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décisions qui précèdent celle qui fixe le reliquat sont préparatoires ou provisoires. Aussi la cour de Bordeaux, 25 janv. 1834, a-t-elle, avec raison, décidé que si l'instance s'est trouvée arrêtée avant d'arriver à ce dernier acte, une demande nouvelle, intentée postérieurement, ne pourrait être repoussée comme emportant révision du compte, à quelque point qu'eussent été conduites les opérations préparatoires, et par cela seul que le jugement définitif n'est pas intervenu.

C'est donc à dater de ce dernier acte que commence pour le comptable l'obligation de payer le reliquat, obligation à raison de laquelle l'art. 126 permet aux juges, dans certains cas, de prononcer la contrainte par corps. Sur les diverses difficultés qu'a soulevées cette disposition, voy. nos Quest. 535 bis, 536 et 557. C'est aussi à partir de ce moment que le rendant doit restitution des pièces justificatives, autre obligation pour l'exécution de laquelle il est réputé comptable, ainsi que l'a jugé avec raison la cour de Brux., le 25 août 1810.]

1886. Un jugement rendu en matière de compte doit-il être envisagé comme faisant un seul et même acte avec le procèsverbal des débats ?

ART. 541. Il ne sera procédé à la révision d'aucun compte sauf aux parties, s'il y a erreurs (1), omissions, faux ou doubles emplois, à en former leurs demandes devant les mêmes juges.

Ord. de 1667, tit. XXIX, art. 21.-C. civ., art. 2058. - [Devilleneuve. vo Compte, nos 12 à 19. — Locré,

t. 10, p. 7, 65 et 206, no 7 (2).]

CCCCXXXIV. Les demandes en révision de compte, ces demandes ruineuses, plus inextricables souvent que ne l'étaient les comptes mèmes, sont expressément abolies par l'article 541; ainsi, le compte une fois jugé, les parties n'ont plus que le droit réciproque de se pourvoir devant les mêmes juges, pour faire réparer les erreurs, omissions, faux ou doubles emplois qui auraient été commis, tandis, autrefois, que la révision exigeait une procédure semblable à la première (3). [1886 bis. L'action en révision est-elle admise contre un compte extrajudiciaire?

Bien que les prescriptions de ce titre de la procédure ne s'appliquent, en général, qu'aux seuls comptes rendus en justice, l'affirmative sur la question proposée ne doit souffrir aucune difficulté. Les abus qu'entraînerait la possibilité d'une révision ont décidé le législateur à l'interdire dans tous les cas; il ne sera proOui, d'après un arrêt de la cour de Rennes cédé, dit l'art. 541, à la révision d'aucun du 27 déc. 1809. En conséquence, cette cour a compte. Déjà, sous la législation antérieure au décidé que si l'on trouvait, dans le procès-Code de procédure, l'on décidait qu'en matière verbal, les qualités et conclusions des parties, les points de fait et de droit sur lesquels le tribunal aurait déclaré statuer, le vœu de la loi serait exactement rempli.

[Dalloz, t. 6, p. 295, no 13, désapprouve cette décision de la cour de Rennes, d'après ce motif, que le procès-verbal ne devant pas être signifié, comme l'enseigne Carré lui-même, sur la Quest. 1885, le jugement se trouverait dépourvu de ses formalités les plus essentielles. Cet argument nous paraît sans réplique.]

même de tutelle, et bien que la décision du tribunal de famille n'eût pas été homologuée, le mineur n'avait d'autre voie de recours que l'action en redressement pour erreurs, omissions, ou doubles emplois. (Cass., 26 mai 1807; Sirey, t. 7, p. 356; Dalloz, t. 27, p. 369; et Colmar, 18 mars 1816.) Aujourd'hui il est reconnu que la révision de nul compte extrajudiciaire n'est admise en matière civile ou commerciale, par Merlin, Répert., t. 2, p. 687; Pigeau, liv. III, § Compte, div. 7, no 7; Fa

(1) [* Le mot erreurs doit uniquement s'entendre des erreurs de calcul, et non de toutes les erreurs possibles, soit en droit soit en fait.

Ainsi il ne peut y avoir lieu à une demande en redressement de compte du chef de prétendues erreurs de droit. (Brux., cass., 18 juill. 1831; J. de B., 1831, 1re, p. 235.)

