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pas. L'héritier bénéficiaire agit, non dans l'intérêt des autres, mais dans le sien, et pour n'être pas tenu ultra vires hæreditatis. Nous pensons (voy. nos Quest. 2198 et 2509) qu'il est permis aux tiers porteurs de titres légaux de poursuivre la vente des immeubles du défunt, à plus forte raison de saisir-arrêter ses effets mobiliers, sauf à l'héritier bénéficiaire, s'il en résulte dessaisissement de la part du détenteur, à réduire d'autant le compte de la gestion.

50 Deux arrêts, l'un de la cour de Paris du 5 janv. 1829, l'autre de la cour de cassation du 11 mars 1806 (Sirey, t. 7, p. 1214; Dalloz, t. 25, p. 275), ont décidé qu'on ne pouvait pas saisir-arrêter une part indivise dans une société ou dans une succession; nous ne partageons pas cette doctrine. (V. nos Quest. 1994, 2126 bis et 2126 ter.) Ainsi que le fait remarquer Roger, no 25 et 178, le créancier pourra toujours saisir-arrêter la part du dividende ou de l'intérêt qui revient à l'associé, son débiteur. Certes, il ne pourra pas provoquer la liquidation de la société, mais son droit se bornera à mettre sous la main de la justice les sommes qui, annuellement, auraient été distribuées aux saisis.

Quant aux droits indivis qui appartiennent à un héritier, Roger, no 176, permet aussi la saisie-arrêt. Voici nos raisons de décider :

Le législateur, en accordant par l'art. 882, C. civ., aux créanciers d'un cohéritier indivis, le droit de s'opposer à ce que le partage de la succession se fasse hors de leur présence, n'a pas entendu les priver du droit général qu'a tout créancier de saisir-arrêter les sommes dues à son débiteur. Mais, dit-on, tant que dure l'indivision, les droits des cohéritiers sont indéterminés, incertains, éventuels. Indéterminés, oui, mais incertains, non; éventuels, pas davantage, puisque la succession est ouverte; le partage n'est que déclaratif, il n'est pas attributif du droit de propriété. Ainsi, avant le partage et à compter du jour de l'ouverture de la succession, chacun des cohéritiers se trouve saisi d'une portion des biens héréditaires; seulement cette portion ne sera déterminée qu'ultérieurement et par le partage.

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bles que pourrait entraîner ce système, car, dit-on, s'il y a cinquante débiteurs, le créancier devra, pour être sûr d'atteindre son but, former cinquante saisies-arrêts. La première réponse à faire, c'est que ces frais retomberont, en définitive, à la charge du débiteur, qui peut les prévenir en payant ce qu'il doit, ou en faisant une délégation au profit de ses créanciers. La seconde réponse, c'est que si l'on doit craindre les procédures dispendieuses, on ne doit pas vouloir compromettre les droits des créanciers. Or, il nous semble impossible que la voie de l'opposition au partage, indiquée par l'art. 882, C. civ., soit jamais aussi sûre que celle de la saisie-arrêt: et on peut imaginer tel cas où elle ne serait guère moins dispendieuse. En effet, si l'on suppose qu'au lieu de cinquante débiteurs de la succession, il n'y en ait qu'un, mais qu'il se trouve vingt ou trente cohéritiers, croit-on qu'il en coûtera beaucoup moins pour faire vingt ou trente oppositions, conformément à l'art. 882, C. civ., que pour faire une saisie-arrêt? D'un autre côté, lorsque le créancier aura signifié à chacun des cohéritiers qu'il s'oppose à ce que le partage se fasse hors de sa présence, disons mieux, lorsqu'il aura assisté à ce partage, qui est-ce qui empêchera ses héritiers de recevoir tout ce qui est dû à la succession et d'en donner bonne et valable quittance? Sera-ce cette opposition au partage non connue du débiteur? et quelle sera dès lors la position du malheureux créan cier dans le cas possible d'insolvabilité de la part des cohéritiers, ou seulement de celui qui est son débiteur? Il faudrait donc dénoncer l'opposition au débiteur, pour l'empêcher de payer? mais ce serait alors une saisie-arrêt irrégulière.

