., art. 513 et 1029. — [Lócré, t. 9, p. 327 et 359, no 54.]

[CCCCXX ter. Ces mots, sans préjudice, etc., jusqu'à la fin de l'article, ont été ajoutés à la révision; pour bien entendre ce qu'ils signifient, il faut se reporter à l'art. 514.

Le juge pris à partie doit s'abstenir de la

connaissance du différend et de toutes les causes où se trouveraient intéressés les parents en ligne directe ou le conjoint du demandeur, à peine de nullité des jugements. Or, il en peut résulter des retards d'instruction pour les procédures intentées, et dont ce magistrat aurait commencé à connaitre; par conséquent, il peut en résulter aussi, pour les parties lésées, un juste motif d'intervenir dans l'instance qui n'a lieu qu'entre le juge et le demandeur, et où elles ne figurent pas de droit, afin de réclamer des dommages-intérêts par le jugement qui déboutera le demandeur. (Voy. suprà, Quest. 1815 quater.) La cour, dit Pigeau, Comment., t. 2, p. 115, se trouvant en état, en prononçant ce débouté, d'apprécier le tort que leur a causé la demande en prise à partie, par le retard de l'expédition de leur affaire, peut accorder des dommages-intérêts pour éviter deux instances et terminer tout par un seul jugement. (Voy. suprà, Quest. 1815 quinquies.)]

1823. L'art. 516 prononce des peines contre le demandeur qui est débouté; mais QUID JURIS s'il est jugé fondé?

Si l'art. 516 garde le silence sur le cas où le demandeur réussit, c'est qu'en permettant la voie extraordinaire de la prise à partie, le législateur a suffisamment exprimé que le réclamant doit obtenir contre le juge les conclusions qu'il a prises.

[C'est de la dernière évidence; le but de la

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prise à partie contre le juge, dit la loi 15, ff., DE JUDICIIS, est ut veram litis æstimationem præstare cogatur. Son effet naturel sera donc, si elle est admise, de faire condamner le juge à des dommages-intérêts proportionnés au tort qu'aura éprouvé la partie.

Et là se borneront les effets de la responsabilité extraordinaire que cette voie de recours fait peser sur le juge.

Car, bien que la prise à partie procède de diverses causes, dont plusieurs peuvent donner tout ensemble ouverture à l'action publique et à l'action civile, il n'en résulte pas, comme le voudrait Pigeau, Comm., t. 2, p. 115 et suiv., qu'à chacune de ces causes doive correspondre un mode d'instruction analogue. (Voy. suprà, Quest. 1820 bis.) En effet, que cette cause provoque ou non la vindicte publique, selon qu'elle constitue un crime, un délit, une sim

ple contravention, la prise à partie n'en demeure pas moins une action distincte, principale de sa nature, et qui n'a pour objet unique que de mettre en exercice, à la condition de certaines formalités (voy. infrà, Quest. 1823 quater), le principe consacré par l'art. 1382,

C. civ.

Les voies d'instruction à suivre seront donc

uniformes dans tous les cas indistinctement, et quelle que soit la pénalité spéciale dont la loi criminelle ou correctionnelle frappe le juge; elles auront toujours le même résultat, si la prise à partie est justifiée, celui de le faire condamner civilement, comme tout autre délinquant ou quasi-délinquant, à la réparation du préjudice causé.

Il en serait de même encore, si la prise à partie, quoique non justifiée d'abord, était néanmoins susceptible de l'ètre, la preuve par témoins ou toute autre ne contrariant nullement la procédure exceptionnelle, prescrite en cette matière.]

[1823 bis. Le juge follement pris à partie pourrait-il connaître ultérieurement de l'affaire ?

Non, dirons-nous avec Thomine, no 561, et par argument de l'art. 390, s'il s'est constitué demandeur en dommages-intérêts; mais, dans le cas contraire, c'est-à-dire s'il n'en a point réclamé, l'affirmative ne nous semble pas douteuse.]

[1823 ter. Un tribunal peut-il, en décla

rant non recevable la prise à partie exercée contre un arbitre forcé, s'abstenir néanmoins de condamner le demandeur à l'amende fixée par l'art. 516?

L'affirmative a été jugée par la cour de Limoges, le 1er août 1814 (Sirey, t. 17, p. 129), sur le motif que l'art. 516, étant une suite né497 et cessaire des dispositions qui précèdent, et ces dispositions ne pouvant être invoquées par

celui qui dirige une procédure de prise à partie contre des arbitres forcés, il s'ensuivrait qu'on ne pourrait point faire au demandeur débouté dans ce cas l'application de l'amende portée par le même article.

| action dont l'exercice n'est assujetti à une procédure toute spéciale, qu'en raison des hautes fonctions de ceux que la loi a dù néanmoins permettre d'attaquer; cette action, à ce dernier titre seulement, s'est trouvée comprise au nombre des voies extraordinaires de réformation.