Lorsqu'à la suite d'une demande en reddition de compte portée en justice, et de débats, à cet égard, qui ont eu pour résultat de régler différents points et de faire renvoyer, par le juge-commissaire, les parties à l'audience, pour en régler certains autres, l'oyant déclare devant notaire qu'il tient le compte présenté pour SINCERE ET VALABLE, on ne peut voir dans cet aveu autre chose que l'intention de reconnaître que ce compte est exempt de fraude et de simulation, et nullement qu'il est exempt d'erreurs. (Liége, 7 fév. 1828; J. du 19e s., 1830, p. 111.)]

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[10 Lorsqu'après plusieurs arrêtés de compte entre deux négociants, l'un d'eux a été constitué débiteur de l'autre, et a succombé dans une demande en révision, il n'en a pas moins le droit de demander la réparation des erreurs, omissions et doubles emplois, conformément à l'art. 541, C. proc. civ. (Cass., 12 janv. 1818.) 20 Une partie peut se pourvoir pour demander rectification des erreurs et omissions qui ont eu lieu dans un compte, même par son fait, et quoique cette partie ait, depuis le jugement, demandé un délai pour satisfaire aux condamnations prononcées contre elle en dernier ressort. (Metz, 26 août 1819.)]

(5) Pour être admis à cette action, on sent qu'il est nécessaire d'indiquer les erreurs, omissions, etc., puisque la contestation ne doit rouler taxativement que sur les articles qui les renferment.

- LIV. V.

vard, t. 1, p. 620, et Thomine, no 595, et la jurisprudence est fixée dans le mème sens, par arrêts des cours de cassation, 10 sept. 1812, 8 juin 1814 (Sirey, t. 15. p. 255; Dalloz, t. 6, p. 506), et 15 mars 1826; de Rennes, 14 avril 1815 et 19 mars 1815, et de Nancy, 2 mai, et 28 août 1826 (Sirey, t. 26, p. 249).

Si cependant les parties avaient déclaré ellesmêmes, ou s'il résultait de leurs accords qu'elles n'avaient pas entendu arrêter le compte, il est bien certain qu'il n'y aurait pas lieu à l'application de l'art. 541, qui suppose l'existence d'un compte définitif, comme l'a jugé avec raison la cour de Pau, le 9 mai 1831 (Devilleneuve, t. 31, 2o, p. 218).] [1886 ter. La partie qui a consenti d'une manière expresse ou tacite à l'exercice de l'action en révision, peut-elle revenir sur son acquiescement? En d'autres termes: La prohibition de révision est-elle d'ordre public?

stitution, du consentement ou du défant d'opposition des parties, ce qui nous parait absolument contraire aux principes.] [1886 quater. Quelles sont les circonstances à raison desquelles une demande en redressement de compte peut être admise ? Lorsque le législateur, en défendant toute révision intégrale ou partielle d'un compte, autorisait les parties à se pourvoir, par la voie de redressement, contre les inexactitudes, il n'entendait pas évidemment rétablir d'une manière indirecte et détournée la procédure qu'il abolissait, à si juste raison et en termes aussi formels; c'est à l'aide de ce principe qu'il faut interpréter les expressions de la loi, et juger les conséquences qui en découlent. Mais ces expressions manquent jusqu'à un certain point de précision; il a bien fallu que la jurisprudence déterminât quelles étaient ces omissions et erreurs, à raison desquelles un recours serait admis; c'est ce qu'a essayé de faire un La négative a été adoptée par la cour de arrêt de la cour de cassation du 2 mars 1831. Colmar, 18 mars 1816, sur le fondement que Partant du principe incontestable que la dispocette disposition ne pouvant intéresser que les sition de l'art. 541 est restrictive, il n'a reparticuliers, il doit être permis à ceux qu'elle connu que deux cas dans lesquels l'action pût concerne de renoncer, expressement ou tacite-être intentée : erreur de calcul, découverte ment, à son bénéfice. Nous doutons fort de de documents inconnus à l'époque de l'arrêté l'exactitude de cette doctrine, car l'art. 541 de compte. s'exprime en termes prohibitifs. « Les demandes en révision de compte, dit Favard, discours au corps législatif (Locré, t. 10, p. 206), ces demandes ruineuses, plus inextricables souvent que les comptes mêmes, sont abolies. » Ainsi ce n'était pas assez de la prohibition générale contenue en l'art. 1041; le législateur l'a renouvelée en particulier, et dans les termes les plus formels quant aux demandes en révision. La jurisprudence, et particulièrement celle de la cour de cassation, s'est montrée fidèle à cet esprit; elle n'a admis l'action en aucun cas et sous aucun prétexte; elle a cassé, le 30 avril 1817 (Sirey, t. 17, p. 243; Dalloz, t. 1, p. 144), un arrêt de Nancy qui avait ordonné d'office la révision d'un compte qui présentait de nombreuses inexactitudes. En présence de telles considérations, peut-on dire que la disposition de l'art. 541 ne soit pas d'ordre public? On objecte qu'elle n'est dictée que par l'intérêt particulier; mais cet intérêt n'est-il pas le fondement de toutes les prohibitions, dont la rigueur se règle sur son importance? Or, ici, que de difficultés!... De quels actes fera-t-on résulter l'acquiescement de la partie? à quel moment de l'instance? D'ailleurs, si la révision est accordée à l'oyant, pourquoi pas au rendant? Mais, sans aller plus loin, remarquons que la question se réduit à savoir s'il est permis à une partie de substituer à la De ces diverses observations, confirmées par procédure en vigueur, qui est l'action en re- Merlin, Quest., vo Compte, § 1er, il résulte indressement de compte, la révision, procédure contestablement qu'une demande en rectificaabolie, et s'il suffit, pour régulariser cette sub-tion doit indiquer les articles et les chiffres ou

