Page images
PDF
EPUB

» On cite, il est vrai, un arrêt de la cour de Bordeaux du 23 mars 1815 (Sirey, t. 15, p. 299; Dalloz, t. 24, p. 48), duquel il résulterait que la faculté accordée au tiers saisi par l'art. 570 n'aurait lieu qu'autant que la contestation porterait sur les faits affirmés, qu'elle ne s'étendrait pas au cas où elle serait attaquée comme nulle ou irrégulière; alors le tiers saisi serait tenu de procéder devant le tribunal au greffe duquel il a fait sa déclaration.

contre la déclaration du tiers saisi est connexe à une instance pendante devant un autre tribunal que celui de son domicile, ne doit-elle pas y être portée?

La négative a été jugée, avec raison, par les cours de cass., 12 oct. 1814 (Sirey, t. 15, p. 129; Dalloz, t. 5, p. 428), et de Paris, 14 fév. 1814. Elle est adoptée par Roger, n° 598. (Voy. suprà, Quest. 1953 ter.)] [1959 ter. Si le contenu du certificat délivré par le fonctionnaire public est contesté, l'administration qu'il représente ne devra-t-elle pas être assignée? Devant quel tribunal? Pourra-t-elle requérir d'être renvoyée devant le sien ?

La dispense d'assignation en déclaration ne

doive toujours en être cru sur parole et que son certificat ne soit sujet à aucun contrôle.

» Il convient de faire observer avant tout sur cet arrêt, qui n'est pas autrement motivé que par ces mots : « attendu que la faculté accordée par l'art. 570 est nécessairement restreinte,» la cour de Bordeaux ne donne aucune raison pour appuyer cette restriction qu'elle déclare nécessaire, et s'il est vrai que les décisions judiciaires ne tirent leur force que des motifs qui les ont dictées, l'on est bien fondé à main-suppose pas que le fonctionnaire tiers saisi tenir que cet arrêt isolé n'est et ne doit être d'aucune considération. Mais au reste, si l'on réfléchit que l'arrêt suppose que la contestation de la déclaration ne s'élevait dans la forme que pour violation des art. 571, 572, 573 et 574 du Code, on voit qu'elle n'a point d'analogie avec celle dont il s'agit ici, et où la contestation portait sur le mérite et la suffisance des pièces justificatives, ou, autrement, qu'elle consistait à savoir si le compte était ou non pièce suffisante; que, d'un autre côté, il y avait contestation sur des faits inhérents à la déclaration d'avoir la litispendance de plusieurs affaires.

» Ainsi donc nul argument fondé ne peut être tiré de l'arrêt de Bordeaux, qui, en tous cas, parait présenter une contravention à la loi.

» Sur la 2o question, le conseil estime que le tribunal ne pouvait appliquer l'art. 577 avant d'avoir statué sur le déclinatoire, et ordonné de plaider au fond. Il serait superflu de rapporter de nouveau les autorités sur lesquelles cette opinion s'appuie, et que l'on trouve à la Quest. 608 de l'Analyse déjà citée, et n° 1034 du Tr. et Quest. de procédure.

» Il est évident (cette opinion étant admise en pur point de droit) que le tribunal ne pouvait se dispenser de statuer par jugement séparé. En effet, le principal à juger sur la contestation de la décision était la question du mérite et de la suffisance de la pièce, c'est-àdire du compte et par suite s'il y avait lieu ou non à l'application de l'art. 477. Or, on ne pouvait joindre la décision d'une semblable question à l'exception du déclinatoire.

>Tels sont les motifs d'après lesquels le conseil persiste dans l'avis que le jugement dont est appel ne peut manquer d'être réformé par la cour. »

Nous adoptons complétement l'opinion de notre savant maître.]

[1959 bis. Lorsque la contestation élevée CARRÉ, PROCÉDURE CIVILE. — TOME IV.

En général, il méritera et obtiendra confiance, mais il pourra aussi quelquefois être suspect et dépourvu de sincérité.

Alors, sans doute, le saisissant aura le droit de le dénoncer aux tribunaux, et, pour faire juger la contestation, d'assigner l'administration, tiers saisi, devant le tribunal où s'instruit la demande en validité. Il n'y a pas de doute non plus que cette administration pourra, comme tout autre tiers saisi, demander son renvoi devant son juge. Il nous paraîtrait plus simple de l'y assigner directement.

Pigeau, Comm., t. 2, p. 166, fait observer que les tribunaux ne doivent pas se mêler des affaires administratives.

