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2 Que lorsqu'un créancier, après avoir | forme une saisie-arrèt, a fait prononcer la validité de la saisie, et a fait rendre un jugement portant que le tiers saisi versera dans ses mains les sommes dont il est détenteur, et que, par suite, ce créancier, premier saisissant, prétend exclure de toute contribution d'autres créanciers ayant formé des saisies nouvelles, aux termes de l'art. 575, C. proc. civ., les créanciers auteurs de ces saisies nouvelles survenues, ne sont pas recevables à former tierce opposition au jugement en vertu duquel on veut les exclure de toute contribution. (Art. 474, C. proc.)

[La plupart des auteurs partagent la doctrine de Pigeau et de Carré, et voient, dans le jugement de validité qui ordonne au tiers saisi de payer entre les mains des saisissants, un véritable transport, qui rend ces derniers propriétaires exclusifs des deniers saisis, jusqu'à concurrence de leur créance, en sorte que de nouveaux créanciers du saisi ne peuvent venir exercer postérieurement leurs poursuites sur ces mêmes sommes qui n'appartiennent plus à leur débiteur.

C'est l'opinion que nous trouvons développée par Pigeau, Comm., t. 2, p. 171; Dalloz, t. 24, p. 50. no 7; Thomine, no 632; Rauter, no 210; Boitard, sur l'art. 579, et Proudhon, no 2270.

A l'arrêt de la cour de cassation déjà cité par Carré, on peut ajouter ceux des cours de Riom, 28 avril 1823; Nancy, 25 août 1824; Paris, 23 nov. 1826; Besançon, 23 mars 1827; Lyon, 24 août 1827 (Sirey, t. 27, p. 260); Nimes, 8 fév. 1852 (Devilleneuve, t. 32, 1re, p. 356); Rennes, 24 mars 1835 (Devilleneuve, t. 56, 2, p. 264); cass., 14 juin 1826.

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invoqué avec le mème avantage, parce que, dans l'espèce sur laquelle il a statué, le jugement de validité avait été rendu en l'absence du tiers saisi qui n'y avait pas été partie.

Pour soutenir que le jugement de validité opère dessaisissement, nous nous fondons principalement, avec les auteurs et les arrêts précités, sur la disposition contenue d'ordinaire dans ce jugement, pour ordonner au tiers saisi de vider ses mains dans celles du saisissant (2).

Lorsqu'elle s'y rencontre n'est-il pas évident qu'elle forme entre le saisissant et le débiteur un lien de droit dont rien ne peut les dégager? Le tiers saisi lui-même, condamné à payer par jugement peut-il s'empêcher de le faire? Et une nouvelle saisie-arrêt jetée entre ses mains peut-elle être alléguée par lui comme un obstacle légitime?

La cour de Paris et Roger demandent dans quel article de la loi se trouve consacré le privilége que nous accordons aux saisissants antérieurs au jugement. Ils répètent que les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers, et que les priviléges compris dans les art. 2101 et 2102 sont les seuls que des créanciers puissent invoquer par exception à cette règle.

Cela est vrai; aussi ne prétendons-nous pas que le droit du saisissant, qui a obtenu le jugement, soit un privilége; si, après ce jugement les sommes arrêtées demeuraient la propriété du débiteur saisi, nous conviendrions qu'à ce titre elles continueraient à être le gage commun de tous ses créanciers.

Mais il n'en est pas ainsi; ces sommes cessent de lui appartenir et passent sur la tète des saisissants auxquels le jugement les attribue; comme elles y seraient passées si leur débiteur, acquiescant à la saisie, leur eût consenti une

Mais le système opposé a été embrassé par la cour de Grenoble, le 29 déc. 1818, et par la cour de Paris, le 30 juin 1826 (Sirey, t. 27, p. 100), et par Roger, no 642 et suiv. Ce der-délégation sur ces mêmes sommes. Si cette dénier auteur rapporte aussi un jugement du tribunal de la Seine, rendu dans le même sens, quoique dans une espèce identique à celle du premier arrêt de la cour de cass., le 25 mars 1834 (1).