En résumé, l'art. 882, C. civ., ne nous parait avoir en vue que l'opposition au partage des biens immobiliers, parce que la proprieté de ces biens doit se constater par un acte; parce que, jusqu'à ce que cet acte soit rédige, elle est censée indivise entre tous les cohéritiers; enfin, parce que le créancier peut avoir intérêt à ce que tel ou tel immeuble tombe dans le lot de son débiteur. Mais comme, pour les espèces métalliques, les créances, ou valeurs purement mobilières, les héritiers peuvent en faire entre eux le partage, sans qu'aucun acte soit nécessaire, et, par conséquent, sans qu'aucune action naisse de ce partage, les créanciers des héritiers ne seront jamais assurés du payement de ce qui leur est dû, s'ils n'emploient pas la voie des saisies-arrèts. (V ́oy. nos 9, 1994 et 2126 ter.)

Il suit de là que les créanciers d'un cohéritier peuvent saisir-arrêter la portion appartenant à leur débiteur, sauf à eux à en faire déterminer l'importance, avant de forcer le tiers saisi à faire sa déclaration, comme dans le cas de l'art. 568, C. proc. En effet, cette portion tout indéterminée qu'elle soit jusqu'au jour du partage, appartient si bien au cohéritier, 6o Lors même que ces diverses conditions qu'il peut la transporter, la vendre valable- se trouvent réunies, le caractère d'insaisissament avant le partage, et même la recevoir, bilité, dans les cas déterminés par l'art. 381, et si le débiteur reconnaissait sa qualité et ses la renonciation de la part du créancier au droits. droit de saisie-arrêt, formeraient également On s'effraye beaucoup des frais considéra-obstacle à son exercice. La cour d'Aix, 6 jan

vier 1851 (Sirey, t. 35, p. 45), a fait résulter cette renonciation du consentement donné par le créancier à la vente des marchandises avant la saisie, dont elle a, en conséquence et avec raison, prononcé la nullité.

7° Toutes les règles de droit civil ou commercial, d'après lesquelles se résout la question de savoir par quels actes se transmet la propriété des titres ou droits incorporels, s'appliquent à la saisie-arrêt et en déterminent l'opportunité. Il convient donc, pour résoudre les difficultés qui se présentent à ce sujet, de se reporter à ces principes, en conformité desquels les cours de Bordeaux, 10 janvier 1858, et de Bruxelles, 4 mars 1820, ont, l'une, validé la saisie pratiquée sur les sommes qu'un mandataire était chargé de remettre à un tiers, par le créancier du mandant, et l'autre, déclaré inefficace un acte de même nature, pratiqué par le créancier du propriétaire d'une lettre de change entre les mains d'un endosseur subséquent ; car, d'une part, une indication de payement n'est pas un transport de propriété, et de l'autre, l'endossement opère saisine en faveur de celui qui l'a souscrit, sans qu'il soit nécessaire de signifier le transport. (V.d'ailleurs art. 1689 et suiv., C. civ., et Roger, no 208 et suiv.]

[1924 ter. Comment se règle, en cas de fuillite du débiteur, le droit de saisie-arrét attribué à ses créanciers?

Deux principes de droit commercial régissent cette matière.

Le fait de la faillite, en dessaisissant le négociant, égalise la position de tous ses créanciers chirographaires, et interdit à chacun d'eux, en particulier, l'emploi des moyens propres à lui faire obtenir le payement de ce qui lui est dû à l'exclusion des autres.

Les poursuites contre les débiteurs du failli doivent être exercées uniquement par les syndics, représentants de la masse, et qui, à ce titre, dirigent, supportent toutes les actions actives et passives de la faillite. Les créanciers particuliers sont sans qualité pour agir.

De là résultent les conséquences suivantes : Un créancier ne peut saisir-arrêter, entre les mains de tiers, les sommes ou effets appartenant à son débiteur, du moment où celui-ci est tombé en état de faillite, et est, par ce fait, censé en avoir perdu la propriété (Rouen, 21 mars 1858); ce point d'ailleurs est unanimement reconnu.

Il lui est également interdit de saisir-arrêter, en son nom personnel, les sommes ou effets dus au même débiteur, puisqu'il est sans intérêt pour agir ainsi. (Poitiers, 9 fév. 1826.)