«Aussi, les magistrats doivent examiner, dit Roger, no 609, si, pour juger la difficulté élevée contre le certificat, il n'y a pas à résoudre une question administrative en dehors de leur compétence; s'ils pensent qu'une pareille question doit être jugée, avant d'adjuger les conclusions du saisissant, ils doivent surseoir à statuer, jusqu'à ce que l'autorité administrative l'ait résolue. Sous ce rapport, Loret dit avec raison que le saisissant qui suspectera la sincérité du certificat devra s'adresser à l'autorité administrative supérieure. Après que cette autorité aura prononcé, le saisissant reviendra devant les tribunaux et obtiendra, s'il y a lieu, un jugement qui, basé sur la décision administrative, ordonnera au fonctionnaire de délivrer les sommes reconnues administrativement être dues à la partie saisie. »

Comme le résultat de la contestation peut être de nature à faire condamner l'État où les autres personnes morales qui sont débitrices, on doit suivre, pour la compétence, les principes que nous avons exposés dans notre ouvrage sur la compétence administrative, au chapitre de la Séparation des pouvoirs, t. 1, p. 144.]

27

1960. La comparution du tiers saisi, à | prononcer la validité, si le tiers saisi n'a pas l'effet de donner sa déclaration, peut-elle été mis en cause devant elle.] lui étre opposée comme une soumission au tribunal du domicile du saisi?

Non, sans doute, puisque l'art. 570 ne l'autorise à demander son renvoi que lorsqu'il y a contestation sur la déclaration qu'il a fournie.

Mais aussi, dès que cette contestation est élevée, il doit se garder de donner aucune défense au fond, et demander aussitôt son renvoi; autrement, il ne serait plus recevable en cette demande, qui est une véritable exception déclinatoire, susceptible d'être couverte par les plaidoiries au fond, puisqu'elle est fondée sur une incompétence ratione personæ. (Voy. Praticien, t. 4, p. 121; Delaporte, t. 2, p. 151, et nos questions sur l'art. 169.)

ART. 571 Le tiers saisi assigné fera sa déclaration (1), et l'affirmera au greffe, s'il est sur les lieux; sinon, devant le juge de paix de son domicile (2), sans qu'il soit besoin, dans ce cas, de réitérer l'affirmation au greffe.

Tarif, 91.[Tar. rais., nos 440 et 441.] C. proc., art. 638. [Carré, Comp., 2e part., liv. III, tit. II, ch. 2, art. 325, Quest. 456, éd. in-8o, t. 6, p. 341.] — (Voy. FORMULES 459 et 460.)

1962. Dans quel délai le tiers saisi doit-il faire sa déclaration ?

L'art. 570 dit que le tiers saisi sera assigné en déclaration. Ainsi, l'exploit par lequel le saisissant lui demande cette déclaration est

[Ces deux observations sont très-justes.] 1961. Le renvoi étant prononcé, a-t-il considéré comme introductif d'instance, et l'effet de transporter au tribunal du tiers conséquemment le tiers saisi, qui est défendeur saisi les suites de l'instance entre le sai-à cet exploit, doit y obéir dans les délais fixés

sissant et le saisi ?

Ce renvoi ne porte que sur la contestation de la déclaration, et, conséquemment, l'instance entre le saisissant et le saisi reste au tribunal où elle a été portée.

[Cela est évident; Pigeau, Comm., t. 2, p. 167, et Roger, no 604, en font surérogatoirement la remarque.

Le renvoi une fois prononcé, le saisissant ou le saisi assigne le tiers saisi devant le tribunal de son domicile, pour y voir prononcer sur la difficulté.

Nous pensons que le préliminaire de conciliation n'est pas plus exigé avant cette assignation qu'il ne l'était, d'après notre article, avant celle qui avait été donnée pour comparaître devant le tribunal où l'instance en validité était pendante.

au titre des Ajournements. (Voy. Questions de Lepage, p. 388 et 589, et Hautefeuille, p. 521.)

[Voy., sur cette matière, la Quest. 1976, infrà, et les observations dont nous l'avons accompagnée.]

[1962 bis. Quel est le greffe où doivent être

faites la déclaration et l'affirmation? Évidemment c'est celui du tribunal où la demande en validité est pendante et où le tiers saisi a été assigné.