Enfin, le 17 mars 1836, la cour de Paris semble avoir de nouveau consacré la même opinion. Mais ce dernier arrêt ne peut être

légation n'a pas été faite volontairement, elle a eu lieu judiciairement : cela revient au même. La justice a fait, au nom du débiteur, ce qu'il aurait pu, ce qu'il aurait dù faire lui-même. Elle a payé les créanciers avec les deniers du débiteur.

Qu'on ne dise pas que ce n'est pas un payement, mais une simple indication de payement,

pellier, 21 janv. 1859; Sirey, t. 39, 20, p. 383, et les autorités qui y sont indiquées, et Brux., 27 juin 1840; J, de B., 1841, p. 135.-F., en sens contraire, Liége, 29 déc. 1838; J. de B.. ib.; Thomine, no 655; Proudhon, Traité de l'usufruit, no 2270; Roger, no 642.)]

(1) [* Le jugement qui déclare une saisie-arrêt bonne et valable, et ordonne au tiers saisi de délivrer au saisissant les deniers à concurrence de sa créance, n'a pas pour effet, iors même qu'il a été signifié au tiers saisi, de transporter au saisissant la propriété des va⚫leurs arrêtées. Cette ordonnance de payement constate bien les droits et la capacité de celui qui doit recevoir, mais ne le rend pas propriétaire des espèces qui iui sont destinées, avant qu'il ne les ait reçues, et n'engendre pour lui aucun droit de préférence à l'exclusion des saisissants postérieurs. (Brux., cass., 14 janv. 1841; J. de B., 1841, p. 90.-V., dans le même sens, Mont-jugement.]

(2) [Nous avons même décidé suprà, Quest. 1939 ter, qu'une délégation judiciaire pouvait avoir lieu en l'absence du tiers débiteur, qui, dans ce cas, n'est pas forcé de payer, s'il ne reconnaît pas la dette, mais qu'il n'a plus pour contradicteur que celui qu'à obtenu le

ce qui fait qu'il n'y a pas tradition, transmis- | dont la valeur est incertaine et qu'elle ne peut sion de propriété.

Ce n'est pas un payement réel, sans doute, puisque le créancier n'est pas encore désintéressé; mais c'est l'attribution d'un droit au moyen duquel il pourra l'être.

Après avoir attribué ce droit à l'un de ses créanciers, le débiteur pourrait-il l'attribuer à d'autres au préjudice du premier? On n'osera le prétendre. La justice qui tient sa place et qui agit pour lui, doit, à plus forte raison, suivre les mêmes règles d'équité.

C'est un transport, une cession de créance. On oppose, pour prouver qu'il n'y a pas transport, que le débiteur saisi n'est pas libéré, et que, si le tiers saisi devient insolvable, le créancier peut recourir sur son débiteur primitif. (V. Quest. 1972 quater.) Cela n'est pas douteux. Mais ne sait-on pas qu'il y a plusieurs sortes de délégations, la délégation parfaite qui, substituant un nouveau débiteur au premier, libère complétement celui-ci, et la délégation imparfaite qui confère un droit sur le nouveau débiteur sans enlever celui qu'on avait contre l'ancien? Or c'est cette dernière délégation qui s'opère par le jugement de validité, comme l'atteste Pigeau, Comm., t. 2, p. 171 et 172, et comme l'enseigne la cour de Nîmes, dans les considérants d'un arrêt du 24 avril 1828 (1).

De là suit que, malgré la non-libération du débiteur primitif, celui sur lequel a lieu la délégation n'en est pas moins obligé personnellement envers le délégataire et cesse de l'ètre envers le délégant, c'est-à-dire que les sommes dues entrent incontestablement dans la propriété de celui à qui la délégation est consentie. Elles ne peuvent donc plus être regardées comme le gage des créanciers de l'autre.