Enfin, s'il a commencé des poursuites avant l'ouverture de la faillite, il doit les suspendre, du moment où elle a éclaté, à moins qu'un jugement en validité ne soit intervenu sur son

opposition, et ne l'ait par conséquent assimilée à la saisie-exécution, en vertu de laquelle le créancier est autorisé à faire vendre les objets qu'il a saisis avant la faillite, et ce, sous la surveillance des syndics, comme l'a décidé la cour de Paris, le 16 déc. 1825; telle est, au surplus, l'opinion de Roger, no 217.

Les principes ci-dessus posés reçoivent exception:

1o A l'égard des créanciers jouissant d'un privilége ou droit réel sur les objets qui leur sont affectés; la cour de Paris, 1er juillet 1828 (Sirey, t. 50, p. 219), l'a jugé ainsi, en ce qui concerne le privilége du locateur, et Roger, n° 218, a adopté le même avis. Un arrêt de Bourges, du 15 juillet 1815, a cependant annulé une saisie-arrêt pratiquée par le copropriétaire d'un failli; mais la cour s'est fondée uniquement sur ce que la saisie englobait tout ce qui pouvait être dù à la masse, et sur ce que cette marche offrait d'irrégulier et de vexatoire: on peut donc tenir le principe pour reconnu.

Quant aux créanciers hypothécaires, nous pensons, avec Roger, no 222, qu'ils ne peuvent pas, après la faillite, pratiquer une saisie-arrêt sur les fruits des immeubles qui leur sont affectés et les soustraire ainsi à la masse ; à moins qu'ils n'aient suivi la voie de la saisie immobilière (voy. notre Quest. 2290).

2o Pour les personnes dispensées de suivre, en matière de faillite, les formalités prescrites aux autres créanciers; telles sont l'administration des douanes (Douai, 2 août 1829), et la régie de l'enregistrement (cass., 3 vent. an x1);

5° Enfin, dans le cas où il s'agit d'une saisie-arrêt pratiquée postérieurement à la faillite, sur des objets acquis depuis cette époque, de la part des créanciers soit de la masse (cass., 27 juin 1821; Dalloz, t. 15, p. 245), soit du failli (Paris, 2 fév. 1835.)

A l'exception de cette dernière espèce, les saisies-arrêts doivent toujours, en vertu des principes exposés plus haut, ètre pratiquées, non pas contre le failli lui-même, mais contre les syndics, et la validité n'en sera maintenue, quant au propriétaire ou au créancier privilégié, qu'après notification et affirmation des créances, comme l'ont avec raison décidé Pardessus, no 1184; Boulay, des Faillites, no 213 et 250, et Roger, no 217, et comme l'ont jugé les cours de Rennes, le 15 juin 1811 (Dalloz, t. 15, p. 158); de Caen, 21 fév. 1820 (Dalloz, ibid.), et de Paris, 18 juillet 1828 (Sirey, t. 29, p. 114). C'est la conséquence de l'obligation qu'impose aux syndics l'art. 351, C. comm. Quant au tribunal compétent pour connaître de la demande en validité, voy. Question 1935.]

[1924 quater. Quel est l'effet d'une saisie

arrêt qui porte non-seulement sur ce que le tiers saisi doit à la partie saisie, au

moment de l'opposition, mais encore sur | fondée; il est évident que la saisie ne vaudra ce qu'il pourrait lui devoir par la suite? que quant aux deniers postérieurement payés au débiteur, et devenus ainsi sa propriété. Que

d'anéantir ainsi l'effet de la saisie, c'est un inconvénient qui se présente dans tous les cas; le créancier d'une rente peut la céder, le locateur, résilier le bail, et la saisie-arrêt ne saurait avoir pour conséquence de prévenir ces actes, comme l'enseignent Thomine, no 612, et Roger, p. 261, no 450, contrairement à l'opinion de Pothier, ce qui n'empêche pas qu'elle ne soit valable en elle-même, et efficace, quant aux arrérages, loyers ou salaires qu'elle a mis sous la main du créancier.

