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Peu importe mème qu'il y ait eu débat entre les parties sur l'adoption de la mesure prépa ratoire; on ne peut pas dire que celle qui s'y était opposée ait succombé sur un point du litige; car ce n'est pas là un point du litige, mais un moyen d'éclairer le litige. Rien donc dans cette décision qui ne puisse être réparé après le jugement définitif, rien non plus qui compromette ce jugement en le faisant pressentir.

En serait-il de même si, au lieu d'ordonner la mesure préparatoire, le tribunal l'avait refusée aux instances d'une partie?

Nous croyons qu'à cet égard il faut distinguer ou il s'agissait d'une mesure dont l'exécution ne pouvait être différée, dans l'exécution de laquelle un retard pouvait être préjudiciable; ou bien d'une mesure qui pouvait également être employée à une époque quelconque. Dans ce dernier cas, il n'y a pas plus de préjudice ni de préjugé que lorsque la mesure est ordonnée; si on la croit utile pour le jugement de la cause, on pourra la faire ordonner sur l'appel. Dans le premier cas, au contraire, la demeure occasionnant un péril, faisant perdre un moyen d'instruction qui pourra ne plus se retrouver, on a à craindre un préjudice irréparable en définitive: l'appel immédiat doit être permis. Le jugement n'est pas préparatoire. Il n'est pas interlocutoire, puisqu'il ne préjuge pas le fond. C'est donc un jugement définitif.

Concluons que le caractère précis du jugement préparatoire est, en statuant sur une mesure d'instruction, de ne point préjuger le fond et de ne porter aucun préjudice irréparable en définitive.

On pourra donc ranger dans la classe des préparatoires certains jugements qui sembleraient devoir, aux termes de l'art. 432, revêtir le caractère d'interlocutoire, parce qu'ils ordonnent une preuve, mais qui ne sont pas tels néanmoins, parce qu'en ordonnant cette preuve, ils ne portent aucun préjudice, et ne préjugent pas le fond.

C'est ce qui a lieu lorsque les deux parties sont d'accord dans leurs conclusions pour demander qu'il soit procédé à la preuve, enquête, expertise, ou autre. Puisqu'elles sont d'accord en effet pour solliciter la mesure, son adoption ne peut paraître un préjugé contre aucune d'elles; et de préjudice, il y en a encore moins, tout étant conforme à leurs désirs. C'est l'opinion de Pigeau, Comm., t. 2, p. 23.

Faisons d'ailleurs observer que, pour conserver son caractère de préparatoire, le jugement d'instruction rendu d'accord entre les parties doit être entièrement conforme à leurs conclusions. Si le tribunal l'accompagne de motifs qui préjugent le fond contre l'une ou l'autre des parties, évidemment ce n'est plus

le jugement réputé innocuus, ce n'est plus un simple moyen de preuve sans rien préjuger, c'est un jugement qui préjuge le fond, c'est un interlocutoire. Réciproquement un jugement préparatoire par la mesure qu'il ordonne deviendrait interlocutoire, s'il était rendu de manière à préjuger le fond. (Montpellier, 9 prair. an XIII.)

Aucun de ces principes ne nous semble contrarié par les nombreuses espèces dans lesquelles la jurisprudence a reconnu des jugements préparatoires.

Nous en citerons un petit nombre :

Est préparatoire,

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Le jugement qui, dans une instance en rescision de vente pour lésion, ordonne une nouvelle estimation, attendu l'insuffisance de la première. (Cass., 4 pluv. an x1; Sirey, t. 3, p. 272.)

L'arrêt qui, dans une instruction par écrit, après le rapport, refuse d'entendre un avocat sur la demande en disjonction d'une intervention, et joint cet incident au fond. (Cass., 8 avril 1828; Sirey, t. 29, 1re, p. 41.)

Le jugement qui, sans contestation, ordonne les formalités préliminaires d'un partage, sans préjuger les droits respectifs des copartageants. (Cass., 13 janv. 1836.)

Celui qui, avant la décision définitive, ordonne un calcul d'intérêts pour éclairer la religion des magistrats. (Poitiers, 15 fév. 1833.)

