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tion de la puissance souveraine, il doive l'ètre comme acte, puisqu'il n'en est pas de plus authentique ni de plus solennel; en cette qualité, il sera pris en grande considération par les juges français, il servira en général de fondement à leur décision: il vaudra même comme preuve des énonciations qu'il renferme, comme l'a décidé la cour de cass., le 21 juill. 1823, et c'est avec raison que la cour de Bordeaux, 10 fév. 1824 (Sirey, t. 24, p. 119; Dalloz, t. 12, p. 237;-voy. sur ce point, un mémoire de Fœlix; Devilleneuve, t. 36, 2, p. 72), l'a admis pour fixer l'époque d'une faillite, eod. loc.; enfin, le tribunal pourra, après révision, l'adopter dans son entier et sans aucune modification (1).

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der la révision du jugement rendu contre lui? Mais à cette théorie, combattue par Toullier, loco citato, et sur la fausseté de laquelle nous n'insistons pas, on en a substitué une autre qui justifie la distinction, quant au droit de révision entre les Français et les étrangers. Ces derniers, dit un jugement du tribunal de la Seine, 16 juin 1851, sont justiciables de leurs tribunaux et ne peuvent se soustraire à leur autorité; le lien de droit naît, sinon de leur consentement, comme en matière de contrats, aù moins de leur qualité. En admettant cé principe, il en résulterait que le Français qui aurait obtenu gain de cause à l'étranger ne pourrait, en France, demander l'exécution sans révision; et c'est aussi ce qu'a décidé la cour de Poitiers, 8 prair. an XI (Sirey, t. 6, p. 40; Dalloz, t. 12, p. 126). Mais sans insister sur la bizarrerie d'une doctrine qui accorde à un étranger, en France, un droit qu'elle refuse à un Français, nous demanderons à quoi bon, si on l'adopte, vérifier si les principes d'ordre public sur lesquels est fondée cette décision sont conformes à ceux du droit français, et qu'importent les prescriptions de ce der

dre n'est pas assujetti? Cette simple considération démontre assez, ce nous semble, la futilité d'un système dans lequel on fait intervenir, il est vrai, le contrat social, mais c'est un peu trop abuser des fictions que de soumettre une partie à une loi, à une souveraineté dont elle a fui l'empire, et de l'assujettir, même après l'expatriation, à un jugement qui la condamne sous prétexte qu'elle était soumise en naissant aux lois de sa nation.

Ces arguments sont donc sans portée, et les termes de l'art. 2123 laissent seulement à dé- | cider la question de savoir comment un jugement étranger doit être rendu exécutoire, si c'est par un simple pareatis, ou par une révision; or, indépendamment des raisons déjà données, la volonté du législateur apparaît bien manifestement. 1o Il ne s'agit pas ici d'un simple exécutoire délivré par le président du tribunal, comme en matière arbitrale, et taxati-nier, auquel l'étranger qu'il s'agit de contrainvement à raison des sentences de cette nature; c'est le tribunal tout entier qui décide: c'est un jugement qu'exige la loi; 2o ce n'est pas un jugement sans contrôle; les termes mêmes de l'article supposent que les tribunaux peuvent admettre ou rejeter; les partisans de l'opinion que nous combattons ne disputent que sur les points où portera l'examen; mais ils l'admettent dans les cas si importants dont nous avons parlé plus haut, et qui transformeraient le tribunal en véritable cour de cassation, ainsi qu'on l'a déjà remarqué; 3° enfin, l'art. 2123 ne distingue nullement entre la qualité des parties contre lesquelles le jugement a été rendu, d'où il suit que s'il n'avait entendu exiger qu'un simple pareatis, sans examen, le Français ne serait pas plus en droit de réclamer la révision que l'étranger, et puisqu'il est unanimement reconnu que ce droit lui appartient, on ne saurait le refuser à l'étranger qui le réclame au même titre et par des raisons identiques; ainsi achève de se révéler la pensée du législateur.

