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écrite par celui à qui on l'attribue. (Cass.,, 28 avril 1815, 19 mai 1812, et de Metz, 5 janv. 21 mess. an Ix; Sirey, t. 1, 2o, p. 512.) 1812.

Mais on a, et avec raison, considéré comme interlocutoires :

Mais il y a plus, et nous pensons que le délai d'appel ne court, pour l'interlocutoire comme pour le préparatoire, que de la signification du jugement définitif.

Carré, qui a longtemps hésité sur cette question, a fini par adopter, sous le no 1629, l'affirmative que nous énonçons, et, indépendamment des auteurs qu'il cite à l'appui de son système, nous devons indiquer Poncet, no 101 et suiv.; Talandier, no 148, et Thomine, t. 1, p. 689.

Toutefois, Boitard, 51° leçon, se prononce avec force pour la négative, et il en est de même de Merlin, Rép., vo Interlocutoire, n° 2, et de Berriat, no 42, B.

Le jugement ordonnant une vérification ou une preuve de faits qui préjugent le fond (Brux., 23 mai 1817; Rennes, 22 janv. 1821); ou qui préjugent la décision d'une exception d'incompétence (Brux., 7 juin 1828); qui ordonne une enquête sur un fait dont l'approfondissement peut entraîner la décision de la cause (Rennes, 29 juin 1816; cass., 4 mars 1828); qui ordonne une vérification des lieux en matière de servitude (Amiens, 11 mai 1822; cass., 25 juin 1823; Sirey, t. 23, 1re, p. 584, 9 déc. 1828; Bordeaux, 8 avril 1826, 12 janv. 1828); qui ordonne la visite par experts d'un navire prévenu de contrebande La différence de rédaction entre les deux (cass., 27 avril 1850; Sirey, t. 50, 1re, p. 182); paragraphes de l'art. 451 ne nous parait pas. qui ordonne à une partie de déclarer si elle de nature à fournir un argument sérieux en entend faire usage d'une pièce arguée de faux faveur de cette dernière opinion. Tout ce qui (Grenoble, 8 mai 1832; Sirey, t. 53, p. 151); résulte de cette différence, c'est que l'appel est qui ordonne un nouvel interrogatoire de la permis, à l'égard des jugements interlocutoires, personne dont on demande l'interdiction indépendamment de celui du jugement défini(Gand, 17 avril 1855); qui admet une inscrip- tif ; que le premier peut être relevé séparément tion de faux (Colmar, 27 janv. 1852); qui de l'autre et qu'il n'en est pas de même à l'énomme un curateur à une succession vacante gard du jugement préparatoire; qu'en un mot quand les héritiers conditionnels demandent la la faculté de l'appel est plus étendue pour les saisine (Turin, 13 avril 1807; Sirey, t. 7, interlocutoires que pour les préparatoires. p. 664); qui, sur une demande d'estimation, Mais nous ne voyons, dans les expressions ordonne cette estimation et réserve non-seu- consacrées aux interlocutoires, rien de reslement les dépens, mais encore toutes fins et trictif, rien qui tende à diminuer le délai imexceptions (cass., 4 brum. an x1; Sirey, t. 3, parti pour les préparatoires. Et, si l'on consip. 54); qui ordonne que des réparations seront dère que, sous cette dernière dénomination, vérifiées par experts pour en constater la va- étaient originairement désignés tous les jugeleur (Rennes, 30 mai 1817), avant faire droitments d'avant faire droit, on en conclura que et sans rien préjuger au fond (cass., 29 mars 1856); qui, sur une demande en revendication, ordonne une expertise et une levée de plan. (Douai, 13 avril 1856.)

IV. L'art. 451 dispose que le délai de l'appel pour les jugements préparatoires ne commencera à courir que de la signification du jugement définitif.

En est-il de même pour les jugements interlocutoires?

Non, disent quelques auteurs; car, à l'égard de ces derniers jugements, la disposition n'est pas répétée; et, de plus, l'article dit qu'on pourra en interjeter appel avant le jugement définitif, ce qui semble exclure la faculté de l'interjeter après, et surtout de l'interjeter quand les trois mois sont expirés.

