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DISTINCTION PREMIÈRE.

Des voies d'exécution sur le mobilier, ou des diverses espèces de saisies mobilières.

TITRE VII.

DE LA SAISIE-ARRÊT OU OPPOSITION.

Le premier mode d'exécution forcée sur les meubles est la saisie-arrêt ou opposition, par laquelle un créancier met sous la main de la justice les effets, actions et crédits mobiliers de son débiteur existant entre les mains d'un tiers.

Elle a pour objet d'empêcher que ce tiers ne se dessaisisse de la somme ou de la chose qu'il doit, au préjudice du saisissant (1) qui, luimême, ne peut en disposer au préjudice des autres créanciers qui arrêteraient à leur tour.

Cette voie d'exécution était connue dans la France sous diverses dénominations, en Flandre, on l'appelait clain, en Bretagne, plegement, ailleurs banniment. Ce mot saisie-arrét et celui d'opposition avaient eux-mêmes une signification différente (2); mais aujourd'hui, << que l'on se serve de l'un ou de l'autre, ou » de tous les deux, avec la particule conjonc>>tive ou disjonctive, ce ne sera jamais que le » même acte qui sera toujours assujetti aux » mèmes formalités, et produira toujours les » mèmes effets. Ainsi, par exemple, les effets » que les art. 1247 et 1298, C. civ., attribuent » à la saisie-arrét appartiendraient de droit à » l'acte que l'on qualifiait opposition. » (Locré, t. 10, p. 136.)

L'ordonnance de 1667 gardait le silence sur

(1) C'est pour cela qu'on l'appelle saisie-arrêt ou opposition; ARRÊT, parce qu'on arrête la somme ou la chose entre les mains de celui qui la doit ou qui la détient; OPPOSITION, parce qu'on s'oppose à ce qu'il s'en dessaisisse avant que le juge ne l'ait ordonné.

(2) On appelait particulièrement saisie-arrêt la saisie apposée sur un objet spécifiquement désigné dans le procès-verbal, et on entendait par opposition la saisie qui frappait également sur tout ce qui se trouvait entre les mains du tiers saisi appartenant au débiteur du saisissant; d'où il résultait que le tiers, dans le cas de simple arrêt, n'était tenu de garder jusqu'à jugement que les seuls objets désignés, tandis que, par suite de l'opposition, rien, au contraire, de ce qui appartenait au débiteur, entre les mains du tiers, ne pouvait en sortir que par ordre de justice. Ces mêmes effets ont lieu aujourd'hui, quelle que soit la qualifi

le mode d'exécution des jugements et actes; il n'avait pour règle que des usages, des opinions incertaines et quelques arrêts des cours souveraines. En Bretagne, toutes les formalités qu'il exigeait consistaient dans un exploit et une assignation en justice pour ordonner que le payement fut fait au saisissant (3). C'est aussi la seule procédure qu'indiquât Rodier, si ce n'est qu'il exigeait commandement. (Instruction pour la poursuite des banniments de deniers, à la suite du titre XXXIII de l'ordonnance.)

Le Code de procédure a établi d'autres formalités et prescrit d'autres actes, afin de conserver plus sûrement et de concilier tant les intérêts des personnes qui sont parties dans la saisie que ceux des créanciers du saisi. Ses dispositions n'ont fait, au reste, que consacrer les règles que Pigeau avait établies dans sa Procéd. du Châtelet, t. 1, p. 651 et sui

vantes.

En dernière analyse, l'effet de toute saisiearrêt déclarée valable est, ou de faire payer au saisissant la somme dont le tiers saisi serait jugé débiteur envers le saisi, ou d'en opérer la distribution entre lui et les autres créanciers qui se seraient mis en mesure d'y prendre part, ou, s'il s'agit d'effets mobiliers, de les faire ven

cation de l'acte d'exécution, soit arrêt, soit opposition, suivant que l'on déclare dans le procès-verbal vouloir saisir un objet déterminé, ou, généralement, tout ce que le tiers devrait au tiers saisi, ou tout ce qui serait sous sa détention appartenant au saisi.

[Pigeau, Comm., t. 2, p. 154, fait observer qu'autrefois il y avait, entre la saisie-arrêt et l'opposition, cette différence qu'on prétendait qu'un titre exécuto:re était nécessaire pour la première et non pour la seconde, mais la procédure et les résultats étaient les mêmes. Voilà pourquoi le Code a confondu les deux dénominations.]

