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son débiteur, pour lui annoncer la résolution | gible, et elle n'est exigible qu'autant qu'elle où il est de ne pas se dessaisir des sommes est échue. Or, la saisie-arrêt étant une voie qu'il doit lui-même sans obtenir satisfaction d'exécution, il s'ensuit qu'elle ne peut être vasur sa propre créance, déclaration qui contien-lablement apposée avant l'échéance du terme, dra en même temps assignation pour voir dé- sans contrevenir, d'ailleurs, à l'art. 1186, terminer définitivement sa créance, suffira pour C. civ., d'après lequel ce qui est dû à terme produire, sur les sommes que détient le sai- ne peut être exigé avant le terme. sissant fictif, et à l'égard de leur propriétaire, les effets d'une saisie-arrêt ordinaire, c'est-àdire, pour l'empêcher de les transporter vala

blement à des tiers.

Cette procédure ne nous paraît pas régu lière, surtout dans le cas où il faut qu'une ordonnance du juge intervienne ; il est beaucoup plus prudent de faire tous les actes qu'indique le Code de procédure.

C'est, à notre avis, exiger le payement que de saisir-arrêter. En effet, lorsque le débiteur ne peut plus toucher ce qui lui est dû à lui-même, lorsque le dessaisissement du montant de sa créance entre les mains du saisissant est ordonné, ce qui est la suite nécessaire de l'opposition, il est dans le même état que s'il avait effectué lui-même le payement, et cela ne peut être, puisqu'on ne peut faire indirectement ce qu'on ne peut faire d'une manière directe (1).

Au reste, l'on sent bien qu'en matière de dépôt, où la compensation n'est pas admise (C. civ., 1293 2o), si ce n'est pour ce qui est [La solution adoptée par Carré l'est aussi de dû à raison du dépôt, le dépositaire, s'il était la plupart des auteurs, qui considèrent la saicréancier du déposant, ne pourrait, non plus sie-arrèt comme une véritable mesure d'exéque son cessionnaire, pratiquer une saisie-ar-cution, et, par conséquent, comme une violarêt sur la chose déposée entre les mains du premier. C'est une exception fondée sur des principes particuliers au dépôt. (Aix, 24 fév. 1818; Sirey, t. 18, p. 256.)

1926. En général, tout créancier à terme peut-il faire des saisies-arrêts, au préjudice du débiteur qui n'offre aucune sûreté pour le payement à l'échéance du terme? [Quid du terme de grâce ? Quid de la créance conditionnelle?]

Sirey résout la première question pour l'affirmative, dans une consultation imprimée dans son recueil de 1817. (Voy. § 2 de cette consultation, p. 83.) Dans une autre consultation, délibérée par Pigeau (voy. méme recueil, p. 85), ce savant professeur estime que, quelque fortes que soient les raisons données par Sirey, néanmoins elles peuvent souffrir difficulté. Au reste, nous croyons qu'aucun acte ne peut être exécuté si la dette n'est exi

tion de la loi du contrat, si elle intervient avant le terme convenu. Ainsi le pensent Pigeau, Comm., t. 2, p. 150 et 151 2o et 3°; Dalloz, t. 24, p. 7, n° 1; Thomine, no 614; Boitard, sur l'art. 557, et Roger, no 117 et

suiv.

La même décision résulte des arrêts des cours de Grenoble, 23 juillet 1818 (Dalloz, t. 24, p. 14); de Bourges, 17 mars 1826 (Sirey, t. 26, p. 302), et de Bruxelles, 18 janv. 1832.)

Nous approuvons la décision des auteurs, mais non pas le motif sur lequel ils se fondent.

La saisie-arrêt n'est pas considérée par la loi comme un acte d'exécution, puisqu'elle l'autorise au profit de celui qui n'a pas de titre exécutoire.

Pour exécuter, c'est-à-dire pour se faire attribuer les deniers saisis, pour en dépouiller le saisi, il faut avoir ce titre exécutoire, et celui qui ne l'a pas eu originairement est obligé de le demander en concluant à la condamnation.

