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ments les moyens de parvenir à une exacte évaluation des fruits, c'est-à-dire lorsque les pièces sont complètes, et fournies également par les deux parties, sauf toutefois, comme l'a jugé la même cour, le 30 mars 1831 (Devilleneuve, t. 31, 1re, p. 273), que celle sur les pièces de qui la liquidation a été opérée serait non recevable à se plaindre de l'insuffisance des bases de cette liquidation. Lorsque ces conditions n'ont pas été remplies, le juge doit

nécessairement renvoyer les parties à compter; il ne lui serait pas permis de régler lui-même la valeur des fruits, et de condamner au payement la partie dont la dette ne serait établie que de cette manière. C'est ce qui résulte des termes de l'art. 526, et ce qu'a décidé la cour de cassation, le 20 déc. 1819, et le 25 juin 1832. (Dalloz, t. 6, p. 310; Devilleneuve, t. 32, 1re, p. 606.)]

TITRE IV.

DES REDDITIONS DE COMPTE.

Toute personne qui a géré les biens ou les affaires d'autrui est assujettie à rendre compte. Rendre compte, c'est présenter à celui pour qui l'on a géré un état détaillé de ce qu'on a reçu et dépensé pour lui.

Dans la balance de ces deux parties d'un compte, la somme qui excède la dépense forme ce qu'on appelle le reliquat ou débet, autrement ce que le comptable ou rendant compte doit à l'oyant (1), c'est-à-dire à celui auquel le compte est rendu; celle, au contraire, qui excède la recette, forme l'avance du rendant, et, par conséquent, une créance à son profit contre l'oyant.

La fixation de ce résultat est le but de toutes les dispositions du présent titre.

Elles doivent être observées, quels que soient l'objet du compte et le titre en vertu duquel il est rendu judiciairement; il n'y a d'exception qu'à l'égard de ceux mentionnés ci-dessous, à la note 2.

Ainsi, quoique ces dispositions fassent partie du livre qui traite de l'exécution des jugements, elles n'en sont pas moins applicables aux redditions de compte poursuivies par action principale, comme à celles qui sont ordonnées par jugement, et qui conséquemment ont lieu par suite d'instance. Du reste,

(1) Oyant, du vieux français ouir, dérivé d'audire, entendre l'orant est celui qui entend le compte afin de le débattre.

(2) Nous remarquerons, en outre, sur l'ensemble de ce titre :

Premièrement, qu'il y a des règles particulières concernant les comptables de deniers publics (voy, la loi du 16 sept. 1807); les copartageants, relativement aux comptes qu'ils peuvent se devoir. (V. C. civ., art. 828 et 1872; C. proc., art. 976.)

Secondement, que la cour de Rennes, par arrêts des 9 mars 1810 et 23 août 1817, a formellement jugé que les dispositions de ce titre n'étaient pas applicables en matière commerciale, et nous trouvons, en effet, deux

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les dispositions principales de ce titre ont été prises dans l'ordonnance de 1667. Mais on trouve dans les détails des améliorations importantes, quelques points de compétence éclaircis et fixés, une plus grande simplicité dans les formes, et plus de rapidité dans la marche de la liquidation (2).

ART. 527. Les comptables commis par justice seront poursuivis devant les juges qui les auront commis; les tuteurs, devant les juges du lieu où la tutelle a été déférée; tous autres comptables, devant les juges de leur domicile.

Ord. de 1667, tit. XXIX, art. 2. C. proc., ar

ticle 472, 907 et 995. [Devilleneuve, vo Compte, nos 5 et 6.-Locré, t. 10, p. 185, no 8.] — (Voy. FORMULES 417 et 418.)

CCCCXXVI. L'ordonnance ne parlait que de deux espèces de comptables. Le comptable nommé par justice pouvait être poursuivi en reddition de compte devant le juge qui l'avait commis; tous les autres devaient être traduits devant le juge de leur domicile. L'art. 527 distingue trois espèces de comptables: 1° ceux commis par justice, 2o les tuteurs, 3o les comptables qui ne sont ni tuteurs ni commis par

raisons de décider ainsi : d'abord, l'impossibilité d'appliquer les dispositions du titre dans des tribunaux où le ministère des avoués est interdit; ensuite, le vœu du législateur, qui veut que la forme de procéder dans les matières commerciales soit simple et s'élève anx moindres frais possibles. [(V. aussi cass., 6 déc. 1832; Devilleneuve, t. 33, 2, p. 489.)]

