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d'un jugement ne fait foi qu'autant qu'elle est signée du greffier.

»Mais on la trouve appliquée dans un exemple présenté par Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV. Il s'agit du cas où une condamnation a été prononcée contre un garant on demande auquel du garant ou du garanti appartient le droit d'exiger une grosse. « Il appartient au garant, dit cet auteur, puisque, si on la donnait au garanti, le premier ne pourrait pas faire exécuter le jugement contre le second; mais aussi dès qu'il l'aura fait exécuter, il sera tenu de remettre la grosse au garanti, pour qu'il puisse répéter le montant de la condamnation contre le garant. » Ainsi le garanti, pour exécuter le garant, a besoin de la grosse; il ne peut donc pas le faire en vertu de la copie du jugement qui lui a été signifiée.

» Suivant Berriat, hoc tit., à la note 4, « on était jadis dans l'usage de permettre l'exécu tion sur la copie notifiée d'une expédition. Cet auteur n'en dit pas davantage; mais il résulte évidemment des expressions dont il se sert, que cet usage reçu jadis ne serait plus, selon lui, tolérable aujourd'hui.

» Enfin, cette proposition que l'on ne peut exécuter en vertu de la copie, paraît n'avoir été contestée par personne, et reconnue par le président du tribunal de Saint-Pons lui-même, puisqu'il a jugé nécessaire de revêtir de son ordonnance la copie signifiée. Ce serait donc, à proprement parler, l'ordonnance qui serait exécutoire, et non la copie.

>> Nous aurions moins insisté sur cette proposition, si sa démonstration n'eût en même temps établi la seconde, savoir, que l'ordonnance apposée sur la copie ne peut la rendre exécutoire.

» En effet, nous avons démontré que la copie signifiée ne faisait foi, ni de l'existence du jugement, ni de son contenu.

» Comment le président du tribunal de SaintPons pouvait-il ordonner l'exécution d'un jugement dont l'existence même ne lui était pas démontrée, en vertu d'une copie qui ne peut jamais servir que de simple renseignement? Comment pouvait-il rendre exécutoire cette copie, que rien ne lui attestait fidèle, peut-être pleine des erreurs les plus graves, où le montant des condamnations pouvait être même l'objet d'une de ces erreurs.

» Il assumait donc sur sa tête la responsabilité de tout ce qui était la suite des inexactitudes d'une copie à laquelle la loi ne l'obligeait point d'ajouter foi; considération fortement appuyée de cette circonstance, que, dans l'espèce, la signature de l'huissier n'était pas même légalisée.

» Au surplus, les cas où l'on peut exécuter sur l'ordonnance d'un président sont spécialement déterminés par la loi. Ces cas sont ex

ceptionnels, et ce pouvoir ne peut être étendu à d'autres.

» Si un président avait le droit de rendre exécutoire un acte qui ne serait ni authentique ni exécutoire, où s'arrêterait cette faculté?

>> En vain on objecterait que, dans l'espèce, il s'agissait uniquement de dépens, et qu'un président peut signer un exécutoire de dépens.

» A cela deux réponses:

» 1° Bien que l'objet des poursuites fût une répétition des dépens, l'acte qu'il s'agissait d'exécuter n'était point un exécutoire de dépens, c'est-à-dire un acte contenant liquidation de dépens, et séparé du jugement. Ainsi les règles spéciales à l'exécutoire ne sont point applicables à l'espèce.

» 2o A supposer qu'elles fussent applicables, il faudrait les suivre et non les violer; or, c'est au tribunal qui a rendu le jugement, et non à un tribunal étranger, qu'appartient le droit de décerner l'exécutoire des dépens.

» Enfin, si l'art. 554 autorise le tribunal du lieu à s'immiscer à l'exécution d'un jugement qui lui est étranger, cette faculté n'est accordée qu'au tribunal, et non au président seul, et elle consiste à statuer sur des difficultés élevées relativement à l'exécution, mais non à ordonner cette exécution, lorsque le titre n'est pas exécutoire.