(1) Cependant le cessionnaire d'une créance, qui a stipulé son recours en garantie contre le cédant, peut, en cas de non-payement, et avant d'avoir entièrement discuté le débiteur principal, faire, à titre de mesure conservatoire, et sauf à ne toucher qu'après la discussion du débiteur, une saisie-arrêt au préjudice du cédant. (Bordeaux, 2 juill. 1815; Sirey, t. 15, p. 11; Dalloz, t. 24, p. 10.)

Nous ne pensons pas qu'il y ait contradiction entre cette décision et celle que nous venons de donner cidessus, attendu que le résultat nécessaire de la saisie ne serait pas ici de faire payer le cessionnaire sur les fonds du cédant, celui-ci pouvant empêcher que la saisie ne produise cet effet contre lui, en indiquant au cessionnaire le moyen d'épuiser les facultés du débiteur cédé et d'en obtenir satisfaction. Au contraire, dans le cas de l'obligation à terme, le débiteur, qui n'a point un semblable moyen de se soustraire aux effets de la saisie, se trouve évidemment payé par anticipation, puisque les fonds qui lui sont dus restent aux

mains du tiers saisi, pour, à l'échéance du terme, n'en sortir qu'afin de passer en celles du saisissant: d'où il suit qu'en autorisant une saisie-arrêt avant cette échéance, c'est véritablement la même chose que si l'on obligeait un débiteur à consigner le montant de sa delle avant cette époque.

[La décision de la cour de Bordeaux peut être justifiée, par cette circonstance que le cessionnaire avait déjà actionné inutilement le débiteur, et que, par conséquent, les voies d'exécution étaient devenues légitimes contre le cédant, obligé à garantir la solvabilité du débiteur; ce débiteur étant insolvable, l'obligation du cédant était ouverte; il ne pouvait se plaindre qu'on eût prévenu, à son égard, l'échéance du terme : car l'époque de la prestation de sa garantie était réellement arrivée, par le refus de payement du débiteur. Mais si ce refus n'eût pas été constaté, nous pensons que la solution donnée au texte cût dû recevoir son application.}

Pourquoi cela? C'est que l'exécution ne commence vraiment que là. Pourquoi le titre exécutoire n'est-il exigé qu'alors? Parce que, jusque-là, il n'y avait pas exécution, mais simplement mesure conservatoire.

On a beau dire: La saisie-arrêt prive le débiteur de disposer de ce qui lui appartient. Oui, mais elle ne l'en dépouille pas. Et d'ailleurs quel que soit son effet, on ne peut pas la regarder comme une mesure executoire, puisque, en l'affranchissant de certaines conditions, la loi témoigne qu'elle ne lui reconnaît pas ce caractère.

La seule condition que la loi exige de celui qui veut saisir-arrêter, c'est d'être créancier «Tout créancier peut, en vertu de titres authentiques ou privés, saisir-arréter, etc. » C'est d'être créancier, c'est-à-dire, d'avoir contre le saisi une créance exigible, car on peut refuser le titre de créancier à celui qui a une créance à terme : Qui a terme ne doit rien.

Et voilà la considération qui nous détermine à penser que la créance à terme ne peut autoriser une saisie-arrêt.

Cette décision ne s'appliquerait pas, néanmoins, au cas où le terme aurait été stipulé uniquement en faveur du créancier. La saisiearrêt serait tout simplement alors une preuve que le créancier renonce au bénéfice du terme, ce qu'il peut faire, bien certainement, puisqu'il y est seul intéressé.

Elle ne s'appliquerait pas non plus au cas où, suivant l'art. 1188 du Code civil, le débiteur se serait mis en état d'être déchu du béné-| fice du terme, parce qu'alors la créance deviendrait exigible.

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dont elle dépend ne s'est pas réalisée. Il est donc vrai de dire qu'il n'y a pas de créance, pas de créancier.

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On peut nous opposer l'art. 1180, C. civ., qui permet au créancier conditionnel toutes les mesures conservatoires de son droit. Comment donc lui refusons-nous la saisie-arrêt que nous appelons une mesure conservatoire?

La réponse est facile : la saisie-arrêt est une mesure conservatoire, mais dont l'exercice est soumis par la loi à une condition, celle d'ètre créancier. Or, celui qui n'a qu'une créance conditionnelle n'est pas réellement créancier. Donc la saisie-arrêt est exceptée des mesures conservatoires qui lui sont permises.

