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» qui préjuge le fond. La partie qui, dans | verses que présentent les auteurs et la juris» ce cas, se croit lésée par un jugement dont prudence. » elle a les suites à redouter, ne doit point » être obligée d'attendre le jugement défi>> nitif. »

Remarquons d'abord que ces expressions ne sont employées que dans la vue d'interdire l'appel de tout jugement par lequel on ordonIl suit de ces motifs des art. 451 et 452, que nerait un approfondissement, qui, par sa nales jugements dont la loi interdit l'appel avant ture, ne préjugerait pas le fond. « Mais, dit le jugement définitif et qu'elle qualifie prépa-» Duparc-Poullain, t. 9, p. 493, no 7, les juratoires, sont ceux-là seuls qui ont pour »gements qui ordonnent une preuve, sont objet l'instruction à faire par les actes de » toujours des préjugés pour que la décision procédure, et que les interlocutoires, dont » dépende de la preuve plus ou moins conl'appel est autorisé, sont ceux qui ont pour » cluante, ou du défaut de preuve. » Ainsi, objet une instruction à faire au moyen d'ap- par exemple, avoir ordonné que des experts profondissements quelconques, tendant à éclai- arpenteraient différents terrains pour y trourer le juge sur le fond du procès. ver une pièce de terre revendiquée par une des parties, et dont la propriété est formellement contestée par l'autre, ce serait avoir préjugé la décision à rendre sur le fond, puisqu'il eût été inutile de chercher la situation, si le juge n'avait pas dans la pensée que la question de propriété peut être jugée en faveur du réclamant.

Cette distinction n'est pas nouvelle; elle est faite par tous les commentateurs, et notamment par Rodier et par Duparc-Poullain.

Rodier, liv. Ier, p. 427, s'exprime ainsi : « Les jugements préparatoires sont ceux qui » ne tendent qu'à mettre le procès en état de » recevoir jugement définitif. Les interlocu»toires sont ceux qui, avant de vider ou de » définir les différends des parties, ordonnent » que, pour plus grande connaissance de » cause, les parties ou l'une d'elles rapporte>>ront certains actes ou constateront certains » faits, soit par des enquéles, soit par une » descente de juges ou des experts, qui fe» ront certains rapports ou certaine esti»mation. "

Le jugement interlocutoire, dit Duparc, » t. 9, p. 499, est celui qui ordonne un ap» profondissement que le juge croit néces»saire ou utile pour le mettre en état de faire » définitivement droit entre les parties. »

La même distinction existait encore, même sous l'empire de la loi du 3 brumaire an 11. Elle ne défendit d'appeler, avant le jugement définitif, que des jugements préparatoires | (roy. le Commentaire), et laissa conséquemment subsister la faculté que les parties avaient, sous l'empire de l'ordonnance, d'interjeter appel des jugements interlocutoires avant la décision qui eût terminé le procès.

On en offre pour exemple l'arrêt du 24 oct. 1808 (1).

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Il est, au reste, une règle d'interprétation que l'on ne saurait contester : c'est qu'il faut prendre les termes de la loi dans leur signification propre et naturelle, telle qu'elle est fixée par l'usage constant, à moins qu'il n'y ait, d'ailleurs, des conjectures suffisantes pour leur donner un sens particulier.

Or, le sens tout à la fois naturel et juridique de ce mot préjuger est ainsi fixé par l'Académie: « PRÉJUGER, terme de palais, rendre » un jugement INTERLOCUTOIRE, qui tire A▲ » CONSÉQUENCE pour la décision d'uné ques» tion qui se juge après. »

Cette explication donnée, il suffira sans doute de considérer qu'un tribunal qui, soit sans statuer préalablement sur des exceptions essentiellement préjudicielles, soit avant de faire droit au fond, si aucune exception de cette nature n'était proposée, ordonnerait tout d'abord une enquête ou une expertise, aurait rendu un jugement véritablement interlocutoire. En effet, ce jugement tirerait à conséquence pour la décision des points à juger après son exécution, et qui seraient ou les exceptions préjudicielles, ou les questions du fond.