Il est d'abord évident que l'on va trop loin en interdisant d'une manière générale l'appel de l'interlocutoire quand le jugement définitif a été rendu, quoiqu'il ne se soit pas écoulé trois mois depuis la signification du premier. Aucun texte et aucune raison solide n'appuient cette opinion, qui ne s'est point accréditée, et qui a été repoussée par les cours de Rennes le

le premier paragraphe contient une règle générale, à laquelle le second paragraphe vient seulement faire une exception; en sorte que, pour avoir l'ensemble des dispositions de la loi sur l'appel des interlocutoires, il faut combiner l'un avec l'autre les deux paragraphes.

Ainsi, en disant que l'appel d'un interlocutoire pourra être relevé avant le jugement définitif, l'art. 451 n'assigne pas exclusivement cette époque au droit dont il règle l'exercice; c'est au contraire une nouvelle faculté qu'il donne, qu'il ajoute à la première, et l'idée de faculté n'exclut-elle pas toute idée d'obligation?

D'ailleurs, ne voit-on pas que, lorsque le jugement définitif est rendu, tous les jugements d'instruction qui l'ont précédé, et sur lesquels il se fonde, sont, par la force des choses, comme réunis avec le jugement du fond pour ne faire qu'un avec lui, et que, par conséquent, la déchéance ne peut atteindre les premiers avant d'avoir atteint les seconds? C'est ce qui a fait dire à Merlin, Quest. de droit, vo Testament, § 14, et à Talandier, p. 121, no 157, que l'appel de l'interlocutoire

est en quelque sorte inutile et se trouve virtuellement compris dans l'appel du jugement définitif.

La raison de la loi pour ne faire courir le délai d'appel que de la signification du jugement définitif, est au surplus bien manifeste. Tout le grief qui résulte contre la partie d'un jugement interlocutoire, c'est un préjugé au fond.

Ce préjugé, par cela seul qu'il est préjugé, peut, dans telle ou telle circonstance, inspirer ou non des craintes sérieuses, faire pressentir ou non des résultats graves.

Si la partie redoute réellement les suites de ce préjugé, il est naturel que la loi lui permette de les prévenir en relevant appel avant le jugement définitif. Mais si elles ne lui inspirent pas d'alarmes véritables, si elle a des raisons de croire que les juges reviendront sur leur préjugé, faut-il l'obliger, dans la prévision d'une éventualité contraire, qu'elle ne croit pas probable, à se livrer à des procédures qui peuvent devenir inutiles? Faut-il l'empêcher d'avoir encore confiance dans les lumières de ses juges et la punir de cette confiance lorsque le résultat l'aura trompée ? N'est-il pas plus juste, lorsqu'elle élèvera des réclamations sur le jugement définitif, de lui permettre encore d'en élever contre le préjugé, d'abord peu redouté, qui néanmoins est devenu la source de ce jugement?

Ces raisons nous déterminent à penser que le délai d'appel du jugement interlocutoire ne peut courir que par la signification du jugement définitif.

Nous citerons, comme ayant sanctionné cette doctrine, les arrêts de la cour de cassation des 22 mai 1822 (Sirey, t. 24, 1re, p. 596), 26 juin 1826 (Sirey, t. 27, 1re, p. 44) et 5 juin 1833; et des cours de Trèves, 1er août 1810 (Sirey, t. 11, 2, p. 225); Grenoble, 14 et 22 août 1817, 6 déc. 1823 (Sirey, t. 24, 2o, p. 319); Bourges, 23 juill. 1823 (Sirey, t. 24, 2o, p. 360); Poitiers, 3 déc. 1823; Bourges, 2 fév. 1824 (Sirey, t. 24, 2o, p. 562); Rennes, 22 janv. 1821; Toulouse, 10 juill. 1827 (Sirey, t. 28, 2o, p. 236); Caen, 2 août 1826 (Sirey, t. 27, 2o, p. 223); Bordeaux, 50 août 1831, et Poitiers, 10 déc. 1833.