(5) On appelle saisissant le créancier à la requête duquel la saisie est faite; saisi, le débiteur direct de ce créancier, et tiers saisi, la personne qui doit la somme ou qui retient la chose arrêtée.

LIV. V. ·

dre, pour que le prix en soit également compté au saisissant, ou distribué comme nous venons de le dire. C'est ainsi que les actes et les jugements sont définitivement exécutés au moyen de cette saisie.

[Nous engageons nos lecteurs à consulter l'excellent Traité de la saisie-arrét, de Roger. Ce bon confrère, notre ancien collaborateur et notre ami, est mort bien jeune, et déjà il avait, dans ses travaux, déposé la preuve d'un profond savoir et d'un esprit très-judicieux; son ouvrage donne à la saisie-arrêt une physionomie importante; toutes les questions s'y trouvent examinées avec une consciencieuse exactitude.]

ART. 557. Tout créancier peut, en vertu de titres authentiques ou privés, saisirarrêter entre les mains d'un tiers les sommes et effets appartenant à son débiteur, ou s'opposer à leur remise (1).

publics, admettent-elles les formalités prescrites par le présent titre?

Non; le décret du 8 août 1807 prescrit des formalités particulières à ces saisies. Il consacre derechef le principe que l'abrogation prononcée par l'art. 1041, C. proc., ne s'étend point aux affaires qui intéressent le gouvernement, et c'est par le motif qu'il a toujours été nécessaire de se régir, pour ces sortes d'affaires, par des lois spéciales, que ce décret réunit et rappelle à exécution les dispositions des lois des 19 fév. 1792 et 30 mai 1793.

Mais, relativement aux saisies-arrêts et oppositions formées entre les mains des préposés de l'enregistrement et des domaines, il faut, outre les dispositions de ces deux lois, appliquer les règles posées dans le décret du 13 pluviôse an XIII, qui, lui-même, a été modifié, quant au département de la Seine, par celui du 28 flor, de la même année. (V. ces lois et ces décrets au Nouv. Rép., vo Saisies-arrêts, § 3, 11, p. 618.)

[F. les questions traitées sur l'art. 561.]

ART. 558. S'il n'y a pas de titre, le juget. du domicile du débiteur, et même celui du domicile du tiers saisi, pourront, sur requête, permettre la saisie-arrêt et opposi-1923. Peut-on, sous le prétexte qu'on est

tion.

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CCCCXLIII. Par les sages dispositions dont se composent les deux articles ci-dessus, le législateur assure à tout créancier porteur d'un titre, ou qui, sans avoir de titres, a des droits certains, un gage contre le débiteur qui chercherait à soustraire sa fortune, en même temps qu'il veille aux intérêts de celui-ci, en lui garantissant que ce gage ne sera donné au créancier que jusqu'à concurrence de la dette présumée.

1922. Les saisies-arréts ou oppositions, formées entre les mains des receveurs ou administrateurs des caisses de deniers

créancier de l'État, faire des saisiesarrêts entre les mains des débiteurs de l'État même ?

L'art. 9 du tit. XII de la loi du 22 août 1791, sur les douanes, établit clairement la négative; la même disposition se trouve dans l'art. 48 du décret du 1er germ. an XIII, concernant les droits réunis; et un arrêt de la cour de cass. du 16 therm. an x, rapporté aux Quest, de Merlin, au mot Nation, § 4, t. 2, p. 515, a jugé que ces dispositions étaient communes à tous les débiteurs de l'État. (V. Sirey, t. 2, 1re, p. 561.)

[On peut citer encore, comme consacrant cette jurisprudence, un arrêt de la cour de cassation du 31 mars 1819 (Sirey, t. 19, p. 552; Dalloz, t. 14, p. 38), et un autre de la cour de Paris du 2 mars 1831 (Sirey, t. 51, p. 100). La cour de Poitiers l'a étendue, le 7 août 1835 (Devilleneuve, t. 31, 2, p. 100; t. 35, 2o,

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La faveur de cette loi s'étend aux pensions de retraite de l'État et aussi à celles obtenues des administrations publiques, et notamment à celle accordée par une administration communale à un commissaire de police. (Brux.. 7 janv. 1825; J. de B., 1825, 1re, p. 13; Dalloz, t. 24, p. 21.)