Nous ne trouvons pas dans cette explication l'exactitude habituelle des décisions de la cour suprême. La première précision ne dit pas assez; car un double emploi, une omission, à raison desquels la loi autorise le redressement, ne sont pas des erreurs de calcul. La seconde dit trop; en effet, s'il était permis à une partie d'alléguer la découverte de nouvelles pièces pour modifier des résultats acquis, ce serait véritablement là une révision, que le même arrêt n'admet pourtant sous aucun prétexte, et c'est ce qu'a reconnu la cour de Bourges, le 21 août 1851. Cette dernière décision nous paraît avoir beaucoup mieux fixé les principes, en admettant comme causes de rectification les erreurs de calcul, les omissions d'articles admis par le jugement, le double emploi d'une somme allouée, le faux emploi d'une somme rejetée; à quoi il faut ajouter la découverte de pièces nouvelles, en tant qu'elle se raltacherait, soit à l'un de ces divers cas, soit à d'autres faits non mentionnés au compte, ce qui suppose, non la réformation d'une partie quelconque d'une décision judiciaire, mais la rectification d'une erreur matérielle, ou l'existence d'une prétention nouvelle. Il n'en saurait d'ailleurs être autrement, puisque la demande doit, aux termes de l'art. 541, être portée devant les mêmes juges.

Si nous supposons une partie condamnée en première instance par défaut, et attaquant par opposition le jugement rendu contre elle, nul doute qu'elle ne puisse, devant le tribunal, constater les erreurs commises à son préjudice, ou faire preuve de ses droits non encore établis dans le débat contradictoire qui va s'onvrir. Il n'est pas besoin pour cela d'une action spéciale, comme paraît l'avoir décidé l'arrêt précité de Besançon; car la voie de l'opposition est ouverte aux parties précisément à cet effet, en les remettant au même état qu'avant le jugement par défaut.

les faits à raison desquels elle est intentée; il ne suffirait pas de porter certaines pièces, d'où l'on induirait que le reliquat est erroné; car, cela parût-il incontestable, il resterait toujours la question de savoir si la rectification ne porte point sur des clauses déjà débattues, sur des contestations déjà tranchées; d'où il suit que l'action en redressement d'un compte non détaillé n'est en aucun cas admissible. Un tel acte, ne contenant nulle indication de recette et de dépense, serait moins un compte qu'une transaction passée en force de chose jugée, comme l'ont décidé avec raison les cours de Besançon, 18 juill. 1816, et de Bordeaux, 10 juin 1828.]

[1886 quinquies. Quelle est la nature de l'action en redressement de compte? Doitelle étre nécessairement portée devant les juges du premier ressort? dans quel dé lai peut-elle être intentée?

Nous avons vu, sous la Quest. 1886 quater, que l'action en redressement de compte ne pouvant, sous aucun prétexte, entraîner une révision qu'abolissait la loi, les circonstances dans lesquelles elle était admise se réduisaient à deux; constatation d'erreurs matérielles, qui ne change rien aux bases de la décision rendue, existence de prétentions nouvelles, et sur lesquelles par conséquent les juges n'avaient pas été appelés à prononcer.