C'est tout ce qui resterait à juger, après l'exécution de l'avant faire droit.

Or, dans le premier cas, refuser de statuer préalablement sur la fin de non-recevoir, s'oc

L'art. 451 exige, il est vrai, pour que le jugement soit réputé interlocutoire, à l'effet de pouvoir en appeler avant le jugement défi nitif, que les approfondissements ordonnés préjugent le fond; et ainsi toute la difficulté que peut présenter la question de savoir si l'ap-cuper au contraire du fond, pour ordonner pel d'un jugement est recevable, comme étant appel d'un jugement interlocutoire, consiste à bien déterminer le sens de ces mots, source, comme nous l'avons dit, de toutes les contro

(1) Les premiers juges avaient ordonné une enquête; appel avant le jugement définitif; fin de non-recevoir fondée sur ce que la décision ne pouvait être attaquée

des apurements que l'admission de cette fin de non-recevoir doit rendre parfaitement inutiles, puisqu'elle eût terminé toute contestasion, c'est avoir évidemment préjugé que cette

par appel, avant le jugement définitif, parce qu'elle était préparatoire : la cour rejette cette fin de nonrecevoir.

fin de non-recevoir n'est d'aucune considéra- | et dans ce cas, le jugement est interlocutoire, tion que le fond peut être décidé sans qu'il c'est-à-dire préjuge le rejet des exceptions soit besoin de s'y arrêter, et au moyen des ou moyens de défense opposés contre la deapurements que donneraient les experts. mande.

Mais supposons qu'un tribunal, d'après

preuve de faits qui lui auraient paru concluants, ou qu'il eût ordonné, sur la demande d'une partie, une enquête sur des faits maintenus par elle et contestés par son adversaire, mais sans que celui-ci se soit opposé à ce qué l'enquête fût ordonnée on demandera si, dans ces deux cas, le jugement est interlocutoire.

Dans le second cas, c'est-à-dire lorsque aucune exception préjudicielle où fin de non-re-l'art. 452, par exemple, ait ordonné d'office la cevoir n'est opposée, tarder de faire droit sur l'appel jusqu'à ce que les parties aient fourni telle preuve, fait procéder à telle instruction ou verification ordonnée par le juge, c'est encore préjuger le fond, surtout s'il s'est élevé entre elles une contestation sur l'admissibilité ou P'utilité de cette preuve, de cette instruction ou verification. C'est encore préjuger le fond; car le juge, par cet avant faire droit, annonce évidemment qu'il se réserve de subordonner à son résultat la décision de l'affaire. Ainsi, par exemple, une demande est formée avec articulement de faits que l'on offre de prouver par témoins; mais le défendeur s'oppose à ce que cette preuve soit ordonnée, et il se fonde sur ce que la loi la prohibe (Code civil, art. 1541): le jugement qui ordonne néanmoins la preuve est interlocutoire.

Ainsi encore, un vendeur intente l'action en rescision pour cause de lésion de plus des sept douzièmes, et demande à en faire preuve par une estimation d'experts; mais la partie adverse lui oppose qu'il y a prescription acquise, par l'expiration de plus de deux ans, écoulés depuis la vente (Code civil, art. 1676); si le tribunal n'eti ordonne pas moins l'expertise, sa décision est interlocutoire.

Il en est de même dans le cas où le défendeur oppose à la demande formée contre lui, qu'elle repose uniquement sur un titre nui pour vices de formes, ou qu'il se trouve sans force à son égard: l'expertise ou la descente sur les lieux, qui serait ordonnée, malgré ce genre de défense, donnerait nécessairement au jugement le caractère d'interlocutoire.

La raison en est bien facile à sentir. On conçoit, en effet, que la première chose à examiner, avant de recourir à ces voies d'instruction, est de voir si la preuve testimoniale offerte se trouve prohibée par la loi; si la prescription est vraiment acquise; si le titre sur lequel repose la demande est réellement nul ou sans force à l'égard du défendeur; car, s'il en est ainsi, l'avant faire droit devient évidemment inutilé, d'après la règle frustra probatur quod probatum non relevat.