L'erreur dans la date du titre en vertu duquel il est procédé à une saisie-arrêt ne peut entraîner la nullité de cette saisie, lorsque l'énonciation du titre est telle que la partie saitie n'a pu se méprendre sur celui en vertu duquel la saisie est pratiquée. (Brux., 2 juill. 1851; J. de B., 1831, 1re, p. 370.)]

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[1o On peut faire une saisie-arrêt, en vertu d'une expédition du jugement de condamnation, tant que le débiteur ne rapporte pas la grosse exécutoire en signe de libération (Colmar, 10 juill. 1827);

20 On doit condamner à des dommages-intérêts envers le propriétaire d'un navire, celui qui, par une saisie-arrêt nulle, a empêché le bâtiment de partir à temps pour sa destination, et lui a fait ainsi manquer son voyage, quoique le saisissant ait agi en vertu d'un acte authentique dont la validité n'a pas été contestée. (Rennes, 28 fév. 1824.)]

p. 516), aux biens d'un condamné par contu- | mace administrés par l'État.

respectables, des intérêts particuliers; ce serait, en un mot, violer les principes du droit des nations, comme l'a jugé, avec raison, le tribunal de la Seine le 2 mai 1828, malgré la plaidoirie contraire de Dupin ainé (Gazette des tribunaux, no du 5 mai) et le 11 juill. 1840 (le Droit, n° du 12 juill. de la mème année).

Les dispositions de loi citées par Carré, et quelques autres analogues, quoique relatives à des objets particuliers, sont fondées sur un principe général, qui doit les rendre communes à tous les deniers appartenant à l'État, quelle que soit leur provenance. Ce principe, c'est que toutes les sommes dues à l'État doiL'objection tirée de ce qu'en vertu de l'arvent, dès le moment où elles sont exigibles, ticle 14 du C. civ. les immeubles sont soumis être considérées comme si elles avaient été à la loi française, et qu'il doit en être ainsi des versées dans les caisses de l'administration. meubles, ne nous parait pas fondée; aucune S'il était permis aux créanciers de l'État de les partie du territoire français n'appartient, ne saisir, le recouvrement en serait arrêté à cha- saurait appartenir à une nation étrangère, et, que instant. Le gouvernement ou ses agents dès lors, les règles du droit commun n'étant ayant pouvoir à cet effet ont, seuls, la disposi-plus entravées par des raisons politiques retion des deniers composant le revenu public, et le pouvoir judiciaire ne peut aucunement s'y immiscer. La solvabilité de l'État offre d'ailleurs assez de garantie pour que ses créanciers n'aient pas à se plaindre.

Aussi, tous les auteurs admettent-ils cette doctrine, et notamment Merlin, t. 12, p. 224; Pigeau, Comm., t. 2, p. 154; Favard, t. 5 p. 4, no 9; Thomine, no 614; Boitard, sur l'art. 557, et Roger, no 255 à 235.

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Boitard, sur l'art. 557, fait observer avec raison que le principe n'est pas réciproque, c'est-à-dire que la prohibition de saisir les deniers de l'État, entre les mains de ses débiteurs, n'emporte pas celle de saisir, dans les caisses de l'État, les sommes qu'il doit à des tiers. En d'autres termes, l'État, qui ne peut pas jouer dans une saisie-arrèt le rôle de débiteur saisi, peut fort bien y jouer et y joue, en effet, souvent, celui de tiers saisi.

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prennent naturellement leurs cours. Il en est autrement des sommes d'argent qui sont la propriété de cette nation, et auxquelles, par conséquent, s'appliquent les principes que nous venons d'exposer.]

[1923 ter. La saisie-arrêt peut-elle étre faite à la requête d'une personne incapable?

Magnin, des Tutelles, t. 1, p. 605, et Roger, no 379, enseignent l'affirmative, sur le fondement que ce n'est point là une action judiciaire, mais un simple acte conservatoire; ce dernier auteur invoque même, à l'appui dé son opinion, un arrêt de cassation du 10 juill. 1828 qui l'aurait admise, dans l'espèce d'une saisie-arrêt pratiquée par un bureau de bienfaisance à raison des sommes qu'il était autorisé à accepter. Cette décision est loin d'être aussi explicite, sur la question en elle-même, que Roger paraît le croire; toutefois, nous l'admettons sans hésitation à l'égard des personnes morales qui, ne pouvant ester en justice sans autorisation, sont en droit cependant de faire des actes conservatoires, comme l'article 35 de la loi du 18 juill. 1857 le permet d'ailleurs aux représentants légaux des communes. Mais quant aux incapables proprement dits, c'est-à-dire aux mineurs, aux interdits, aux femmes mariées, il nous paraît impossible de leur attribuer un droit aussi grave, aussi [1923 bis. Les créanciers d'un gouverne-préjudiciable même, selon les circonstances, ment étranger peuvent-ils saisir-arréter, en France, des sommes qui appartiennent à ce gouvernement?