Mais le système contraire est adopté par les cours de Besançon, 10 fév. 1809; de Metz, 3 janv. 1812; de Rennes, 19 mai 1812; d'Angers, 21 août 1821 (Sirey, t. 24, 2o, p. 360); de Montpellier, 5 déc. 1821; de Rouen, 30 nov. 1826; de Limoges, 28 mars 1838 et 22 janv. 1839.

On peut s'appuyer aussi de l'un des motifs donnés par la cour de Rennes dans son arrêt du 20 mars 1824. Mais ce motif n'est qu'accessoire, et la véritable raison de rejeter l'appel, dans cette espèce, c'est qu'il s'agissait d'un jugement définitif et non interlocutoire.

Les seuls arrêts de la cour suprême rendus sur la question, l'ont été, comme on voit, en faveur de notre opinion; car celui du 20 juill. 1830 (Sirey, t. 31, p. 30) n'a pas trait à la difficulté: le jugement dont était appel dans l'espèce, quoique qualifié, par la cour, d'interlocutoire, était purement définitif, d'où il suivait nécessairement que l'expiration des trois mois, depuis sa signification, avait dù entrainer la déchéance de l'appel.

La solution de la question de savoir si l'appel d'un interlocutoire est encore permis à la partie qui y a acquiescé ou qui l'a exécuté volontairement, ne dépend pas de celle que nous avons donnée sur le point de départ du délai d'appel à l'égard de ces jugements.

Poncet, no 102, veut néanmoins résoudre ces deux questions par le mème principe, et il ne permet pas à ceux qui adoptent l'affirmative sur la première de soutenir la négative sur la seconde : « L'acquiescement, dit-il, qui résulte de l'expiration des délais est tout aussi réel et aussi efficace que s'il avait été donné expressément par la partie, ou que si elle avait exécuté le jugement sans ré

serve. »

Si donc on la relève du premier, conclut-il, on doit aussi la relever du second.

Ce raisonnement est vicieux : car nous ne relevons pas la partie de la déchéance encourue par l'expiration du délai, nous disons, au contraire, que cette déchéance n'a pas lieu, parce que le délai n'a pas couru, son point de départ n'étant pas le même ici que dans les circonstances ordinaires.

En raisonnant comme Poncet, on en viendrait à dire qu'aucun acquiescement n'est possible à l'égard des jugements définitifs, tant que dure, pour eux, le délai d'interjeter appel, ce qui est contraire aux notions les plus simples. De ce que les conditions pour encourir une déchéance ne sont pas remplies, il ne s'ensuit pas qu'on ne puisse en encourir une autre d'un autre genre.

Ainsi nous croyons pouvoir ici nous séparer de Poncet, quoique son avis soit aussi celui de Talandier, no 137, et décider avec Boitard, sur l'art. 451, et Thomine, no 504, que l'acquiescement, et, par conséquent, l'exécution volontaire, pure et simple, non justifiée, et sans réserves, telle enfin que nous l'avons caractérisée dans nos observations aux notes de la Quest. 1584, rend la partie non recevable à interjeter appel.

Nous ne sommes pas tenu de continuer ici l'assimilation entre le premier et le second paragraphe de l'art. 451, et à appliquer aux jugements interlocutoires ce que l'article dit de l'exécution sans réserves des jugements préparatoires; car, si la loi permet d'appeler de ceux-ci après les avoir exécutés sans réserves, cela tient à un motif qui n'est pas appli

cable aux interlocutoires; c'est parce que, l'appel des préparatoires n'étant pas permis avant le jugement définitif, ni séparément de l'appel de celui-ci, l'exécution en est toujours forcée, la partie n'ayant jamais, pour l'empêcher, la ressource de l'appel, et qu'alors on n'a pas dû attacher à une exécution qu'elle ne pouvait éviter, une présomption d'acquiescement.

