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cement l'autorité de la chose jugée. Mais il n'en est pas ainsi du préjugé, qui conserve toujours son mème caractère, encore que la partie définitive ait été acquiescée, exécutée ou confirmée.

La cour de cassation avait donné à la maxime un sens subversif, selon nous, lorsque, par son arrêt du 25 vent. an XI (Sirey, t. 3, p. 215; Dalloz, t. 18, p. 455), elle avait étendu la faculté qui en résulte pour le juge jusqu'à donner à celui-ci le pouvoir de réformer son propre jugement, et, par exemple, de décider qu'une mesure d'instruction qui avait d'abord été prescrite, ne devait pas avoir lieu. (Voy. infrà, Quest. 1617 ter.)

Cette interprétation contraire aux principes, est la seule qui semble avoir frappé Boitard. Aussi cet auteur, 51° leçon, repousse-t-il d'une manière absolue la maxime dont nous nous occupons, et la déclare-t-il inadmissible dans tous les cas.

Il ne serait certainement pas tombé dans cet excès, s'il lui avait reconnu le sens que nous venons de développer, et que paraissent adopter, quoique avec moins de précision, si l'on veut, la plupart des auteurs, et, entre autres Favard, t. 3, p. 151; Poncet, no 78; Thomine, n° 503 et 504.

Merlin, au contraire, est souvent revenu sur la maxime l'interlocutoire ne lie pas le juge, et ses principes sont les nôtres (Rep., vo Communaux, § 4 bis, et Quest., vis Hypothèques, $19; Interloc., § 5, et Test., § 14).

Au reste, ne confondons pas le jugement conditionnel avec le jugement interlocutoire. Le premier prononce un jugé qu'il subordonne seulement à une éventualité: tel est, par exemple, le jugement qui donne gain de cause à une partie, à la charge par elle de prêter un serment. Il est évident que, dans ce cas, il y a plus qu'un préjugé sur les droits de cette partie; il y a un jugement formel et définitif qui empèche que la cause puisse dépendre, à l'avenir, d'autres éléments que du serment ordonné.

Mais la même chose n'arrive pas dans les jugements qui, avant dire droit, ordonnent une simple instruction. Ces mots avant dire droit signalent le véritable point de différence. Ces derniers jugements, en effet, ne prononcent rien sur le fond du droit, réservent tous les droits des parties, quant au fond; l'autre y statue, au contraire, d'une manière définitive.

(1) [La cour de Bruxelles a bien jugé, le 17 fév. 1819 (Pasicrisie belge), qu'il fallait un double appel: mais il s'agissait d'un jugement dont l'un des chefs avait produit un effet actuel et définitif; le 12 juillet 1836, la cour de Poitiers a jugé que, lorsqu'un jugement ordonne de plaider au fond, et que, sur le refus de la partie de le faire, il est rendu jugement au fond, on ne peut appeler de ce dernier jugement, comme préma

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La cour de Turin a constaté cette différence dans un arrêt du 9 avril 1811 (Sirey, t. 14, p. 180; Dalloz, t. 14, p. 387).

On doit encore considérer comme des jugements définitifs, liant les juges qui les ont rendus, 1° celui qui déclare que les épingles ou pot-de-vin font partie du prix de la vente dont on demande la rescision et pour laquelle une expertise est ordonnée (cass., 19 vend. an XII; Sirey, t. 4, p. 45; Dalloz, t. 18, p. 460); 2° celui qui prononce des condamnations à déterminer par experts. (Cass., 16 avril 1833; Devilleneuve, t. 53, 1re, p. 387; Metz, 3 juill. 1818; Dalloz, t. 18, p. 468, et Brux., 8 juin 1855.)

VI. De ce que nul délai ne peut courir contre l'appel du jugement soit préparatoire, soit interlocutoire, même signifié avant la signification du jugement définitif, naissent les questions de savoir: 1o si l'appel du jugement définitif comprend virtuellement celui des jugements non définitifs; 2° si, lorsque la déchéance est encourue à l'égard des jugements du fond, elle peut ne pas l'être à l'égard des jugements d'avant faire droit.