On a souvent décidé que la saisie-arrêt ne peut avoir lieu pour une créance qu'on prétend devoir résulter d'un compte, tant que ce compte n'est pas liquidé, parce que, jusqu'à sa liquidation, il peut être incertain qui sera créancier, qui sera débiteur. Sans doute l'article 559 permet de faire évaluer provisoirement par le juge une créance qui n'est pas liquide, mais non de lui faire décider de l'existence même de la créance, lorsque cette existence est problématique. C'est dans de telles espèces que notre solution a été consacrée par les cours de Bordeaux, 1er août 1817 (Dalloz, t. 24, p. 12; Pasicrisie, à cette date); Rennes, 2 août 1820; Paris, 27 fév. 1828; Rouen, 10 fév. 1829; Brux., 25 juin 1829 et 28 avril 1852; Bordeaux, 26 août 1859, et par la cour de cass., le 10 déc. 1839 (Devilleneuve, t. 40, 1гe, p. 57) (1).

De même, lorsqu'une société est en liquidation, et qu'on ignore lequel des associés sera débiteur de l'autre, l'un d'entre eux ne peut pratiquer contre son coassocié une saisiearrêt, pour sûreté des sommes dont il sera éventuellement son débiteur. (Bordeaux, 24 mai 1837; Devilleneuve, t. 38, 2o, p. 381.)

S'appliquerait-elle au terme de grâce accordé par le juge, en vertu de l'art. 122, C. proc. civ., ainsi qu'au terme conventionnel? Cette question a été traitée par Carré, dans sa note sur l'art. 125, et résolue pour la négative, par le motif que, le terme de grâce étant accordé De même encore la cour de Rouen a jugé, au débiteur à cause de l'impossibilité présumée le 23 nov. 1858 (Devilleneuve, t. 39, 2o, p. 226), où il est de se libérer à l'instant même, la pré- que le créancier qui forme une saisie-arrêt du somption et ses suites doivent cesser du mo- chef de son débiteur, et en vertu de l'art. 1166 ment que son créancier découvre un moyen du Code civil (2), est non recevable, si ce déde libération. C'est aussi notre avis et celui debiteur n'a qu'un droit éventuel et non encore Roger, no 119, et de Boncenne, t. 2, p. 137.

Les auteurs cités plus haut pensent, avec raison, que la créance conditionnelle doit être placée sur la même ligne que la créance à terme, et ne peut motiver, par conséquent, une saisiearrêt. La raison de décider est, en effet, plus forte pour la créance conditionnelle que pour la créance à terme. Si celle-ci n'est pas exigible tant que le terme n'est pas échu, l'autre n'existe même pas, tant que la condition éventuelle

(1) Voy. la note sous le no 1927.

(2) [Sur la question de savoir si le créancier a qualité pour une pareille saisie-arrêt, avant de s'être fait

ouvert.

Au reste, ce que nous venons de dire d'une créance éventuelle résultant d'un compte ne s'applique évidemment qu'au cas où l'existence même de la dette dépend de la reddition de ce compte. Mais si le jugement qui ordonne le compte a d'ores et déjà déclaré le rendant débiteur, laissant seulement incertaine la quotité de la dette, par exemple, par suite d'une demande en restitution de fruits, ou d'une ac

judiciairement subroger aux droits de son débiteur, voy. le no 1929 bis.]

tion en revendication d'hérédité indûment touchée, il est clair que la saisie-arrêt peut alors être pratiquée en faisant évaluer provisoirement par le juge le montant de la créance. C'est ce que décide Carré, dans la consultation inédite que l'on va lire, et que nous citons d'autant plus volontiers qu'elle renferme l'exposé de divers principes de la matière.

« Le soussigné, qui a pris lecture d'un mémoire à consulter, par lequel on soumet à son examen la question de savoir si M. de Bellingant peut former opposition, entre les mains de M. de Monty, au payement du bordereau de collocation, délivré à Mme Higonon et à M. de Carcaradec, à raison du compte que ceux-ci doivent lui rendre, et pour lequel il se prétend leur créancier d'une somme non encore liquide,

» Est d'avis de l'affirmative sur cette question; en effet, la créance du sieur de Bellingant sur sa sœur et son neveu, ne saurait être révoquée en doute, puisqu'elle a été établie par un jugement dont on n'a point relevé appel. II est donc vrai de dire qu'elle est certaine, et, par conséquent, on ne peut lui contester le droit de faire tous actes conservatoires pour le payement de sa créance.