» Concluons donc de ces divers raisonnements que ni la copie, ni l'ordonnance n'étaient exécutoires. »

Cependant la cour de Toulouse a jugé, le 17 déc. 1829 (Sirey, t. 30, 2o, p. 104), que les cours et tribunaux peuvent, par des ordonnances délibérées, permettre l'exécution de leurs décisions sur la copie de ces décisions signifiée à avoué; et telle est souvent la pratique de cette cour.

Nous avons blámé cet usage à la Quest. 2198. (Voy. notre Question 1557, quant au délai d'appel.)]

[1898 septies. Faut-il, pour la régularité

des poursuites, que la copie signifiée reproduise exactement toutes les formalités exigées pour la grosse même de l'acte?

En matière d'exploit, avons-nous dit sous l'art. 61, Quest. 527, la copie tient lieu d'original à celui qui la reçoit, et il peut se prévaloir des nullités qu'elle contient, encore que l'original soit parfaitement régulier.

En est-il de même en matière d'expédition d'acte exécutoire?

La cour de Besançon s'est prononcée pour l'affirmative, en décidant, le 25 juill. 1814, que la copie d'une expédition de jugement qui ne mentionne pas la signature du greffier est nulle, encore que l'expédition porte cette signature.

Mais la négative résulte de trois arrêts de la

cour de cassation qui ont validé, les 24 mai 1821 et 16 août 1856, des copies d'expédition qui ne mentionnaient point la signature soit du greffier seulement, soit du président et du greffier tout ensemble ; et, le 28 mars 1825, une copie de jugement qui ne contenait pas la mention qu'il avait été prononcé publiquement, cette mention se trouvant d'ailleurs sur la grosse que l'on rapportait.

Ord. de 1629, dite Code Michaud, art. 121.-C. civ., art. 2123 et 2128. [Devilleneuve, vo Exécution, nos 8 et suiv.-Locré, t. 10, p. 189, no 16, et p. 207, no 11.]

CCCCXXXVII. Un des principaux attributs de la souveraineté est, comme nous l'avons dit au commentaire de l'article précédent, de rendre exécutoires les jugements des tribunaux et les actes des autres fonctionnaires établis par

la loi. Si donc les officiers ministériels du

royaume, si les membres de la grande famille qui le composent ne doivent obéir qu'au nom du roi, il faut en conclure que les jugements rendus par les tribunaux étrangers, et les actes reçus par des officiers étrangers, ne sont pas susceptibles d'exécution en France, à moins qu'ils n'aient été déclarés exécutoires par un tribunal français. Ce principe se trouvait implicitement énoncé dans plusieurs articles du Code civil, et notamment dans les art. 2125 et

Cette différence avec la doctrine universellement professée en matière d'exploit tient sans doute à ce que, l'exploit étant l'œuvre de l'une des parties et se trouvant destiné à créer ou à conserver ses droits vis-à-vis de l'autre, il est essentiel que cette espèce de contrat forcé soit en quelque sorte passé en double original; tandis que la grosse exécutoire, étant l'œuvre d'un officier public délégué à cet effet par la loi, a dans elle-même tout ce qu'il faut de force et d'authenticité pour produire les résultats auxquels on la destine, sans que l'exercice en puisse être paralysé par l'irrégularité d'une copie. Voy. néanmoins ce que nous avons décidément, mais avec une exception pour le cas où Quest. 2204, au titre de la Saisie immobilière.]

[1898 octies. Est-il des actes judiciaires qui puissent être exécutés sans étre revétus de la formule exécutoire?

2128, et l'article ci-dessus le déclare formelle

il existerait des dispositions contraires dans les lois politiques ou dans les traités (1); alors les jugements ou actes seraient exécutoires de plein droit; exception disait Favard, dans son rapport au corps législatif, qui n'est pas contraire au principe, puisque le souverain, qui défend la force exécutoire, dans ses États, à des actes non émanés de l'autorité de ses juges et officiers, peut la permettre, et que d'ailCes ordonnances pouvant, dans les cas d'ur-leurs, dans le cas de la permission, il y a récigence et d'absolue nécessité, être éxécutées sur la minute, pourvu qu'elles en contiennent la disposition formelle, il est clair que la formule exécutoire n'est pas requise; car cette formule ne peut être apposée que par le greffier et sur l'expédition.