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On pourrait dire, pour l'affirmative, que ce jugement est interlocutoire par sa nature, parce qu'il préjuge le fond, en ce sens que le juge annonce qu'il se déterminera d'après la preuve qui sera fournie. Or, ajouterait-on, l'art. 452 ne fait aucune distinction; il donne la qualification d'interlocutoire à tous jugements qui ordonnent une preuve qui préjuge le fond.

Pigeau, liv. II, part. 4, tit. Ier, chap. 1er, sect. 2, est d'un avis contraire. On a, dit-il, ordonné une enquête sans résistance d'aucune des parties: c'est un jugement préparatoire, puisque le tribunal, en décidant d'après le consentement des parties, n'a pas préjugė le fond. Et, en effet, nous ne croyons pas que l'on doive prendre ces mots de l'art. 452, qui préjuge le fond, dans une signification si étendue que le jugement pût être considéré comme interlocutoire, par cela mème qu'il ordonnerait une preuve; autrement la loi n'eût point employé ces termes, car tout jugement qui ordonnerait une preuve serait censé préjuger le fond, si l'on ne faisait aucune distinction entre celui qui serait rendu d'office, celui qui serait prononce du consentement des parties, et celui, enfin, qui interviendrait après contestation entre elles sur l'admissibilité ou l'utilité de la preuve.

Il faut donc convenir que l'art. 452 a distingué, dans les jugements qui ordonnent une preuve, une instruction, une vérification, ceux qui préjugent le fond et ceux qui ne le préjugent pas. Il faut donc admettre que tout jugement qui ordonne une preuve, une instruction, une vérification, n'est pas, par cela mème, interlocutoire. Or, on ne peut, parmi ces jugements, considérer comme ne préjugeant pas le fond que ceux qui sont rendus sur la demande d'une des parties, et sans l'opposition de l'autre.

Lors donc qu'en pareil cas un juge ordonne la preuve testimoniale, l'expertise, la visite des lieux, etc., ce doit être nécessairement parce En effet, lorsqu'une partie pose des faits que qu'il a pensé que les exceptions ou moyens de l'autre conteste, que la première demande défense du défendeur n'ont pas de fondement; à les prouver par témoins, et que la seconde et, de deux choses l'une: ou il le décide ainsi, ne s'y oppose pas, le tribunal, en ordonnant en termes expres, et la disposition est défi- l'enquête, ne préjuge rien contre l'une en fanitive, ou il se borne à le décider implicite-veur de l'autre; car toutes les deux se soument, en ordonnant la mesure d'instruction, mettent à ce que la décision définitive soit

subordonnée aux résultats de l'enquête. Dans cette circonstance, on ne saurait dire que l'une d'elles souffre grief de l'avant faire droit, volenti non fit injuria. Or, l'appel de ce jugement préliminaire n'est ouvert, avant le jugement définitif, que par la considération qu'une partie pourrait être lésée par le premier. Voilà ce qui résulte évidemment des passages rapportés au Commentaire de l'article, de l'Exposé des motifs, par le conseiller d'État Bigot de Préameneu, et d'un arrêt de la cour de Brux., du 9 avril 1811. (Voy. Sirey, t. 14, p. 379.)

Nous maintenons donc, comme Pigeau, que le jugement qui ordonne une enquête ou toute autre preuve, n'est interlocutoire qu'autant que l'une des parties s'est opposée à ce qu'il fût rendu, en soutenant que cette preuve était inadmissible pour la décision du fond.

Supposons maintenant qu'un tribunal ordonne une preuve, une vérification, une instruction qu'aucune des parties n'eut provoquée; le jugement, avions-nous dit dans notre Traité, et Quest. n° 2296, pourrait n'être pas considéré comme véritablement interlocutoire, attendu qu'il ne préjuge rien, puisque le tribunal ne prononce que pour sa propre instruction, sans en être requis par une partie qui, en concluant à l'avant faire droit, eût

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laissé entrevoir les conséquences qu'elle prétendrait en tirer en faveur de sa cause. Nous croyons aujourd'hui devoir rétracter cette opinion.