» En vain alléguerait-on que la somme à laquelle elle pourra s'élever n'est pas liquide: l'art. 559, prévoyant ce cas, ordonne que l'évaluation provisoire de la créance certaine, mais non liquide, sera faite par le juge.

turellement le gage de ce qui lui est dû. » Au reste, on ne pourrait tirer aucun argument de l'opinion émise par les auteurs sur les créances à terme; ma raison en est que si l'on ne peut, en général, dans ce cas, faire de saisies-arrêts au préjudice du débiteur, cette décision est appuyée sur ce que ce débiteur ne peut être contraint au payement avant l'échéance du terme qui est toujours censé stipulé en sa faveur: or, saisir-arrêter, c'est en quelque sorte exiger le payement, puisqu'en faisant juger la validité par suite de l'obligation à terme, on empêche l'obligé, quoique non encore débiteur, de toucher les fonds qui lui appartiennent; c'est la même chose que s'il payait réellement. Dans le cas, au contraire, où, comme dans l'espèce actuelle, le saisi est jugé débiteur, sauf apurement d'un compte, aucun terme n'est établi en sa faveur, et il n'a point à se plaindre de ce que la mesure conservatoire subsiste jusqu'à liquidation définitive.

» Au surplus, de ce que le terme est, comme on vient de le dire, toujours présumé en faveur du débiteur, il suit que l'on doit toujours aussi éviter, autant que possible, de nuire aux intérêts de ce débiteur que la loi traite plus favorablement que le créancier ici, au contraire, les défendeurs à l'action de compte, ont été jugés débiteurs du sieur de Bellingant, et les retards qu'ils ont apportés volontairement à la reddition de ce compte ne sont pas propres à leur attirer la faveur que la loi accorde au débiteur de bonne foi dans l'intérêt duquel un terme a été fixé ou convenu pour l'exécu

» Or, cet article, relatif aux saisies-arrêts, peut être valablement invoqué dans l'espèce, puisqu'il ne s'agit pas d'autre chose que d'une saisie-arrét à former entre les mains de l'action de son obligation. quéreur, le sieur de Monty.

» Et, ici, il importe de distinguer ce qui, dans la saisie-arrêt, est purement conservatoire de ce qui est d'exécution: l'opposition, en effet, jusqu'à la validité jugée par le tribunal, ne saurait être considérée que comme un acte conservatoire qui ne nuit point aux droits du débiteur, mais qui tend seulement à conserver ceux du créancier et à en assurer l'exercice. D'où il suit qu'en retardant le jugement sur la validité, les débiteurs saisis n'auront point à souffrir de l'exécution, ils pourront eux-mêmes demander que la validité ne soit jugée qu'après l'apurement du compte qu'ils doivent rendre, compte qui ne tardera pas sans doute à être rendu, puisque le tribunal de Lannion en a ordonné la reddition dans le délai d'un mois, à dater de la notification de son jugement.

» Cette solution, qui n'est point contraire aux principes, est aussi conforme à l'équité, puisque le sieur de Bellingant est véritablement créancier de ladite dame Higonon et du sieur Carcaradec, et qu'il serait injuste de lui refuser les moyens de conserver sa créance, en laissant échapper une somme qui est naCARRÉ, PROCÉDURE GIVILE. — TONE IV.

» Le soussigné se croit donc bien fondé à penser que le sieur de Bellingant peut vala. blement former opposition entre les mains du sieur de Monty, jusqu'à concurrence d'une somme à laquelle il atténuera la valeur de sa créance, et qui, au reste, sera fixée par le juge auquel la requête sera présentée.

» Par l'assignation en validité, le sieur de Bellingant conclura à ce que le tribunal déclare la saisie valide, et à tenir entre les mains du tiers saisi jusqu'à concurrence de la somme qui formera le débet définitif du compte, pour, par suite de la liquidation, le tiers saisi compter au saisissant la somme arrêtée jusqu'à cette

concurrence.