Les principes sur lesquels se fonde l'opinion opposée sont contradictoires et erronés: on disait sous l'ancienne jurisprudence que la maxime res judicata pro veritate habetur était du droit des gens. (Bourjon, sur l'art. 165, et la coutume de Paris, sect. 5.) Si cela était vrai, comment le Français aurait-il pu deman

Examinons les objections principales qui ne nous paraissent pas plus fondées que les théories.

Permettre, a dit Pigeau, loco citato, aux tribunaux français de reviser les jugements étrangers, c'est empiéter sur l'indépendance et la souveraineté respectives des États; nous avons, par avance, répondu à ce raisonnement, qui suppose le jugement revêtu en France de toute son efficacité: aussi notre réponse est-elle bien facile. On n'empiète que sur un pouvoir; or, quel est le pouvoir, à Paris, d'un juge de SaintPétersbourg? C'est la nécessité d'exécuter sa décision qui serait de la part de ce dernier, un véritable empiétement.

Mais, ajoute-t-on, quel inconvénient va résulter du droit de révision? L'instance devra être engagée de nouveau devant les tribunaux français; mais ceux-ci étant incompétents pour connaitre des contestations entre étrangers,

(1) Il est bien évident, ainsi que l'a jugé la cour de Paris, le 14 juill. 1809 (Sirey, t. 12, p. 359; Dalloz, t. 12, p. 150), qu'une action nouvelle ne peut pas être CARRÉ, PROCÉDURE civile.-TOME IV.

intentée en France par celui qui, ayant succombé en pays étranger, a exécuté la décision.]

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comme l'admet une jurisprudence unanime, le | condamné pourra se refuser à comparaître, et l'impunité lui est assurée.

Il serait facile de répondre que le même inconvénient subsiste dans le système contraire, qui exige un examen du jugement dans sa forme, examen difficile, et auquel, selon Pigeau lui-même, loco citato, la partie contre laquelle est réclamée l'exécution doit nécessairement être appelée; mais il faut aller au fond des choses.

naitre ; mais cette décision, admissible peutêtre si l'exécution n'était dans tous les cas qu'une simple formalité, répugne aux principes sur lesquels repose notre solution, car la révision suppose une instance avec tous ses développements et tous ses effets; ainsi, dans ce cas, nous le reconnaissons, le jugement étranger pourra ne pas recevoir son exécution: mais où est le mal? La partie qui a obtenu gain de cause n'a-t-elle pas contre son adversaire, dans leur patrie commune, un titre efficace? N'y peut-elle pas exécuter la condamnation sur tous ses biens? s'il lui a soustrait sa personne, il ne faut pas oublier que c'est au prix de l'expatriation; la position ne seraitelle pas identique dans le cas même où il s'agirait des effets d'un contrat volontaire authen

Il est très-vrai que les tribunaux français ne connaissent point des contestations entre étrangers, mais il en est autrement à raison des contestations immobilières (art. 3, C. civ.) ou commerciales; quant à celles-ci, point de doute que les tribunaux français ne soient compétents pour les juger, et, à plus forte raison, pour❘tique? reviser les jugements rendus (voy. notre Quest. 1900 bis); or, c'est précisément en ces matières qu'il y aurait inconvénient à ce que les décisions judiciaires ne pussent être exécutées. Restent donc les actions purement personnelles entre parties également étrangères en France. La cour de Paris, 17 mai 1836, a pensé qu'une demande en exécution d'un jugement, rendu sur une action de cette nature, ne devait pas être assimilée à une instance afin d'obtenir jugement, et que, par conséquent, les tribunaux français étaient compétents pour en con

En résumé, les tribunaux français doivent examiner et vérifier les jugements Etrangers dont on leur demande l'exécution. C'est nonseulement leur droit, mais encore leur devoir; quelques restrictions seulement doivent être admises à ce principe :

1o Lorsque le jugement a été rendu par les tribunaux d'une partie du territoire occupée temporairement par les étrangers, et qui, par le fait de la guerre et des traités, n'a pas cessé d'ètre française. (V. cass., 6 avril 1826; Sirey, t. 26, p. 383) (1). Quant aux décisions rendues