Il n'en est pas de même, comme on l'a déjà vu plusieurs fois, des jugements interlocutoires; l'art. 451 prend soin de nous avertir que l'appel peut en être interjeté immédiatement après la prononciation. La partie peut donc toujours, par cet appel, éviter l'exécution ou s'y opposer. Si elle ne l'a pas fait, si, au contraire, elle a prêté les mains à cette exécution, et sans faire aucune réserve, il est clair qu'elle n'est pas excusable, et qu'elle ne peut se soustraire à la présomption d'acquiesce

ment.

La loi a permis et a dû permettre que la partie gardât le silence sur le jugement interlocutoire d'où résulte contre elle un préjugé, parce qu'elle peut espérer que ce préjugé n'aura | pas de suites; elle a dû lui réserver néanmoins le droit d'élever ses réclamations, lorsque le préjugé qu'elle ne redoutait pas a produit des effets inattendus; mais, si le silence n'empêche pas de conserver ce droit, la renonciation expresse ou tacite doit le faire perdre. Or, cette renonciation résulte soit de l'acquiescement formel, soit de l'exécution qui en a les caractères.

Mais on sent qu'ici les circonstances du fait doivent déterminer les juges, et que nous ne pouvons tout au plus renvoyer qu'aux principes exposés dans nos observations sur la Quest. 1584, pour déterminer dans quels cas l'exécution sera suffisante pour faire supposer l'acquiescement. C'est à cette idée que s'arrête Thomine.

Un grand nombre d'arrêts ont consacré la solution que nous soutenons.

Il en est trois fort remarquables de la cour de cassation 1er août 1820 (Sirey, t. 21, p. 272), 17 nov. 1829 (Sirey, t. 29, 1re, p. 405), et 12 janv. 1836 (Devilleneuve, t. 56, 1re, p. 201), ce dernier rendu sur les conclusions conformes de l'avocat général Nicod (1).

Et quant aux cours royales, nous citerons: Liége, 16 janv. 1811; Colmar, 10 nov. 1813;

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Metz, 25 nov. 1815, 22 oct. 1817; Orléans, 13 déc. 1822; Montpellier, 15 déc. 1821; Rennes, 22 janv. 1821; Metz, 5 janv. 1820; Angers, 21 août 1821; Limoges, 6 mars 1822, 13 mai 1823; Agen, 7 juill. 1824, 16 fév. 1852; Liége, 50 mars 1835; Colmar, 25 juill. 1835, 19 déc. 1852; Lyon, 27 déc. 1852.

Il est vrai que l'opinion contraire compte presque autant d'arrêts, mais pas un de la cour suprême. Et, parmi ceux que nous avons à indiquer, plusieurs sont fondes sur des motifs particuliers, qui les font ou rentrer implicitement dans notre système, ou du moins ne s'en écarter qu'hypothétiquement.

Ainsi la cour de Pau, le 15 fév. 1826, n'a admis l'appel d'un jugement interlocutoire exécuté volontairement, que parce que l'espèce, loin d'être régie par le Code de procédure, l'était par la loi du 3 brum. an 11, qui ue distinguait pas entre les préparatoires et les interlocutoires. (Voy. aussi Besançon, 3 juin 1808.)

Ainsi la cour de Douai, le 15 déc. 1819, celle de Pau, le 5 mai 1856, celle de Limoges, le 18 avril 1857, et la cour de cass., le 17 juin 1822 (2), se sont fondées sur ce que l'exécution avait été forcée, s'agissant d'une instruction dans laquelle il fallait observer certains délais, sous peine de déchéance, ou bien sur ce que de suffisantes réserves avaient été faites pour conserver le droit d'appeler.

Quant aux arrêts dans le même sens, que nous ne pouvons ainsi expliquer par des motifs particuliers, ce sont ceux des cours de Trèves, 1er août 1810; Colmar, 4 déc. 1810; Rennes, 8 janv. 1812, 28 avril 1815; Besançon, 2 mars 1815; Nancy, 28 juill. 1817; Bourges, 2 fév. 1824; Brux., 20 janv. 1826; Bourges, 7 fév. 1827; Bordeaux, 5 avril 1827, 29 nov. 1828, 25 fév. 1830; Bourges, 12 mai 1832, et Poitiers, 10 déc. 1835.