Oui ; ce sont les ordonnances de référé dont il est parlé en l'art. 811, C. proc.

Mais il faut remarquer que cette exception est la seule qui soit consacrée par le Code; nous l'avons ainsi décidé Quest. 588 ter.]

ART. 546. Les jugements rendus par les tribunaux étrangers, et les actes reçus par les officiers étrangers, ne seront susceptibles d'exécution en France, que de la manière et dans les cas prévus par les articles 2123 et 2128 du Code civil.

(1) Tel est le traité passé entre la France et la Suisse, le 4 vendém. an xi. L'art. 15 exige seulement que les jugements soient légalisés. (V. les observations faites sur ce traité par Toullier, t. 10, no 89.)

(2) [Les dispositions sur l'exécution en Belgique des jugements étrangers sont demeurées applicables aux jugements anglais.

Les tribunaux belges ne sont pas tenus de juger les contestations civiles entre Anglais relatives à des obligations contractées entre eux en Angleterre, et à l'égard desquelles le défendeur, qui n'a pas son domicile légal en Belgique, décline leur juridiction.

La mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée avec per

procité.

1899. Comment s'exécute l'obligation imposée par l'art. 546 de faire déclarer exécutoires les jugements rendus en pays étranger?

Ou, plus particulièrement, cette obligation

consiste-t-elle seulement à rendre une simple ordonnance d'EXEQUATUR ou PAREATIS? Son accomplissement ne s'étendil pas, au contraire, à REVISER le jugement étranger, ou, EN D'AUTRES TERMES, à rendre un jugement nouveau (2)?

Quant aux actes dressés en pays étranger devant des officiers publics, il n'est pas dou

mission du juge belge entre les mains d'un regnicole, sur deniers appartenant à l'étranger, défendeur, peut être demandée aux tribunaux du pays. (Brux., 16 janv. 1839; J. de B., 1839, p. 100.-V. dans ce sens, Brux., 18 nov. 1855; Jur. de B., 1836, p. 181, et 1836, 2o, p. 374.. aussi Bull., 1834, p. 128, et J. de B., 1834, p. 436.)

Le mode d'exécution par voie de saisie-arrêt peut être employé aussi bien contre les établissements publics, tels que les hospices, que contre les particuliers. (Brux., 13 mai 1830; J. de B., 1850, 20, p. 34.) Mais quant aux communes, voy. par analogie un arrêt du 9 mai 1837; J. de B., 1858, p. 48.)]

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teux qu'ils font foi de leur contenu, s'ils sont 27 août 1816 (Sirey, t. 16, 2, p. 369), qui verevêtus des formes prescrites dans les lieux où nait de juger le contraire, en décidant qu'il y ils ont été passés. C'est l'application de la avait lieu à révision dans le second cas comme maxime locus regit actum; mais ils ne peu- dans le premier, nous avions persisté dans vent être exécutés forcément qu'après apposi- notre opinion, n° 2693 de notre Traité et tion de la formule royale, puisque aucune Questions; mais l'arrêt précité de la cour de exécution ne peut, comme nous l'avons dit, Paris ayant été, après mûre délibération, conêtre faite qu'au nom du souverain, en vertu firmé par la cour suprême, le 19 avril 1819, on d'un mandement exprès ou tacite (voy. le com- doit regarder la jurisprudence comme irrévomentaire sur l'art. 545, p. 525 et 326, et Ro- | cablement fixée, et, en conséquence, admettre dier, t. 5, p. 523); formule dont l'apposition que tous les jugements rendus en pays étranne suffisait pas cependant, d'après l'art. 2128, ger, sans exception (2), ne peuvent avoir d'exéC. civ., pour valider une inscription hypothécution en France qu'après avoir été rendus caire prise en vertu du contrat. Il nous semble exécutoires en connaissance de cause, par un que la formule doit être apposée par le prési- | tribunal français, devant lequel il faut de noudent du tribunal dans l'arrondissement duquel veau déduire et débattre les raisons sur lesle contrat doit être exécuté (1). quelles l'action est fondée; en sorte qu'il est vrai de dire que ce tribunal remplit, en quelque sorte, les fonctions d'un juge d'appel (5).

