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TITRE II.

DE LA LIQUIDATION DES DOMMAGES-INTÉRÊTS (1).

Suivant le principe d'équité consigné dans les dispositions générales des art. 1382 et suivants du Code civil, chacun est responsable du préjudice qu'il cause à autrui, ou par son pro pre fait, ou par celui de ses employés, ou à l'occasion des choses qui lui appartiennent.

Les dommages-intérêts sont l'indemnité ou dédommagement qui est dû par suite de cette responsabilité à la personne à laquelle on a causé le préjudice; ils s'appliquent non-seulement à la perte qu'elle aurait soufferte, mais encore à la privation du gain qu'elle aurait pu faire (2). Suivant l'art. 128, le juge doit, autant qu'il est possible, liquider les dommages-intérêts, c'est-à-dire déterminer le montant de la somme à laquelle il les évalue, par le jugement même qui condamne à les payer: c'est donc uniquement dans le cas où les juges, n'ayant pu faire de suite cette liquidation, ont, en conformité du même article, ordonné que les dommagesintérêts seront fournis par état (roy. t. 1, p. 344, à la note), qu'il y a lieu de procéder conformément aux dispositions du présent titre.

ART. 523. Lorsque l'arrêt ou le jugement n'aura pas fixé les dommages-intérêts, la déclaration en sera signifiée à l'avoué du défendeur, s'il en a été constitué; et les pièces seront communiquées sur récépissé de l'avoué, ou par la voie du greffe.

Tarif, 91 et 141.-[Tar. rais., nos 404 et 405.]-Ord. de 1667, tit. XXXII, art. 1er.-C. civ., art. 1146 et suiv. -C. proc., art. 97, 98, 126, 128, 551. [Locré, t. 10,

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p. 3 et 184, no 6.] — (Voy. FORMULES 412 et 413.)

avant la déclaration de dommages, doitil étre signifié avec cette déclaration? tredit le premier et le plus important de tous Oui; parce que ce jugement est sans conles titres que le demandeur doive fournir à l'appui de sa déclaration. Pigeau, liv. II, part. 4, tit. V, ch. 1er, et Demiau, p. 363, adoptent la même solution.]

1834. L'avoué du défendeur peut-il indéfiniment occuper, sans nouveau pouvoir, sur l'instance de liquidation?

L'art. 4 du titre II de l'ordonnance disposait comme l'art. 523; et, d'après les observations de Pussort, lors des conférences, quelques praticiens pensaient que cette constitution tacite était indéfinie. (Voy. procès-verbal, tit. XXIX, art. 2.) Rodier, sur l'article précité de l'ordonnance, disait au contraire que, dans l'usage, la charge du procureur, même pour l'exécution des jugements, finissait après trois ans. Aujourd'hui l'art. 1058 portant que les avoués sont tenus d'occuper sans nouveau pouvoir, pourvu que l'exécution ait lieu dans l'année de la prononciation des jugements, nous croyons, comme Rodier, ubi suprà, sous l'empire de l'ordonnance, qu'il deviendrait nécessaire, à l'expiration de ce laps de temps, d'assigner la partie en constitution de nouvel avoué. (V. Berriat, des Liquidations, note 5.) [L'art. 1038 nous paraît aussi trancher la question dans ce dernier sens.]

ART. 524. Le défendeur sera tenu, dans 1833. Comment et à qui la déclaration des les délais fixés par les art. 97 et 98, et sous dommages-intérêts est-elle signifiée, lors- les peines y portées, de remettre lesdites que la partie contre laquelle elle est four-pièces, et, huitaine après l'expiration desnie n'a pas d'avoué en cause?

Elle est signifiée par exploit à personne ou domicile. (Voy. Questions de Lepage, p. 357, et Berriat, des Liquidations, note 9.)

[C'est de la dernière évidence.] [1833 his. Si le jugement qui alloue les dommages-intérêts n'a pas été signifié

(1) V. C. civ., liv. III, tit. III, ch. 3, sect. 4; en outre, les art. 1382 et suiv., et nos observations sur l'art. 128. (2) Le mot dommage, employé seul, signifie l'indemnité due pour un préjudice déjà souffert, et le mot intérêt, celle de la perte d'un gain dont on est privé par le fait d'autrui. Ces deux termes dommages-intérêts réunis, sont une expressien collective, qui comprend l'une et l'autre indemnité Quantum nobis abest, quantumque lucrari potuimus. (Loi 13, ff., ratam rem haberi.)

dits délais, de faire ses offres au demandeur (3), de la somme qu'il avisera pour les dommages-intérêts; sinon la cause sera portée sur un simple acte (4) à l'audience, et il sera condamné à payer le montant de la déclaration, si elle est trouvée juste et bien vérifiée.