La question de savoir si l'on peut saisir-ar-s'il arrive au débiteur de cesser son travail et rêter les biens à venir, comme les biens présents du débiteur, n'est pas sans difficulté; il est évident qu'aux termes de l'art. 557 il ne peut s'agir que de biens appartenant au débiteur, de ceux, par conséquent, sur lesquels il a un droit acquis ou éventuel au moment de la saisie, ce qui restreint la controverse aux rentes, baux, traitements ou salaires dont le débiteur est en droit de réclamer le payement jusqu'à une époque plus ou moins éloignée de celle de la saisie. Quant aux arrérages, loyers et pensions non déclarés insaisissables, et sur le point de savoir s'il est permis de saisir-arrêter | les uns et les autres, l'affirmative ne nous paraît pas douteuse, malgré l'induction contraire qu'on pourrait tirer d'un arrêt d'Agen, 11 mai 1833, et en présence surtout de l'art. 2092, qui dispose que tous les biens présents et à venir du débiteur sont le gage de ses créanciers, ce qui ne veut pas dire sans doute que ceux-ci ont un droit, quand leur débiteur n'en a pas encore lui-même, mais qu'ils en ont un du moment où ce droit est acquis au débiteur. Or, il est évident que le droit du débiteur commence du jour où le bail a été passé, où la rente et la pension ont été consenties, quoique les divers arrérages ne soient point exigibles à cette époque. Mais la difficulté devient plus sérieuse lorsqu'il s'agit de traitements ou salaires qui ne s'acquièrent qu'au fur et à mesure du travail, et constituent par conséquent une propriété incertaine éventuelle, et sur laquelle il semble qu'une saisie-arrêt serait illusoire et sans valeur. C'est l'opinion vers laquelle paraît incliner Devilleneuve, t. 38, 2, p. 11, qui cite un jugement du tribunal de la Seine du 27 mars 1828; mais quelque spécieuse qu'elle paraisse, il faut reconnaître que la jurisprudence lui est contraire; il suffit de citer un arrêt de Rouen du 5 juin 1856, approuvé par Vulpian, p. 229 (voy. aussi Vivien et Blanc, Traité de la législ. des théâtres, no 298); cet arrêt juge la question in terminis; la plupart des autres arrêts admettent la même solution avec une restriction sur laquelle nous aurons bientôt à nous expliquer.

Nous croyons pouvoir invoquer l'art. 14 de la loi du 9 juillet 1856 sur les saisies-arrêts entre les mains de l'État, article qui accorde force et valeur à une opposition pendant l'espace de cinq années.

Un danger plus grave résulte de la position fâcheuse où une saisie, qui se prolonge indéfiniment, peut jeter le débiteur. C'est pour l'atténuer que la plupart des cours se sont altribué le droit d'en restreindre l'effet à une somme qu'elles déterminent, de manière à ce que le débiteur ne reste pas sans ressources. Ce tempérament admis, notamment par la cour de Paris, le 29 juillet 1811 (Dalloz, t. 24, p. 23), et approuvé par Roger, no 103, est conforme à l'équité, mais, il faut l'avouer, il est contraire aux termes de la loi. L'art. 1244, C. civ., qu'on invoque, autorise bien les juges à accorder au débiteur des délais modérés pour le payement, et à surseoir jusque-là aux poursuites; mais en résulte-t-il pour eux la faculté de fixer, en déclarant une saisie valable, la somme à concurrence de laquelle elle sera considérée comme telle? C'est ce qu'il est assez difficile de justifier, surtout lorsque, ainsi que l'a fait la cour de Lyon, le 28 juin 1837 (Devilleneuve, t. 38, 2o, p. 12), on en tire la conséquence que le tiers saisi est en droit de former opposition au payement, aussi bien que le saisi lui-même ; il nous paraît donc plus juste de dire qu'en statuant sur cette mesure, les tribunaux sont maîtres d'accorder au débiteur une provision alimentaire, lorsqu'ils le jugent convenable.]

1925. Peut-on saisir-arrêter sur soi,

comme sur une personne étrangère, les sommes que l'on doit à celui dont on est créancier?