En effet, comme nous l'avions dit dans notre Analyse, Quest. 1481, on ne peut pas dire, lorsque le tribunal prononce ainsi d'office un avant faire droit, que les deux parties soient d'accord sur l'admissibilité ou l'utilité de l'approfondissement qu'il ordonne, chose que l'une ou l'autre d'entre elles eût peut-être contestée, si la mesure avait été provoquée par sa partie adverse.

Qu'importe que l'une des parties ait donné lieu au préjugé, en concluant à l'avant faire droit? Il ne résulte point du fait de semblables conclusions, mais uniquement et essentiellement du jugement interlocutoire rendu dans une espèce que le juge pouvait et devait même décider de suite, sans qu'il fût besoin d'ordonner un approfondissement préalable.

Nous pensons donc qu'il y a jugement interlocutoire, et, par conséquent, susceptible d'être attaqué par voie d'appel avant le jugement définitif, toutes les fois qu'un tribunal a prononcé, même d'office, un avant faire droit, lorsqu'il est démontré que l'approfondissement ordonné était inadmissible, ou inutile pour la décision de la cause (1).

(1) Au reste, comme le dit Berriat, c'est un point sur lequel tous les jurisconsultes sont tombés d'accord, qu'un jugement est interlocutoire toutes les fois qu'il ordonne un approfondissement quelconque sur la nécessité ou l'utilité duquel il y a eu contestation entre parties.

Cependant nous devons dire que, par arrêt du 25 juin 1822, la cour de Rennes a rejeté cette doctrine, en déclarant, sur l'appel d'un jugement rendu par le tribunal de Nantes, dans l'affaire des tenants des Moulines, que les premiers juges n'avaient rien préjugé, en ordonnant d'office une expertise à l'occasion d'une demande en revendication d'un terrain; demande que les intimés repoussaient par une fin de non-recevoir, et prétendaient subsidiairement devoir être jugée au fond et en leur faveur, par la seule inspection des titres produits. Les considérants de cet arrêt portent que le tribunal n'avait rien préjugé dans le fait, parce qu'il n'avait entendu apurer les faits que dans l'intérêt de toutes les parties; qu'il n'avait rien préjugé dans les moyens d'instruction, parce que l'expertise avait été ordonnée d'office, et n'avait été requise ni contredite par aucune des parties.

Or, nous remarquerons que les intimés opposaient contre la revendication une fin de non-recevoir, fondée sur ce qu'une demande en revendication devait être rejetée, parce qu'elle n'était pas fondée sur des actes translatifs de la propriété de la pièce de terre revendiquée, mais bien sur des aveux qui, d'après tous les auteurs et une jurisprudence constante, ne sont pas des actes translatifs de propriété, et ne peuveut d'ailleurs être opposés à des tiers dont les auteurs n'avaient point figuré dans ces aveux.

Ils s'appuyaient de l'autorité de Pothier, Tr. de la propriété, nos 281, 307, 323; Tr. de la possession, no 278 et 280; Tr. des Дefs, 1ro part., chap. 4; de

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celle de notre savant Duparc-Poullain, t. 2, p. 210 de ses Principes, nos 223 et 235; de la loi 32, ff. de rei vindicatione, et de l'autorité de Merlin, Nouv. Rép., au mot Revendication, etc.

En un mot, dans notre opinion, et celle de huit de nos respectables confrères du barreau de Rennes, leur fin de non-recevoir était bien fondée : aussi la propriété du terrain revendiqué leur est-elle demeurée par l'effet d'une transaction...

Subsidiairement, comme nous l'avons dit, les intimés maintenaient que leurs titres leur donnaient la propriété de la pièce de terre, objet de l'action formée contre

eux.

Dans cet état de choses, le tribunal de Nantes ordonne une expertise, pour savoir où se trouve, au milieu d'une vaste étendue de terrain, la pièce revendiquée; quels sont et sa contenance et ses débornements; mais il l'ordonne d'office, et la cour de Rennes, par ce motif, déclare l'appel non recevable, parce que les parties n'ont ni demandé ni contredit cette vérification.