» On trouve un exemple d'une décision semblable dans un arrêt de la cour de Rennes du 9 juin 1815.

» Délibéré à Rennes, le 27 mars 1822. »] 1927. Peut-on saisir-arrêter sur le fondement de droits contestés en justice (1)? Nous ne le pensons pas, et tel est aussi l'avis

(1)[La voie de saisie-arrêt n'est pas permise à

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des auteurs des Ann. (Comment., t. 4, p. 6). Il faut, disent-ils, une créance directe el personnelle contre le saisi; ainsi, par exemple, une demande en indemnité qui n'est pas jugée ne peut autoriser des oppositions, et cela est fondé sur ce que tant que cette action n'a pas été accueillie par la justice, l'indemnité n'est qu'une simple prétention qui, à la vérité, peut être consacrée par un jugement, mais qui peut également être rejetée. C'est ce qui a été décidé par un arrêt de la cour de Paris du 8 mai 1809, et l'on sent que les motifs que nous venons de présenter s'appliquent à tous droits contestés en justice (1).

[Sans doute, et cela résulte de nos observations sur la question précédente, une créance, pour pouvoir donner lieu à saisie-arrèt, doit être certaine, c'est-à-dire existante au moment où la saisie est pratiquée. Mais nous avons peine à comprendre qu'on exige encore qu'elle ne soit pas contestée.

La loi nous parait supposer, au contraire, que la créance sera souvent et le plus souvent contestée, 1o parce qu'elle permet de saisir sans titre, moyennant permission du juge; et il est rare qu'une créance sans titre ne donne pas lieu à quelque contestation; 2° parce qu'elle veut que toute saisie-arrêt soit suivie d'une action en validité, et qu'elle trace les formes de cette action; or, quel besoin aurait-on d'une action en validité, si la créance n'était pas contestée ? Quel autre but a-t-elle, que de

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faire statuer sur la contestation que la créance pourrait subir?

Et quand intervient le jugement qui prononce la validité, en statuant sur les contestations, donne-t-il naissance à la créance? Non, sans doute, il en déclare seulement l'existence; il reconnaît que le saisissant était vraiment créancier du saisi au moment de la saisie, que toutes les contestations opposées à sa créance étaient sans fondement.

Or, s'il est reconnu que la créance existait au moment de la saisie, malgré toutes les difficultés qu'on lui a opposées, peut-on dire que celui qui obtient ce jugement n'avait pas le droit de saisir, lorsque les art. 557 et 558 accordent ce droit à tout créancier porteur ou non d'un titre? La seule condition qu'exigent ces articles, c'est d'être créancier. Celui qui obtient le jugement de validité l'était assurément. Qu'importent dès lors les contestations dont son droit a été jusque-là l'objet.

En un mot, c'est du résultat de l'instance en validité que nous paraît devoir dépendre le sort de la saisie-arrêt. Si la créance est reconnue, l'effet de cette reconnaissance remonte au moment de la saisie-arrêt, celle-ci aura été légitimement pratiquée : si elle n'est pas reconnue, la saisie-arrêt aura été faite par un noncréancier, c'est-à-dire sans droit; le saisissant devra la réparation du dommage que son opposition aura causé au saisi.

La cour de Bordeaux a jugé, le 13 janv. 1837,

celui qui n'a pas, au moment de la saisie, une créance certaine et d'une prompte justification. (Brux., cass., 11 déc. 1833; Bull. de cass., 1854, p. 102.)

S'il n'est pas absolument nécessaire pour légitimer une saisie-arrêt, que la créance qui lui sert de fondement soit tout à fait claire et liquide, toujours faut-il qu'elle soit réellement existante, et ne repose pas uniquement sur des droits contestés en justice.

Dans un semblable cas, le saisissant doit être condamné envers le saisi, aux dommages-intérêts soufferts par cette indue exécution. Brux., 25 juin 1829, 25 janv. 1850, 18-25 janv., 28 avril 1832; J. de B., 1829, 2e, p. 105; 1852, 1re, p. 124 et 279; Dalloz, t. 24, p. 12.) Une saisie-arrêt ne peut être pratiquée valablement que pour autant qu'il s'agisse d'une créance actuelle dont on soit à même de justifier d'une manière prompte et célère.