Troisièmement enfin, aux tribunaux seuls appartient le droit de décider les contestations qui s'élèvent entre le tuteur et le subrogé tuteur, relativement aux comptes de tutelle. En conséquence, une délibération de conseil de famille qui statue sur de semblables débats est nulle et ne peut être homologuée. (Turin, 5 mai 1810; Sirey, t. 11, p. 57.)

justice, et il décide formellement que les premiers seront poursuivis devant les juges qui les auront commis; les seconds, devant le juge du lieu où la tutelle leur a été déférée, et tous autres, devant le tribunal de leur domicile, parce que l'action à leur égard est purement personnelle.

[1844 bis. Est-il permis de transiger sur une demande en reddition de compte?

Il est certain que les redditions de compte peuvent avoir lieu à l'amiable; l'art 448, C. civ., le dit implicitement. Lors même que la loi croit devoir entourer cette procédure des garanties les plus multipliées, elle désire encore que la voie de la conciliation soit d'abord suivie. (Voy. art. 473, C. civ.) L'art. 2045, C. civ., autorisant tous traités ou transactions qui interviendraient entre parties jouissant de leurs droits, permet non moins évidemment de terminer de la même manière toutes les difficultés relatives à des comptes dus. Cette règle, qui est générale, comme le fait observer Pigeau, Comm., p. 125, souffre exception dans deux cas.

Le premier, lorsqu'il s'agit de comptes dus par les tuteurs à leurs pupilles devenus majeurs, à raison de l'exercice de la tutelle, et sur lesquels il ne peut intervenir de traité valable qu'après l'accomplissement des conditions portées en l'art. 472, C. civ., ou de celles de l'art. 467, s'il s'agit d'un mineur émancipé, comme l'a décidé la cour de Rennes, le 24 août 1819 (Dalloz, t. 27, p. 370).

Le second qui résulte de la combinaison des art. 791 et 1130, C. civ.; on prohibe une transaction faite sur une succession non ouverte, ce qui arrive lors, par exemple, qu'un enfant déclare s'en tenir à sa dot et renoncer à demander compte, à celui des ascendants survivants, de la part de communauté ou de succession du prémourant; une telle stipulation serait absolument nulle, en quelque forme qu'elle se fut produite.]

[1844 ter. Quelle est l'étendue et la force de l'obligation de rendre compte, avant que la demande en reddition ait été portée en justice?

Il est juste de distinguer entre les comptes que peuvent se devoir réciproquement deux ou plusieurs parties, en relation d'affaires, et les obligations d'un comptable, proprement dit, qui tient son mandat, soit de la loi, soit des tribunaux, soit de la volonté de simples particuliers.

Dans la première hypothèse, l'une des parties peut, sans aucun doute, se trouver débitrice de l'autre. Mais la conséquence de ce fait, même avéré et reconnu de toutes les deux, produit simplement une obligation que peut compenser, à concurrence d'une quotité dé

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terminée, et même anéantir complétement une obligation réciproque. Aussi a-t-il été décidé avec raison: 1° par la cour de Rennes, 29 août 1810, que la compensation des sommes dues en compte courant s'opère jour par jour; 2o par la cour de Bordeaux, 18 mars 1813, qu'il ne résulte pas de ce compte un titre de nature à motiver des actes d'exécution sur les biens de celui-là même qui se reconnaît débiteur. Ces règles sont applicables aussi longtemps que les affaires n'auront pas été respectivement apurées: tant que le compte n'est pas dù, rien n'est dù.

L'obligation change de nature, comme on le conçoit facilement, lorsqu'il s'agit de comptes exigibles de la part d'un mandataire ou d'un administrateur. Du moment que le compte est dù, c'est-à-dire à l'expiration du terme fixé par la loi, par les tribunaux ou par les parties, selon les cas, le comptable est considéré comme débiteur, et s'il ne satisfait pas à son obligation, le créancier du compte peut l'y contraindre.