Mais est-ce nécessairement, et dans tous les cas, le greffe du tribunal de première instance? Non, puisque, d'après ce que nous disons infrà, Quest. 1976, la déclaration peut être faite en cause d'appel; alors c'est sans nul doute au greffe de la cour qu'il faut procéder; c'est ce qui eut lieu dans l'espèce d'un arrêt rendu par la cour de Paris, le 12 mars 1811 (Sirey, t. 11, p. 459; Dalloz, t. 24, p. 43), par lequel

C'est aussi l'opinion de Roger, no 605.] [1981 bis. Si l'un des assignés, le débiteurelle valida la déclaration ainsi faite. ou le tiers saisi fait défaut, y a-t-il lieu à appliquer la procédure du défaut profitjoint?

Nous avons déjà décidé cette question pour l'affirmative, sous le n° 621 quinquies, où nous avons soutenu que la présence du tiers saisi en cause est essentielle, indispensable.

Nous trouvons ce principe corroboré par un arrêt de la cour de Bordeaux du 27 fév. 1829 (Sirey, t. 29, p. 525), qui a jugé que, lorsque par erreur un tribunal a omis de prononcer la validité d'une saisie-arrêt, la cour royale ne peut, sur l'appel de ce jugement,

(1) Assisté d'un avoué. (Tarif, art. 91.)

Roger, no 561, approuve cette décision.] [1962 ter. La déclaration et l'affirmation pourraient-elles étre faites valablement par acte d'avoué à avoué?

L'usage s'est introduit dans quelques tribunaux de les faire ainsi. Thomine, no 631, loue cet usage quoique contraire au texte de la loi, parce qu'il tend à éviter les frais.

Mais le 5 mars 1832, la cour de Bourges a déclaré sans valeur une affirmation faite en cette forme, et nous pensons que sa jurisprudence doit être suivie.]

cette déclaration au greffe du tribunal. [Voy. notre

(2) Le juge de paix, à la diligence dutiers saisi, adresse Quest. 1962 quater.}

(1962 quater. Lorsque la déclaration est faite devant un juge de paix, comment est-elle transmise au tribunal saisi de la demande en validité?

Ce n'est certainement pas, malgré l'opinion de Favard, t. 5, p. 14, no 17, au juge de paix qu'incombe le devoir de l'y faire parvenir; les réflexions de Thomine, no 631, pour le démontrer, sont parfaitement justes. Le juge de paix ne peut être constitué l'agent d'affaires de ses justiciables.

Ne serait-il pas convenable que le tiers saisi levât une expédition de sa déclaration et l'envoyât à l'avoué qu'il devra constituer près le tribunal saisi de la demande, lequel en ferait le dépôt au greffe.

C'est la marche indiquée par un auteur, et nous l'approuvons en faisant observer que les frais de l'expédition ne devront pas rester à la charge du tiers saisi. (Voy. notre Quest. 1981.) Dans la note insérée suprà, p. 418, Carré adopte une opinion contraire.]

de Berriat, par les raisons que nous avons exposées sous la Quest. 366.

[L'affirmation, dit Thomine, no 631, n'est point un serment, mais c'est une offre de le prêter, s'il est exigé. L'affirmation est plus qu'une déclaration ordinaire et moins qu'un serment.

Roger, p. 340, no 564, pense aussi, avec raiavec serment.] son, que l'affirmation ne doit pas être faite

ART. 573. La déclaration énoncera les causes et le montant de la dette, les payements à compte, si aucuns ont été faits; l'acte ou les causes de libération, si le tiers saisi n'est plus débiteur, et, dans tous les cas, les saisies-arrêts ou oppositions formées entre ses mains.

Tarif, 92. C. proc., art. 578 et 638. — [Locré, t. 10, p. 113, no 28; p. 190, no 27.]— (Voy. FORMULES 459 et 460.)

CCCCLV. Au moyen des énonciations que la déclaration affirmative du tiers saisi doit con

tenir, aux termes de l'article ci-dessus, le tri

ART. 572. La déclaration et l'affirmation pourront être faites par procuration spé-bunal est mis à portée de statuer sur tous les ciale.

[Tar. rais., no. 440 et 441.] C. proc., art. 638. [Locré, t. 10, p. 113, no 27.] —(Voy. FORMULE 461.) 1963. La procuration doit-elle étre authentique?