[La jurisprudence, que Carré semblait considérer comme fixée par l'arrêt de cass. du 19 avril 1819, présente encore dans le même sens trois arrêts d'Aix, le pourvoi fut rejeté le 21 juillet 1825; de Montpellier, 8 mars 1822, et de Nimes, 14 août 1829; mais la cour de Paris, le 7 janv. 1833, a paru admettre des principes contraires à sa première jurisprudence et conformes à celle que la cour de cas

Il n'en est pas de même quant aux jugements; ils doivent être déclarés exécutoires par un tribunal français. Or, disions-nous dans notre Analyse, Quest. 1737, d'après les autorités les plus respectables, et par argumentation de ce que la cour suprême avait décidé sous l'empire de l'ordonnance de 1629, vulgairement connue sous le titre de Code Michaud : « Si le jugement a été rendu hors de » France contre un sujet du roi, en faveur » d'un étranger, le premier aura la faculté de » débattre de nouveau, devant le tribunal fran-sation avait adoptée, le 7 janv. 1806, pour l'açais, l'action jugée à l'étranger, et il le » pourra encore bien qu'il eût introduit lui» même cette action ou qu'il eût été condamné » sur une demande reconventionnelle de son » adversaire. » Au contraire, l'étranger contre qui on veut exécuter, en France, un jugement rendu en pays étrangers, ne peut demander la révision ni s'opposer à ce que le tribunal çais rende un simple pareatis, c'est-à-dire une simple ordonnance d'exécution. Nonobstant un arrêt de la cour de Paris, du

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bandonner à son tour, en 1819, et si Grenier, Hypothèques, no 208; Toullier, t. 10, no 76; Favard, t. 2, p. 473, et Troplong, Hypoth., n° 451, ainsi que Grappe, Darieux, Tripier et Billecocq, dans une consultation sur l'affaire Nolker, ont attribué le droit de révision aux tribunaux français; si Merlin, Quest., vo Jufran-gement, § 14, est revenu à cette doctrine, qu'il avait d'abord combattue dans son Rép., vis Jugement, § 8, et Souveraineté, § 6, l'o pinion contraire se prévaut de l'autorité de

(1) Si tout acte d'exécution fait en France par un étranger, en vertu d'un acte passé hors de France, et non rendu exécutoire par un tribunal français, est de nul effet (Rouen, 11 jauv, 1817; Sirey, t. 17, p. 89), il en est autrement des mêmes actes faits en pays étranger, en vertu d'un jugement rendu par un tribunal français ou d'un titre passé en France, comme l'a décidé un arrêt de la cour de cassation du 14 fév. 1810, cité par Delvincourt, t. 1, p. 94, en déclarant qu'une saisie-arrêt faite dans l'étranger avait pu empêcher en France la compensation.

(2) Cette jurisprudence se rapproche, sans cependant y être conforme, de la doctrine que professe le savant auteur du Traité des Institutions judiciaires, Meyer. Il est, dit-il, plus d'un pays dans lequel les jugements rendus hors du territoire ne sont obliga»toires qu'envers les étrangers, et où les citoyens ont » le droit de débattre de nouveau leurs droits devant les juges de leur pays, nonobstant la sentence obte» nue. Cette jalousie de pouvoir mal entendue est au» dessous de l'état actuel de la civilisation européenne, » et ce serait un objet digne de l'attention d'un congrès » général de fixer invariablement les règles de la com» pétence entre les divers pays, ainsi que d'assurer

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» partout l'effet d'un jugement légalement et compé» temment rendu. Mais une pareille mesure n'empécherait pas la nécessité d'une ordonnance d'exécution, » ou de joindre d'une manière quelconque au jugement » étranger le mandement dont il a besoin pour devenir ⚫ exécutoire. »>

On voit que notre jurisprudence actuelle diffère de l'opinion de l'estimable publiciste, en ce qu'il n'admettrait point un nouveau débat, mais qu'elle s'en éloigne moins que l'ancienne, en ne faisant point de distinction à cet égard entre le jugement obtenu hors de France contre un Français par un étranger, ou contre un étranger en faveur d'un Français.