Mais une double voie lui est-elle ouverte à cet effet? Au lieu de poursuivre sa demande en justice, celui à qui le compte est dû pourrat-il, par une simple mise en demeure, constituer le comptable débiteur, et cet acte suffiraitil pour lui attribuer les droits d'un créancier, par exemple celui de saisir-arrêter des sommes dues au comptable? C'est ce que l'on serait en droit d'induire jusqu'à un certain point, de l'arrêt de Bordeaux précité, et d'une autre décision de la cour de Rennes, en date du 2 oct. 1820.

Nous ne croyons pas cependant qu'il en soit ainsi; la loi veut que la demande en reddition de compte soit portée en justice, pour lui attribuer les caractères d'une véritable créance. En effet, ainsi que nous le verrons plus tard, une fois écoulé le délai fixé par le tribunal pour cette reddition, sans que le demandeur se soit mis en mesure de remplir son devoir, l'article 534 autorise la saisie de ses biens à concurrence d'une somme arbitrée par les juges, même avec contrainte par corps.

La raison de cette disposition est facile à comprendre il peut arriver que celui qui doit rendre compte ne soit pas débiteur d'une somme d'argent, et que même il se trouve créancier du demandeur; toutefois, sa négligence ou son obstination fait présumer le contraire, et justifie la mesure de rigueur autorisée par l'art. 534. Mais cela suffit pour qu'une mesure de ce genre ne soit admise que lorsque la loi le veut, c'est-à-dire, lorsque le comptable, sommé en justice, ne rend pas compte dans le délai fixé par le tribunal.

ce

Une mise en demeure ne saurait donc, nous semble, produire le même effet, et, par conséquent, changer en dette proprement dite l'obligation du comptable retardataire: elle

serait d'ailleurs complétement inutile, puisque | aux receveurs des bureaux, soit aux bureaux la demande en justice n'a nul besoin d'être eux-mêmes. précédée de cette mise en demeuré (1), comme l'a décidé la cour d'Amiens, le 24 mai 1823 (Dalloz, t. 6, p. 296), et que, d'ailleurs, la compensation de toutes créances du comptable sur le réclamant, avec les dettes dont il pourrait se trouver grevé à son égard, s'opère du moment où le compte était, non pas exigé, mais seulement dû.

Il résulte des explications précédentes que, par cela seul que l'instance en reddition de compte est portée en justice, et que le défendeur a répondu, la contestation est commencée; il semble donc fort difficile de justifier un arrêt de la cour de Bruxelles, du 21 fév. 1818 (Pasicrisie belge), qui admet l'exception de la caution judicatum solvi jusqu'au moment où l'étranger demandeur viendrait à élever des contestations sur certaines parties du compte qui a été produit.

Nos observations tendent à déterminer le véritable sens de la maxime, que tout comptable est réputé débiteur jusqu'à ce qu'il ait rendu compte; maxime qui nous aidera bientôt à résoudre la question, sinon la plus épineuse, du moins la plus controversée de la matière.]

Elle a encore jugé, le 6 août 1822, dans une espèce où les conditions sous lesquelles un immeuble était donné à antichrèse n'ayant pas été remplies, le détenteur se trouvait dans l'obligation de rendre compte; que c'était toujours aux formes indiquées par le Code de procédure qu'il fallait se rapporter, soit pour évaluer les dépenses et les recettes, soit pour en fixer le reliquat précis, et que tous autres moyens d'estimation étaient arbitraires et en dehors de la loi.

Enfin, il n'est pas moins certain que les formes civiles, bien qu'elles ne régissent pas les matières commerciales, reprennent leur force, lorsque le caractère commercial de l'acte vient à disparaître, par exemple lorsqu'il s'agit de comptes dus à raison d'une société de commerce déclarée nulle. C'est donc avec raison que la cour de Metz, le 24 nov. 1819, a renvoyé dans ce cas les parties devant un juge-commissaire, et non devant des arbi

tres.

Au reste, il n'y a bien certainement lieu à suivre cette marche, que lorsqu'il s'agit vraiment d'une reddition de compte, et de comptes de nature à être rendus en justice. C'est ce qu'expliquent deux arrêts de la cour de cassation, l'un, du 11 nov. 1828, l'autre, du 19 mai 1830 (Sirey, t. 51, p. 71), jugeant dans des es

[1844 quater. Les formes tracées par les art. 527 et suivants doivent-elles étre suivies dans tous les cas où il y a lieu à red-pèces où il n'en était pas ainsi. (Voy. aussi dition de compte? suprà, la Quest. 1844.)]