La loi ne le dit pas; et en conséquence Delaporte, t. 2, p. 152, estime qu'une procuration sous signature privée serait insuffisante. Cet auteur convient néanmoins que l'on est dans l'usage de faire dresser cet acte par des notaires. Nous croyons que cet usage est bien établi; car le tiers saisi devant affirmer sa déclaration dans le mandat, il est nécessaire que cette affirmation soit donnée devant un officier public. Tel est aussi le sentiment de Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, ch. 1er.

[Et Comm., t. 2, p. 168; mais il est opposé à celui de Favard, t. 5, p. 14, no 16; de Thomine, no 651, et de Roger, p. 540, no 564, que nous préférons. Exiger une procuration authentique, c'est, ce nous semble, ajouter à la loi.]

objets de contestation que l'on peut présumer pouvoir s'élever entre le saisissant et le saisi, mais ce qu'il importe particulièrement de remarquer sur cet article, c'est qu'avant la publication du Code de procédure, il arrivait souvent que le tiers saisi, intéressé lui-même à retarder le payement de ce qu'il devait, ne dénonçait que l'une après l'autre les diverses oppositions qui existaient en ses mains, au jour de la saisie-arrèt, et, par ces dénonciations successives il éternisait la procédure et décuplait les frais. Cet abus est réformé par l'obligation imposée au tiers saisi de faire connaître toutes les saisies-arrêts formées entre ses mains, et existant au moment où la déclaration est faite.

1965. Qu'entend-on par causes de la dette?

D'ordinaire on entend, par cause de la dette, son origine, ou ce qui lui a donné lieu, par exemple, si elle a été contractée pour prêt, pour loyers, etc.

Mais nous pensons que ce mot doit être pris ici dans une acception plus générale et qu'il

1964. L'affirmation doit-elle être faite sous comprend en outre tout ce qui peut se rap

serment?

« Il est clair que non, dit Berriat, puisqu'elle peut être faite par procureur, et qu'il faut toujours prêter le serment en personne. »> Nous remarquerons que plusieurs cours d'appel, et notamment celle de Nancy, dans leurs observations sur le projet du Code, supposaient que l'affirmation devait être assermentée. (Voy. Prat., t. 4, p. 119 et 125.)

Quoi qu'il en soit nous partageons l'opinion

porter à la dette, même pour la détruire ou la modifier. C'est en ce sens que Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, ch. 1er, nous parait l'avoir entendu, lorsqu'il a dit : « Le tiers saisi peut op» poser toutes les exceptions qu'il pourrait op» poser au saisi, son créancier; par exemple, » que la dette est nulle ou sujette à rescision; » qu'elle est ou à terme ou conditionnelle : » doit toujours déclarer ces causes, avec ré» serve de faire prononcer la nullité ou la res»cision, etc., si elles sont contestées; et alors

» il pourra demander son renvoi devant son » juge, conformément à l'art. 570. »

[Roger, no 565, adhère avec raison à cette interprétation. (Voy. notre Quest. 1968 ter.)] 1966. Le tiers saisi doit-il toujours énoncer le montant de la dette?

Il ne peut, et par conséquent il ne doit l'énoncer qu'autant que la dette est liquide; dans le cas contraire, il déclarera qu'elle ne l'est pas; il dira, par exemple, qu'il doit un compte dont le reliquat n'est pas fixé, ou des fournitures non réglées ni évaluées, etc. (Voy. Pigeau, ubi suprà.)

[Cela est hors de toute contestation.] 1967. Quand le tiers saisi énonce qu'il a fait des payements à compte ou qu'il est libéré, est-il rigoureusement tenu de rapporter la preuve de ces payements ou de sa libération? [Des quittances sous seing privé feraient-elles foi de leurs dates?]

«Le tiers saisi en est facilement cru à sa déclaration affirmative d'avoir payé lors de la saisie, dit Delaporte, t. 2, p. 152, parce que, tant que cette saisie n'a pas encore été faite, il a été le maître de se libérer; c'est au saisissant à prouver que sa déclaration n'est pas sincère. »

Nous ne croyons pas qu'il soit entré dans l'esprit du législateur que le saisissant soit ainsi obligé de croire le tiers saisi sur parole. Le tiers saisi devient comptable par l'effet de l'opposition mise entre ses mains; or, qu'est-ce qu'un compte sans pièces justificatives?.... L'art. 574 nous paraît, au reste, écarter l'opinion de Delaporte, puisqu'il exige que les pièces justificatives de la déclaration y soient annexées. Il résulte, en effet, de cette disposition, que la preuve des payements à compte ou de la libération est à la charge du tiers saisi; et telle est aussi l'opinion de Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, ch. 1er, puisque, en parlant de l'énonciation que le tiers saisi doit faire des payements à compte, il prend soin d'ajouter qu'il doit également énoncer les pièces justificatives (1).