Celui qui ordonne qu'une femme mise en cause avec son mari et demandant à plaider séparément, se pourvoira à l'effet d'y être autorisée. (Brux., 13 avril 1830.)

Celui qui, sur la demande d'une partie tendante à ce qu'on entende dans une enquête des témoins âgés de moins de 16 ans, joint l'incident au fond pour être fait droit par un même jugement, sauf à disjoindre, s'il y a lieu. (Poitiers, 13 avril 1857.).

Celui qui ordonne une expertise sur la demande de toutes les parties, et sans nuire ni préjudicier à leurs droits. (Brux., 9 mars 1811; Sirey, t. 14, 2o, p. 579; et Rennes, 30 janv. 1834.)

Celui qui, sur une demande en dommagesintérêts et en résolution, a ordonné, avant de prononcer la résolution, une expertise nécessaire pour la fixation des dommages-intérêts (Poitiers, 50 mars 1824); il faut remarquer que, dans cette espèce, la résolution était convenue et offerte; il n'y avait de contestation que sur la quotité des dommages.

On peut encore consulter les nombreuses espèces indiquées dans les Tables tricennales et décennales de Sirey, vo Jugement préparatoire.

Nous signalerons deux espèces où le caractère de préparatoire a été reconnu à tort, selon nous. C'est d'abord un arrêt de la cour de Paris du 19 déc. 1810 (Sirey, t. 14, 2,

p. 580), qui considère comme préparatoirement jugée sur laquelle le juge ne peut plus un jugement qui, sans ordonner la preuve de revenir. Le caractère d'interlocutoire ne concertains faits articulés, enjoint à la partie de vient qu'à la partie du jugement qui offre un les reconnaître ou de les dénier. Il nous sem- préjugé sur les questions non décidées. ble que ce jugement contient un préjugé formel sur les conséquences que le tribunal se propose de tirer des faits en question, et que, par cela même, il est interlocutoire. Aussi la cour de Poitiers a-t-elle vu, dans une espèce identique, un véritable interlocutoire, le 3 mars 1826. (Voy. infrà notre Quest. 1617 bis.)

C'est ensuite un arrêt de la cour d'Aix du 24 janv. 1832, qui regarde comme préparatoire, et non susceptible d'appel avant le jugement définitif, celui qui trace à des experts la marche à suivre dans leurs opérations, et fixe l'étendue de leur mandat. Des points trèsimportants de la contestation nous semblent pouvoir être préjugés par une telle décision, et nous ne pouvons nous dispenser d'y voir encore un interlocutoire.

III. Le jugement interlocutoire est donc celui qui, sans juger positivement la question, laisse entrevoir l'opinion qu'en a conçue le juge, et d'après laquelle il la décidera plus tard, non pas certainement, mais probable

ment.

L'appel en est permis avant le jugement du fond, parce qu'on peut vouloir éviter cette tendance qu'on redoute; mais on est admis à retarder cet appel, parce qu'on peut espérer que le préjugé sera abandonné avant d'avoir produit ses derniers résultats.

La difficulté se résume donc à distinguer le jugement qui juge, de celui qui ne fait que préjuger.

Réduite à ces termes, elle peut être résolue par des principes qui nous semblent positifs.

Qu'est-ce qui constitue la chose jugée dans une décision émanée des tribunaux? C'est le dispositif de leur jugement et pas autre chose (1). Mais aussi ce que contient ce dispositif ne doit jamais être considéré comme l'expression sans valeur d'une opinion que l'on puisse abandonner plus tard. Le dispositif est chose jugée sauf les moyens légaux de réformation. Le préjugé ne peut résulter que des suites probables et non nécessaires du dispositif, ou bien des considérations contenues dans les motifs.

On voit donc qu'il n'y a pas de jugement qui soit purement interlocutoire; car tout jugement a un dispositif, et le dispositif n'est pas un simple préjugé. C'est une chose définitive

Mais il n'est pas toujours facile de fixer le point où s'arrête la portée du dispositif, de distinguer bien clairement ce qu'il juge de ce qu'il préjuge.