Ainsi, on ne pourrait déclarer valable une saisiearrêt pratiquée en vertu d'un jugement qui, tout en reconnaissant l'existence d'une société en participation entre le saisissant et le saisi, les renvoie devant arbitres pour statuer sur les difficultés qu'elle fait naître. (Brux., 10 nov. 1834; J. de B., 1856, p. 7.)

Pour pouvoir pratiquer une saisie-arrêt, il faut être créancier actuel de celui à charge de qui elle est formée, et ce, soit que la saisie-arrêt se fasse en vertu de titres, soit qu'elle se fasse en vertu d'autorisation du juze.

Une saisie-arrêt ne peut être maintenue que pour autant que le saisissant puisse justifier incontinent, sinou de la hauteur, au moins de l'existence réelle de la créance. (Brux., 4 mai 1833; J. de B.. 1833, p. 67.)

Mais jugé que lorsqu'une saisie-arréi aété accordée,

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le tribunal ne peut, sur la demande en validité, l'annuler avant qu'il ait été statué sur l'existence et la hauteur de la créance. (Brux., 21 juin 1837; J. de B., 1838, p. 92.)]

(1) A plus forte raison, peut-on, en vertu d'un jugement provisoire du tribunal de commerce, former une saisie-arrêt, quoique le jugement soit entrepris par la voie d'appel. C'est ce qui a été décidé par la cour de Rennes, le 24 avril 1815 (Dalloz, t. 24, p. 15). La cour a considéré, 1o qu'il ne fallait pas confondre les dispositions de la loi relatives à la saisie-exécution avec celles qui concernent la saisie-arrêt, qui, suivant l'art. 557, peut être mise entre les mains d'un tiers, aux fins d'un titre authentique ou privé, ou même sans titre; 20 que le jugement n'était point un titre sans force et sans valeur, et que, malgré l'appel, il restait titre authentique; 3o que, d'après l'art. 2123 du Code civil, l'hypothèque judiciaire résulte non-sculement des jugements définitifs, mais encore des provisoires et soumis à l'appel; d'où il suit, à fortiori, qu'on pouvait, en vertu d'un pareil titre, mettre entre les mains d'un tiers une simple saisie-arrêt.

Nous croyons cette décision bien rendue, attendu que la saisie-arrêt n'étant qu'une mesure conservatoire jusqu'au dessaisissement du tiers saisi, elle ne peut être annulée; mais nous ne pensons pas qu'un tribunal puisse, en jugeant la validité de cette saisie, ordonner que le tiers saisi se dessaisira entre les mains du saisissant avant l'arrêt confirmatif. Alors, en effet, la saisiearrêt, conservatoire dans son principe, deviendrait une véritable éxécution, qui ne peut être consommée, si l'exécution provisoire n'a pas été ordonnée,

que le saisissant, en vertu de permission, devait être prêt à justifier de sa créance au plus tard quand l'instance en validité vient à son tour pour être jugée, et qu'aucun sursis ne peut lui être accordé.

» dette offerte en compensation est liquide ou » non, et si la compensation légale doit être » admise ou rejetée (t. 7, p. 371). »

C'est donc aussi aux magistrats à voir si la créance, cause de la saisie-arrêt, existait au moment où elle a été pratiquée; ce n'est pas leur déclaration qui lui donnera l'existence, ce n'est pas la contestation du débiteur qui l'empêchera de l'avoir.

Roger nous semble done avoir commis une erreur, quand il a avancé que le jugement qui reconnaît la dette ne régularise pas la saisiearrêt pratiquée, même avec la permission du juge, lorsque la dette n'est pas reconnue.

Cela serait vrai si la dette n'était née que depuis la saisie-arrêt; mais le jugement qui la déclare ne la fait pas naître.