(3) Voy., pour les développements donnés à cette solution, Toullier, t. 10, p. 125, 140, et remarquez qu'il admet comme ayant force probante en France tous les actes d'instruction, comme tous les actes extrajudiciaires réguliers, suivant les lois du pays. C'est aussi notre opinion, à l'exception des jugements pour lesquels la loi fait exception. On doit, en effet, appliquer dans toute son étendue la maxime locus regit actum, à moins toutefois que l'acte n'eût un objet ou ne contint une clause que nos lois prohiberaient d'une manière formelle.

Henrion, Rec. de jurisp.; de Maleville, Ana- | lyse raisonnée, sur l'art. 2123; de Pigeau, t. 2, part. 5, tit. III, in pr.; de Berriat, de la Requête civile, § 2; de Dalloz, t. 4, p. 84; de Duranton, t. 19, no 342; de Persil, Comm. sur l'art. 2125, et des éloquentes plaidoiries de Dupin (aff. Stacpolle, Annales du barreau, t. 5, p. 384) et d'Hennequin (aff. Wolker, Annales de l'éloquence, juin 1826, p. 55 et suiv.) (1).

Tant de contradictions dans la doctrine, tant de fluctuations dans la jurisprudence attestent que la difficulté n'est pas entièrement résolue, et nécessitent de notre part un nouvel examen, dans lequel nous tâcherons de ne laisser aucune objection sans réponse. Remarquons d'abord qu'il est impossible d'admettre d'une manière absolue, que les jugements rendus à l'étranger soient exécutoires en France sans révision, et qu'un simple pareatis soit, dans tous les cas, une consécration suffisante du droit de souveraineté ; c'est ce que les partisans mêmes de cette opinion sont obligés de reconnaître.

Ainsi une jurisprudence constante, fortifiée d'ailleurs par le texte formel de l'ordonnance de 1629, art. 121, dont on s'accorde en général à considérer les dispositions comme etant encore en vigueur (voy. cass., 27 août 1812 et 16 juin 1840; Merlin, Quest., vo Jugement, p. 17. et Walker, Anciennes lois et ord., t.1, p. 176), et à laquelle se réfèrent évidemment les art. 2123 et 2128 du Code civil; cette jurisprudence, disions-nous, atteste que, tant sous l'ancienne que depuis la nouvelle législation, les Français contre lesquels un jugement a été rendu, à l'étranger, ont eu le droit en France d'en demander la révision, lorsque l'exécution en était poursuivie contre eux. Il suffit de citer l'arrêt de cassation du 27 août 1812, et deux autres arrêts de Colmar, 13 janv. 1815, et de Toulouse, 27 déc. 1819 (Sirey, t. 20, p. 312; Dalloz, t. 14, p. 247), à l'appui de cette opinion, aujourd'hui universellement admise. La cour de cassation, 18 pluv. an XII (voy. Merlin, ib., § 14, et ses conclusions), l'a déclarée applicable, lors même que le jugement a été rendu en matière commerciale, où une suite de considérations particulières semblent protéger toute décision judiciaire généralement quelconque ; et cette doctrine ne fait plus au

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jourd'hui de difficulté, nonobstant un arrêt isolé d'Orléans du 7 fév. 1817.