L'affirmative a été jugée par arrêt de la cour de Brux. du 20 décembre 1810 (voy. Sirey, t. 11, p. 453; Dalloz, t. 24, p. 8) (1). Les motifs de cette décision sont: 1° que la saisiearrèt étant un moyen conservatoire, qui met la créance arrêtée sous la main de la justice, il est indifférent dès lors que le saisissant soit en même temps le débiteur de cette créance arrètée, ou qu'elle soit due par un tiers, puisque

En vain dirait-on, pour combattre la jurisprudence, qu'une telle mesure est illusoire; rien ne serait au contraire plus illusoire, lorsqu'il s'agit de salaires mensuels, souvent même quotidiens, qu'une saisie qui ne pourrait atteindre que les sommes échues. L'objection prise de l'incertitude du droit n'est pas mieux | belge).

(1) ▼. dans ce sens Brux., 13 juin 1815 (Pasicrisie

l'effet de la saisie est le même, celui d'empè- ¡ est soutenue par Pigeau, Proc. civ., art. 14 du cher le créancier d'en disposer au préjudice chapitre Saisie-arrét, et Comm., t. 2, p. 155; du saisissant; 2° que si le saisissant était inca- Favard, t. 5, p. 5, no 13. Mais, indépendampable de réunir à la fois la qualité de tiers ment de Berriat, cité par Carré, à la note, Thosaisi, sa condition serait moins avantageuse mine, no 615, pense que cette procédure n'est que celle d'un étranger; ce qui n'est point pas régulière. Dalloz, t. 24, p. 5, no 2, signale conforme à l'esprit du Code de proc. ; 5° que ce la difficulté sans se prononcer. Enfin Roger, Code ne défend point au saisissant de former nos 115 et suiv., distingue le cas où la créance, opposition en ses propres mains, avec la per- en vertu de laquelle on veut opérer la saisiemission du juge, et que, lorsqu'il parle d'un arrêt sur soi-même, est liquide, du cas où elle saisissant et d'un tiers saisi, ses dispositions ne l'est pas il autorise cette manière de propeuvent également être entendues et s'expli- céder dans la première hypothèse : il ne la quer sous le double rapport qui personnalise croit pas permise dans la seconde. le même individu par les deux qualités distinctes de créancier et de débiteur envers la partie saisie (1).

Nous remarquerons que cet arrèt est conforme à l'opinion de Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, ch. 1. Mais on peut voir, dans le recueil de Denevers, les moyens qui ont été développés pour la combattre, et que les juges de première instance avaient accueillis, en décidant qu'on ne pouvait faire, sous l'empire du Code actuel, une saisie de la nature de celle dont il s'agit, puisque non-seulement ce Code n'en parle pas, mais qu'il prescrit, pour la validité de toute saisie-arrêt, des formalités qui deviendraient bizarres et ridicules dans l'espèce d'une saisie sur soi.

Quant à nous, nous croyons devoir adopter l'opinion qui valide, dans tous les cas, la saisie-arrêt sur soi-même, pourvu que les formes et conditions tracées par la loi aient été d'ailleurs observées.

Pour résister à cette décision, on dit d'abord que le Code ne parle point de ce genre de saisie-arrêt. Qu'importe? Le prohibe-t-il? voilà la seule question que l'on doive se faire. Or, rien, dans la loi, ne nous révèle une semblable prohibition. Il faudrait, pour l'en tirer par voie de conséquence, que les caractères attribués à la saisie-arrêt, en général, ne pussent pas convenir à celle dont nous parlons.

Que dit-on pour en venir là? Que l'art. 557 n'autorise le créancier à saisir-arrêter qu'entre [Le 13 juin 1815, la cour de Brux., a de nou- les mains d'un tiers; que, dans toutes les disveau, mais implicitement, consacré cette doc-positions de cette matière, la loi suppose trois trine, que la cour de Lyon a expressément embrassée, le 15 juin 1825 (Sirey, t. 25, p. 365); mais elle a été repoussée par les cours de Rouen, 13 juillet 1816 (arrêt cité par Carré, à la note); d'Amiens, 5 août 1826 (Sirey, t. 29, p. 173); de Paris, 8 avril 1836 (Devilleneuve, t. 36, 2o, p. 229), et de Gand, 27 mars 1837 (J. de B., 1838, p. 35) (2).