(1) [Dans une consultation du 16 juin 1821, Carré a décidé qu'un acte notarié, reçu pendant l'occupation anglaise à l'ile Bourbon, avait force exécutoire en France. Voici les motifs de notre savant maître :

« Le conseil soussigné, qui a pris lecture d'un acte passé devant notaires à l'ile Bourbon, le 8 août 1812, et d'un mémoire à consulter par le sieur Thomas Bouvet;

» Consulté sur la question de savoir si cet acte peut recevoir exécution en France, est d'avis des résolutions suivantes :

» Si cet acte avait été passé en France, il est certain qu'il ne serait susceptible d'exécution qu'autant que la formule exécutoire y aurait été apposée; ainsi, en considérant l'ile Bourbon comme colouie française, même pendant le temps de l'invasion, le sieur Bouvet aurait à faire revêtir cet acte de la formule exécutoire.

Mais doit-on penser que, malgré la prise de possession des Anglais, l'ile Bourbon n'ait pas discontinué d'être colonie française?

» Le fait seul de l'invasion par une puissance ennemie a dû nécessairement apporter de grands changements, sinon dans la législation, au moins dans les usages du pays; l'ile, une fois envahie, ne pourrait donc prétendre à tous le priviléges dont elle aurait eu le droit de jouir en qualité de colonie française.

» La raison en est que les officiers publics, tels que les notaires, par exemple, étaient sans doute assujettis à un serment d'allégeance envers le prince étranger; que la justice ne s'y rendait plus au nom du gouverne ment français; que les actes de l'autorité publique étaient revêtus du timbre d'une puissance étrangère.

» Ces actes donc n'auraient pu avoir alors exécution en France, parce que l'officier public qui les eût reçus

n'aurait pas eu caractère pour instrumenter sur le territoire français.

Mais pourrait-on alors réclamer l'application de l'art. 2128 du Code civil, et obtenir un jugement en France, pour y faire reconnattre la validité de l'acte passé en pays étranger?

» Cette question, dans l'opinion du conseil, doit être résolue négativement.

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Et, en effet, l'art. 2128 ne donne aux contrats passés sous une juridiction étrangère exécutioù forcée en France, qu'autant que les dispositions des lois politiques ou des traités leur attribuent cet effet.

Cet article, comme l'art. 546 du Code de proc. civ., regarde comme non avenus, en France, les actes relativement auxquels les lois politiques ou les traités n'ont rien statué. En vain prétendrait-on qu'on peut les faire déclarer exécutoires par un jugement: la loi est muette sur ce point, et son silence ne permettrait pas d'appliquer aux simples actes ce qu'elle n'a décidé que relativement aux jugements dans l'art. 2123.

» Ainsi, elle a traité avec moins de rigueur les actes émanés des tribunaux étrangers que ceux qui sont rapportés par des officiers publics, tels que les notaires : ceux-ci ne peuvent être exécutés en France, que lorsque les traités ou les lois politiques l'ont permis.

» Les jugements, au contraire, peuvent obtenir force exécutoire dans ces deux cas, et de plus lorsqu'ils ont été déclarés tels par un tribunal français; encore fautil qu'alors les juges français discutent de nouveau le fond de l'affaire qui est entièrement débattue comme s'il n'y avait pas eu de premier jugement.

» Le conseil estime donc que la marche à suivre n'est pas de faire déclarer l'acte qui lui est présenté, exécutoire par un tribunal français.

» L'ile Bourbon a été soumise à la puissance anglaise

par des tribunaux français, réunis postérieurement à une autre nation, ils sont toujours exécutoires en France, quoique la cour de Paris ait décidé le contraire le 20 mars 1817 (Sirey, t. 18, p. 172; Dalloz, t. 12, p. 117). Notre opinion est conforme à celle de Grenier, Hypoth., t. 1, no 221, et de Troplong, Hypoth., n° 458. L'arrêt de la cour d'Aix du 18 avril 1825 (Devilleneuve, t. 57, 2o, p. 174) ne peut nous être opposé, parce que le jugement d'Anvers, rendu en 1812, avait été soumis à la cour d'appel de Bruxelles en 1821, par conséquent, à une époque où avait déjà eu lieu la distraction du territoire.