Nous pouvons nous tromper; mais nous persistons dans l'opinion que le jugement de Nantes était un véritable interlocutoire, quoiqu'il ordonnât l'expertise d'office, parce qu'il préjugeait évidemment, contre les intimés, et la question préjudicielle qui naissait de la fin de non-recevoir, et la question de savoir si les titres produits par eux ne leur attribuaient pas la propriété.

Qu'importait, en effet, une expertise, si, quels que fussent la situation, les débornements et la contenance de la pièce de terre revendiquée, le demandeur n'avait ni titre ni qualité pour en réclamer la propriété ?...

Ordonner une vérification, c'était donc évidemment préjuger contre les fins de non-recevoir et contre les conclusions subsidiaires.

Ces préliminaires posés sur les jugements | ou permet; par exemple ceux qui prononcent interlocutoires, on saisira facilement la nuance la continuation ou le renvoi de la cause d'une qui les distingue des jugements préparatoires, audience à une autre, la jonction de deux dont il n'est pas permis d'appeler avant le ju- procès (3), un délibéré, une instruction par gement définitif. écrit (4); une communication de pièces, soit au ministère public, soit à l'une des parties, l'adversaire, en ce dernier cas, ne contestant pas d'ailleurs qu'il doive cette communication (5).

En effet, dès lors qu'on doit réputer interlocutoire tout jugement qui préjuge le fond, soit par l'instruction qu'il ordonne, soit par toute autre décision qu'il prononce; si enfin l'on doit, pour assigner ce caractère à un jugement, quel que soit l'objet sur lequel il statue ou la mesure qu'il ordonne (1), s'attacher à ce point unique, préjuge-t-il le fond, c'est-à-dire manifeste-t-il à l'avance une opinion, de la part du tribunal, sur les droits prétendus par les parties, et qui seront la matière de la décision à intervenir en définitive (2), dès lors, on doit réputer préparatoire tout jugement qui n'établit aucun préjugé, et, par conséquent, tout jugement qui ne fait que régler la procédure, afin de préparer le procès à recevoir une décision definitive, et qui ne préjuge rien sur le fond, parce qu'il ne manifeste, en aucune manière, une opinion du tribunal sur l'objet, la matière, le fond du procès.

Ainsi, en général, l'on qualifie préparatoire tout jugement de simple instruction, ordonnant telle ou telle formalité que la loi prescrit

(1) A s'en tenir rigoureusement aux termes de cet article, on pourrait croire qu'on ne peut qualifier jugement interlocutoire que les décisions par lesquelles le tribunal ordonne une preuve, une vérification, une instruction qui préjuge le fond; en sorte qu'un jugement qui contiendrait une disposition qui préjugerait le fond ne pourrait être considéré comme interlocutoire, si, par cette disposition, le tribunal avait ordonné autre chose qu'une preuve, une vérification ou une instruction.

Telle est la doctrine que nous croyons devoir professer sur les jugements d'avant faire droit, que le Code qualifie ou préparatoires ou inter| locutoires, doctrine d'après laquelle nous déciderons les questions qui nous restent à examiner (6).

[I. La distinction des jugements en préparatoires, interlocutoires et définitifs n'a guère d'importance que relativement à l'époque où l'appel peut en être relevé.

Cette époque est diverse en effet selon la nature de ces jugements.

Aux termes de l'art. 451 du Cod. proc. civ., le jugement préparatoire ne peut être frappé d'appel qu'après le jugement définitif, conjointement avec l'appel de ce dernier.

el

D'après le même article, le jugement interlocutoire peut être frappé d'appel avant le jugement définitif, et nous démontrerons

(5) V. ci-après, Quest. 1623.