On insiste et l'on dit: S'il s'agissait d'une saisie-exécution qui eût été déclarée valable par jugement, aucun droit exclusif ne serait conféré au saisissant sur les meubles saisis, et le prix devrait toujours s'en distribuer par contribution entre les créanciers qui même se présenteraient postérieurement. Pourquoi n'en serait-il pas de même dans le cas de saisiearrêt?

Parce qu'aucune assimilation n'est possible entre les deux cas.

Dans la saisie-exécution ce qui tombe sous la main de la justice ce sont des objets mobiliers

offrir ni donner en payement, car on ne paye apprécier, des objets d'ailleurs qu'elle ne peut qu'avec de l'argent. Voilà pourquoi le jugement n'en transfère pas la propriété sur la tête de celui qui l'obtient; quant au prix qui doit tribution, car ce prix n'existe pas encore; et, en provenir, il ne peut non plus en faire l'atpour prendre dans la propriété du débiteur un objet à transmettre dans celle du créancier, la principale condition c'est que cet objet s'y

trouve.

ce

En matière de saisie-arrêt, au contraire, l'argent, ce sont des deniers (2). Avec des dequi tombe sous la main de la justice, c'est de niers, la justice peut payer les créanciers du saisi : elle le fait; cet acte leur confère nécessairement un droit exclusif.]

1972. La solution donnée sur la précédente question recevrait-elle son application à la saisie des fruits civils d'un immeuble [Et, en général, d'une créance non échue au ou des arrérages non échus d'une rente? moment du jugement?]

Nous ne le pensons pas.

En effet, ces fruits, comme le remarque Piqu'ils échoient; or, en fait de meubles, l'acquégeau, p. 47, deviennent meubles à mesure la tradition, à l'égard du vendeur ou cédant; reur ou cessionnaire est bien propriétaire avant mais à l'égard du tiers, il ne l'est qu'au moment de la tradition. (C. civ., art. 1141.)

Si les fruits ne sont pas encore échus, ils ne
tradition n'est pas effectuée, car il ne peut y
sont pas en la possession du cessionnaire; la
n'existait pas.
avoir tradition ni possession d'un objet qui

avant que les fruits soient échus et qu'ils pas-
Le créancier du cédant peut donc toujours,
pêcher, par une saisie antérieure, de tomber
sent en la possession du cessionnaire, les em-
contre le premier.
entre les mains de ce dernier, sauf son recours

Ce que l'on dit ici du transport des fruits non échus, s'applique évidemment à une première saisie. Le premier saisissant ne peut les dessaisissement à son profit, qu'autant que percevoir, malgré le jugement qui ordonne le d'autres créanciers ne les auraient pas saisis

(1) [Un arrêt du parlement de Toulouse, est-il dit dans ses considérants, rapporté par Catelan, liv. V, chap. 48, décida que, si un créancier avait fait un banniement entre les mains d'un tiers qui devait à son débiteur, et que ce tiers s'obligeât personnellement envers ce créancier, la première obligation et hypothèque que ce créancier avait sur son premier débiteur ne laissaient pas de subsister, quoiqu'il ne les eût pas réservées dans l'obligation qu'il avait encore stipulée de ce tiers.]

que

(2) [Si c'est une saisie-arrêt d'effets mobiliers, nous ne pensons pas, en vertu des principes ci-dessus, la propriété en puisse être transmise par le jugement de validité. Ce jugement n'exclurait donc pas les saisissants postérieurs de la participation au prix. C'est-àdire que nous décidons différemment selon que la saisie-arrêt est de deniers ou de meubles. Et, en cela, nous sommes d'accord avec Thomine, no 636; Boitard, sur l'art. 579; Roger, p. 581, no 645, et Proudhon, loco citato. (, notre question suivante.)]

avant qu'il les ent perçus en vertu de ce juge- | cation ou de l'acceptation lui paraissaient suffi

ment.