Quand le jugement définitif est rendu, il devient comme le résumé de toute la procédure qui a eu lieu, les jugements d'instruction qui avaient été précédemment rendus ne font plus qu'un avec celui qui termine la cause. Nous en concluons avec Merlin, Quest. de droit, vo Testament, § 14; Talandier, no 157, et avec la cour de Nancy, 25 mars 1829, que, par l'appel du jugement définitif, le jugement d'avant faire droit se trouve lui-même implicitement soumis à l'examen du juge supérieur, au moins dans ce qu'il contenait d'étroitement lié avec le fond, en ce sens du moins que le juge peut ne tenir aucun compte du résultat de la mesure d'instruction qui avait été ordonnée (1). Cependant Talandier dit que l'usage est d'appeler à la fois et explicitement de l'un et de l'autre, et que la prudence conseille de le faire. Les expressions dont la loi se sert pour les préparatoires semblent justifier cet avis: l'appel en sera relevé conjointement avec celui du jugement définitif : nous pensons aussi que cet appel est indispensable pour que la partie puisse obtenir que l'instruction soit rejetée du procès (2).

Quant à la seconde difficulté, elle est encore plus facilement résolue par le même principe.

turément rendu, qu'en se rendant aussi appelant du premier.]

(2) [Merlin, Quest., vo Appel, § 6, no 6, fait néanmoins observer qu'en adoptant la nécessité d'un double appel, il n'est pas indispensable que celui de l'avant faire droit soit antérieur ou contemporain à l'appel du jugement du fond. Il peut ne venir qu'après, pourvu | qu'il n'y ait pas eu d'acquiescement, ou que les délais

A quoi servirait l'appel d'un jugement préparatoire ou interlocutoire lorsque le jugement définitif est devenu inattaquable? Et, s'il ne doit servir à rien, ne s'ensuit-il pas qu'il est inadmissible? C'est aussi ce qu'ont décidé les cours de Paris, 22 flor. an x1, de Riom, 2 janv. 1829, et de Poitiers, 5 fév. 1829.

Nous disons que le caractère d'interlocutoire est empreint au jugement, même dans les cas où le juge ordonne une vérification, quoiqu'il y ait à statuer sur une question préjudicielle, dont la solution rendrait cette vérification inutile, et qu'alors les expressions dont il s'est servi pour annoncer son intention de n'entendre nuire ni préjudicier aux droits des parties, sont absolument indifferentes. C'est ce que l'arrêt du 14 nov. 1815 reconnaît lui-même, puisqu'on y lit que de semblables expressions «ne sauraient rien opérer, si le jugement

Quoique le jugement qui prononce une condamnation à la charge de prêter un serment, soit un jugement définitif conditionnel et non un jugement interlocutoire, c'est par analogie avec ces principes que la cour de Bordeaux a jugé, le 19 juill. 1850, qu'un pareil jugement» avait d'ailleurs le caractère d'interlocutoire, est inattaquable, lorsque le jugement postérieur, qui a reçu le serment, est passé en force de chose jugée.]

» et si l'on pouvait inférer des autres disposi» tions, ou même des motifs de ce jugement, » l'intention des juges, de préjuger le fond en qu'il en doit être de même, lorsque la mesure » tout ou en partie, » et l'on peut ajouter d'instruction ordonnée préjuge nécessairement, par sa nature, le fond de la question.

1617. Lorsqu'un tribunal ordonne un apurement quelconque, mais en prenant soin d'énoncer que c'est sans NUIRE NI PRÉJUDICIER aux DROITS DES PARTIES, ni à l'état de l'instance, le jugement n'en est-point de jugement, quoique préjugeant éviEn effet, s'il en était autrement, il n'est il pas moins interlocutoire?