On entend en général par liquidation, du latin liquet, il est clair, il est manifeste, la fixation de certaines choses à une valeur ou à une quotité qui n'était pas encore déterminée.

(3) Offres, c'est-à-dire de la somme à laquelle il évalue les dommages.

(4) [Sur un simple acte, s'il y a avoué; car, s'il n'y en a pas, il faut assignation, comme l'enseigne Pigeau, Comm., t. 2, p. 124.]

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1835. Quel est le délai dans lequel les pièces communiquées doivent être remises? L'article dit qu'elles doivent l'être dans les délais fixés par les art. 97 et 98, et on lit, dans l'ouvrage de Pigeau, liv. II, part. 2, tit. V, ch. 1er, que ce délai est de quinzaine.

le défendeur qui ne remettrait pas les pièces communiquées?

Lepage, dans ses Questions, p. 357, remarque, à ce sujet, qu'il s'est glissé dans l'art. 524 le défendeur sera tenu, dans le délai fixé par une faute d'impression, en ce qu'il porte que les art. 97 et 98, et sous les peines y portées, de remettre les pièces, etc. Il est évident, dit-il, qu'au lieu de citer l'art. 98, qui n'est point applicable à la procédure dont il s'agit, les législateurs ont voulu parler de l'art. 107: c'est là que sont prononcées les peines contre

tions prises en communication. On doit donc lire ce texte comme s'il était ainsi conçu : Le défendeur sera tenu, dans le délai fixé par l'art. 97 et sous les peines portées en l'article 107, etc. »

Demiau, p. 365, et Hautefeuille, p. 504, disent au contraire qu'il n'est que de vingt-les avoués qui ne rétablissent pas les producquatre heures, d'après les termes de l'art. 97. Il faut remarquer que l'art. 524 exige que la communication soit rétablie avant la signification des offres, tandis que l'art. 97 n'exige le rétablissement des pièces pour l'instruction par écrit, qu'après la signification des réponses du défendeur. Or, le délai de vingt-quatre heures n'est fixé que pour ce dernier cas: c'est donc le délai de quinzaine qui est donné pour les liquidations de dommages-intérêts, ainsi que l'a dit Pigeau.

En un mot, nous pensons que le défendeur a quinze jours pour prendre communication des pièces justificatives de la déclaration, parce que le défendeur, dans une instance instruite par écrit, a le même délai pour prendre communication de la production,

[Nous croyons également que le défendeur a quinzaine pour prendre communication des pièces, et cela, avec d'autant plus de raison que les deux auteurs que Carré a cru devoir réfuter sont du même avis; en effet, Hautefeuille, ubi suprà, dit que le défendeur a quinze jour pour prendre communication, et est tenu de remettre les pièces dans les vingt-quatre heures de l'expiration du délai fixé par le récépissé; et Demiau, loco citato, enseigne que dans la quinzaine de la signification, l'avoué prendra les pièces en communication, puis, après l'examen fait, il remettra les pièces au greffe, et dénoncera CETTE REMISE dans les vingt-quatre heures. Évidemment ces deux auteurs n'entendent point parler des vingt-quatre heures qui auraient immédiatement suivi la prise en communication qu'ils portent à quinzaine, conformément à l'art. 97, comme Thomine, no 372, et Favard, t. 2, p. 177.

Ajoutons que s'il y a plusieurs défendeurs qui aient des avoués ou des intérêts différents, ils ont chacun un délai de quinzaine pour prendre communication, laquelle leur est donnée successivement, commencer par le plus diligent. (Art. 97.)