Donc, nonobstant ce jugement, toute saisie apposée avant la perception frappe sur ces fruits et donne lieu à une distribution par contribution (1).

[Le jugement de validité ne peut transférer aux saisissants que les sommes qui se trouvent actuellement dans la propriété du débiteur. Or, les arrérages de rentes, les termes à échoir de loyers ou de fermages et généralement tout ce qui résulte de créances à terme, ne peuvent être regardés comme une somme de deniers existants entre les mains du débiteur.

L'effet dujugement de validité, quant au dessaisissement, ne peut donc les atteindre. Ces créances demeurent exposées aux saisies-arrêts postérieures.

Tel est, au reste, l'avis unanime de Dalloz, t. 24, p. 34, no 8; de Thomine, no 655, et de Roger, p. 380, no 644.

Il a été sanctionné par les cours de Rouen, 25 juin 1828, et d'Angers, 3 avril 1850 (Sirey, t. 30, p. 147), dont les arrêts ont jugé que les saisissants qui ont obtenu des jugements, n'ont de droit exclusif que sur les sommes échues; en sorte que, survenant la faillite du débiteur, celles à échoir sont acquises à la masse.

samment remplacées, dans l'instance de saisiearrêt, soit par la dénonciation faite au tiers saisi en vertu de l'art. 564 qui représente la signification de l'art. 1690, soit par le jugement de validité qui supplée, d'autorité de justice, à l'acceptation.

[Cette opinion nous paraît exacte, surtout par conséquence des principes que nous avons développés, Quest. 1939 ter et 1971 bis.

Toutefois, nous devons dire qu'elle est repoussée par Dalloz, t. 24, p. 50, no 7, et par un arrêt de la cour de Montpellier du 21 janv. 1859 (Devilleneuve, t. 59, 2o, p. 383.) [1972 ter. Le jugement de validité ne peutil produire les effets qui lui sont attribués sous la question 1971 bis, qu'autant qu'il est passé en force de chose jugée ?

Oui, sans doute. Tant qu'un jugement est sujet à une voie de recours ordinaire, opposition ou appel, ses effets ne sont pas définitifs, puisqu'il peut être annulé par l'autorité chargée de la révision.

Aussi cette solution est-elle adoptée par Boitard, sur l'art. 579, et consacrée par les cours de Paris, 17 mars 1856, et Montpellier, 21 janv. 1839 (Devilleneuve, t. 56, 2o, p. 263, et t. 59, 2, p. 583).

Voy., au surplus, notre Quest. 1951 bis, § 4, et la note qui termine la question précédente.] Cependant, Boitard, eod. loco, présente des considérations sur la portée de sa propre solu1972 bis. Pour que le jugement de validité produise les effets que nous lui avons attrition, dont il ne veut pas qu'on exagère les ré

bués sous la Quest. 1971 bis, faut-il qu'il ait été signifié au tiers saisi ?

L'art. 1690 du Code civil dispose que le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport au débiteur, ou par l'acceptation qu'en fait celui-ci dans un acte authentique.

D'où l'on conclut qu'il est nécessaire de signifier le jugement de validité au tiers saisi, pour qu'il obtienne ses effets à l'égard des tiers saisissants postérieurs.

Carré a dit, que les formalités de la signifi

sultats.

Sans doute, le saisissant est inadmissible, tant qu'il n'a pas fait acquérir à son jugement l'autorité de la chose jugée, à en réclamer le bénéfice pour repousser actuellement de la distribution des saisissants postérieurs qui viendraient y prendre part.