A cet égard voici quelques observations qui pourront servir de guide.

On soumet aux tribunaux ou des questions de procédure, ou des questions de droit, ou des questions de fait.

Les questions de procédure se résolvent par une mesure à permettre ou à refuser. Les questions de droit concernant le fond de la cause, par une solution de doctrine (2). Les questions de fait, par une déclaration affirmative ou negative.

Quels que soient les motifs donnés par le juge dans ces trois hypothèses, isolés ils ne contiennent jamais une solution; rapprochés du dispositif, ils peuvent, au contraire, pour les questions de procédure et pour les questions de droit, compléter la pensée du juge dont la décision sera alors definitive et non pas simplement interlocutoire.

Ainsi Primus demande à prouver une obligation par témoins; son adversaire Secundus s'y oppose, par le motif que la loi défend la preuve testimoniale dans l'espèce soumise au juge. Le tribunal, considérant que, si en règle générale la loi défend d'admettre la preuve testimoniale, quand il s'agit d'une somme excédant 130 fr., elle le permet lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, et que, dans la cause, ce commencement de preuve résulte de tels et tels actes, admet Primus à prouver par témoins les faits qu'il a allégués.

Le dispositif de ce jugement n'ordonne qu'une enquête; mais, rapproché des motifs, il tranche l'exception tirée de la non-recevabilité de la preuve; pour les parties, comme pour les juges, il y a jugement définitif sur ce point. Toutes les règles relatives aux jugements définitifs sont applicables à ce jugement, du moins en ce qui concerne la recevabilité d'une preuve testimoniale.

Mème position, même raison de décider, lorsque les parties ne sont en contestation que sur l'étendue du temps pendant lequel la possession dont on veut faire la preuve aura duré. Primus soutient que son adversaire doit prouver ou cinq ans, ou dix ans, ou vingt ans, ou trente ans de possession. Secundus

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répond que la loi ne l'oblige à faire qu'une preuve ou de deux ans, ou de cinq ans, ou de dix ans, ou de trente ans. Le tribunal, considérant que, dans l'espèce, la loi n'exige qu'une preuve de..... Par ces motifs, ordonne que Secundus prouvera par témoins que depuis.... il a constamment possédé l'objet en litige. Ce jugement est définitif sur la durée de la preuve.

Dans le premier cas, l'admission à la preuve est un dispositif suffisant; dans le second, ce dispositif résulte de l'énonciation de la durée de la possession à établir.

Il devient inutile de multiplier ces exemples qui suffiront pour faire comprendre toute notre pensée: il faut donc que le dispositif contienne au moins un mot qui seul ne suffirait peut-être pas, mais qui, rapproché des motifs, présente une disposition complète et definitive; nous disons un mot, car, s'il y avait dans le dispositif un rejet formel de l'exception ou une solution de la question de droit proposée, la difficulté n'existerait plus. On conçoit donc dès lors que, si la controverse peut s'élever à l'occasion des questions de procédure et des questions de droit, jamais les questions de fait ne doivent la faire naître : la mesure que le juge ordonne pour s'éclairer sur le fait contesté, précédée des motifs les plus explicites, ne pourra que préjuger le fait; car si le juge déclare le fait constant ou impossible, tout en ordonnant une voie d'instruction, sa décision sera absurde. Si, d'un autre côté, le juge, dans son dispositif, tient le fait pour constant et ne veut s'éclairer que sur les conséquences de ce fait, le doute n'est pas plus permis; car, sur le fait, il y a chose jugée, tandis que sur l'étendue des conséquences il n'y a encore que préjugé. Si, dans son dispositif, malgré tous les développements des motifs, le juge ne dit pas un seul mot du fait à juger, la mesure qu'il ordonne, surtout à raison de ces motifs, indique son opinion; elle préjuge le sens de la sentence définitive; mais rien n'est jugé, le jugement est interlocutoire et non définitif.