(6) Nous terminerons par une observation générale, qui nous est suggérée par l'expérience; c'est que les cours royales ont, en général, une grande tendance à rejeter les appels des jugements attaqués devant elles comme interlocutoires, avant le jugement définitif. L'intimé ne manque jamais de chercher un moyen de se soustraire à l'appel, et il le trouve dans un sentiment naturel à un magistrat impartial, celui de ne rien omettre qui puisse l'éclairer. On peut d'autant

Il est évident que telle n'a pas été l'intention du lé-plus facilement réussir en invoquant un sentiment gislateur. Il nous paraît du moins démontré, par les termes de l'art. 451, que la définition donnée en l'article 452 doit être considérée comme énonciative, et non pas comme limitative, et qu'on a voulu que, toutes les fois qu'un jugement quelconque préjuge le fond, c'est-à-dire manifeste l'opinion du tribunal sur les droits prétendus par les parties, et qui seront la matière de la décision définitive, ce jugement préliminaire fût réputé interlocutoire, et, comme tel, susceptible d'appel avant cette décision. Cette opinion trouve un appui dans les passages ci-dessus rapportés du discours de l'orateur du gouvernement.

(2) En effet les jugements, dit Poncet, dans son Traité ex professo des jugements, sont interlocutoires, s'ils portent un préjudice actuel et irréparable > en définitive, ou s'ils entrainent, par nécessité de » conséquence, la décision de la cause au fond, ou » si même, n'allant pas jusque-là, ils ne font que * préjuger le fond, SANS LIER LES PARTIES ET LES JUGES. Sous ces différents points de vue, les jugements sont » principaux en raison du tort réel, ou de L'INQUIÉTUDE » qu'ils occasionnent, et conséquemment, ils sont attaquables en eux-mêmes, isolément et préjudiciel»lement. » (V. t. 1, no 166.)

(5) V. ci-après, Quest. 1621. (4) V. Quest. 439.

aussi noble, que le magistrat est plus religieusement pénétré de ses devoirs : c'est ainsi qu'il peut être sonvent porté à voir difficilement un préjugé dans un interlocutoire qui, en définitive, lui paraîtrait n'avoir rien d'irréparable, surtout d'après la maxime l'interlocutoire ne lie pas le juge (*). Mais, à côté du désir d'obtenir une instruction plus complète et plus approfondie, se trouve le danger de porter atteinte aux droits que les parties tiennent des dispositions de la loi même. Or, ce n'est pas en vain qu'elle a autorisé les appels des jugements interlocutoires. Elle a considéré, comme le dit Duparc-Poullain, t. 9, p. 495, « que >> tout jugement d'instruction qui est irrégulier, et qui » peut occasionner des frais inutiles, cause un grief évident à l'une ou à l'autre des parties, et » quelquefois même aux deux,et qu'il était juste que » l'appel d'un semblable jugement réussit; » parce que, disent les auteurs de notre Code, « rien d'inutile » ne doit être fait en jugement, et que l'esprit de toutes » les lois relatives à la procédure est de procurer rapidité dans la marche et économie dans les » frais. »

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(*) V., ci-après, la question de savoir en quel sens l'on doit appliquer cette maxime.

bientôt qu'il peut l'ètre aussi après le jugement définitif, et tant que celui-ci est appelable, quel que soit le temps écoulé depuis la signification du premier.

Enfin tout jugement définitif, soit qu'il termine la cause, soit qu'il statue seulement sur un incident, ne peut, d'après les règles générales, être frappé d'appel que dans les trois mois de sa signification.

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Ces dispositions incontestables de la loi nous serviront à chercher et à reconnaître le véritable sens qu'elle attache à ces mots de préparatoire, interlocutoire et définitif.

En effet, puisque le législateur ne permet l'appel du jugement préparatoire qu'après le jugement définitif, il s'ensuit qu'il considère le jugement préparatoire comme ne portant à la partie, directement ni indirectement, aucun préjudice qu'elle ne puisse aussi bien réparer après qu'avant le jugement définitif, c'est-àdire que le résultat du jugement préparatoire ne peut en aucune manière influer sur le jugement du fond ni le modifier: si ce n'était pas là son caractère, il eût été permis d'en appeler | avant le jugement définitif, afin de prévenir les résultats fâcheux de cette influence, et de rendre ainsi inutile l'appel du jugement définitif.