[La cour de Bordeaux a consacré la doc trine de Carré, le 21 juin 1831, en décidant d'une manière absolue que c'est au tiers saisi à prouver la sincérité des payements qu'il allègue, et non au saisissant à en établir la

fraude.

|

Il nous semble qu'entre ces deux opinions on doit prendre un moyen terme. Sans doute il serait trop dangereux d'admettre que le tiers saisi doit être cru sur sa parole et toujours sans examen, car ce serait souvent autoriser la fraude; mais il serait aussi trop rigoureux et même injuste de ne reconnaître d'aude quittances. Le tiers saisi devait-il prévoir, tres payements que ceux qui seraient appuyés lorsqu'il s'est libéré, qu'un créancier de son créancier viendrait un jour arrêter dans ses mains des deniers qui en seraient déjà sortis? créancier, et de n'exiger de lui aucun titre de N'était-il pas libre de suivre la foi de son libération? Était-il obligé de préparer les éléments d'un compte pour des tiers qui ne le lui avaient pas encore demandé, et desquels il ne pouvait même pas soupçonner l'existence? Ainsi il fait et affirme sa déclaration telle qu'il croit devoir le faire. Le saisissant conteste par tous les moyens qui sont en son pouvoir. Le tribunal apprécie les faits et les circonstances de la cause, la moralité du déclarant, etc., et, de même qu'il pourrait rejeter une quittance qui ne lui paraîtrait pas sincère quoiqu'elle fût authentique, de même il doit maintenir les payements qui lui paraissent vrais, ne fussent-ils appuyés d'aucune preuve écrite.

Tel est aussi l'avis de Roger, no 567, et celui que la cour de Lyon a adopté, le 7 décembre 1825.

Il est bien entendu que le tiers saisi ne peut se prévaloir des payements qu'il aurait opérés qu'autant qu'ils seraient antérieurs à la saisiearrêt faite entre ses mains, ce qui fait naître la question de savoir si des quittances sous seing privé non enregistrées feraient foi de leur date.

On sait en effet que, d'après l'art. 1528, C. civ., les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés; et qu'aux termes de l'art. 1322, ce n'est qu'à l'égard des parties qui les ont souscrits, de leurs héritiers ou ayants cause, que l'acte sous seing privé a la méme foi que l'acte authentique.

La question qui nous occupe dépend donc de celle de savoir si le créancier saisissant peut être considéré, à l'égard du débiteur saisi, comme son ayant cause ou comme un tiers.

S'il est son ayant cause, les quittances sous seing privé pourront évidemment lui être op

(1) Cependant il faut remarquer qu'alors même qu'un tiers, entre les mains duquel on aurait saisi des sommes dont on le présumerait débiteur pour loyers, fermages ou arrérages de rente, présenterait des pièces justificatives de payements faits, même avant la saisie, il courrait néanmoins les risques d'être condamné à

compter ces sommes, sauf son recours contre celui auquel il les aurait avancées, si les payements avaient été faits par anticipation: en ce cas, il y a présomption de fraude; mais on excepterait les payements qui auraient été faits suivant l'usage des lieux. (V. Pigeau, liv. II, part. 5, tit. IV, chap. 1er.)

posées, et feront foi de leur date; s'il est un | ginairement, il peut le devenir par la suite, tiers, il n'en sera pas de mème (1). lorsque, par exemple, il vient en vertu de l'article 1166 exercer les droits de son débi

Voici par quels moyens l'on a soutenu que le saisissant ne pouvait être considéré comme l'ayant cause du tiers saisi.

teur.

Mais le créancier qui fait saisir entre les mains d'un tiers les sommes appartenant à son débiteur exerce-t-il les droits de ce dernier?

C'est comme si l'on demandait: Le créancier qui fait saisir les meubles de son débiteur et le jette à la rue, le créancier qui fait appréhender son débiteur au corps et le fait mettre en prison, exerce-t-il en cela les droits de son débiteur? Non, sans doute, il exerce les droits qu'il a, lui, contre son débiteur, contre sa personne et contre ses biens. Il en est de même de celui qui saisit-arrête tous les biens du débiteur sont le gage de ses créanciers; or, ces biens, je les trouve entre les mains d'un tiers, c'est là que je les revendique.