Nos principes une fois admis, on se demandera encore quelle est la nature des jugements qui, sans tenir aucun compte dans leurs dispositifs des exceptions ou incidents proposés, et après les avoir expressément discutés dans leurs motifs, ordonnent une mesure d'instruction. Le rejet implicite de l'exception ou de l'incident, ou leur admission implicite suffisent-ils pour imprimer à ces jugements le caractère de définitif sur l'exception ou sur l'incident?

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Nous n'hésitons pas à adopter la négative; car autrement, on reviendrait à cette fausse doctrine d'un jugé par les motifs, quelle que soit la teneur du dispositif. Cette doctrine contrarie à un tel point les principes relatifs CARRÉ, PROCÉDURE CIVILE.-TOME IV.

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à la chose jugée, que nous l'estimons dange reuse et que nous la repousserons toujours, sous quelque prétexte qu'on veuille l'introduire dans notre procédure.

Certes, il serait bien peu rationnel, pour ne rien dire de plus, de la part d'un juge, lorsqu'on lui soumettrait une nullité d'exploit, un défaut de qualité du demandeur, une demande d'intervention d'un tiers, etc., etc., d'établir dans ses motifs la validité de l'exploit, la qualité du demandeur, la nécessité de l'intervention, etc., pour, dans son dispositif, se contenter d'ordonner une enquête ou une visite de lieux. Certes, le juge d'appel, si la cause était susceptible d'appel, ferait bien d'infirmer, et de décider d'abord l'exception ou l'incident; mais à défaut d'appel et de réformation cette exception ou cet incident ne serait pas jugé, et, lorsque la mesure ordonnée aurait reçu son exécution, le juge devrait statuer sur les conclusions primitives des parties; s'il oubliait encore de statuer sur les exceptions ou sur les incidents, et que son jugement fût en dernier ressort, il y aurait alors ouverture à requète civile pour omission de prononcer sur un des chefs de demande.

Le résumé de toute notre doctrine se réduit à ce principe, que jamais la chose jugée ne peut implicitement résulter d'un dispositif, et qu'il doit offrir un germe que les motifs puissent féconder.

Interrogeons la jurisprudence, elle viendra en aide à presque toutes nos solutions.

Sur les questions de procédure, de forme ou de droit, nous citerons :

1o Un arrêt de la cour de Brux., du 13 juin 1827, qui qualifie de définitif un jugement qui ne se borne point à ordonner une preuve, mais qui, sur le différend élevé entre les parties, détermine quelle est celle d'entre elles qui est tenue de faire cette preuve.

2o Une décision de la cour de cassation, du 8 janv. 1829 (Sirey, t. 29, 1re, p. 3), qui declare définitif un jugement qui, entre deux durées de preuve de trente ou de quarante années, décide que le demandeur ne sera assujetti qu'à une preuve de trente années.

3o Les arrêts que nous indiquons infrà, sur la Quest. 1626, et qui décident qu'un jugement est définitif lorsqu'il ordonne un compte après débat sur le point de savoir si un compte doit être rendu.

4o Enfin, l'arrêt de la cour de cassation qui donne la qualification de définitif à un jugement qui, après discussion sur la recevabilité en droit d'une preuve, admettait une preuve testimoniale (29 mai 1827, ch. civ.; Sirey, t. 27, 1re, p. 515).

A cet arrêt on peut ajouter une autre décision de la cour de cass. du 20 juillet 1830 (Sirey, t. 51, p. 50), quoique les motifs de la cour ne soient pas satisfaisants, et deux arrèts,

l'un de la cour d'Orléans du 17 janv. 1808, et l'autre de la cour de Bruxelles, du 30 juin 1828.

Toutefois, nous devons ajouter que pour le système des décisions implicites, on peut invoquer 1° les arrêts de la cour de cass. des 12 germ. an ix (Sirey, t. 2, 2o, p. 439), 9 vend. an XIII et 16 mai 1809 (Sirey, t. 10, 1re, p. 275); mais ces arrêts ont tous été rendus sous l'empire de la loi du 5 brum. an II, qui ne connaissait pas les jugements interlocutoires et qui n'admettait que les jugements préparaces soumises à la cour suprême, les jugements n'étaient pas de simples préparatoires, donc ils étaient définitifs. Peu importe alors les motifs sur lesquels s'est fondée cette cour. 2o Les arrêts de la cour de Trèves, du 20 frim. an XIV; Rennes, 5 juin 1812, et Riom, 3 fév. 1825 (Sirey, t. 25, p. 388).