2o Lorsque le jugement n'a été rendu à l'étranger qu'en exécution d'une décision judiciaire émanée des tribunaux de France (cass., 30 juill. 1810; Sirey, t. 11, p. 91; Dalloz, 1.25, p. 323.)

5° Enfin, lorsque des traités diplomatiques réciproques ont autrement statué (2123 et 2128, in fine); mais il faut remarquer que, même dans ce cas, l'exécution d'un jugement, contraire aux principes de morale publique, devrait être refusée. Le 14 juill. 1825 (Sirey,

t. 26, p. 578), la cour de cassation a rendu un arrêt utile à consulter.]

[1899 bis. Quel est, en France, l'effet d'une loi ou d'un jugement étrangers réglant l'état ou la capacité civile de personnes étrangères?

Sous la question précédente nous nous sommes attaché à déterminer l'effet des jugements étrangers, rendus sur contestations ordinaires; la difficulté, en ce qui concerne les lois de statut personnel, semble devoir être résolue par des principes différents. Si, en vertu de l'article 3, C. civ., les lois concernant l'état et la capacité des personnes suivent les Français même à l'étranger, il n'y a pas de raison pour que la réciproque ne soit pas admise à l'égard de l'étranger résidant en France. Cette doctrine, qui est celle de Merlin, Répert., vo Lời, · § 6, a été consacrée par la cour de Paris, 13 juin 1814; toutefois la même cour, 16 janv. 1836 (Devilleneuve, t. 56, 2°, p. 70), a décidé avec raison qu'elle n'était pas applicable à des actes politiques dont les effets ne sont pas réglés par le droit civil. Le tribunal de la Seine (De

par le seul fait de l'invasion; et, comme on n'en peut douter, elle était réunie aux possessions de l'Angleterre, lors de la passation du contrat; si elle leur appartenait encore aujourd'hui, il n'y aurait d'autre moyen, pour faire déclarer l'acte exécutoire que de recourir aux lois politiques ou aux traités ; et si ceuxci ne statuaient rien sur la question, l'acte n'aurait aucune exécution en France.

Mais il est une autre raison de décider, la seule peut-être que le sieur Bouvet puisse invoquer en sa faveur; c'est que l'ile Bourbon ayant été restituée aux Français, tous les droits attachés à la qualité de colonie française,commençant à revivre pour les habitants, etc., sont par l'effet du droit de postliminie, censés n'avoir jamais cessé d'exister.

» Les personnes retournent, les choses se recouvrent » par le droit de postliminie, dit Vattel, Traité du » droit des gens, ch. 24, liv. III, lorsqu'ayant été >> prises par l'ennemi, elles retombent sous la puissance » de leur nation... »

» Les provinces, les villes et les terres que l'ennemi rend par le traité de paix jouissent sans doute du droit de postliminie, car le souverain doit les rétablir dans leur premier état, dès qu'elles retournent en sa puissance, de quelque façon qu'il les recouvre.

» Quand l'ennemi rend une ville, à la paix, il renonce au droit que les armes lui avaient acquis, c'est comme s'il ne l'avait jamais prise ; il n'y a là aucune raison qui puisse dispenser le souverain qui la recouvre de la remettre dans ses droits, dans son premier état.

» Le gouvernement français a donc dû retablir l'ile Bourbon dans tous ses droits comme si l'ennemi ne l'avait jamais prise.

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» Mais aussi, si l'île n'avait pas été soumise momentanément à la domination anglaise, les actes qui y auraient été reçus seraient revêtus de la formule exécutoire et du timbre du gouvernement français ; il faudra donc que l'acte de vente consenti au sieur Bouvet soit soumis à un nouveau timbre et à un nouvel enregistrement, comme le serait un acte passé dans une colonie française. (Argument de l'arrêt de cass., 7 déc. 1807; Sirey, t. 8, 1er, p. 1.)