La même divergence existe entre les auteurs. La validité d'une saisie-arrêt faite sur soi-même

personnes distinctes, le saisissant, la partie saisie et le tiers; d'où il suivrait que la saisiearrêt ne pourrait s'exercer, que les actes nécessaires sa validité ne pourraient avoir lieu, s'il n'existait pas un tiers, créancier du débiteur: « Ce raisonnement, dit Coffinières, n'est » que spécieux ; la loi parle de trois personnes, » parce que, d'ordinaire, trois personnes figu >> rent en effet dans cette procédure, ou plutôt, » parce qu'il y a trois rôles bien distincts,

(1) Nous conviendrons qu'autrefois l'usage autorisait cette saisie; mais l'art. 1041 a aboli tous les usages qui existaient avant la publication du Code.

Nous demanderons, au surplus, à quoi revient une saisie sur soi, de la part de celui qui est à la fois créancier et débiteur? Ou la créance et la dette sont liquides, ou elles ne le sont pas : dans le premier cas il se fait compensation, par la seule force de la loi, entre la créance et la dette, jusqu'à concurrence, s'il n'y a point encore eu de saisie-arrêt ou d'opposition de la part d'un autre créancier du saisi; dans le second cas, si le tiers saisi est débiteur, et s'il n'est créancier que d'une somme non liquide, il faut qu'il se hâte de la faire liquider; si d'autres créanciers du saisi lui demandent déclaration de ce qu'il doit dans l'instance en validité, il fournira cette déclaration; mais il établira en même temps, ou par un incident séparé, le fondement de sa créance. Le saisi et les autres créanciers l'avoueront ou la contesteront; s'ils l'avouent, tout sera terminé; si le saisi paye d'une main, de l'autre il prendra part à la distribution; si sa créance est contestée, le tribunal prononcera; si sa créance est privilégiée, il fera

valoir son privilége; si elle est primée par privilége d'autres créanciers, il en souffrira, mais c'est inévitable. On ne saurait donc admettre qu'en mettant une saisiearrêt sur soi, celui qui est tout à la fois débiteur et créancier, mais créancier d'une somme non liquide, et qui ne peut, par cette raison, se compenser de plein droit, puisse, par cette formalité, exclure les autres créanciers de venir réclamer la distribution de ce qu'il doit à quoi peut donc servir aujourd'hui une saisie sur soi?...

Berriat pense aussi, contre l'opinion de Pigeau et celle de Coffinières, que, dans l'état actuel de notre législation, il est douteux que la saisie sur soi soit autorisée (voy. hoc tit., note 32), et nous persistons dans la solution ci-dessus donnée avec d'autant plus de confiance qu'elle a été consacrée par arrêt de la cour de Rouen du 13 juill. 1816. (Sirey, t. 16, p. 371; Dalloz, t. 24, p. 9.)

(2) [* Un ministre peut saisir-arrêter les deniers dus par un autre département ministériel; ce n'est pas les saisir entre ses propres mains. (Brux., 7 août 1841; J. de B., 1842, p. 527.))

>> mais que deux personnes seulement peuvent | » remplir. On peut raisonner ici comme en » matière de lettre de change. Le concours de » trois personnes est nécessaire à la validité » de ces actes, mais souvent il n'y en figure » que deux, lorsque le tireur est lui-même » porteur d'ordre. La loi exige aussi, pour la » conservation des droits des signataires, que » la lettre de change soit protestée par le der» nier endosseur sur l'accepteur; et, cepen»dant, il arrive quelquefois que la lettre de change vaut entre les mains de ce dernier » par un endossement en blanc qui ne lui en » transfère pas la propriété, il la proteste sur » lui-même pour mettre à couvert les droits » des intéressés. Il y a une identité parfaite » entre les deux espèces, et généralement dans » tous les cas où la loi parait moins s'attacher » à distinguer les personnes qui doivent figu»rer dans un acte qu'à fixer le rôle que cha»cune doit y remplir, il'importe peu que deux » rôles, qui ne sont pas d'ailleurs incompati»bles, soient remplis par la même personne.

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La saisie-arrêt, sur soi-même, dit-on encore, renferme une dérogation tacite à la loi, puisqu'elle prive un créancier du droit que la loi accorde de demander et de recevoir, sans retard, le payement d'une créance liquide et exigible. Mais la saisie-arrêt sur un tiers ne produit-elle pas absolument le même effet?