Sur les questions de fait, le principe a été appliqué de la manière la plus nette par deux arrêts de la cour de cassation, l'un du 5 juin 1855, l'autre du 29 mars 1836 (Devilleneuve, t. 36, 1re, p. 503). Dans l'espèce de l'arrêt de 1855, le jugement qu'on voulait faire considérer comme définitif, était ainsi conçu : « Con-toires et définitifs. Or, dans les diverses espè» sidérant que les demandeurs sont fondés à » réclamer des dommages-intérêts pour les » dégradations que le pré a dû éprouver; que » dans l'état de la cause, le tribunal manque » des éléments nécessaires pour fixer les pré"tentions des demandeurs; avant faire droit, » ordonne que par un expert il sera procédé » à une visite du pré dont il s'agit, pour con» stater les dégradations qui ont été commi» ses....... pour être sur le rapport statué ce » qu'il appartiendra. »

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Sur notre plaidoirie, le 30 mai 1840, dans la cause d'Auxion contre Martin Lacoste, la cour de Toulouse a admis ce système dans les termes les plus explicites.

On peut aussi invoquer les arrêts de la cour de cass., 14 juill. 1818 (Sirey, t. 18, p. 598), 29 mai 1828 (Sirey, t. 28, 1re, p. 341), de Bordeaux, 10 mai 1827, et 28 mars 1851, et de Toulouse, 2 janv. 1841 (Devilleneuve, t. 41, 2, p. 94), qui décident qu'un jugement est simplement interlocutoire, quoique ses motifs expriment l'intention de juger définitivement (1).

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De tout ce que nous venons de dire sur la distinction des jugements interlocutoires et définitifs, il est facile de conclure que ceux qui prononcent sur un incident, soit en rejetant une exception, soit en annulant un acte de procédure, ou dans toute autre circonstance, sont des jugements définitifs desquels on peut interjeter appel avant le jugement sur le fond, mais seulement dans les trois mois depuis leur signification.

Ainsi le jugement qui rejette un déclinatoire ou, en général, celui qui statue sur la compétence. (Cass., 13 flor. an ix, 10 fruct. an XII, 25 juin 1825; Sirey, t. 26, p. 165; Poitiers, 6 janv. 1837; Nancy, 4 fév. 1839.)

Le jugement qui déclare mal fondée une demande en garantie, quoiqu'il ne statue que préparatoirement sur la demande principale. (Brux., 8 janv. 1825.)

Le jugement qui rejette des moyens de nullité contre une enquête, ou des moyens de reproche. (Cass., 1er mai 1811; Sirey, t. 11, 1TMo, p. 117; Metz, 8 déc. 1815) (2).

(1) [Il est utile de se reporter infrà à notre discussion de la maxime l'interlocutoire ne lie pas le juge. On peut aussi consulter deux arrêts, l'un de la cour d'Orléans, du 14 août 1822; l'autre de la cour d'Amiens, du 15 avril 1823 (Sirey, t. 25. p. 174).

(2) [Voici, sur cette question, l'opinion développée de Carré, que nous avons recueillie dans ses cartons:

» Tous les auteurs, sans exception, ont expliqué cette définition, en disant que l'on doit qualifier jugement préparatoire tout jugement de simple instruction, ordonnant telle ou telle formalité que la loi prescrit ou permet; tels sont ceux qui prononcent la continuation ou le renvoi de la cause d'une audience à une autre, la jonction de deux procès, un délibéré, une instruction par écrit, une communication de pièces, soit au ministère public, soit à l'une des parties, etc.