Sans doute aussi, si son jugement est annulé sur l'appel ou sur l'opposition, le droit qu'auraient ces saisissants postérieurs de concourir sur les sommes arrêtées, ne sera susceptible d'aucune controverse. Mais il ne faut pas dire, que, parce que les saisies postérieures auront

(1) Il en est d'ailleurs une raison d'équité qui semble sans réplique si le jugement qui ordonne en faveur d'un saisissant le payement de loyers et fermages dus au saisi, jusqu'à l'entier acquit de la créance, lui conférait un droit exclusif sur les fermages à échoir, il arriverait que les créanciers qui auraient contracté avec lui, sous la garantie de la fortune qu'ils lui connaissent, seraient frustrés en totalité ou en partie de leurs dus, par un jugement dont ils ignorent l'existence, et qui équivaudrait en quelque sorte à une aliénation, si la créance du saisissant était considérable.

C'est par cette raison que, dans sa Procédure civile du Châtelet, t. 1, Pigeau établissait, de la manière la plus formelle, qu'on ne peut déléguer et transporter parfaitement que les créances nées et non à naître, comme loyers de maison et arrérages de rentes à

échoir. Tous transports et délégations, disait-il, qui » en sont faits avant qu'elles soient échues, ne peuvent » préjudicier aux créanciers de ceux qui les font, les» quels peuvent, jusqu'à cette échéance, saisir les »loyers et arrérages de la rente. Cela a été jugé par »> nombre d'arrêts, et c'est l'opinion d'une multitude » de jurisconsultes, fondée sur ce que, s'il en était » autrement, un débiteur pourrait frustrer ses créan»ciers de leurs payements, ou au moins les reculer, en » déléguant à un affidé des arrérages et loyers à échoir » pendant un long temps. »

Il est évident que le même inconvénient existerait si, au moyen d'une première saisie-arrêt, un créancier pouvait, à l'exclusion de tous autres, même postérieurs, acquérir un droit exclusif au payement des arrérages à échoir d'une rente ou des prix annuels d'un bail.

eu lieu pendant que le jugement était encore ou susceptible d'appel, ou d'opposition ou attaqué par l'une de ces deux voies, ces saisies auront tout leur effet après que le jugement aura été confirmé.

La décision qui, prononçant sur l'opposition on l'appel, confirme le premier jugement et lui fait acquérir l'autorité de la chose jugée, sera un effet rétroactif au jour même du jugement: il sera dès lors censé avoir été définitif au moment où il aura été rendu; ses effets dateront de ce moment, et tout ce qui lui sera postérieur ne pourra les contrarier.

Nous ne pouvons pas admettre cette opinion, quant aux jugements par défaut frappés d'opposition; elle répugne aux principes absolus que nous avons développés à la Quest. 661; mais nous les croyons applicables au cas où, malgré l'appel, le jugement a été confirmé purement et simplement; la décision qui saisissait le créancier a été réellement maintenue, ce n'est pas là une exécution au mépris d'un appel, comme celle que nous avons repoussée suprà, Quest. 1928.]

[1972 quater. Le jugement qui attribue au saisissant les sommes saisies, et lui donne le tiers saisi pour débiteur, libère-t-il le débiteur primitif?

« A quel titre, dit Pigeau, Comm., t. 2, p. 171, les saisissants deviennent-ils propriélaires de la somme saisie-arrêtée? Sera-ce à titre de transport ou à titre de délégation parfaite, ou, enfin, à titre de délégation imparfaite? Si le jugement est regardé comme un transport, le saisi sera considéré comme un cédant; et le cédant ne répondant pas de la solvabilité du débiteur, lorsqu'il ne s'y est pas engagé (C. civ., art. 1694), il s'ensuivra que si le tiers saisi devient insolvable, ce sera pour le compte des créanciers, qui n'auront aucun recours contre leur débiteur.

«Si ce jugement est considéré comme la délégation parfaite dont parle l'art. 1276 du C. civ., cette délégation déchargeant le débiteur qui l'a faite, le créancier n'a point de recours contre lui pour insolvabilité survenue depuis, s'il n'y a réserve expresse; et il en résultera que si le tiers saisi nouveau débiteur devient insolvable, la perte sera pour ses créanciers, sans recours contre le saisi qui est libéré. Enfin, si ce jugement est regardé comme ne contenant qu'une délégation imparfaite dont parle l'art. 1275, qui ne décharge point lorsque le créancier ne l'a pas formellement exprimé, les créanciers non payés par le tiers saisi, auront recours contre le saisi.