Nous avions dit, sur la Quest. 2282 de notre Traité et Questions, qu'un semblable jugement ne pouvait être considéré comme interlocutoire, puisque le juge avait pris soin de déclarer qu'il n'entendait en aucune manière préjuger le fond; nous rétractons formellement cette opinion, que nous avions fondée sur un arrêt de la cour de Rennes du 14 nov. 1815, dont nous tirions une conséquence trop étendue.

ne soient pas expirés. En effet, l'existence d'un appel dirigé contre le jugement définitif n'est pas une fin de non-recevoir contre l'appel du jugement d'avant faire droit, surtout du jugement interlocutoire.]

(1) Merlin disait, en parlant d'un arrêt par lequel la cour de Bordeaux avait décidé qu'il dépendait du juge de qualifier son jugement :

a Est-ce bien sérieusement que la cour d'appel s'est » servie de ces expressions? Où a-t-elle pris que les » tribunaux de première instance ont un pouvoir dis

crétionnaire pour déterminer la qualité des juge»ments qu'ils rendent, pour décider si ces jugements » sont contradictoires ou par défaut (préparatoires » ou interlocutoires)? En cette matière, comme en » toute autre, continue Merlin, les tribunaux n'ont et » ne doivent avoir d'autre boussole que la loi. S'ils » s'écartent de la loi, s'ils qualifient de contradictoires » des jugements qui n'ont été rendus que par défaut, le » devoir des cours d'appel est de les réformer, et les cours d'appel qui manquent à ce devoir s'approprient, » par cela seul, les infractions à la loi qu'ils se sont permises (*). »

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demment le fond, que l'on ne pût, au moyen de ces expressions, soustraire à l'appel, et un tel abus ne saurait être toléré.

D'ailleurs, il est à remarquer que l'objet des expressions sans nuire ni préjudicier, etc., employées dans le jugement d'avant faire droit, n'est pas d'établir que le juge n'a entendu rien préjuger, mais bien d'exprimer qu'il n'a point voulu se lier par l'interlocutoire. C'est ce qu'enseigne positivement Duparc-Poullain (1).

La même doctrine est énergiquement professée par Berriat, liv. Jer, tit. VI, des Jugements. Après avoir dit que la différence à faire entre les jugements préparatoires et les jugements interlocutoires est fort embarrassante à saisir, il ajoute : « Les clauses avant » dire droit, etc., par lesquelles les tribunaux carac » térisent leurs jugements de préparatoires, ne font » point cesser l'embarras, parce qu'il ne doit pas dépendre d'un tribunal de donner à sa décision, par » ces qualifications inexactes, un caractère que peu» vent démentir les résultats de cette décision.

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Enfin, cette remarque est pleinement justifiée par un arrêt de la cour de cassation du 24 oct. 1808, et par une décision de la cour de Grenoble du 22 juill. 1809 (**) (Dalloz, t. 18, p. 465).

Enfin on lit, dans l'arrêt de la cour de Rennes du 25 juin 1822, déjà cité suprà, à la note, « qu'il est ⚫ formellement déclaré que la clause, sans nuire ni D préjudicier, n'empêcherait pas le préjugé, si l'on » pouvait le trouver dans l'ensemble du jugement, ou » dans quelques-unes de ses dispositions. » Aussi la cour ne déclara-t-elle l'appel non recevable que par

cette énonciation, avant faire droit, toutes choses lenant au principal.

Le second déclare que l'adverbe préparatoirement no peut attribuer au jugement qui avait ordonné une mise en cause le caractère d'un jugement simplement préparatoire, par la raison que, pour en connaitre la nature, il faut plutôt consulter les vrais motifs qui l'ont dicté, et le but vers lequel il est diriyé, que les termes impropres employés dans sa rédaction.

TITRE UNIQUE. de l'appel, ETC. ART. 452, Q. 1618.
L'APPEL,

ratoire ou interlocutoire a été rendu, faut-il qu'il ait été exécuté pour que les juges puissent prononcer sur le fond?