Il est vrai que l'on ne trouve aucune peine portée, soit dans l'art. 97, soit dans l'art. 98, si ce n'est dans le dernier, où il est dit que, si le demandeur ne produit pas dans le délai donné, il sera procédé au jugement sur la production du défendeur; mais cet article n'est point applicable dans le cas de la liquidation de dommages, puisque l'art. 524 contient luimême une disposition du même genre. Néanmoins, nous ne pensons pas qu'il faille nécessairement substituer à l'art. 98 l'art. 107: on aurait à craindre de coutrarier les intentions du législateur. Il vaudrait mieux, suivant nous, appliquer, pour contraindre à la remise de la communication, l'art. 191, qui renferme une disposition générale, plutôt que cet art. 107, qui se rapporte au cas particulier de l'instruction par écrit.

[Hautefeuille, p. 304, et Favard, t. 2, p. 177, professent une opinion conforme à celle de Carré; nous croyons toutefois que la seule inspection du projet de Code de procédure suffit pour trancher la question dans le sens de Lepage. L'art. 519 du projet correspondant à l'art. 524 du Code actuel, portait : « Dans le délai fixé par les art. 102 et 103, et sous les peines y portées. » Or, l'art. 102 du projet correspond à l'art. 107, qui en reproduit fidèlement le texte, il en résulte évidemment que c'est ce dernier article qu'il faut appliquer et non pas l'art. 191.]

1837. Le défendeur a-t-il le droit de criti

quer la déclaration du demandeur ? le droit d'apostiller, c'est-à-dire de critiquer Oui; l'art. 142 du Tarif donne au défendeur cette déclaration, puisqu'il accorde à l'avoué du défendeur un honoraire pour chaque apostille: si donc le défendeur a des moyens pour faire rejeter ou modifier un ou plusieurs artichacun d'eux, et c'est d'après ce contredit qu'il cles, il les met sommairement en marge de fait des offres de telle ou telle somme, à laquelle 1836. Quelles sont les peines qu'encourrait | il évalue lui-même les dommages-intérêts.

Tel est aussi l'avis de Hautefeuille, ubi suprà, de Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, ch. 4, et de Favard, t. 2, p. 177.]

[Rien de moins douteux que cette solution des parties, décerne acte d'acquiescement du défendeur et le condamne au payement. Ce juqui résulte implicitement de l'art. 524.] 1838. Comment se font les offres du dé-gement est ce qu'on appelle, en Bretagne, un

fendeur.

Elles se font par acte d'avoué à avoué, conformément à l'art. 71 du Tarif.

[V. la question suivante.]

1839. Les offres doivent-elles étre faites à deniers découverts? Si elles ne sont pas acceptées, peut-on en consigner le montant?

La loi n'exige point que les offres soient réalisées ou faites à deniers découverts: elles sont donc purement labiales; et comme elles sont faites par acte d'avoué, et que celui du défen- | deur n'a pas caractère pour recevoir, s'il n'a pouvoir spécial à cet effet, nous ne croyons pas qu'il soit permis d'en consigner le montant avant de les avoir renouvelées par exploit à partie. (V. Hautefeuille, p. 304; Delaporte, t. 2, p. 105; Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, ch. 4, et l'art. 352.)

[Les offres n'ayant pour but que d'arrêter le cours des frais, de fixer le quantum des dommages-intérêts, on conçoit qu'il n'y ait lieu de les réaliser en espèces que lorsqu'elles seront acceptées.

Au surplus, et indépendamment de la nécessité du renouvellement des offres par exploit, dans le cas qu'indique Carré, ajoutons que le défendeur doit appeler le demandeur à l'audience pour les voir déclarer valables.

Ces principes sont également professés par Demiau, p. 564, et Favard, t. 2, p. 178.] 1840. Lorsque le défendeur acquiesce à la déclaration, faut-il qu'il soit rendu un jugement d'accord ou d'expédient?

jugement d'expédient; ailleurs, un jugement convenu ou d'accord. La raison qui nous fait nous ranger à ce dernier avis, c'est qu'il est conforme aux règles ordinaires de la procédure, tandis que celui de Demiau établit un délai arbitraire, et suppose au président une attribution que la loi ne lui a pas conférée. (V.la Quest. 1459.)

[D'un autre côté, l'on peut dire avec Favard, t. 2, p. 178, que les actes d'avoué, d'offres et d'acceptation, ne sont pas exécutoires; il n'en est pas ici comme pour le désistement, où l'acte de désistement emporte obligation de payer les frais. Le demandeur a donc besoin d'une condamnation au payement qui lui serve de titre, à moins, toutefois, que le défendeur ne s'exécute immédiatement et volontairement, en réalisant les offres, y compris tous les frais exposés.