Cette procédure restreinte à ces limites, on pourrait se demander quelle était, pour la loi, la nécessité d'autoriser en termes exprès l'exer. cice d'une demande de cette nature: mais la réponse est facile; cette nécessité provient précisément de l'abolition de toute révision de compte, abolition dont on se serait fait une arme pour repousser cette action, comme tendant à revenir par une voie indirecte sur ce qui était déjà décidé.

Quant à l'utilité de l'action en redressement, elle se concentre, en général, comme il est facile de le voir, dans l'hypothèse d'un jugement intervenu sur l'instance en reddition de compte et passé en force de chose jugée, soit qu'il n'en ait pas été interjeté appel, soit que l'appel ait produit un arrêt confirmatif.

C'est donc une demande principale, nouvelle, détachée de celle sur laquelle on a prononcé, selon les expressions de Locré, t. 10, p. 7. La même doctrine, enseignée par Merlin, Quest., v° Compte, § 1er, et Favard. t. 1, p. 625, est consacrée par un arrêt de Besançon du 5 juill. 1823.

Est-ce à dire qu'elle ne puisse jamais se présenter dans le cours de l'instance en reddition de compte? En admettant qu'elle le puisse, s'y confond-elle, comme connexe, à toutes les phases de la procédure? Telles sont maintenant les deux questions sur lesquelles nous devons nous arrêter.

Si maintenant nous supposons les parties en instance d'appel, l'action en redressement ne paraît pas moins inutile, en ce qui concerne la constatation d'erreurs matérielles, telles que calcul faux, double emploi, etc., car le seul fait d'avoir interjeté appel leur permet d'en demander la rétractation; ainsi, en ce qui concerne cette seconde hypothèse, il n'est pas besoin d'une action particulière, soit en premier, soit en dernier ressort. La nécessité ne s'en fait sentir que si l'on suppose le jugement qui statue sur le compte passé en force de chose jugée.

Il en est autrement dans le cas où, sur l'appel interjeté de ce jugement, l'une des parties soulève des prétentions nouvelles, réclame l'utilité de droits non encore débattus, et dont la reconnaissance, sans porter atteinte aux énonciations du compte, le modifierait quant aux résultats; d'où naît la question de savoir s'il serait permis à la cour de retenir par devers elle la connaissance de ce débat, ou si elle doit nécessairement le renvoyer devant les juges du premier ressort, comme semblent l'exiger les termes de l'art. 541.

Thomine, no 595, et deux arrêts de la cour de Rennes, 29 août 1810, et 12 juin 1835, dont le premier, il est vrai, résout la question d'après des principes bien différents de ceux de l'ordonnance de 1667, se fondent, pour rejeter cette opinion, 1° sur la convenance d'éviter des complications inutiles et coûteuses, 2o sur ce que l'art. 541 statue seulement pour le cas où il n'aurait pas été relevé appel du jugement qui fixe le reliquat du compte.

Mais ces arguments reposent sur une confusion d'idées qui disparaît du moment où nous reconnaissons que la demande en redressement forme une action principale, nouvelle, soumise par conséquent aux deux degrés de juridiction.

Objecterait-on que cette demande, bien que nouvelle, doit être admise en cour royale comme formant une défense à l'action principale? C'est là une autre erreur dont la démonstration est facile.

Appeler du jugement qui fixe le reliquat du compte, puis, sans mème en attaquer les bases, sans contester aucune de ses évaluations, sou

lever des questions nouvelles et non débattues en première instance, ce n'est pas défendre au compte, c'est au contraire passer condamnation et engager une instance nouvelle, dont la cour royale ne saurait connaître tout d'abord. Qu'une partie ait le droit, en cause d'appel, de produire pour la première fois des pièces d'où il résulte que tel article a été exagéré, tel autre | diminué où supprimé mal à propos, rien de plus juste; mais faire de l'appel interjeté sur une décision quelconque, un moyen d'éluder le principe des deux degrés de juridiction, relativement à une contestation différente, sans autre rapport que l'influence de la décision à intervenir sur les résultats de la première, c'est bouleverser de la manière la plus évidente tous les principes de cette matière. La solution que Carré donne à la Quest. 1675 nous dispense d'entrer dans de plus grands développements à ce sujet.