Mais, sous un autre point de vue, et si l'on envisage la nature des diverses causes qui déterminent cette voie particulière, il faut dire que la partie lésée pourra, abstraction faite de la réparation pécuniaire imposée au juge, attaquer le jugement, non point en vertu, mais plutôt à l'occasion de la prise à partie, et parce que les mêmes causes qui auront motivé cette dernière voie pourront également donner lieu, soit à l'appel, soit à la requête civile; c'est dans ce sens que Carré, dont l'opinion est encore ici conforme à la nôtre, qualifie la prise à partie d'attaque indirecte contre la décision rendue par le juge prévaricateur.

Mais, outre que cet argument repose sur une erreur de principes, puisque les arbitres créés par les art. 51 et 64, C. comm., sont de véritables juges, ainsi que l'établissent d'une manière formelle l'arrêt de cassation, intervenu sur celui que nous venons de citer, le 7 mai 1817 (voy. suprà, Quest. 1801 bis ; et Devilleneuve, Pasicrisie, à cette date), et le fameux arrêt Parquin rendu en audience solennelle, le 12 mai 1828, sur les conclusions conformes de M. le procureur général Dupin (Devilleneuve, t. 38, 1re, p. 398); il nous semble que, même en admettant le contraire, la négative n'en résulterait pas moins, avec la dernière évidence, de l'art. 513, qui prononce également l'amende de 300 fr. pour le cas où la requête est rejetée, c'est-à-dire pour le cas où la cour prononce par simple fin de nonrecevoir. La négative ne saurait donc être dou-ouvertes à la partie. teuse sous ce double rapport.]

[1823 quater. La sentence à l'occasion de laquelle le juge aura été déclaré bien pris à partie subsistera-t-elle, ou bien, au contraire, pourra-t-elle étre réformée ? Quoique la prise à partie soit classée sous la rubrique générale des Voies extraordinaires pour attaquer les jugements, il ne s'ensuit pas, dirons-nous avec Carré (voir suprà, le préambule de l'art. 505), que cette voie constitue, comme la requête civile ou la tierce opposition, un pourvoi contre le jugement aux fins de le faire rétracter. Elle n'a pour unique résultat, lorsqu'elle est admise, que de soumettre le juge prévaricateur à la réparation personnelle du dommage qu'il a causé; le jugement subsiste toujours à l'égard de celui qui l'a obtenu, et il ne peut être dépouillé, sans avoir été entendu, du bénéfice de la chose jugée.

Or, aucun caractère de ce genre ne se rencontre dans les autres voies de recours extraordinaires contre les jugements, et peu importe, après cela, qu'on objecte qu'une condamnation en dommages-intérêts pourrait être rendue illusoire par l'impossibilité de se faire payer; qu'il serait injuste de faire profiter une partie de l'iniquité du juge convaincu d'avoir jugé par faveur ou par haine. Ces motifs, quelque graves qu'ils soient, ne sauraient faire admettre, selon nous, que la prise à partie ait en soi la force d'infirmer en rien la sentence qui la motive. En principe, elle ne constitue jamais qu'une action personnelle et directe, contre les juges prévaricateurs ou soumis à une réparation civile (art. 5 et 928, C. proc. civ., art. 2063, C. civ.) envers la partie lésée,

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Examinons, en conséquence, quelles peuvent être, sous ce dernier rapport, les voies

Pigeau, liv. II, part. 4, tit. II, se livre, à ce sujet, à des distinctions que nous n'adoptons pas complétement.

Après avoir dit que, s'il y a complicité de la partie qui a obtenu gain de cause, le jugement sera susceptible d'appel ou de requête civile, selon qu'il aura été rendu en premier ou en dernier ressort, cet auteur ajoute que même au cas où, sans complicité de la partie intéressée au maintien du jugement, le juge aurait agi de son propre mouvement pour satisfaire une passion particulière, on pourrait encore recourir à la voie de l'appel ou à celle de la requête civile.

Nous ne partageons pas cet avis; le dol d'un tiers, qui serait le seul existant dans l'espèce, ne donne lieu à aucune ouverture, ainsi que nous l'avons dit en parlant de la requête civile, et nous trouverions, au besoin, un nouveau motif de décider dans la multiplicité même des distinctions auxquelles Pigeau a besoin de recourir, pour éluder la force de l'argument.

Peut-on dire, en effet, comme cet auteur, que de ce que le juge a été déclaré bien pris à partie au sujet de dol, concussion ou fraude, il faut le considérer comme n'ayant pas pris part à l'arrêt ou au jugement, pour arriver à l'étrange conséquence que le nombre des juges exigé par la loi du 27 vent. an vIII, ne se trouvant plus réalisé dans ce cas, on devient recevable à former appel ou requête civile, suivant qu'il s'agit du dernier ou du premier ressort?

Mais ce serait attribuer à la prise à partie un effet rétroactif exorbitant; car la réparation qu'elle impose au juge n'existe qu'en vertu même du jugement ou de l'arrêt qu'on voudrait infirmer, puisqu'elle n'a pour but que de com

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