[Cette décision nous paraît incontestable. Il | (Voy. ce que nous avons dit suprà, sur la ne dépend point des juges de qualifier leurs Quest. 1616, des jugements préparatoires.)] jugements; en vain ils diraient qu'ils décident [1617 ter. Lorsqu'un jugement prépaen dernier ressort, leur décision serait sujette à l'appel, si elle excédait le terme du dernier ressort; en vain ils qualifieraient de contradictoire un jugement que la loi appelle par défaut; les parties n'auraient pas perdu le droit d'y former opposition. Il ne dépend donc pas d'eux de faire qu'un jugement ne soit que préparatoire, si réellement il préjuge le fond; il doit en être des jugements comme des contrats: les expressions dont on se sert ne changent rien à leur nature, autrement il serait trop facile d'abuser d'une faculté qui n'aurait | point de bornes.

Indépendamment des arrêts cités en note par Carré à l'appui de sa doctrine, nous indiquerons celui de la cour de cass. du 25 août 1812 (Sirey, t. 12, 1гe, p. 550).

La cour de Nîmes, le 14 février 1812, a rendu une décision contraire; mais nous ne pensons pas que son arrêt doive faire jurisprudence.]

Non puisqu'il est reconnu que l'interlocutoire, et, ce qui est encore plus clair, que le préparatoire ne lie pas les juges pour la décision du fond, ils peuvent, après avoir imposé une preuve à la partie, lui donner gain de cause, si elle le requiert, sans qu'elle ait même entrepris de la faire. (Cass., 10 mai 1826; Sirey, t. 27, 1re, p. 15.) Mais ils peuvent aussi exiger que leur interlocutoire soit rempli. (Rennes, 5 mai 1817.) Et, dans tous les cas, ils ne peuvent, après avoir ordonné un préparatoire, juger, avant son exécution, et sans en être requis. Ce serait réformer leur propre jugement. De nouvelles conclusions sont nécessaires pour les saisir de nouveau. (Rennes, 2 mars 1818. Voy. suprà notre Quest. 1616, et nos Quest. 977 et 1123.)]

-

[1617 bis. Comment doivent être traités les 1618. Le jugement qui ordonne la mise en

jugements provisoires?

Les jugements provisoires ne sont ni d'instruction ni de préjugé : ils prononcent définitivement, quoique pour un temps, sur la contestation dont ils s'occupent. Ce sont, par conséquent, de véritables jugements définitifs, comme ceux qui statuent sur un incident. L'appel peut, sans contredit, en être relevé avant le jugement sur le fond.

Tels sont, le jugement qui prononce une condamnation provisoire à la charge de donner caution (Turin, 9 flor. an x; Dalloz, t. 18, p. 436); celui qui adjuge à l'une des parties la possession provisoire de l'immeuble litigieux (cass., 4 août 1819; Sirey, t. 20, 1re, p. 112; Dalloz, t. 1, p. 324); celui qui, sur une demande en interdiction, nomme, avant de statuer, un administrateur provisoire pour prendre soin de la personne et des biens du défendeur à l'interdiction. (Brux., 28 déc. 1826.) Le jugement qui nomme un séquestre pour administrer les biens pendant l'instance en partage a été regardé comme préparatoire par la cour d'Orléans, le 20 avril 1814, et par la cour de cassation, le 18 mars 1828. Le même caractère a été attribué par la cour de Trèves, le 11 juin 1806 (Dalloz, t. 18, p. 465), au jugement qui autorise la femme demanderesse en séparation à quitter provisoirement le domicile de son mari. C'est à tort, selon nous. Tous ces jugements nous semblent provisoires.

la considération que rien n'annonçant le préjugé, la clause devait avoir tout l'effet que les premiers juges avaient voulu lui attribuer.

cause d'un tiers est-il interlocutoire?

Nous avons dit, sur la Quest. 142, t. 1, p. 141, qu'un jugement qui accorde délai pour pouvoir mettre un garant en cause, nous paraissait devoir être placé dans la classe des préparatoires. Mais nous remarquerons ici qu'il est des circonstances où un jugement qui ordonne la mise en cause d'un tiers peut être réputé interlocutoire, et c'est ce qui a lieu toutes les fois que cette mise en cause peut avoir quelque influence sur la décision du fond du procès.