Talandier, no 137, fait cette objection qui lui paraît grave: « Vous admettez que l'interlocutoire ne lie pas le juge, pas même le juge d'appel, lorsqu'il a été exécuté volontairement (5); comment se peut-il que ce qui ne lie pas les juges lie néanmoins les parties? Comment la partie n'a-t-elle pas le droit de demander au juge ce que le juge a le droit de faire?»

Cette apparente contradiction naît d'une confusion qu'il nous paraît utile de signaler. Quelle est la partie du jugement dont on

(1) [Nous ne citerons pas l'arrêt du 20 juill. 1850, qui semblerait d'abord conforme à notre thèse, parce que, quoiqu'il qualifie d'interlocutoire le jugement dont était appel dans l'espèce, c'était bien réellement un jugement purement définitif. Dès lors, il ne pouvait y avoir de doute que l'exécution volontaire n'en eût opéré l'acquiescement.]

(2) [ Cet arrêt ne décide pas si le jugement dont on avait relevé appel était interlocutoire. Il se contente de lui appliquer les règles générales.]

(3) [Nous admettons, en effet, ce principe dans toute cette étendue (voir infrà); mais il faut en bien com. prendre le sens et la portée.]

a le droit d'appeler? C'est évidemment la partie qui juge, qui a un dispositif, qui ordonne telle ou telle mesure. Le préjugé ne devient qu'indirectement l'objet de l'appel; il n'est pas susceptible de fonder par lui-même et séparément une réformation.

Lorsque la partie acquiesce, c'est à ce qui est dispositif seulement qu'elle donne l'autorité de la chose jugée, et cette autorité est acquise par là, non-seulement vis-à-vis d'elle, mais encore, vis-à-vis des juges supérieurs qui ne peuvent plus réformer la partie définitive du jugement.

Mais l'acquiescement ne peut donner l'autorité de la chose jugée à ce qui n'était pas jugé, à ce qui n'était que préjugé. Les juges d'appel, tout en respectant le jugement au fond, n'en admettront pas les suites probables, mais non nécessaires. Ils demeurent libres à cet égard. Et si les parties ne peuvent plus appeler, c'est parce que ce qui reste d'indecis dans le jugement, ce qui n'est que préjugé n'est pas susceptible d'appel. Mais rien n'empêche que, soumises au dispositif du jugement, elles ne rappellent au magistrat supérieur le droit qu'il a de n'avoir aucun égard au préjugé que renferme ce jugement, et qu'elles le supplient d'exercer ce droit; ce n'est pas là former un appel, car ce n'est pas demander une réformation.

Cette double position des parties et des juges d'appel est signalée et appréciée de la mème manière par la cour de Limoges, dans son arrêt du 22 janv. 1839, et dans le réquisitoire de Nicod, sur lequel fut rendu l'arrêt de la cour de cass. du 12 janv. 1856 (Talandier, n° 137).

Ainsi, il n'y a nulle contradiction dans notre opinion.

V. D'après les distinctions et les précisions que nous venons de faire, le sens de la maxime l'interlocutoire ne lie pas le juge ne peut être un instant douteux.

L'interprétation qui en découle naturellement s'éloigne tout à la fois de l'opinion qui voudrait accorder au juge la liberté de revenir sur ce qu'il a décidé, et de celle qui, reculant devant cette conséquence, traite la maxime dont il s'agit de véritable erreur de jurisprudence.

Il y a, avons-nous dit, dans tout jugement qui prend le titre d'interlocutoire, deux parties distinctes, le dispositif qui juge, qui, par conséquent, est définitif, qui épuise le pouvoir du juge en ce qu'il prescrit, sur lequel, par conséquent, il ne peut pas revenir, auquel il se trouve irrévocablement lié. Il y a, outre cela, la partie qui préjuge ce qui n'est pas encore l'objet de la sentence, mais qui, ne faisant que le préjuger, n'a pas le caractère d'un jugement, et laisse au juge le droit de revenir sur

ce qui n'est que la manifestation anticipée d'une opinion.

Ainsi, par quoi le juge est-il lié? par la partie définitive, par la partie qui porte jugement.