Il est cependant encore quelques exceptions à cette faculté. Elles ont lieu principalement à l'égard des fonds destinés aux entrepreneurs de travaux pour le compte de l'État (décret du 26 pluv. an 11) et des payements destinés au service de la poste aux lettres (loi du 24 juill. | 1793, art. 76): il est interdit de former des oppositions entre les mains du trésor pour cette sorte de deniers. (V. au surplus les questions sur l'art. 581.)]

Nous avons déjà établi, sous la question précédente, que les créanciers de l'Etat ne pouvaient pas, en général, pratiquer de saisiearrêt entre les mains de ses débiteurs : nous pensons qu'il doit en être de même à l'égard des deniers appartenant à un gouvernement étranger, et qui font en quelque sorte partie de la puissance publique; permettre de les saisir-arrêter, ce serait entraver sa marche et lui susciter des embarras qui ne peuvent être mis en balance avec les exigences, d'ailleurs si

droit tel que Roger lui-même, no 2, l'assimile aux intérêts du débiteur, que la saisie-arrêt,

à un véritable acte d'exécution. L'art. 537 embrasse, il est vrai, tous les créanciers, et l'art. 558 ne subordonne la validité de la saisie à une permission du juge que lorsqu'elle est faite sans titres, mais les règles relatives à la capacité sont toujours sous-entendues. Ainsi l'opinion de Magnin et de Roger nous paraît devoir être restreinte en ce sens : il est d'ailleurs certain que, soit pour intenter la demande en validité, soit pour défendre à celle en mainlevée, les personnes morales elles-mêmes devront être autorisées à ester en jugement, car

ces actes commencent une instance judi- | sur une commune entre les mains de son ferciaire dans laquelle elles vont se trouver parties.]

mier.

Toutes les dépenses des communes étant réglées par leur budget annuel et devant être [1923 quater. Le mari peut-il, pour contraindre sa femme à réintégrer le domi-autorisées par l'administration, c'est à celle-ci cile conjugal, saisir-arréter la totalité de que les créanciers doivent s'adresser pour obtenir leur payement: ils ne peuvent, par des saisies-arrêts, détourner les fonds de leur des

ses revenus?

Les tribunaux ne doivent donc jamais déclarer valables de pareilles saisies-arrêts, mais leur annulation rentre dans leur compétence et non pas dans celle de l'administration, comme l'a déclaré le conseil d'État, le 29 avril 1809.

Tout ceci est reconnu par Favard, t. 5, p. 5, no 10; Boitard, sur l'art. 557, et Roger, nos 257 et 258.

Ce dernier auteur dit, no 259 et 262, que les mêmes principes s'appliquent aux fonds des hospices, des fabriques et de tous établissements publics, dont les dettes doivent être payées par règlement de l'autorité administrative, et il appuie sur plusieurs autorités cette opinion que nous croyons exacte.

Sans entrer ici dans l'examen si délicat destination, ce serait entraver la marche du sermoyens de coercition à employer contre la vice public. femme qui se refuse à accomplir l'obligation de cohabiter avec son mari, il suffit de dire que la voie de la saisie-arrêt sur ses revenus, admise par Roger, no 202 bis, et par les cours de Riom, 15 août 1810; Toulouse, 24 août 1818; Colmar, 10 juill. 1855, et Paris, 14 mars 1834 (Devilleneuve, t. 34, p. 128), se justifie par des considérations importantes, lors même que les époux sont séparés de biens, car, dans ce cas encore, la femme est tenue de contribuer aux charges du mariage, ce qui attribue au mari, comme chef, sur les revenus de tous les biens, un droit que la désobéissance de la femme et l'infraction de ses devoirs peuvent étendre d'une manière indéfinie, suivant l'application des tribunaux. Si nous avons reconnu, sous la Quest. 1990 ter, que la créance alimentaire de l'épouse était de nature à autoriser la dévolution à son profit d'une portion des biens même du mari déclarés insaisissables, c'est que nous supposions qu'il n'y avait point, de sa part, refus illegal de cohabitation; mais cette dernière circonstance non-seulement anéantit son droit, mais encore rend la privation d'aliments le moyen peut-être le plus licite, bien que la loi ne s'en explique pas, d'interrompre un scandale d'autant moins excusable qu'il ne repose pas sur des faits de nature à entraîner la séparation de corps entre époux.]