» 20 La loi répute interlocutoires les jugements rendus lorsque le tribunal ordonne, avant dire droit, c'est-à-dire avant de rendre un jugement définitif, une preuve, une vérification ou une instruction qui pré

"Il est incontestable, on ne peut l'énoncer d'une manière trop affirmative, qu'il y aurait tout à la fois erreur de doctrine, fausse application de la loi et vioJation d'un texte précis, à soutenir ou à décider qu'un jugement qui prononce séparément sur le mérite des reproches proposés contre des témoins, n'est pas défi-juge le fond. nitif, mais préparatoire ou interlocutoire, et à en conclure que le délai d'appel n'a pas couru à partir de la signification qui en a été faite à partie.

» Cette proposition se prouve par les raisons suivantes :

» 10 La loi répute préparatoires tous jugements rendus pour l'instruction de la cause, et qui tendent à mettre le procès en état de recevoir jugement définitif.

»Ainsi encore tous les auteurs n'ont-ils rangé dans cette seconde classe, que les seuls jugements qui préjugent le fond, ou, en d'autres termes, qui préjugent la décision à rendre sur le droit ou la chose qui est l'objet de la contestation, soit par suite de l'instruction qu'ils ordonnent, soit par toute autre décision qu'ils prononcent, d'où il suit que, pour déterminer si on doit considérer un jugement comme interlocutoire, on doit, quel que soit l'objet sur lequel il statue, ou la me

Le jugement qui prononce sur la question | mande en rescision d'un contrat de vente de savoir si une créance est ou non réductible. (cass., 2 germ. an x et 12 mars 1826; Sirey, (Cass., 25 nov. 1817; Sirey, t. 18, p. 183.) Cett. 26, 1re, p. 356); qui prononce sur l'exceparrêt se sert du mot interlocutoire, et traite néanmoins le jugement comme définitif. (Voy. la discussion de Carré à la Quest. 1629.)

Le jugement qui déclare recevable une action dont la recevabilité est contestée (cass., 26 vendém. an XII; Sirey, t. 4, p. 45); qui | prononce sur la qualité des parties (Bourges, 30 nov. 1825; Sirey, t. 26, 2o, p. 225); qui rejette une exception péremptoire, celle, par exemple, qui tendrait à repousser une de

tion de péremption d'un jugement par défaut non exécuté dans les six mois (Brux., 24 fév. 1855), qui rejette un moyen de nullité et ordonne aux parties de plaider au fond (cass., 14 frim. an XII; Sirey, t. 4, 2o, p. 69); qui déboute d'une opposition (Montpellier, 6 fév. 1852; Sirey, t. 33, p. 212); qui statue sur une fin de non-recevoir opposée à une tierce opposition (Rouen, 23 brum. an x); qui, après vérification d'écriture, déclare que la pièce est

sure qu'il ordonne, s'attacher à ce point unique : PréJuge-t-il le fond? Question qui revient à celle-ci : Manifeste-t-il l'opinion du tribunal sur les droits prétendus par les parties, et qui seront la matière de la décision définitive? Ainsi le jugement d'office qui, après contestation des parties, sur le fait de savoir si la preuve par témoins est ou n'est pas admissible et utile, ordonne une enquête, est un jugement interlocutoire, parce que le juge annonce que, si la preuve offerte est acquise par l'enquête, elle influera sur la décision défibitive; autrement, en effet, il ne l'eût pas ordonnée : done il y a préjugé.

» Voilà des notions de doctrine évidemment fondées sur le texte et l'esprit de la loi, évidemment classiques, et qui ne peuvent être combattues.

En les appliquant à l'espèce, on est forcé de reconnaltre qu'un jugement qui prononce sur des reproches proposés contre des témoins n'est ni préparatoire ni interlocutoire.

Il n'est point préparatoire, puisqu'il n'a point pour objet de mettre la cause en état de recevoir un jugement définitif, quant à l'instruction, c'est-à-dire d'ordonner aux parties de faire telle chose, de prendre telle mesure nécessaire pour que la procédure se fasse ou se continue; mais de statuer sur une contestation incidente, laquelle, comme toute autre qui s'élève dans Je cours d'une instance, forme un procès à part dont le fond, absolument distinct du principal, doit être préalablement jugé. En un mot, le jugement préparatoire n'a trait qu'à l'instruction, ou autrement à la procédure, à la différence de l'interlocutoire qui se rattache nécessairement au fond, mais en ce sens seulement qu'il le préjuge or, le jugement qui statue sur le mérite des reproches, n'a rien de commun avec la procédure; la contestation, on le répète, est absolument distincte du procès principal, sous tous les rapporis, et c'est pour cela que l'art. 257 porte, qu'il sera statué sommairement, par conséquent séparément, et indépendamment du fond.