Une semblable procédure, dit la cour de Paris, aurait pour résultat de donner au débiteur de mauvaise foi le moyen de paralyser, sans aucun droit justifié, l'exécution d'un titre authentique, qui ne peut être arrêté que par la compensation légale. Sans aucun droit justifié sont des expressions qui nous surprennent, lorsque la loi ne permet la saisie-arrêt qu'en vertu d'un titre ou de la permission de juge. Avec ces précautions, si le droit n'est pas complétement justifié, il sera du moins appuyé de présomptions assez fortes pour que la mauvaise foi n'ait pas plus de chances de succès que dans toutes autres circonstances. D'ailleurs, ce reproche ne s'adresserait-il pas, avec autant de fondement, à la saisie arrêt sur un tiers?

sie-arrêt sur lui-même, que son débiteur, qui est en même temps son créancier, ne transporte à un tiers les droits qu'il a à faire valoir, ce qui rendrait toute compensation, même pour l'avenir, impossible?

Quant à Roger, voici comment il justifie son opinion de l'irrégularité d'une saisie-arrêt sur soi-même, quand la créance du saisissant n'est pas liquide. « Un principe constant, c'est qu'on ne peut saisir-arrêter en vertu d'un titre non liquide, ou non provisoirement évalué. Ce principe conserve toute sa force, lors même que le porteur d'un tel titre serait lui-même débiteur de la somme qu'il voudrait saisir. Comment pourrait-il pratiquer entre ses propres mains, assimilées à celles d'un tiers, une saisie que la loi ne lui permettrait pas d'employer entre les mains d'un tiers véritable? » Ce raisonnement suppose que le créancier pour somme non liquide ne prend pas la peine de faire évaluer provisoirement celle pour laquelle il veut saisir; mais comme l'art. 559 lui en donne le droit, et qu'il assimile cette évaluation provisoire à un état réellement liquide de la créance, l'objection nous semble sans portée. Sans doute, la saisie-arrêt faite par le créancier sur lui-même serait nulle, s'il ne s'était pas conformé à l'art. 559. Mais peut-on douter qu'il le fasse? et quand il l'aura fait, que restera-t-il contre lui de l'objection que nous combattons?

Ainsi nous croyons avoir répondu à tous les motifs qu'on nous oppose.

Et nous demanderons maintenant si l'on trouverait juste que le créancier qui, étant en même temps débiteur, trouve entre ses mains un gage légitime pour le payement de sa créance, éprouvât, pour en obtenir l'attribution, plus de difficultés que s'il était entre les mains d'un tiers; qu'il fût exposé à voir ce gage lui échapper sans avoir aucun moyen légal de le conserver, en tout ou en partie, tandis que ce moyen lui appartiendrait incontestablement, si le gage était entre des mains tierces?

Nous demanderons si l'art. 823, C. proc., n'offre pas une raison d'analogie bien puissante, en permettant au propriétaire la saisiegagerie des meubles qui sont en sa possession?

Carré objecte à son tour (voir la note à la page qui précède), que la voie de saisie-arrèt serait inutile dans le cas qui nous occupe, et Concluons que le créancier, qui se trouve sans résultat appréciable au profit de celui qui en même temps débiteur du même individu, la pratiquerait; car il peut plus aisément par- peut saisir-arrêter entre ses propres mains, les venir au même but, soit en se hâtant de faire sommes qu'il doit, pour sûreté de celles qui liquider sa créance pour l'opposer en compen- lui sont dues, soit de plano si sa créance est sation, soit en la produisant dans sa déclara-liquide, soit, si elle ne l'est pas, après l'avoir tion de tiers saisi, si d'autres créanciers ont fait évaluer. pratiqué une saisie-arrêt.

Ces objections nous semblent peu fondées. Dans le temps que le créancier emploiera pour faire liquider sa créance, ne peut-il pas être forcé à payer sa dette déjà liquide? Peut-il empècher, d'ailleurs, autrement que par une sai

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Pigeau, Proc. civ., art. 14 du chap. Saisiearret, pense qu'un exploit signifié à une partie, à sa propre requête, pouvant paraître ridicule, est sans objet; que le saisissant peut se dispenser de se faire à lui-même aucune signification, et qu'une simple déclaration faite à

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