Carré, p. 292, note 2, sur le commentaire du titre, a énuméré les principaux cas dans lesquels il y a lieu de suivre des formes particulières, c'est-à-dire en ce qui concerne les comptables des deniers publics, les copartageants relativement aux comptes qu'ils peuvent se devoir, et enfin en matière commerciale.

Mais il est important de remarquer que les formalités tracées par les art. 527 et suiv. étant en cette matière la règle générale, les cas où il y est dérogé par des lois spéciales sont évidemment exceptionnels, et ne peuvent ètre étendus, quelle que soit l'analogie appa

rente.

C'est par application de ce principe que la cour de cassation a décidé, le 7 juin 1832 (Devilleneuve, t. 32, 1re, p. 785), que les règles tracées par la loi du 7 frim. an v, à raison des comptes dus par les bureaux de bienfaisance ou leurs receveurs, ne s'appliquent nullement aux comptes, que des tiers, débiteurs par des titres parliculiers et ordinaires, devraient, soit

[1844 quinquies. La demande en reddition de compte doit-elle être intentée par voie d'action principale?

En général, sans doute, il y a lieu de suivre cette marche; mais elle n'est pas obligatoire, et rien n'empêche de réclamer une reddition de compte incidemment à une instance engagée, lorsque les parties y ont intérêt. Ainsi, des comptes de tutelle seront valablement demandés dans le cours d'une instance en partage qui pourrait porter préjudice à celui à qui ils sont dus (Amiens, 16 déc. 1825), et l'on ne saurait induire le contraire d'un arrêt de Rennes du 27 avril 1818, rendu dans un cas tout particulier.

Ce que les parties peuvent réclamer dans leur intérêt, il est permis aux juges de première instance ou d'appel de le faire comme moyen d'instruction, lorsqu'ils veulent apprécier exactement l'état des affaires des parties, à une certaine époque; mais cette reddition de compte ordonnée incidemment à une instance

(1) [Mais si nous n'admettons pas que la mise en demeure, et même que le jugement qui ordonne de rendre compte, forme un titre suffisant pour donner le droit

de faire une saisie-arrêt, nous autorisons néanmoins en certains cas cette voie, lorsque le jugement est explicite sur la dette. (V. noire Quest. 1844 sexies.)}

principale, n'est à vrai dire qu'une instruction | peut arriver au contraire que, l'apurement par écrit, et c'est aux formes de cette dernière terminé, le comptable se trouve créancier. procédure qu'il faut se rapporter : il est effec- Donc, poursuit-on, il importe de distinguer tivement impossible d'admettre qu'un simple soigneusement entre le jugement qui ordonne jugement préparatoire de cette nature emporte de rendre compte et celui qui fixe le reliquat, hypothèque sur les immeubles du rendant, ou l'exécutoire du juge-commissaire, dans le permission de saisir ses biens, s'il ne s'exécute cas de l'art. 535. Alors, seulement, l'hypothèpas dans le délai fixé, et soit exécutoire pour que sera valablement prise : jusque-là, il n'en le payement du reliquat; en un mot, aucune saurait exister. de ces prescriptions créées pour le cas d'un compte dû, d'une obligation préexistante, dont l'exécution est réclamee en justice, n'est applicable lorsque cette reddition provient de l'initiative du juge qui l'a adoptée comme un moyen de s'eclairer.

Il nous semble que les partisans de cette dernière opinion ne réfléchissent pas assez au caractère du jugement qui ordonne une reddition de compte: le principe que, jusqu'à l'apurement, le comptable est présumé débiteur reçoit ici son application. Le jugement Ces raisons sont surtout invincibles, lors- qui lui ordonne de satisfaire à cette obligation que c'est une cour qui, avant d'informer, est, en ce sens, une condamnation véritable veut s'éclairer. Les mesures qu'elle ordonne contre lui; il suffit qu'il ne l'ait pas fait dans ne doivent jamais porter préjudice; car il y le délai déterminé, pour que l'oyant soit en aurait alors infirmation partielle et excès de droit de saisir les biens qui lui appartiennent; pouvoir. comment, avant l'expiration du délai, ne seC'est encore à tort, selon nous, que la courrait-il pas permis à ce dernier de prendre hy de Rennes, 26 juill. 1820, en ordonnant une pothèque sur ces mêmes biens? reddition de compte, avait renvoyé devant un notaire les parties intéressées; elle devait faire alors ce qu'elle fit ensuite: commettre un juge, pour être devant lui procédé comme de droit, c'est-à-dire selon les formes de l'instruction par écrit.]