Telle est aussi l'opinion de Lepage, p. 557.] [1840 bis. Lorsque le défendeur a laissé expirer les délais fixés par l'art. 524, sans faire d'offres, ne peut-il plus en faire, et doit-il se borner à contester la déclaration sans rien offrir?

Non, assurément. Tant que le jugement contenant liquidation des dommages-intérêts n'est pas rendu, le défendeur peut faire des offres; il le pourrait même en appel, l'art. 524 n'élevant aucune fin de non-recevoir contre lui; mais il est bien entendu que tous les frais occasionnés par son retard doivent rester à sa charge.

C'est l'avis de Favard, t. 2, p. 178.]

ART. 525. Si les offres contestées sont jugées suffisantes, le demandeur sera condamné aux dépens, du jour des offres.

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[Notre Comm. du tarif, t. 2, p. 40, no 19.] - Ord. de 1667, tit. XXXII, art. 3. C. civ., art. 1260. C. proc., art. 150.-[Locré, t. 9, p. 374, et t. 10, p. 55, no 3.]

1841. Comment le tribunal doit-il agir, s'il ne peut par lui-même évaluer exactement les dommages-intérêts, d'après les contestations des parties?

L'art. 2 du titre XXXII de l'ordonnance portait qu'en cas d'acceptation de la déclaration par le défendeur, il serait passé appointement de condamnation, qui serait reçu à l'audience. Le Code n'a point répété cette disposition, et les articles 524 et 525 supposent, au contraire, que les parties ne viennent à l'audience que dans le cas où le défendeur n'a point fait d'offres dans le délai, ou lorsqu'il conteste la déclaration. Delaporte, ubi suprà, estime qu'il faut encore aujourd'hui suivre la règle prescrite par l'ordonnance, attendu, dit-il, que le consentement ne donne pas au demandeur seul Tous les auteurs qui ont examiné cette quesle droit d'exécuter. Mais Demiau, p. 363, dit tion estiment que le juge doit nommer des exqu'il ne reste au demandeur qu'à sommer le perts ou ordonner une enquête, suivant les défendeur de payer dans les vingt-quatre heu- circonstances. (V. Pigeau, liv. 11, part. 5, res, en lui protestant qu'à défaut de payement tit. IV, ch. 5; le Praticien, t. 4, p. 25, et Beril s'adressera au président, pour qu'il soit dé- riat, hoc. tit., note 9.) Vainement on objectelivré exécutoire à due concurrence. Nous pen-rait, contre cette décision, que plusieurs cours sons, comme Delaporte, que le demandeur a le droit d'appeler le défendeur à l'audience, pour obtenir un jugement qui, sur le consentement CARRÉ, PROCÉDURE CIVILE.—TOME IV.

d'appel avaient proposé d'insérer dans le Code une disposition à ce sujet, et que l'on n'a point eu d'égard à ces observations. On sentira qu'il

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était inutile de faire un article pour ordonner au juge de faire une chose indispensable. Il résulte donc seulement de ce que la loi ne lui prescrit pas d'ordonner un rapport d'experts ou une enquête, qu'elle lui a laissé le droit de fixer les dommages-intérêts, lorsqu'il croit | pouvoir statuer sur ce point sans recourir à une voie d'instruction; mais on ne peut dire qu'il ne puisse employer une telle voie, toutes les fois qu'il le croit nécessaire, puisqu'il est de principe qu'il a toujours la faculté de chercher des éclaircissements dans les moyens que la loi lui offre en général pour parvenir à ce but.

[C'est incontestable; l'art. 128 suppose, évidemment, une faculté d'appréciation à l'exercice éclairé de laquelle il ne peut être apporté d'entraves.]

1842. Quand un tribunal a liquidé les dommages-intérêts à une somme fixe, mais

en ajoutant SI MIEUX N'AIMENT LES PARTIES A DIRE D'EXPERTS dans un délai fixé, ce tribunal peut-il, lorsque les parties sont convenues d'experts, et que ceux-ci ont procédé, ordonner une nouvelle expertise, conformément à l'art. 322?