Tel est le principe consacré par un arrêt de la section des requêtes de la cour de cassation du 1er juin 1809 (Sirey, t. 9, 1re, p. 304), et dont elle a fait l'application à un jugement qui, sur une demande de compte fait aux héritiers du curateur à une faillite, avait ordonné la mise en cause des créanciers, à l'effet de savoir d'eux s'ils avaient été désintéressés, comme ces héritiers le soutenaient pour repousser l'action.

sous

C'est par application du même principe que la cour de Grenoble, par arrêt du 22 juillet 1809 (Dalloz, t. 18, p. 465), a réputé interlocutoire un jugement qui avait ordonné, le cours d'une demande en nullité d'un mariage, la mise en cause des enfants qui en étaient issus. Elle a considéré que cette mise en cause préjugeait la décision du tribunal sur le fond, en donnant à penser que le tribunal regardait déjà ces enfants comme nés d'un mariage légitime. (Voy. Comm. inséré aux Ann. du Not., t. 3, p. 68 et 69.)

Enfin, la cour de Bruxelles a aussi considéré comme interlocutoire un jugement qui ordon

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doit l'être négativement, et, au contraire, si on décide que le fond peut être préjugé quelquefois par un jugement qui ordonne une mise en cause, on doit décider aussi qu'un tel jugement est quelquefois interlocutoire et susceptible d'être attaqué par la voie de l'appel. A la vérité on peut le qualifier ju

nait la mise en cause d'un tiers qui avait fait saisie-opposition entre les mains du signataire d'un effet de commerce, consenti à l'ordre de son débiteur, et dont celui-ci avait transmis la propriété à un autre, par la voie de l'endossement. On a reçu l'appel de ce jugement, attendu qu'il préjugeait le fond, en ce qu'il supposait au saisissant des droits qu'il ne pou-gement d'instruction, mais un jugement vait avoir, au préjudice du porteur, puisque sa saisie ne pouvait empêcher le remboursement au porteur de l'effet dont il était propriétaire, par suite de l'endossement de celui au profit duquel cet effet avait été créé. (Voy.guer un tel jugement de ceux dont l'appel Brux., 10 mai 1808.)

d'instruction peut être en même temps interlocutoire, si l'instruction qu'il ordonne est de nature à influer sur la décision définitive; et c'est en effet à ce caractère qu'il faut distin

n'est pas recevable. Ainsi, on conçoit aisément que, d'après les circonstances particulières dans lesquelles il est rendu, le mème jugement peut être préparatoire ou interlocutoire. (Voy. notre Quest. 1616.)

C'est ce qui explique la diversité de décision dans les arrêts cités par Carré et dans ceux que nous allons joindre à ses citations. Les faits et les circonstances n'étant pas les

Enfin, il a été jugé par arrêt de la cour d'Amiens du 26 juillet 1823 (Sirey, t. 25, 2o part., p. 19), qu'un jugement qui ordonne que des tiers seront entendus à l'audience sur l'objet de la contestation, n'est pas simplement préparatoire, qu'il doit être réputé interlocutoire dans le sens de l'art. 451, en ce que l'audition des tiers est nécessairement ordonnée par les juges, pour puiser dans leurs dé-mêmes dans toutes les espèces, la solution a clarations des motifs de détermination. Pen importe, est-il encore décidé par cet arrêt (ce qui vient à l'appui de ce que nous avons dit, sur la Quest. 1616), que le jugement soit rendu avant faire droit ni sans rien préjuger, et sauf à n'avoir à la déclaration des tiers que tel égard que de raison.

D'un autre côté, nous pouvons citer des espèces où il a été décidé que la mise en cause de tierces personnes ne donnait pas au jugement qui l'ordonnait le caractère d'interlocutoire. Par exemple, la cour de Montpellier a jugé, le 19 déc. 1810 (Dalloz, t. 18, p. 463), que l'on devait réputer préparatoire un jugement qui, avant faire droit, ordonnait la mise en cause d'un tiers, et qui cependant prononçait des condamnations contre les endosseurs d'une lettre de change, sans leur accorder de recours contre le tireur et porteur d'ordre, scindant ainsi l'action formée solidairement contre tous (1).