Il sera nécessaire en outre de le faire revêtir de la formule exécutoire, et, pour cela, il conviendra de le déposer chez un notaire qui remplira les formalités voulues par l'art. 3 de l'ordonn. du 50 août 1815.

Si le notaire refuse, on le fera sommer en vertu d'ordonnance du président du tribunal auquel on présentera requête à cet effet.

» Le conseil se croit bien fondé à croire que cette marche est la plus sûre et la seule à suivre.

» On ne saurait penser avec fondement que la légalisation de la signature des notaires dût imprimer à l'acte la force d'une formule exécutoire. Cette légalisation, en effet, atteste uniquement que les notaires qui ont reçu l'acte avaient qualité pour le recevoir.

Or cette qualité ne suffit pas, il faut de toute nécessité la formule exécutoire, telle qu'elle est exigée par l'ordonnance du roi du 30 août 1815.

» On objecterait peut-être que l'acte dont il s'agit ayant été reçu par deux notaires, qui avaient juré obéissance à un nouveau souverain, ne pourrait être regardé comme valable en France, puisque les actes reçus par des officiers publics français qui n'ont point prêté le serment voulu par les lois ne peuvent être d'aucune authenticité.

» Mais cette objection, en partie détruite par les ob

» Or, si cette colonie n'avait jamais subi le joug de l'ennemi, les actes passés devant les notaires de l'ile,servations qui précèdent, vient nécessairement échouer

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pourra-t-elle, en France, étre poursuivie devant les tribunaux de commerce?

La cour de Bordeaux, 25 fév. 1856, a refusé ces tribunaux le droit de connaître des contestations nées sur l'exécution de semblables jugements, parce que ces débats pourraient soulever des questions de droit public et de souveraineté étrangères à leur juridiction, et que, d'ailleurs, ils sont relatifs à la matière de l'exécution des jugements, dont les tribunaux de commerce ne peuvent connaître, même en ce qui concerne leurs propres sentences. La première de ces deux raisons tombe devant cette considération que nous supposons un France, serait rentré dans la compétence des débat qui, soulevé pour la première fois en

villeneuve, eod. loco), avait paru vouloir établir une autre distinction entre le statut qui affecte d'une manière perpétuelle, ou simplement temporaire, les personnes qui lui sont soumises, et assujettir ce dernier à la révision à des tribunaux français; mais c'est là une distinction arbitraire, et que la cour s'est bien gardée de reproduire; le statut, par cela seul qu'il est en vigueur, produit toujours les mêmes effets, quel que soit le temps de sa durée. Quant aux jugements réglant l'état et la capacité civile des personnes, la règle que nous avons admise sur la précédente question doit ici produire ses effets : l'art. 121 de l'ordonnance de 1629 ne distingue pas entre les diverses espèces de décisions émanées de juridictions étrangères; il semble même que la nécessité de la révision soit d'autant plus ri-juges consulaires; car, toute exception en degoureuse, dans ce cas, que les questions sont hors de la compétence des juges de commerce plus graves, et l'application des lois qui les devrait être renvoyée devant les juges civils, régissent plus délicate.]

1900. S'il s'agit d'une sentence arbitrale, le Français condamné a-t-il droit de débattre la matière jugée, ainsi qu'il le peut lorsqu'il s'agit de faire déclarer un jugement exécutoire ?

ainsi que nous le décidons en général, Question 1527. La seconde raison, présentée par notre honorable confrère Billequin, dans ses observations sur l'arrêt de Bordeaux précité, ne nous paraît pas mieux fondée, en présence des principes développés sous la question 1899; si, effectivement, l'exécution du jugement rendu à l'étranger suppose une discussion nouvelle et préalable au fond, il est évident que cette discussion ne peut avoir lieu que devant le tribunal de commerce; le tribunal civil serait même matériellement incompétent pour en connaître, sauf, si des difficultés s'élevaient ensuite sur l'exécution de la sentence, à les

La cour de Paris, par un arrêt du 16 déc. 1809, a décidé qu'une telle sentence appartenant au droit des gens, comme n'étant que la conséquence et le résultat d'une convention primitive et libre des parties, pouvait être exécutée en France, pourvu seulement qu'elle y fût déclarée exécutoire par un tribunal fran-porter devant les tribunaux civils, comme pour çais.