Quoique nous admettions avec la cour de Paris, arrêt cité par Carré, et arrêt du 9 janv. 1812, qu'un droit à des dommages-intérêts ne suffit pas pour autoriser une saisie-arrêt, parce qu'une demande de dommages ne donne pas lieu à un incident, mais au contraire à une instance principale (1), nous ne partageons pas néanmoins la doctrine de la cour de Bordeaux, qui nous paraît trop sévère. C'est au juge à apprécier si la contestation du saisi est de nature à démontrer que la saisie-arrêt n'a été qu'un prétexte, et que rien n'est plus incertain que le prétendu droit du saisissant; Il n'en est pas de même de la créance qui mais nous déciderions, avec la cour de Brux., résulte d'un compte, et voilà pourquoi nous 2 déc. 1815, qu'au lieu d'annuler une saisie- avons dit, sous la question précédente, qu'une arrêt pratiquée en vertu d'un acte sous seing saisie-arrêt ne pouvait se former sur une paprivé, parce que la partie saisie dénie sa signa- reille créance. C'est qu'en effet, tant que le ture, on doit surseoir à prononcer sur la vali-compte n'est pas liquidé et balancé, de noudité jusqu'après la vérification. velles opérations peuvent survenir, qui modiIl est vrai que des saisies-arrêts ont été an-fient la situation des parties; on est donc fondé nulées par cela seul qu'elles étaient fondées sur des droits déjà contestés en justice, encore même qu'on eût obtenu du magistrat et la permission de saisir, et l'évaluation de la créance. C'est ce qu'ont jugé les cours de Bruxelles, le 2 mai 1829, et de Bordeaux, 23 août 1831 (Devilleneuve, t. 32, 2°, p. 577). Ces derniers arrêts consacrent donc l'opinion de Carré beaucoup plus expressément que celui qu'il cite, et Roger, p. 32, no 54 à 56, l'adopte aussi dans le sens étendu de ces ar

rêts.

Mais cet auteur y apporte une restriction qui nous semble détruire son système.

<«< En exigeant, dit-il, qu'une créance soit incontestable pour servir de base à une saisiearrêt, le législateur ne dit pas qu'une créance doit être incontestée. S'il fallait que le débiteur ne la contestat point, toute saisie-arrèt deviendrait impossible; à cet égard, on peut appliquer ce que professait Toullier par rapport à la compensation, qui, comme on sait, ne peut avoir lieu qu'entre dettes liquides et certaines: « Il ne suffit pas de soutenir qu'une dette n'est » pas liquide pour empêcher l'effet de la com» pensation; et quand Pothier dit qu'une dette » contestée n'est pas liquide, cela ne doit s'en» tendre que d'une contestation fondée sur des >> motifs raisonnables, qui rend la dette vrai>> ment douteuse; autrement la chicane ne > manquerait jamais d'éluder la compensation >> par des contestations sans fondement. C'est » à la sagacité des magistrats de discerner si la

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à dire que la créance n'est vraiment établie, qu'elle ne commence à devenir exigible, qu'elle ne prend naissance qu'au moment où la balance est arrêtée. Et ce n'est réellement que de cet instant qu'une action en payement est attribuée à celui qui se trouve créancier de l'autre.]

1928, Peut-on saisir-arrêter en vertu d'un jugement attaqué par voie d'appel?

La cour de Paris a prononcé, sur cette question, d'une manière affirmative (8 juillet 1808; Sirey, t, 8, 2, p. 254), en déclarant qu'un tel jugement formait un titre suffisant pour autoriser la partie qui l'avait obtenu à faire des actes conservatoires, tels que des oppositions, mais en même temps elle a décidé que les actes ne devaient porter que sur les capitaux, et non sur les revenus.

[La cour de Rouen a consacré la même solution, le 14 juin 1828 (Sirey, t. 30, p. 110), en faisant observer que tous les droits seront saufs, tous les intérêts conciliés, si l'on attend l'arrêt que la cour doit rendre sur l'appel, avant de faire statuer sur la validité.

Nous ne partageons pas cette doctrine.

L'art. 457, C. proc., est ainsi conçu: « L'appel des jugements définitifs ou interlocutoires sera suspensif, si le jugement ne prononce pas l'exécution provisoire dans les cas où elle est autorisée. » Lorsque le législateur a exprimé sa volonté en termes si clairs que le doute interprétatif n'est même pas per

(1) [Nous n'approuvons pas néanmoins un arrêt de la cour de Montpellier du 18 déc. 1810 (Dalloz, t. 24,

p. 15), qui n'a pas permis une saisie, après une condamnation à des dommages-intérêts à dire d'experts.}

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