La définition donnée, par l'art. 452, du jugement préparatoire ne doit donc pas être prise dans un sens absolu, mais dans un sens énonciatif; c'est plutôt par les effets que la loi attribue à un acte que par la définition qu'elle en donne qu'il faut en apprécier la nature. Or, en appliquant cette règle, nous découvrons, dans le jugement préparatoire, le caractère que nous venons d'énoncer, savoir, de ne porter aucun préjudice direct ni indirect, de ne compromettre en aucune manière la décision du fond.

Quant au jugement interlocutoire, il peut être frappé d'appel avant le jugement définitif, ce qui n'exclut pas la faculté de relever aussi cet appel, quand le jugement définitif a été rendu.

Puisqu'on peut en relever appel avant le jugement définitif, il s'ensuit que la loi considère le jugement interlocutoire comme pouvant porter un préjudice actuel à la partie, en compromettant le jugement du fond. S'il n'y avait aucun préjudice, et que le jugement du fond ne fût pas compromis, la loi n'en permettrait pas l'appel avant le jugement défi nitif. Cet appel serait inutile et frustratoire.

Mais aussi, puisque la loi suppose que l'on peut remettre l'appel du jugement interlocutoire jusques après le jugement définitif, et puisqu'il résulte de ses termes que cet appel est encore recevable après les trois mois de la signification, il s'ensuit que le préjudice que porte ce jugement n'est pas définitif; que l'influence qu'il exerce sur le jugement du

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fond n'est pas nécessaire; qu'on peut, il est vrai, en redouter les résultats, mais qu'enfin on peut espérer aussi que ces craintes ne se réaliseront pas.

En un mot, il y a préjugé relativement au fond, ce qui autorise l'appel avant le jugement définitif; mais il n'y a pas chose jugée qui compromette nécessairement le fond, ce qui fait qu'on peut retarder l'appel jusqu'après le jugement définitif.

Nous appelons préjugé tout ce qui, soit dans le dispositif, soit dans les motifs d'un jugement, laisse pressentir l'opinion du juge sur un point qu'il n'a pas néanmoins décidé, et à l'égard duquel il conserve par conséquent son indépendance, quoique jusqu'à un certain point compromise par la manifestation de son opinion actuelle.

Quant au jugement définitif, soit qu'il juge le fond, soit qu'il statue sur un simple incident, l'appel peut en être relevé huit jours après sa prononciation, et ne peut plus l'ètre trois mois après sa signification.

Il peut l'être huit jours après la prononciation, ce qui prouve que la loi regarde tout jugement définitif comme portant un préjudice actuel; il ne peut plus l'être trois mois après la signification, quoique le jugement du fond n'ait pas été rendu, ce qui fait voir que le préjudice qu'il cause ne résulte pas d'un simple préjugé, mais d'un jugé bien positif et bien réel, sur lequel le magistrat ne peut pas revenir, et qui le lie en quelque sorte pour la décision qui lui reste à rendre.

Nous éclaircirons ces principes par quelques développements et quelques exemples.

II. On devra regarder comme préparatoire le jugement qui n'ordonnera qu'une simple mesure destinée à mettre la cause en état, comme une instruction par écrit, un délibéré, une communication de pièces, un apport de pièces, etc., ou enfin, toute mesure, soit de simple procédure, soit mème d'instruction, dont le juge peut avoir besoin pour s'éclairer, sans avoir encore adopté aucun avis sur la question du fond, toute mesure qu'il peut ordonner sans que l'on puisse en induire son opinion sur le procès.

En effet, l'on voit qu'un pareil jugement ne porte point préjudice à la partie quant au fond; tout au plus pourrait-elle se plaindre des frais occasionnés par une instruction qui s'est trouvée n'être pas utile; mais voilà un grief qu'elle pourra aussi bien faire réparer après le jugement du fond. Tout ce qu'il fallait, pour que son appel ne fût pas admis avant ce dernier jugement, c'est qu'aucun point de la contestation ne fût ni décidé ni préjugé contre elle. Or, ni l'un ni l'autre n'a eu lieu, puisqu'on n'a fait qu'indiquer un moyen de préparer les décisions.

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