[La doctrine de Carré est parfaitement conforme aux principes que nous avons développés sous les questions précédentes. La force du jugement repose ici, en effet, sur la volonté des parties, comme celle d'une convention ordinaire, et la révision, de la part des tribunaux français, serait contraire à tous les principes de bonne foi et d'équité. Il en serait de` même, à plus forte raison, des jugements d'expédient rendus à l'étranger pour sanctionner un accord préexistant entre les parties; mais il en serait autrement, si la décision avait été rendue par un tiers arbitre délégué par le tribunal étranger, car ce fait imprime à sa décision un caractère judiciaire, qui le soumet à la révision des juges français, comme l'a avec raison décidé la cour de cassation, le 16 juin

1840.

Nous adopterions également la doctrine de cette cour, s'il s'agissait d'un jugement rendu par des arbitres forcés; voilà pourquoi nous avons cité sous la Quest. 1899, comme opposé à notre sentiment, l'arrêt de la cour de Paris du 7 janv. 1833.]

[1900 bis. La révision des jugements rendus à l'étranger, en matière commerciale,

toutes celles qui émanent de la même juridiction; notre avis a été admis par la cour de Montpellier, 8 mars 1822.]

1901. Les tribunaux français peuvent-ils déclarer exécutoire un acte fait en France par un étranger, qui a conservé son domicile dans les États du prince dont il est le sujet?

Tout acte fait en France par un étranger est régi par la loi française, suivant la maxime locus regit actum : ainsi nul motif pour faire déclarer exécutoire un acte fait dans un royaume par un étranger, comme il le faudrait si cet acte avait été passé hors de France; mais si l'acte dont il s'agit avait besoin, d'après la loi de France, d'être rendu exécutoire, même lorsqu'il serait fait par un Français, comme serait un testament olographe, le tribunal français ne pourrait le déclarer tel lorsqu'il émanerait d'un étranger, parce que la succession du testateur s'étant ouverte dans le lieu de son domicile, hors de France, son testament ne pourrait être réglé, quant à son exécution, que par les lois de son pays; or, les tribunaux français ne peuvent en aucune manière s'immiscer dans les opérations d'une succession

ouverte en pays étranger, et, par suite, dans l'exécution d'un testament fait en France par un étranger qui n'y a pas acquis domicile. (Paris, 22 juill. 1815; Sirey, t. 16, p. 298; Dalloz, t. 21, p. 467.)

[Cette décision nous paraît conforme aux véritables principes de la matière. ]

ART. 547. Les jugements rendus et les actes passés en France seront exécutoires dans tout le royaume, sans visa ni pareatis, encore que l'exécution ait lieu hors du ressort du tribunal par lequel les jugements ont été rendus, ou dans le territoire duquel les actes ont été passés.

Ord. de 1667, tit. XXVII, art. 6. Lois du 29 sept. 1791, tit. II, sect. 2, art. 15, et du 25 vent. an x1, art. 19 et 28. - Lois des 21 pluv. et 28 flor, an XII. [Locré, t. 10, p. 189, no 17, et p. 208, no 12.]

CCCCXXXVIII. D'après l'art. 6 du titre XXVII de l'ordonnance de 1667, les arrêts des cours souveraines, et, à plus forte raison, les sentences des tribunaux inférieurs, ne pouvaient être mis à exécution dans tout le royaume à moins d'un pareatis du grand sceau, et, à son défaut, à moins d'un pareatis en la chancellerie du parlement dans le ressort duquel il devait s'exécuter, ou de la permission du juge des lieux. C'était déjà un abus, un inconvénient grave qui n'était racheté par aucun avantage; mais la jalousie des cours souveraines ajoutait à cet abus; et, malgré la disposition formelle de l'ordonnance, l'exécution mème des décrets en matière criminelle était souvent empêchée, retardée, et quelquefois refusée.