D'ailleurs, la loi est formelle, l'art. 541 attribue au tribunal qui a statué sur la demande en reddition de compte, la connaissance de l'action en redressement, et cette disposition, fondée sur ce qu'une telle action est principale | et nouvelle, repousse par cela seul toute distinction entre les cas où le jugement dont parle l'art. 540 serait ou non frappé d'appel : l'arti- | cle 528 va jusqu'à exiger que la cour royale, lorsque la nécessité de débattre un compte se présente pour la première fois devant elle, renvoie devant les juges de première instance; or, ici, les nouvelles prétentions des parties sont de nature à entraîner un débat de ce genre, et, par conséquent, nécessitent l'application de la même règle.

délai de 10 ans, par lequel se prescrit, aux termes de l'art. 475, C. civ., toute action de sa part, à raison des faits de tutelle. Il nous semble que Pigeau confond ici deux règles bien différentes: l'origine de l'action accordée par l'art. 475, c'est la tutelle, et celle d'une action en redressement, c'est le compte; la preuve, c'est que la prescription de la première court du jour de la majorité du pupille; or, il est évident que l'action en redressement court, non pas de ce temps, mais de celui où le comple a été rendu. Ainsi, point d'assimilation entre elles, comme l'a remarqué avec raison l'arrêt de Metz précité. La prescription établie par l'article 475 n'est donc pas applicable à ce cas, et, dès lors, il faut rentrer dans la règle commune, qui est la prescription trentenaire.

Une autre modification à ce principe semble avoir été admise par la cour de cassation, le 3 janv. 1828, dans une espèce où la partie contre laquelle le redressement était demandé, se trouvait dessaisie de pièces justificatives, en vertu d'une clause par laquelle toutes deux s'interdisaient de demander aucune révision. La validité d'une clause de cette nature dépend de principes que nous n'avons point à examiner ici. Mais on voit, par le dispositif de l'arrêt précité, que la cour de cassation, moins alsolue que la décision qu'elle confirmait, a sacrifié le droit de rectification uniquement à l'impossibilité où se trouvait la partie attaquée, après un long temps et une convention qui la rendait de bonne foi, de produire les pièces relatives au compte apuré. Ainsi, seulement, peut se justifier cette doctrine; car il est certain que ce n'est pas un temps plus ou moins long qui éteint l'action, c'est le laps de 50 ans,

Ainsi, à la décision admise par les deux arrêts précités de Rennes, nous préférons la docet, avant l'expiration de ce terme, la partie trine que consacrent deux décisions de la même cour, des 20 avril 1820, et 28 nov. de la même année, et qui résulte d'ailleurs des règles sur la nature de l'action en redressement, telles que nous les avons établies au commencement de cette discussion.

Des mêmes principes il suit encore que ce n'est pas par le délai de dix ans que se prescrit

:

cette action, comme celles en nullité ou en rescision c'est par le laps ordinaire de trente années. Ainsi l'ont décidé, avec Merlin, Quest., vo Compte, loc. cit., et Pigeau, Comm., t. 2, p. 155, les cours de Metz, 10 juill. 1821 (Dalloz, i. 27,p. 383); de Bordeaux, 10 juin 1828, et de Liege, 19 janv. 1855. Il en serait sans doute aussi de même, dans l'hypothèse d'un compte de tutelle dont la rectification serait demandée, nonobstant l'avis de Vazeille, des Prescriptions, no 535. Pigeau, Comm., eod loc., propose une distinction. Quant à l'action en redressement qui compète au tuteur, il admet la prescription par 50 ans de silence, comme règle générale. Mais pour celle qui appartient au mineur, il n'accorde à ce dernier que le

attaquée alléguerait en vain qu'elle s'est dessaisie des pièces; car, sauf les cas particuliers où cette excuse serait valable, il y aurait lieu d'appliquer ici la solution de la Quest. 1662 bis, en faisant droit aux réclamations de la partie lésée, et en statuant sur les pièces par elle produites.]

1887. La prohibition de l'action en révision de compte exclut-elle, dans tous les cas, l'appel, afin de rectifier les erreurs, omissions, faux ou doubles emplois ?

L'art. 21 de l'ordonnance proscrivait, comme l'art. 541, les révisions de compte; mais il donnait aux parties le choix de former des demandes en rectification d'erreurs, omissions, faux ou doubles emplois, devant les juges qui avaient statué sur le compte, ou d'interjeter appel de sa clôture, pour plaider les griefs à l'audience.

Le Code a supprimé cette dernière disposition, en sorte qu'en général l'on tient pour constant que l'appel est interdit dans tous les cas. Mais Pigeau, t. 5, p. 403, dit que la de

mande en rectification ou réformation d'erreurs, etc., ne peut plus être portée devant les mêmes juges, si les erreurs, omissions, faux ou doubles emplois, ayant été relevés lors du compte, le juge avait statué, à leur égard, par le jugement rendu sur le compte. Alors, dit cet auteur, on ne pourrait se pourvoir que par les voies ouvertes contre ce jugement, si l'on était dans le temps et les cas requis.