D'autre part, le jugement eût-il été prononcé entre ou contre étrangers, il est certain que si les lois en vertu desquelles il a été rendu sont contraires aux principes d'ordre public établis en France, l'exécution ne saurait en ètre ordonnée par les tribunaux Français; car il serait absurde d'attacher le nom du souverain à des actes qui contrarieraient les lois qu'il a la volonté de faire observer, comme l'ont décidé avec raison les cours de cassation, 14 juill. 1825, et de Grenoble, 9 janv. 1826 (Sirey, t. 26, p. 578, et t. 27, p. 56). En second lieu, il faut remarquer que le jugement dont on demande l'exécution, en France, doit réunir toutes les conditions qui le rendent valable et définitif dans le pays où il a été rendu, car il ne serait pas moins étrange qu'un acte produisît, en France, les effets dont il est dépourvu dans le lieu de sa confection, et c'est encore un point qui n'est nullement contesté.

Ainsi, révision de tout jugement rendu à l'étranger, par cela seul qu'il a condamné un Français; révision de tout jugement rendu entre ou contre étrangers pour apprécier d'abord s'il est conforme à nos lois d'ordre public, et ensuite s'il est de nature à être exécuté sans obstacle au lieu de la condamnation; telles sont les modifications nécessaires au principe de l'exécution sans examen, et admises mème par ses défenseurs les plus pro

noncés.

Mais une fois ces conditions réunies, et c'est là que commence la difficulté, tout autre contrôle qui porterait sur le fond de l'affaire est-il inutile et mème attentatoire à l'indépendance respective des nations et aux principes du droit des gens, comme on le soutient d'une part; ou doit-il être considéré comme l'indispensable règle de l'exécution en France, comme on le prétend de l'autre? C'est ce qui nous reste à examiner.

Pour que le premier système fût vrai, il faudrait, selon nous, que le jugement liat ceux dont il tranche la contestation, en quelque lieu qu'ils se trouvassent; que la partie condamnée qui peut échapper à l'empire de son souverain et des lois de son pays, ne pût échapper aux effets d'une sentence rendue en vertu de ces

(1) [Notre travail était à l'impression lorsque nous avons reçu deux nouveaux documents, que nous nous reprocherions de ne pas mentionner; l'un émane d'Ancelot, docteur en droit, avocat à Moulins, qui, sous le titre d'Etudes juridiques sur la théorie des statuls, a donné dans la Presse judiciaire de Riom une série d'articles remarquables; il examine notre question dans le no 167, 5 fév. 1842. L'autre est l'œuvre de notre honorable et savant ami Fœlix, fondateur de la Revue étrangère, t. 9, p. 292. Dans l'article que nous

avons sous les yeux, on trouvera analysées avec le plus grand soin, non-seulement toutes les législations étrangères, mais encore l'opinion des jurisconsultes allemands les plus célèbres; Fœlix émet le vœu que, dans des considérations d'utilité et de convenance réciproques, ob reciprocam utilitatem, la jurisprudence et la législation françaises adoptent à ce sujet la doctrine allemande, contraire à celle généralement admise dans notre pays.]

LIV. V.

lois, et exécutée au nom de ce souverain; ce qui nous paraît complétement inadmissible.

Le lien de droit est de deux natures : ou bien il provient du consentement libre et spontané des parties; ou bien, si la mauvaise foi rend impossible le concours des volontés, il est formé par les tribunaux en vertu de l'autorité que leur dispense le gouvernement du pays. Dans le premier cas, le lien formé par les parties elles-mêmes, et résidant en quelque sorte en elles-mêmes, les suit et les enchaîne en tous lieux, par cela seul que l'obligation de tenir ses engagements est de tous les pays comme de toutes les époques, sauf en ce qui concerne les formes de constatation et les effets divers attachés à ces formes par les législations particulières. Mais dans le second cas, il n'en est plus de même : le lien de droit n'est plus volontaire mais forcé; il repose tout entier en l'autorité de ceux qui l'ont établi, d'où il suit évidemment que là où cette autorité cesse il tombe aussi, et que l'exécution, qui n'est qu'une conséquence nécessaire du droit de juger, ne saurait être obligatoire en dehors du territoire où s'exerce l'influence du juge

ment.

Tous les textes de loi sont conformes à cette doctrine citons d'abord l'art. 121 de l'ord. de 1629.