Dans l'ordre de choses actuel, cette jalousie de pouvoir et de juridiction est anéantie; toutes les prétentions particulières se taisent devant la volonté de l'unique et souverain dépositaire de la force publique, et, d'après l'art. 547, tous les jugements rendus et tous les actes passés en France, sont exécutoires dans tout le royaume sans visa ni pareatis. (Exposé des motifs.) La société se trouve ainsi débarrassée des lenteurs et des obstacles qui gènaient en pure perte la marche des affaires, au moment où elles touchent à leur fin.

1902. Suffit-il, pour qu'un acte notarié puisse être mis à exécution, qu'il soit revélu de la formule exécutoire?

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département dans lequel réside le notaire qui a délivré la grosse de cet acte, il faut, en ce cas, qu'elle soit légalisée par le tribunal de l'arrondissement dans lequel ce notaire a sa résidence. Telle était la disposition de la loi du 29 sept. 1791, tit. II, sect. 2, art. 15. Telle est celle de l'art. 28 de la loi du 25 vent. anxi, dont la cour de Colmar, par arrêt du 26 mars 1808 (Sirey, t. 14, p. 584), a fait l'application, en déclarant nul un jugement qui avait ordonné l'exécution d'un contrat qui n'avait pas été légalisé (1).

Cependant, par arrêt du 10 juillet 1817, la cour de cassation a décidé le contraire, par le motif que la formalité de la légalisation n'est pas exigée à peine de nullité. (Sirey, t. 18, p. 584; Dalloz, t. 21, p. 108.) Toullier, t. 8, no 39, pense aussi que le défaut de légalisation ne doit point opérer la nullité de l'exécution, et nous nous rangeons d'autant plus volontiers à cette opinion que, par arrêt du 22 oct. 1812, cette cour a décidé, en thèse générale, que la légalisation d'un acte n'est pas constitutive de son authenticité, et n'en est que la preuve.

[L'opinion qu'adopte Carré a été encore sanctionnée par la cour de Poitiers, les 15 janv. et 19 mars 1822 (Dalloz, t. 24, p. 122), et implicitement soutenue par Merlin, dans le réquisitoire qui précéda l'arrêt de la cour de cas

sation du 22 oct. 1812.

«La légalisation, dit ce savant jurisconsulte, ne rend pas authentique l'acte qui l'est par lui-même; mais elle déclare, elle constate qu'il l'est réellement. Elle n'est destinée qu'à certifier la vérité de la signature de l'officier, qui avait pouvoir de conférer l'authenticité, aussi n'est-elle pas nécessaire dans les lieux où la signature est connue; aussi n'est-elle nécessaire, même dans les lieux où la signature peut n'être même dans les lieux où la signature peut n'être pas connue, que dans le cas où la vérité en est contestée ou révoquée en doute. » (Voy. aussi le même auteur, Répert., vo Légalisation.)

Il suit évidemment de là que la légalisation n'est point essentielle à l'acte, qu'elle constitue seulement une précaution accidentelle; que son absence ne peut donc être, en principe, une cause de nullité des poursuites exercées en vertu de l'acte non légalisé, comme l'enseigne aussi Thomine, no 601.

Il s'ensuit encore que cette nullité ne ressemble en aucune manière au visa ou pareatis qu'on exigeait autrefois pour l'exécution d'un acte, dans un ressort autre que celui où il avait été passé. Le défaut de ce pareatis con

Lorsque l'exécution doit avoir lieu hors du stituait une impossibilité d'exécution: le dé

(1) Il est à remarquer que cet arrêt a été rendu dans une espèce où la partie qui se prévalait de ce défaut de légalisation avait elle-même figuré dans l'acte notarié, et ne contestait ni la réalité ni la sincérité de l'obligation.

[D'après la loi du 25 ventôse, les actes reçus par les notaires qui résident au chef-lieu d'une cour royale peuvent, sans légalisation, être produits dans tout le ressort de cette cour; ceux des autres notaires, dans tout le département de leur résidence.]

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