1924. Les créanciers des communes peuvent-ils faire des saisies-arrêts entre les mains des débiteurs de celles-ci? Peuvent

ils former des oppositions sur les fonds des communes déposés dans la caisse d'a

mortissement?

Ni l'un ni l'autre, suivant un avis du conseil d'État du 18 juillet 1807, approuvé le 12 août suivant. (V. Nouv. Rép., vo Saisies-arréts, $ 5, t. 11.)

[L'avis cité par Carré ne s'applique qu'aux fonds déposés par les communes à la caisse d'amortissement, mais, le 11 mai 1813, le conseil d'État en a donné un autre qui étend la doctrine du premier aux sommes qui se trouvent chez le receveur de la commune ou entre les mains de ses débiteurs.

Cette doctrine est encore sanctionnée par un arrêté du conseil d'État du 29 oct. 1826, confirmatif d'un conflit élevé par le préfet de l'Hérault sur un jugement du tribunal de Lodève, qui avait maintenu une saisie-arrêt formée

Nous ferons ici la même observation que sur la Quest. 1923, c'est-à-dire que la prohibition de faire des saisies-arrêts au préjudice des communes, des hospices, etc., n'emporte pas celle de saisir, dans les caisses de ces établissements, les sommes dues à des tiers, comme l'a jugé la cour de Bruxelles, le 15 mai 1850.] [1924 bis. Quand des effets mobiliers doi

vent-ils être considérés comme appartenant au débiteur, de manière a en autoriser la saisie-arrêt de la part de ses créanciers?

Quid de l'héritier bénéficiaire? quid du copropriétaire par indivis?

Tous les biens mobiliers appartenant à un sis-arrêtés entre les mains des tiers qui les dédébiteur ou qui lui sont dus peuvent être saitiennent; telle est la règle commune, qui embrasse jusqu'aux droits incorporels.

Mais la propriété du débiteur doit réunir certains caractères, dont l'absence met obstacle à l'exercice de la saisie-arrêt : ce sont ces conditions que nous allons rapidement examiner :

1o Les biens doivent être disponibles, c'està-dire ne se trouver affectés à aucune destination qui rende par avance impossible la validité de la saisie; tel serait, selon la cour de Colmar, 25 juillet 1827, le prix d'ouvrages entrepris en exécution d'un marché et la somme qui doit servir au payement des ouvriers.

En serait-il de même des objets remis à titre de nantissement, à un autre créancier, pour sûreté de sa dette? La négative ne nous parait

pas douteuse; la chose ainsi transmise est simplement affectée à un privilége en faveur du détenteur; mais elle est restée dans les biens du propriétaire, qui sont le gage commun de ses créanciers. Ainsi, une saisie-arrêt pratiquée entre les mains du tiers gagiste serait valable, si, d'ailleurs, elle était accompagnée de toutes les formalités propres à lui assurer le libre exercice de son privilége; un arrêt de cassation du 25 juill. 1832, loin de contredire cette opinion, comme on pourrait le croire au premier abord, vient au contraire la confirmer.

2o Lepage, 3° Quest., p. 487, décide avec raison que, lorsqu'un immeuble a été saisi et vendu par voie d'expropriation forcée, les créanciers chirographaires peuvent former une saisie-arrêt entre les mains de l'adjudicataire, afin que ce qui restera libre après les collocations hypothécaires ne leur échappe pas; mais nous croyons que cet auteur commet une erreur, lorsqu'il indique la même voie comme étant praticable sur le poursuivant, parce que ce dernier ne détient rien qui appartienne au débiteur. Cette doctrine, qui avait quelque chose de spécieux, lorsque l'adjudication préparatoire rendait le poursuivant adjudicataire provisoire, n'a plus aujourd'hui aucune espèce de fondement.