Par quoi n'est-il pas lié? Par la partie interlocutoire, par la partie qui ne contient qu'un simple préjugé.

A-t-on ordonné une enquête sur des faits contestés?

Il est définitivement jugé que cette enquête aura lieu on ne peut, par un jugement postérieur, empêcher d'y procéder.

Mais ce qui n'est que préjugé, c'est la condamnation de la partie qui ne fera point la preuve des faits qu'elle allègue. Cette preuve, ne la fait-elle point? il ne s'ensuivra pas que le juge doive la condamner nécessairement; car il peut abandonner son préjugé, dire que la preuve n'était pas nécessaire, et qu'il y a dans le procès d'autres éléments pour donner gain de cause à la partie dont la preuve n'a pas été concluante.

A-t-on déclaré la pertinence de certains faits à prouver?

On ne peut revenir sur cette déclaration, parce qu'elle est définitive.

Mais on n'est pas lié par le résultat de la preuve.

A-t-on permis une preuve testimoniale, lorsque son admissibilité avait produit un débat?

Il est définitivement jugé qu'elle était admissible; le juge ne peut plus là rejeter comme ayant été faite hors des cas prévus par la loi.

Mais le préjugé que la décision du fond devait dépendre de cette preuve une fois faile n'est nullement irrévocable: on peut n'y avoir aucun égard.

En un mot, puisque nous croyons avoir donné des règles suffisantes pour distinguer ce qui, dans un jugement, est définitif, d'avec ce qui est interlocutoire, c'est à cette dernière partie seulement que s'appliquera la maxime, et point à l'autre. Le sens n'en offre plus de difficulté; il ne faut pas chercher d'autre interprétation que la plus litterale de toutes.

L'interlocutoire ne lie pas le juge. Comment pourrait-il le lier, puisque ce n'est qu'un préjugé? Le juge peut-il être lié autrement que par son jugement?

Mais le dispositif de tout jugement, quel qu'il soit, lie le juge; car il ne peut juger qu'une fois.

Ces principes nous semblent très-bien développes dans un arrêt de la cour de Nancy du 28 juillet 1817, dont nous croyons devoir transcrire ici les motifs :

« Considérant, en fait, que la demande originaire, reproduite par l'appel principal, présente à décider, en droit, si un testament devrait être déclaré nui, dans le cas où il serait

appartient, à plus forte raison, au tribunal d'appel devant lequel la question se reproduit dans le même état où elle était devant le premier tribunal, avant le jugement définitif. »

On voit, par ces considérations, que le mot revenir de son préjugé, discedere ab interlocutorio, est en quelque sorte impropre pour exprimer la faculté du juge de décider autre

car il n'avait pas engagé sa liberté, il n'avait rien jugé, il n'a besoin de rien modifier: l'exercice de ses fonctions, quant à la question du fond, n'avait pas encore commencé. Il commence. Lorsque la mesure ordonnée a été accomplie, tout est consommé quant à ce: l'instruction est devenue plus complète, le juge est censé plus éclairé. Les parties sont libres de développer leurs moyens, d'y ajouter, de présenter de nouvelles conclusions explicatives.

La plupart des arrêts qui ont appliqué la maxime, Semper judici ab interlocutorio discedere licet, l'ont entendue dans ce sens, et nous devons, par conséquent, en approuver la doctrine.