[1844 sexies. Le jugement qui condamne une partie à rendre compte confere-t-il hypothèque judiciaire sur ses biens?

Cette question est certainement la plus controversée de la matière, et presque tous les auteurs qui ont écrit sur les hypothèques s'en sont plus ou moins occupes; l'affirmative, adoptée par Tarrible, Rép., vo Hypotheque; Favard, t. 1, p. 616; Grenier, t. 1, p. 425; Persil, Questions, t. 1, p. 180, et Thomine, n° 579 (Pasicrisie, à cette date), a été combattue par Pigeau, liv. III, div. 6, no 9, à l'autorité de qui Troplong, Hypothèques, no 459, est venu ajouter la sienne.

L'argument qu'on oppose à l'art. 2132, estil plus sérieux? Cet article ne parle pas seulement de créances indéterminées, il parle aussi de créances conditionnelles, et dont l'existence mème est dans l'incertitude. Lors donc qu'un jugement reconnaît une créance de cette nature, nous ne voyons pas pourquoi il n'en reditionnelle d'ailleurs comme la créance à sulterait pas une hypothèque judiciaire, conlaquelle elle est attachée. Ce qu'il y a d'assez remarquable, c'est que Troplong, no 458, admet lui-même la vérité de ce principe, en ce qui concerne les jugements qui imposent une obligation de faire, par cela seul que leur inexecution se résout en dommages-intérêts; ici évidemment l'hypothèque résulte d'un droit bien moins inhérent au jugement que celui que confère la condamnation à rendre compte.

L'opinion de cet auteur ne nous paraît donc pas admissible, et la jurisprudence est unanime dans ce sens; car, à l'arrêt précité du 21 août 1810, on peut ajouter un autre arrêt de la cour de cassation, 4 août 1825, et deux décisions, l'une de Lyon, 11 août 1809, l'autre de Colmar, 26 juin 1832 (Devilleneuve, t. 52, 2o, p. 650); et ce dernier, plus explicite encore, fait résulter l'hypothèque même des simples jugements préparatoires et d'instruction qui renferment le germe d'une condamnation, de ceux, par exemple, qui ordonnent un décompte. La cour de Bourges, 31 mars

La cour de cassation, 21 août 1810, s'est prononcée en faveur de la première opinion, sur ce motif que la condamnation de rendre compte entraine implicitement celle de payer le reliquat, s'il en existe, parce que toutes deux dérivent d'une seule et même obligation. La dette, il est vrai, n'est pas positivement établie; mais l'art. 2152 permet de prendre inscription en vertu d'une créance indeterminée ou d'un droit éventuel, et il n'y a point de distinction admissible sur ce point entre l'hy-1830, a cependant admis une exception quant pothèque conventionnelle et l'hypothèque judiciaire.

A cela, les auteurs qui soutiennent l'opinion contraire répondent que l'art. 2152 n'est pas applicable, puisque tout au moins faudrait-il qu'il y cût créance de celui à qui le compte est dů; or, rien ne prouve qu'il en soit ainsi, et il

à ceux qui font droit à une demande en rectification de compte, pour omission ou double emploi. Il est certain qu'une telle action a moins pour but de créer un droit en faveur de celui qui l'intente, que de le soustraire à une partie de ses obligations; elle n'implique surtout en rien reddition de compte; mais

comme il suffit qu'elle renferme le germe d'une créance pour produire hypothèque judiciaire, la distinction de la cour de Bourges doit être rejetée comme mal fondée.

[Cette doctrine, qu'enseigne également Thomine, no 576, paraît effectivement résulter des termes de l'art. 527; mais il est facile de se convaincre que cette disposition suppose les On a encore agité la question de savoir de parties devant un tribunal de premier ressort quelle manière l'inscription devrait être prise et qu'elle ne prouve rien par conséquent en afin de réaliser l'hypothèque. Mais nous ne faveur de l'opinion de Carré. Reste donc le nous occuperons pas ici de cette difficulté qui principe des deux degrés de juridiction qui la se rattache uniquement au Code civil.] repousse, et sur le fondement duquel l'art. 528 1845. Si un comptable était assigné de- exige, en cause d'appel, le renvoi devant les vant le tribunal de son domicile, quoi-juges de première instance, toutes les fois que qu'il eût été commis par un autre trile compte n'a pas été rendu et jugé par eux. bunal, serait-il fondé à opposer un déNous croyons qu'ici la raison de decider est la même et que l'origine de l'obligation d'un clinatoire? comptable importe peu pour l'application d'une règle fondamentale de procédure.] 1847. Peut-on placer un héritier bénéficiaire parmi les comptables commis par justice?