[La solution de cette question se lie à une autre question préalable. La mise en cause d'un tiers est-elle ou non sans influence sur la décision du fond? Si cette dernière question est résolue affirmativement, l'autre

(1) On peut voir les détails de l'affaire au Journal des Avoués, ubi suprà. Coffinières place à la suite de l'arrêt plusieurs observations qui prouvent, selon nous, que le jugement renfermait des dispositions définitives et une disposition interlocutoire, et que, sous ces deux rapports, l'appel ne devait pas être déclaré non recevable. En effet, pour ne parler que de la disposition relative à la mise en cause, il est démontré qu'elle se hait à la décision à intervenir sur le fond, puisqu'elle n'avait été provoquée qu'afin de prouver que l'obligation avait une fausse cause.

Enfin, à l'arrêt de Montpellier, ci-dessus cité, il faut ajouter celui par lequel la cour de Bruxelles a décidé,

dû être différente, les juges ayant vu dans les unes un préjugé qu'ils n'apercevaient pas dans les autres.

Ainsi un jugement qui ordonne la mise en cause d'un tiers a été déclaré interlocutoire (cass., 8 déc. 1815 et 19 avril 1826; Sirey, t. 27, p. 198; Orléans, 28 février 1810; Paris, 10 déc. 1825; Sirey, t. 25, p. 210; Dalloz, t. 17, p. 468, et Poitiers, 18 janv. 1851), et préparatoire, au contraire, par la cour de Colmar, le 6 déc. 1809 (Dalloz, t. 18, p. 465), et par celle d'Agen, le 5 juill. 1851 (Sirey, t. 32, p. 672.)

Cependant, il est vrai de dire qu'en règle générale on n'ordonne la mise en cause d'un tiers, qu'autant que cette mise en cause exercera une influence sur le fond. Aussi, Merlin, Quest., t. 3, p. 690, et Favard, t. 1, p. 165, vo Appel, enseignent-ils qu'un jugement de mise en cause est interlocutoire.] 1619. Le jugement qui ordonne la comparution des parties, en vertu des dispositions des art. 119 et 428, est-il simplement préparatoire?

Nous avons dit, t. 1er, no 501, et t. 5,

le 12 sept. 1812, qu'un jugement qui, rendu sur la déclaration de l'appelant de s'inscrire en faux, ordonne la mise en cause du tireur, n'est point un interlocutoire dont on puisse appeler avant le jugement définitif, par le motif que cette mise en cause n'ayant pour objet que d'éclairer les faits, elle ne préjuge rien sur le fond.

Mais cette décision nous semble conforme à la doctrine développée no 1616, attendu qu'aucune contestation ne s'était élevée entre les parties, relativement à cette mise en cause, et qu'en l'ordonnant le tribunal ne préjugeait en aucune manière la question du fond.

:

n° 1552, qu'un tel jugement ne pouvait être | considéré comme interlocutoire, attendu qu'il ne préjugeait rien sur le fond ; et cette proposition est vraie, si l'on ne considère que la nature du jugement, indépendamment des circonstances particulières d'après lesquelles on pourrait dire qu'il préjugerait le fond. Ainsi, bien que le jugement dont il s'agit soit de sa nature un jugement d'instruction, un simple préparatoire, il pourrait être considéré quelquefois comme étant interlocutoire. C'est ainsi, par exemple, que la cour de Turin a déclaré interlocutoire un jugement qui ordonnait que la partie assignée en payement d'un billet serait tenue de répondre, avant tout, si elle entendait le contester elle a fondé cette décision sur ce qu'il ne s'agissait pas d'un objet de simple instruction, mais bien d'une instruction qui avait trait au fond, et le préjugeait. Il faut remarquer que la partie à laquelle on ordonnait de répondre soutenait que son obligation était nulle, attendu que l'acte n'était pas conforme à la loi; que cette nullité devait être prononcée par le tribunal, et que, conséquemment, il n'y avait pas lieu à la faire s'expliquer sur le fait de savoir si elle entendait contester le billet, comme étant écrit par une autre main que la sienne. Il est évident qu'en cette circonstance, le jugement d'instruction préjugeait le fond, puisqu'il annonçait que les juges n'étaient pas dans l'intention d'admettre la nullité proposée, mais qu'ils entendaient se déterminer d'après le fait de l'écriture.