>> On doit décider que le titre des créanciers est la délégation imparfaite, parce que le créancier qui, n'étant pas payé en argent par son débiteur, a consenti à être payé autrement, est présumé avoir voulu que ce qu'on lui don

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nait en place d'argent approchat le plus possible de l'argent; et comme de toutes les valeurs qu'on lui donnerait, la délégation imparfaite serait préférable aux deux autres, on doit considérer lui, représentant le saisi, comme n'ayant demandé et la justice n'ayant accordé qu'une délégation imparfaite. On peut, en faveur de cette opinion, tirer argument de l'article 135 du C. proc., qui établit que l'avoué qui a obtenu distraction des deniers dus à son client, n'en conserve pas moins son action contre sa partie.

Cette opinion de Pigeau, que nous adoptons, a été consacrée par la cour de Toulouse, le 22 janv. 1829.

Mais on demande si le saisissant qui a obtenu le jugement de validité, est obligé de discuter le tiers saisi avant d'avoir recours à son débiteur saisi, et si, dans le cas où il négligerait de poursuivre la rentrée des fonds qui lui ont été attribués par le jugement, il aurait à s'imputer les suites de sa négligence, et si, bien loin d'obtenir son recours contre le débiteur, il ne serait pas lui-même responsable des fonds qu'il aurait laissé divertir.

L'affirmative avait été jugée par la cour de Lyon, le 14 juill. 1832. Mais son arrêt a été cassé le 26 juill. 1836 (Devilleneuve, t. 57, 1re, p. 537).

Cet arrêt est conforme aux principes que nous avons développés dans notre Quest. 1952 bis.]

ART. 576. Si la déclaration n'est pas contestée, il ne sera fait aucune autre procédure, ni de la part du tiers saisi, ni contre lui.

C. pr., art. 638. [Locré, t. 10, p. 77, no 22.] 1973. De ce que l'art. 576 porte qu'il n'est fait aucune procédure de la part du tiers saisi, s'ensuit-il que celui-ci ne puisse rien faire à l'effet de se libérer avant la fin de l'instance de la saisie-arrêt ou de la distribution par contribution?

Non; le tiers saisi qui a fait sa déclaration offres au saisi, à la charge par celui-ci de rappeut, lorsqu'elle n'est pas contestée, faire des Porter mainlevée, et il peut ensuite, si le saisi ne rapporte pas mainlevée, faire

prononcer

la

validité des offres et consigner. (Voy. Pigeau, ubi suprà, p. 71.)

[(V. notre Quest., 1952 bis.)]

[ 1973 bis. L'art. 576 a-t-il pour but d'interdire au tiers saisi les réclamations personnelles?

Non, dit Thomine, no 634. Ainsi, il pourrait former incidemment une demande contre le débiteur saisi pour se faire déclarer quitte en

vers lui, comme l'a jugé un arrêt de la cour de Rennes, de novembre 1815, que Carré citait à la note jurisprudence, et qu'a approuvé Roger, no 610.]

[ 1973 ter. Existe-t-il un délai pour attaquer la déclaration, en sorte qu'après ce délai, le tiers saisi soit à l'abri de toute récla

mation?

Ce serait mal interpréter l'art. 576 que de supposer qu'il interdit toute recherche contre la déclaration du saisi, si elle n'a pas lieu à l'instant même, ou dans un temps voisin. Cet article signifie qu'on ne peut faire contre le tiers saisi d'autre procédure que celle qui serait nécessitée par les réclamations à élever contre sa déclaration. Mais aussi cette dernière est permise à toutes les époques, tant qu'on n'a pas renoncé à se prévaloir des irrégularités ou des inexactitudes que la déclaration pourrait contenir. Ainsi l'a jugé la cour de Metz, le 21 juin 1822.