Telle est aussi notre opinion, fondée sur la règle qui interdit aux juges la réformation de leurs propres jugements. A la vérité, Merlin (voy. Nouv. Rép., au mot Jugement, § 3, no 5, t. 6, p. 561), dit que quelque générale que soit cette règle, l'art. 541 y fait exception. Oui, sans doute, l'art. 541 fait exception à la règle dont il s'agit; mais c'est en ce sens seulement qu'elle ne permet pas au juge, des saisi d'une affaire par le jugement qu'il a rendu, d'en connaitre de nouveau, et non pas en ce sens que, dans le cas où il a prononcé sur des erreurs qui ont été relevées devant lui, l'on puisse encore lui soumettre de nouveau ce qu'il a jugé. Ce n'est pas là, selon nous, ce que Merlin a dit ou entendu dire. Nous croyons, en conséquence, que l'art. 541 ne s'applique que dans le cas où les erreurs, omissions, etc., n'ont pas été relevées devant les premiers juges.

[Cette solution est la conséquence des principes que nous avons posés sous la précédente question; nous ne pouvons donc que l'approuver. En outre des décisions et des auteurs déjà cités, elle a été jugée dans les mèmes termes par la cour de Rennes, 19 mars 1817.

Thomine, no 595, dit, à ce sujet, que l'appel n'est pas nécessaire, ce qui suppose qu'il est possible; mais c'est là une suite de cette erreur que nous avons déjà relevée, et qui consiste à confondre la demande en redressement avec celle en reddition de compte: nous n'insisterons donc plus sur ce point.]

[1887 bis. Peut-on demander le redressement d'un compte apuré par des arbitres dont la mission est expirée ?

Dans le cas où le jugement aurait été rendu par des arbitres commerciaux, c'est devant eux, sans nul doute, que devrait être portée l'action en redressement de compte; les arbitres sont de véritables juges, leur juridiction est forcée et directe (art. 51, C. comm.), et l'article 541 s'applique aux tribunaux d'exception aussi bien qu'aux tribunaux ordinaires; c'est ce qui a été jugé, avec raison, par la cour de cassation, dans son arrêt du 28 mars 1815, dont Favard, t. 1, p. 620, adopte la doctrine. Mais lorsque le compte a été réglé par des arbitres dont la mission est expirée, il est évident que l'action ne peut être portée devant eux; d'où naît la question de savoir si elle existe encore. L'affirmative, adoptée par la Carré, procédure civile.- -TONE IV.

cour de cassation le 21 août 1832 (Devilleneuve, t. 35, 2o, p. 598), ne nous paraît pas douteuse, puisque nous admettons même cette action contre un compte volontaire (Quest. 1886 bis). Nulle déchéance n'est établie à raison de ce fait, qu'il n'appartenait pas aux parties d'empêcher, et on ne peut pas la créer arbitrairement. L'instance sera donc portée devant les tribunaux ordinaires.]

1887 ter. Dans quelle forme sera in

struite la demande en redressement de compte?

L'instance sera engagée comme celle de toute demande principale. La section du tribunat avait proposé, lors de la discussion du Code, de permettre l'assignation au domicile de l'avoué ou de la partie, dans le cas où l'action serait intentée dans les six mois de la date du jugement; mais ce dernier lien, par lequel on voulait rattacher les deux instances, ne fut point admis. C'est donc uniquement aux formes tracées par les art. 61 et suivants qu'il faudra s'en rapporter.

Quant à la marche de la procédure, il est certain qu'elle a les plus grands rapports avec celle de l'instance en reddition de compte : les mêmes formes seront donc autant que possible observées, les parties renvoyées devant un juge-commissaire, qui dressera procès-verbal de leurs dires, et le tribunal décidera. La cour de cass., le 19 fév. 1854, a jugé cette marche conforme aux principes. Cependant nous ne croyons pas que son inobservation entraîne la nullité de la procédure; rien dans la loi ne permet d'arriver à cette conséquence.

Il est inutile de dire que, lorsque l'art. 541 prescrit que la demande soit instruite et décidée par les mêmes juges, il entend, non pas les mêmes personnes, mais le même tribunal; cette observation, faite par Thomine, sur un arrêt de la cour de cassation du 23 nov. 1824 (Sirey, t. 25, 1re, p. 170), ne saurait être contestée.]

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