« Les jugements rendus, contrats ou obligations reçus en royaumes et souverainetés étrangers, pour quelque cause que ce soit, n'auront aucune exécution en notre royaume; ainsi tiendront les contrats lieu de simples promesses, et, nonobstant les jugements, nos sujets contre lesquels ils auront été rendus, pourront de nouveau débattre leurs droits comme entiers par-devant nos officiers.»

Rien de plus positif que cette disposition: les jugements et actes n'auront aucune exécution en notre royaume; comment dire plus clairement qu'ils y seront comme non avenus? | Mais une distinction que nous signalions tout à l'heure est indispensable; les contrats reposent sur le consentement des parties, ils vaudront par conséquent comme simples promesses, mais que vaudront les jugements où le consentement n'existe pas? évidemment rien. La loi a tiré de son principe la même conséquence les droits précédemment débattus, le seront de nouveau comme entiers. A la vérité, elle parle uniquement des Français; le motif en est simple, elle était faite pour eux; en résulte-t-il que les étrangers soient exclus de sa disposition? Mais pourquoi alors s'exprimer

au commencement de l'article d'une manière si générale? Pourquoi ne pas faire de distinction en ce qui concerne les contrats, où la raison de distinguer serait la même. Une tour. nure de phrase un peu équivoque ne détruit pas des vérités aussi manifestes. C'est pourtant ce qu'avait généralement admis l'ancienne jurisprudence: mais les considérations sur lesquelles elle se fondait ne sont plus d'aucune importance aujourd'hui, ou ne doivent en avoir que pour la faire rejeter (1).

Reste donc le texte de l'ordonnance, auquel sont venues s'adjoindre les dispositions des art. 2125 et 2128 du Code civil, dont le premier rend les jugements étrangers non susceptibles de produire hypothèque, tant qu'ils n'auront pas été déclarés exécutoires par les tribunaux français, et dont le second prive absolument de cet effet les contrats passés à l'étranger, auxquels l'ordonnance de 1629 donnait le titre de simples promesses; et enfin, l'art. 546 du Code de procédure, qui ne permet l'exécution de ces jugements et actes que de la manière et dans les cas prévus par les art. 2125 et 2128.

On a bien cherché à attribuer à ces dispositions un sens qu'elles ne comportent pas; la loi, ont dit Dupin et Duranton, loco citato, par cela même qu'elle exige que les jugements étrangers soient rendus exécutoires, défend de les reviser. Discuter de nouveau l'affaire, ce n'est point rendre exécutoire le jugement, c'est l'annuler et lui en substituer un nou

veau.

Il est surprenant que des esprits si distingués aient pu se prendre à une subtilité semblable; car pour que ce raisonnement fût plausible, il faudrait 1 que la révision eût pour effet d'annuler le jugement; 2° que le jugement eût en France, de plein droit, force et autorité : deux propositions qui sont également inexactes.

Le jugement n'est pas, par sa révision, annulé à l'étranger, où il subsiste avec tous ses effets et toute l'autorité qu'il lui est permis d'avoir, où il sera exécuté sur les biens du condamné, s'il en a, sur sa personne, s'il s'y trouve; où enfin les modifications et réductions opérées par le tribunal français n'auront aucune influence, comme l'a justement décidé la cour de Paris, 28 janv. 1837 (Devilleneuve, t. 37, 2o, p. 175). Il n'est pas non plus annulé en France, par la raison bien simple qu'il y était comme non avenu, l'autorité des juges étrangers expirant sur les limites de leur territoire; ce n'est pas à dire toutefois que, nul comme jugement, c'est-à-dire comme émana

(1) [Il est bon de remarquer, du reste, que le pa- lettres revêtues du grand sceau, c'est-à-dire par un reatis, en vertu duquel se poursuivait l'exécution d'un fait de l'autorité immédiate du roi, ce qui prouve l'imjugement étranger, était, non pas accordé par les tri-portance attachée à ces actes.] bunaux ordinaires, mais délivré en chancellerie par

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