La cour de Bruxelles semble néanmoins avoir décidé le contraire, le 16 nov. 1826. D'après cet arrêt, le tiers saisi qui a fait au greffe les déclaration et affirmation prescrites par les art. 571 et suiv., sans que cette déclaration ait été contredite par le saisissant, ne peut pas être contraint par celui-ci à affirmer de nouveau cette déclaration, sous prétexte que le changement des circonstances de la cause le soumettrait à de nouvelles obligations.

Il est possible que les faits particuliers de l'espèce aient déterminé cette décision, mais le principe n'en peut pas être adopté.]

1974. Un jugement de validité, rendu sur défaut contre le saisi, étant périmé par six mois, conformément à l'art. 156, le tiers saisi peut-il encore opposer la saisie au saisi qui lui demande payement?

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d'après l'art. 401, la demande en validité se trouve elle-même comme non avenue.

[C'est aussi l'avis de Roger, no 538, et la conséquence de l'opinion que nous avons émise à la Quest. 1414.]

ART. 577. Le tiers saisi qui ne fera pas sa déclaration ou qui ne fera pas les justifications ordonnées par les articles ci-dessus, sera déclaré débiteur pur et simple des causes de la saisie (1).

[Devilleneuve, eod. verb., no 39 (2).]

1975. Que signifient ces mots de l'art. 377, le tiers saisi, etc., sera déclaré débiteur pur et simple DES CAUSES de la saisie?

Ils signifient que ce tiers qui ne fera pas sa déclaration où les justifications ordonnées sera déclaré débiteur de toutes les sommes pour lesquelles la saisie aurait été faite, encore bien que ces sommes fussent plus fortes que celles qu'il devrait réellement.

[Cette interprétation est parfaitement exacte.] [1975 bis. Le tiers saisi qui aurait payé le débiteur saisi, au mépris de la saisie et pendant l'instance en validité ou depuis le jugement, est-il passible de la même peine que celui qui a refusé de faire sa déclaration?

Non; la peine n'est pas identique, le tiers saisi qui a payé au mépris de la saisie ne doit pas être déclaré débiteur pur et simple des causes de la saisie, il ne peut être tenu de payer les créances des saisissants quelle que soit leur valeur. Son obligation, aux termes de l'article 1242, C. civ., se borne à payer deux fois la somme dont il s'est indument dessaisi. (Cass., 11 mars 1806; Sirey, t. 7, p. 1214; Dalloz, t. 25, p. 275.)

Aussi décidait-on constamment, avant la loi du 9 juillet 1856 (voy. suprà, la Quest. 1941 bis), que le trésor public devait payer une seconde fois, lorsque l'un des agents avait opéré, au profit du débiteur saisi, le payement des

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(1) Le tiers saisi qui a fait une déclaration mensongère doit être déclaré débiteur pur et simple des causes de la saisie, c'est-à-dire des sommes pour lesquelles on a fait la saisie, fussent-elles plus considérables que celles qu'il doit lui-même. (Brux., 11 août 1858; J. de B., 1859, p. 37.) Berriat, tit. de la Saisiearrêt, no 26, p. 368 (éd. de la Soc. Typog.), s'exprime ainsi sur cette question : Le système adopté par Carré, no 1975, et Coffinières, paraît résulter du sens littéral de l'art. 577, et il semble aussi avoir été consacré par un arrêt de la cour de Paris du 19 mai 1810 (Dalloz, t. 24, p. 43; Sirey, t. 12, 2e, p. 382). Mais, comme il est fort rigoureux, il a été écarté d'une manière générale par arrêt de la cour de Metz du 29 mai 1818 (Dalloz, t. 21, p. 200; Sirey, t. 19, 2o, p. 110),

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