Comment lui imposerait-on ce titre? Tous les auteurs définissent l'ayant cause« celui qui a succédé à titre particulier au signataire de l'acte.» Ainsi, celui qui aurait acquis un immeuble déterminé serait l'ayant cause de son vendeur, et, comme tel, obligé de reconnaître les dates de tous les actes que celui-ci aurait consenti relativement au même immeuble. De pareils rapports établissent la qualité d'ayant cause, parce que les droits de celui à qui l'on donne cette dénomination sont les mêmes et se fondent sur les mêmes titres que ceux de l'individu dont il les tient; les uns n'ont de vie et de force que celles qu'ils puisent dans les autres; l'ayant cause ne peut répudier les titres et les droits de son auteur sans renoncer par cela même aux siens propres; toute leur valeur vient d'en haut, et si les premiers n'existaient pas, les seconds seraient anéantis. En d'autres termes, ce sont les mêmes droits contre les mêmes personnes, mais transmis sur une autre tête. Et voilà pourquoi, procédant de la même source, ayant la même étendue, se ren-priété, je suis obligé de demander mon payefermant dans les mêmes limites, ils doivent aussi être soumis aux mêmes restrictions, en sorte que les exceptions, les écrits et les dates opposables à l'auteur, doivent, dans une équité rigoureuse, l'être aussi à l'ayant cause.

Mais comment trouver ces caractères dans la position d'un créancier vis-à-vis de son débiteur, lorsqu'il s'agit d'une simple obligation, d'une somme d'argent? L'acte qui établit une telle créance rend-il le créancier successeur à quelque titre que ce soit de celui qui devient son débiteur? Celui-ci cède-t-il à l'autre des droits contre une tierce personne et sur un objet déterminé? Non: tous les droits qu'il lui confère sont des droits personnels contre lui, débiteur; des droits en opposition avec les siens propres, puisqu'ils tendent à le dépouiller; des droits, par conséquent, qui sont loin d'être identiques avec les droits de celui qui les confère. Il est donc impossible de dire que par l'acte qui constitue l'obligation, le créancier devienne l'ayant cause de son débiteur; il n'est pas habens causam ejus, puisqu'il est habens causam adversus eum.

Il est vrai que, s'il n'est pas ayant cause ori

Et certes, ce ne sont pas les droits de mon débiteur que j'exerce sur ces biens; car ses droits, à lui, seraient de se faire payer sur un simple commandement; moi, au contraire, il me faut un jugement de validité, un jugement contre le tiers saisi, un ordre de distribution. Lui, s'il actionnait, ce serait à titre de propriétaire; moi qui n'y ai aucun droit de pro

ment à la justice. Lui actionnerait son débiteur comme personnellement obligé à la dette; mon action à moi n'a rien de personnel contre le débiteur, elle est toute réelle, je ne le considère que comme tiers détenteur. Ce n'est donc pas la même action, ce ne sont pas les mêmes droits, je ne suis pas son ayant cause.

C'est bien des droits de mon débiteur que je m'appuie, pour saisir les sommes à lui appartenantes qui se trouvent entre les mains d'un tiers; mais de la même manière que, pour faire saisir ses biens, je m'appuie de son droit de propriété sur ces mêmes meubles. Est-ce là exercer ses droits? Non, c'est exercer les miens aux dépens des siens, puisque je le dépouille de ce qui lui appartient. Et, si je saisis entre les mains d'un tiers, c'est de même. Car ce tiers n'est pour moi d'aucune considération; ce n'est pas contre lui que j'agis, c'est contre la chose ou la somme qu'il détient, cette somme, cette chose appartient à mon débiteur; c'est donc toujours contre les droits de mon débiteur que je procède, et non pas avec l'aide de ses droits.

Ainsi, prétend-on démontrer que le saisis

(1) [Nous ferons observer que le pouvoir discrétionnaire que nous donnons aux tribunaux, pour apprécier la sincérité même d'une libération qui ne s'appuie sur aucune preuve écrite, doit s'appliquer, à plus forte raison, au cas où c'est seulement la date de l'acte constatant la libération qui se trouve révoquée en doute, ce qui rend l'examen de la question posée beaucoup

moins important. Néanmoins, comme notre théorie peut ne pas être adoptée, il convient d'examiner si la présomption légale de fraude, établie par l'art. 1322, au profit des tiers, peut être invoquée par celui qui a jeté une saisie- arrêt sur les deniers appartenant à sou débiteur.]

« PreviousContinue »