Delaporte résout cette question pour la négative, t. 2, p. 108, attendu, 1o que le comptable ne peut avoir d'intérêt à décliner le juge de son domicile; 2° que la disposition de la loi semble avoir été portée en faveur du demandeur, qui, conséquemment, est libre d'en faire usage ou d'en abandonner le bénéfice.

Nous ne saurions admettre cette opinion, l'art. 527 étant impératif, et les mots seront poursuivis ayant été substitués aux mots pourront être poursuivis, qu'on lisait dans l'art. 522. Or, ce changement a été fait sur la proposition de la cour de Rennes, et précisément afin de prévenir les discussions et les demandes en renvoi qui avaient eu lieu sous l'empire de l'ordonnance, dont l'art. 2 du tit. XXIX était conçu de la même manière. (V. Prat., t. 4, p. 31.) Au surplus, notre opinion résulte formellement des explications données par l'orateur du gouvernement et le rapporteur du tribunat.

La raison d'après laquelle le législateur a fait, en l'art. 527, une exception à la règle générale, dérive de ce que le tribunal qui a confié la gestion est plus capable que tout autre de décider si le gérant s'est fidèlement acquitté de son mandat. Il est d'ailleurs assez naturel que tout comptable rende compte personnellement à ses commettants. Mais hors des cas d'exception indiqués dans l'article, tous autres comptables doivent être assignés devant les juges de leur domicile. (V. Exposé des motifs, ubi suprà.)

Telle est aussi la doctrine professée par Thomine, dans ses cahiers de dictée.

[Favard, t. 1, p. 615, et Thomine, no 576, ont approuvé avec raison la doctrine de Carre.] 1846. Si le comptable a été commis par des juges d'appel, doit-il rendre compte

devant eux?

Cela résulte, dit Jourdain, Code de compétence, no 114, du principe posé dans l'art. 527. Ainsi, l'on n'est point tenu, quand le comptable a été commis sous l'appel, d'observer les deux degrés de juridiction.

Nous ne le pensons pas, par cette raison qu'en donne Thomine, dans ses cahiers, que ce comptable est un véritable héritier institué par sa seule volonté, et qui a seulement le privilége de ne payer les dettes que jusqu'à concurrence de la valeur des biens qu'il a recueillis : aussi n'est-il pas contraignable par corps.

[Nous avons déjà adopté la même opinion, Quest. 537. Thomine a persisté, no 376, dans son premier avis, qui est aussi celui de Dalloz, t. 6, p. 293. Pigeau, Comm., t. 2, p. 126, semblerait être d'une opinion contraire, quoique, sur la question de compétence, il partage le sentiment general. (V., sur ce dernier point, notre Quest. 2527 quater.]

[1847 bis. Comment faut-il entendre ces expressions de l'art. 527 : LES TUTEURS,

DEVANT LES JUGES DU LIEU OU LA TUTELLE A ÉTÉ DÉFÉRÉE?

Nous avons ainsi posé la question, parce qu'il y a plusieurs espèces de tutelles dont chacune comporte des règles différentes et exige par conséquent des explications particulières.

Quand la tutelle est légitime, l'action en reddition de compte doit être portée au lieu où elle s'est ouverte, c'est-à-dire au domicile du mineur ou de l'interdit, à l'époque où un tuteur leur a été donné. Si donc la tutelle legale avait été déférée à la mère après la mort de son conjoint, comme c'est chez ce dernier là aussi que la reddition de compte devrait que le mineur a de droit son domicile, c'est avoir lieu.

Pigeau, dans les premières éditions de sa Procédure civile, avait d'abord décidé que le tuteur légal pouvait être assigné devant les juges de son domicile. Cette opinion, conforme à l'ancienne jurisprudence, qui ne reconnaissait que deux espèces de comptables,

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