prouvé que l'un des témoins appelés à assister, à sa confection n'avait pas assez d'usage ni d'intelligence de la langue dans laquelle le testament a été dicté, pour en saisir et comprendre les dispositions sur la dictée du testateur ou à la lecture donnée par le notaire; - Considérant, dans la forme, que cette question demeure entière et libre du lien de l'autorité de la chose jugée, nonobstant le jugement interlocutoire qui a admis la preuvement qu'il ne semblait l'avoir fait pressentir; du fait allégué, et dans la supposition même que l'appel n'en serait plus recevable à raison de l'exécution volontaire qu'il a reçue; -Que si l'interlocutoire, en effet, est dit préjuger le le fond, c'est dans ce sens qu'il donne à connaitre l'opinion que le premier juge a adoptée sur la question du fond, et conséquemment à prévoir quelle en sera l'influence probable sur la décision définitive; juste motif d'accorder à celle des parties qui se croit intéressée à faire prédominer un principe contraire, la faculté de saisir immédiatement, par la voie de l'appel, le tribunal supérieur, de la question sur laquelle elle peut craindre de ne plus trouver le premier juge assez exempt de préoccupation; Que cependant celui-ci n'est pas irrévocablement lié à cette première opinion; que c'est une chimère de supposer qu'un jugement puisse être déjà définitif sur le point de droit, lorsqu'il n'est qu'interlocutoire sur le point de fait, d'autant que le point de droit n'étant que la raison de décider, et non la matière immédiate du jugement, il n'est pas susceptible d'une décision séparée, mais qu'il n'acquiert la force et l'autorité de la chose jugée que par son application à la demande qui fait la matière du litige, et par la décision définitivement portée sur cette demande; qu'aussi longtemps donc que l'objet du litige est en suspens et soumis à l'éventualité d'un avant dire droit, le droit lui-même demeure indécis, le juge ayant pu adopter mentalement, déceler même une opinion ou un principe, mais non les réduire en jugement; Qu'aussi l'orateur chargé de présenter le vœu du tribunat, sur le livre III du Code de proc. civ., observait, sur l'art. 451, dont la disposition autorise l'appel du jugement interlocutoire, avant le jugement définitif, que le jugement interlocutoire « sans autre objet » apparent que d'éclairer la religion des juges, » pourrait finir par les égarer dans la fausse » persuasion qu'ils se seraient liés eux-mêmes » en le prononçant; »> Que ce n'est donc pas seulement une faculté laissée au juge, mais plutôt un devoir qui lui est imposé, de juger en définitif, suivant sa conscience et sa conviction; rejetant, si sa conviction le lui commande, le principe que d'abord il avait adopté, pour revenir aux moyens, soit de fait, soit de droit, que primitivement il avait rejetés; que la même indépendance d'opinion

Nous citerons entre autres les arrêts de la cour de cass., 27 niv. an x1, 2 brum. an XII, 17 janv. 1810 (Sirey, t. 10, p. 135; Dalloz, t. 10, p. 490), 18 juill. 1817, 5 déc. 1826, 10 mai 1826 (Sirey, t. 27, p. 15), 4 mai 1829 (Sirey, t. 29, 1re, p. 235), 2 juin 1829, 51 janvier 1837 (Devilleneuve, t. 57, 1re, p. 522), et ceux des cours de Caen, 13 août 1813; Besançon, 2 mars 1815; Rennes, 15 fév. 1819, 19 fév. 1821; Bordeaux, 11 fév. 1828, et 18 mars 1829.

Les mêmes principes nous conduisent à décider que les juges ne sont pas liés par l'interlocutoire, toujours dans le sens qui vient d'ètre exposé, quoique cet interlocutoire ait été volontairement exécuté ou bien confirmé sur l'appel. Car, soit la confirmation, soit l'acquiescement qui résulte de l'exécution, ne peuvent donner d'autorité qu'à ce qui avait été réellement jugé, mais ne peuvent pas ajouter au jugement ce qui n'y était point, c'est-à-dire une décision réelle et définitive sur la question qu'il n'avait fait que préjuger.

Sous ce dernier point de vue, la maxime a été encore appliquée par les cours de cass., 14 juill. 1818 (Sirey, t. 18, p. 598; Dalloz, t. 10, p. 469), 17 fév. 1825, 10 mai 1826 (Sirey, t. 27, p. 13), 2 juin 1829; Brux., 24 nov. 1819 (Pasicrisie belge); Besançon, 10 déc. 1827; Limoges, 22 janv. 1839.

Sans doute nous avons dit que l'acquiescement des parties les rend irrecevables à appeler de l'interlocutoire: mais pourquoi? Parce que leur appel n'aurait pu porter que sur la partie qui contient jugement, et que cette partie, étant définitive, acquiert par l'acquies

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