On dit pour la négative, 1o que le tribunal n'ayant point ordonné l'expertise pour sa propre instruction, puisqu'il a lui-même liquidé les dommages, ne peut, sans se réformer sur ce point, ordonner une nouvelle expertise dont l'objet ne pourrait être que de prononcer par suite une condamnation différente de la première; que, par conséquent, il ne peut, en ce cas, user de la faculté que lui donne l'article 322; 2° que l'option qu'il a donnée aux parties, soit de se conformer à sa liquidation, soit de la faire déterminer par des experts, les oblige à suivre l'avis des experts auxquels elles ont préféré se soumettre, au lieu de s'en tenir au règlement du tribunal.

Nous répondons, 1° que le jugement qui déclare une partie sujette aux dommages-intérêts de l'autre, présente, pour en déterminer la valeur, deux dispositions facultatives essentiellement distinctes; l'une par laquelle le tribunal, dans la vue de mettre un terme aux débats, apprécie à forfait, et avant apurement sur ce point, le préjudice souffert; l'autre, par laquelle il laisse aux parties l'option d'une liquidation approfondie par la voie de l'expertise; 2o que la première de ces dispositions, offerte aux parties comme un moyen de transaction,

ne peut et ne doit avoir d'effet qu'étant au moins accompagnée de leur consentement tacite, puisque ce n'est qu'à défaut de consommation de l'option, dans le délai déterminé, que la fixation provisoire doit devenir définitive; 3° que cette disposition, privée du consentement qui doit la vivifier, devient caduque, et doit être considérée comme non avenue, du moment où les parties, usant de la faculté qui leur était donnée, prennent pour règle la seconde disposition, qui fait nécessairement tomber la première; 4° enfin, que l'on peut conclure de ces observations que le jugement devient un simple interlocutoire, ordonnant un apurement préalable (1).

[Au titre des Rapports d'experts, art. 525, Quest. 1222, sans examiner l'opinion de Carré, nous avions renvoyé à notre Quest. 1482.

Nous devons dire ici que le sentiment de Carré nous paraît violer la règle de la chose jugée: nous ferons d'abord observer que ce mode de condamnation est assez irrégulier; car l'art. 128 n'ouvre que deux voies, la liquidation ou la fixation par état; si on interprétait la condamnation alternative, si mieux n'aiment, etc., dans le sens de Carré, il y aurait violation de la loi. Mais si, au contraire, le dire des experts doit devenir la loi des parties, le jugement est censé contenir la liquidation exigée, puisqu'il a abandonné aux lumières d'arbitres la fixation de la quotité à accorder.

Il serait, au reste, fort prudent de ne pas suivre un usage qui peut entraîner de graves inconvénients, et de n'insérer dans le jugement, ainsi que le conseille Demiau, p. 114, que ces mots : « Condamne à telle somme, si mieux n'aiment les parties qu'il soit procédé par état, ce qu'elles déclareront dans la huitaine. »]

1843. Lorsqu'un jugement adjuge des dommages-intérêts à donner par état, et qu'il ne prononce pas la contrainte par corps dans un cas où elle est autorisée, cette contrainte peut elle étre ordonnée par le jugement qui liquide les dommages-intéréts?

On se rappelle que l'art. 126 dispose que la contrainte par corps peut être ordonnée pour dommages-intérêts, lorsqu'ils excèdent 300 fr. Nous avons dit, sur la Quest. 532, que, dans tous les cas où cette contrainte peut être prononcée, elle doit l'être par le même jugement

(1) Telle est notre opinion sur cette question, qui peut se présenter souvent, et que le tribunal de commerce de Saint-Malo a résolue dans ce sens. Nous convenons qu'au premier aperçu, la solution que nous donnons a quelque chose de bizarre, en ce qu'elle admettrait la possibilité d'un interlocutoire sur un point

qui semble déjà définitivement jugé ; mais cette contradiction qui n'est qu'apparente, n'existe plus, si l'on remarque que les deux dispositions étant alternatives et au choix des parties, celle à laquelle elles se sont tenues doit subsister, avec tous ses effets, comme si l'autre n'avait pas eu lieu.