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4o La question de savoir si le créancier d'une succession acceptée sous bénéfice d'inventaire peut pratiquer une saisie-arrêt entre les mains des débiteurs de cette succession est extrêmement controversée. Pour la négative, on dit que l'héritier bénéficiaire doit être considéré comme un véritable administrateur, et qu'autoriser des saisies-arrêts de la part d'autres que lui, ce serait entraver sa gestion avec d'autant moins de raison que la loi a pourvu à la sécurité des créanciers, en leur permettant, soit d'exiger caution de l'héritier, soit de faire vendre le mobilier de la succession et consigner les deniers. On conclut que ces règles spéciales excluent l'application, dans ce cas, de l'art. 557. Tel est l'avis de Berriat, Du bénéfice d'inventaire, note 25, no 5; de Rolland de Villargues, Rép. du not., vo Bénéfice d'inventaire, no 153, et de Dalloz, t. 24, p. 10, confirmé par arrêts de Paris, 50 juillet 1816 (Devilleneuve, Pasicrisie, à cette date), et 27 juin 1820, et de Rouen, 14 août 1826. L'opinion contraire est soutenue par Delvincourt, t. 2, p. 38, note 3; Duranton, t. 7, no 57; Favard, t. 5, p. 2; Thomine, no 615; Vazeille, des Successions, sur l'art. 805, et Roger, no 179 (1), et, avec eux, par les cours de cass., 8 déc. 1814 (Pasicrisie, à cette date), et de Bordeaux, 19 avril 1822.

3o La saisie-arrêt ne peut frapper, du moins Enfin un avis intermédiaire, adopté par la en thèse générale, que les biens qui sont la cour de Douai, le 3 mars 1830 (Sirey, t. 30, propriété du débiteur, au moment où elle est p. 298), permettrait aux créanciers la saisieexercée; ainsi, serait nulle, bien qu'une dé-arrêt, mais dans le cas seulement où l'héritier cision contraire semble résulter d'un arrêt de bénéficiaire négligerait de recouvrer les sommes Riom du 2 juin 1850, la saisie, pendant la dues à la succession; suivant nous, ce dernier durée de la communauté, des reprises que l'un point est de peu d'importance; il ne s'agit pas des époux est en droit d'exercer contre l'autre, de savoir si les fonctions de l'héritier sont une mais seulement après sa dissolution; jusque- véritable gestion, ce que, pour notre part, nous là, en effet, rien n'est assuré, quelque légitime ne saurions révoquer en doute; son droit est, que soit le droit de reprise; car il peut être il est vrai, une propriété, mais compliquée détruit, ou par le peu de valeur des objets d'une administration qui en modifie le caracrestés dans la masse, ou par la renonciation à tère; ses propres créanciers, tant que dure la communauté, et cette incertitude paralyse celle-ci, ne sont pas maîtres de former oppotoute saisie-arrêt. C'est d'ailleurs ce qu'on peut sition sur les effets mobiliers de l'hérédité. En induire d'une décision de la cour de Paris du un mot, les deux patrimoines demeurent dis1er août 1820 (Dalloz, t. 24, p. 115); mais ce tincts; mais ce fait suffit-il pour priver les qui est vrai d'une dette incertaine ne l'est pas créanciers de la succession du droit de saisied'une dette non encore réclamée, bien qu'exi- arrêt? telle est la véritable question, et la sogible, comme le serait le legs dont la personne lution nous en semble facile, car, pour que le gratifiée n'aurait pas demandé la délivrance. doute fût possible, il faudrait que l'héritier (Voy. cass., 15 mai 1839; Devilleneuve, t. 39, représentât si complétement les créanciers, que 1re, p. 494). Quant aux créances et droits non le droit de ceux-ci se confondit avec le sien exigibles, voy. notre Quest. 1926. propre et fût transmis sur sa tête, ce qui n'est

(1) [C'est aussi l'avis de Carré, qui, dans sa note Jurisprudence, art. 557, s'exprimait en ces termes : « La réponse à ce motif (à savoir qu'une saisie-arrêt entraverait l'administration) se trouve dans les considérants d'un arrêt de la cour de Bordeaux du 19 avril 1822, qui a suivi la jurisprudence de la cour de cassa

tion. C'est qu'en effet l'héritier bénéficiaire n'administre que pour l'objet indiqué par l'art. 808, C. civ., de payer les créanciers à mesure qu'ils se présentent, et qu'il serait extraordinaire que l'héritier, qui ne peut refuser ce payement, pût empêcher le créancier de saisir le montant de sa créance aux mains d'un tiers. »]

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