:

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testation véritablement incidente et distincte; c'est une décision qui n'ordonne de fournir aucune preuve, qui ne prescrit aucune instruction, aucune vérification qui termine tout, en ce qui concerne les reproches.

» Prétendrait-on qu'elle préjuge le foud, en ce sens du moins que les reproches étant admis ou rejetés, les dépositions n'influeront point dans le premier cas, et influeront dans le second sur la décision définitive à rendre au principal?

» Il y a deux réponses tranchantes contre ce faux raisonnement.

» 10 L'art. 451 ne répute interlocutoires que les jugements qui préjugent le fond à raison de la preuve, de l'instruction, de la vérification qu'ils ordonnent : il est de la dernière évidence, et l'objection même le prouve, que ce n'est pas par ce moyen que le fond serait préjugé, puisque aucune mesure de cette espèce n'est ordonnée.

or,

» 20 Le jugement qui statue sur les reproches préjuge si peu le fond, que les juges ignorent, ou du moins sont censés ignorer, ce que contient la déposition du témoin, puisqu'elle ne sera pas lue si ces reproches sont jugés fondés, ou sera lue si les reproches ne sont pas jugés légalement admissibles. (Art. 291, C. proc.)

» Insisterait-on en disant que le tribunal, en rejetant les reproches, a ordonné que les dépositions seraient lues pour y avoir tel égard que de raison?

» On répondrait que c'était la conséquence nécessaire du rejet; mais les juges, en ordonnant que ces dépositions seront lues, ne peuvent point d'avance deviner quelle influence future auront, sur leur décision définitive, des témoignages dont ils ignorent la substance lorsqu'ils prononcent ce premier jugement.

>> On chercherait donc vainement, dans cette disposition, la moindre apparence d'une disposition préparatoire ou interlocutoire; l'objet unique de la contestation incidente était de statuer sur le mérite des reproches. Le tribunal a définitivement déterminé ce litige en les rejetant. Si, comme il le devait, il a ordonné que les dépositions seraient lues pour y avoir tel égard que de raison, il n'a, on le répète, rien pré

Il en est donc ici comme de tous les incidents sur lesquels il intervient des jugements séparés, comme des nullités, des fins de non-recevoir, par exemple, etc.,jugé sur le fond. Bien plus, l'eut-il fait, ce ne serait

jugements qui sont et ont toujours été réputés définitifs par une jurisprudence constante.

» Le jugement dont il s'agit n'est pas interlocu

pas en ordonnant une preuve, une vérification, une instruction qu'il eût préjugé, ce serait encore un jugement définitif sur les reproches; jugement définitif

cernerait la disposition prématurée par laquelle il eût préjugé, disposition dont il fallait appeler en temps utile, si elle causait préjudice.

toire, non-seulement par les mêmes raisons d'où ré-vicié, à la vérité, d'un excès de pouvoir, en ce qui consnite qu'il doit être réputé définitif, et non préparatoire, mais encore parce qu'il est évident qu'il n'or- | donné aucune preuve, aucune instruction, aucune vérification qui préjuge le fond.

Il applique aux reproches la disposition de la loi qui permet aux juges de les admettre ou de les rejeter, et les rejette par des motifs qui n'ont rien de relatif au principal.

» C'est donc évidemment une décision sur un point tout à fait indépendant de ce principal, sur une con

» Nous sommes donc pleinement convaincu que l'ap. pel du jugement par lequel un tribunal a statué, séparément du fond, sur des reproches proposés contre des témoins, et qui est définitif, doit être interjeté dans le délai de la loi, et qu'il serait déclaré non recevable, s'il était interjeté après ce délai expiré.» ]

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