ART. 526, Q. 1844. 291 la première partie de cette question. Nous ajouterons seulement aux raisons qu'il donne, que prononcer la contrainte par corps par le jugement qui liquide les dommages-intérêts, ce ne serait qu'accorder par une seconde sentence ce que l'on aurait d'abord refusé, en d'autres termes, réformer son premier jugement, excès de pouvoir incompatible avec les attributions restreintes des magistrats.

qui statue sur la contestation; or, ce jugement n'est pas celui qui termine la liquidation des dommages-intérêts, et qui n'est qu'une exécution du premier: donc, par une conséquence nécessaire, nous devons résoudre négativement la question que nous venons de poser. Mais on pourrait objecter, dans le cas particulier dont il s'agit ici, que la contrainte ne devant être prononcée qu'autant que les dommages-intérêts sont au-dessus de 300 fr., on ne le peut faire en statuant sur le principal, puisqu'on ne sait pas alors à quelle somme monteront les dommages-intérêts. Nous répondons qu'en ce cas le juge prononcera la contrainte, sous la condition qu'ils s'élèveront au taux fixé par la loi (1).

[C'est aussi notre manière de voir. Nous adoptons également l'opinion de Carré, sur

La même doctrine a été soutenue par nous, Quest. 532.

Notre solution doit servir de raison à l'appui de notre opinion sur la question précédente; car si nous décidions, avec Carré, que le premier jugement n'est qu'un simple interlocutoire, les juges devraient avoir le droit de prononcer la contrainte par corps par un second jugement.]

TITRE III.

DE LA LIQUIDATION DES FRUITS.

Les fruits sont les revenus d'une terre, d'une maison, d'une rente; le Code civil (art. 547 et suiv.) explique en quoi ils consistent; et le Code de procédure, à la différence de l'ordonnance de 1667, qui avait établi pour leur liquidation des formalités particulières, se borne à déclarer (art. 526) qu'elle sera faite suivant les règles et les formalités des redditions de compte en justice.

En effet, la liquidation des fruits ne présente qu'un compte à régler, puisqu'elle se fait en balançant la recette ou la perception avec la dépense, c'est-à-dire avec les frais des travaux, labours et semences, qui doivent être déduits du produit perçu; du reste l'art. 129 a fixé les bases d'après lesquelles on doit estimer la valeur des fruits à liquider; et, en disposant que cette estimation se fera d'après les mercuriales, il a épargné aux parties les frais et les longueurs des expertises et des enquêtes.

(1) Lepage est, comme nous, d'avis que la contrainte ne peut être prononcée que par le jugement qui statue sur le principal; mais il se décide par d'autres motifs, qui, au reste, ne feraient que fortifier ceux que nous venons de déduire. (V. les Questions de cet auteur, p. 358.)

(2) [Le compte sera donc aux frais de l'oyant, comme en matière de reddition de compte; mais Thomine, no 578, fait observer avec raison qu'il doit en être autrement dans le cas où le possesseur condamné à la restitution des fruits est réputé de mauvaise foi.] (3)

JURISPRUDENCE.

[1° Lorsqu'une cour, par un arrêt infirmatif, ordonne

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ART. 526. Celui qui sera condamné à restituer des fruits, en rendra compte dans la forme ci-après; et il sera procédé comme sur les autres comptes (2) rendus en justice.

C. civ., art. 547 et suiv. C. proc., art. 529, 633 et 640. [Locré, t. 10, p. 187, no 7 (3). ] — (Voy. titre suivant.)

1844. Quelles sont les bases d'après lesquelles se fait l'évaluation des fruits? Elle se fait d'après les bases posées en l'arti cle 129. (Voy. Quest. 545.)

[Lorsque les parties ont elles-mêmes fourni et débattu des documents sur le compte, les juges, comme le leur conseille Thomine, n° 574, et comme l'a admis la cour de cassation, 18 avril 1852 (Devilleneuve, t. 23, 1r", p. 607), doivent se dispenser de les renvoyer à compter, lorsqu'ils trouvent dans ces docu

une restitution de fruits rejetée par les premiers juges, elle doit renvoyer les parties, pour la reddition et le jugement du compte, devant le tribunal de première instance. (526 et 528. comb; cass., 26 fév. 1838; Devilleneuve, t. 38, 1re, p. 533.)

20 Le renvoi doit avoir lieu devant un juge-commissaire et non devant des experts. (526 et 533, comb.; cass., 25 juin 1832.) La même cour, il est vrai, a confirmé, le 10 janv. 1828, un arrêt ordonnant que la liquidation se ferait par estimation d'experts, mais sa décision est fondée sur des circonstances particulières.]

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