Mais il pourrait arriver des cas où il y aurait plus de difficulté à déterminer les caractères du jugement: si, par exemple, un tribunal ordonnait la comparution d'une partie, sans préciser les faits sur lesquels il se propose de l'interroger, on ne pourrait, dans notre opinion, considérer le jugement comme interiocutoire; car on ne saurait présumer l'influence que l'interrogatoire de la partie sera de nature à avoir sur le fond. Tel est le cas que nous avons supposé dans nos Quest. 501 et 1552. Mais en sera-t-il de même de celui où le tribunal ordonnerait que la partie comparaitra pour répondre sur tel ou tel fait, et à telle ou telle question? Nous estimerions qu'en ce cas le jugement serait interlocutoire, parce que le

tribunal énoncerait l'intention de faire dépendre, plus ou moins directement, la décision du fond des réponses qui lui seront données. C'est en ce sens, suivant nous, que l'on doit entendre cette proposition générale, énoncée par Hautefeuille, p. 255, et qu'il appuie de deux arrêts de la cour d'Orléans des 27 mai 1808 et 1er juin 1809 (Dalloz, t. 22, p. 276): « Un jugement qui ordonnerait qu'une partie serait entendue à la barre, sur des faits relatifs au fond de l'objet litigieux, serait interlocutoire, parce que les juges sont censés préjuger le fond par le mérite des déclarations que fera la partie qui doit être entendue. » C'est dans l'autre sens que la cour de Colmar, par l'arrêt cité sur la Quest. 1552, a déclaré préparatoire un jugement qui ordonnait la comparution personnelle de toutes les parties en cause.

[Nous sommes encore ici de l'avis de Carré. Les circonstances de chaque espèce peuvent seules indiquer la juste qualification du jugement. Les règles pour apprécier ces circonstances sont tracées sur la Quest. 1616. (Voy. aussi, sur la question particulière qui nous occupe, les observations que nous avons jointes aux nos 501 et 1532.)

Le 19 janv. 1856, la cour de Bordeaux a regardé comme interlocutoire le jugement qui ordonnait tout à la fois la comparution personnelle des parties et la comparution de tiers étrangers à la cause. C'était une espèce d'enquête qui préjugeait le fond. Mais cette enquête était illégalement ordonnée, ce qui a fait infirmer le jugement.]

́1620. Le jugement qui ordonne un interrogatoire sur faits et articles, est-il préparatoire ou interlocutoire?

Un tel jugement nous parait devoir être considéré comme interlocutoire; et néanmoins nous avons dit, sur la Quest. 1241, que nous ne pensions pas qu'on pût en appeler avant le jugement définitif (1). Ce n'est pas que nous ne reconnaissions que cette décision est contraire à plusieurs arrêts que nous avons eu soin de citer; mais, quoi qu'il en soit, nous tenons aux considérations qui nous l'ont dictée. (Voy. no 1241) (2).

[Sur la Quest. 1241, nous avons décidé,

(1) Au reste, la cour de Rouen a en partie confirmé notre opinion, par arrêt du 27 mai 1817 (Sirey, t. 17, 2, p. 235; Dalloz, t. 18, p. 467); en décidant que les jugements ordonnant, soit un interrogatoire, soit une communication de pièces, ne pouvaient être attaqués qu'après le jugement définitif; mais elle a prononcé de la sorte, en déclarant que ces jugements étaient préparatoires.

(2) Un jugement qui ordonnerait que des faits articulés seront avoués ou contestés dans un délai que l'on aurait déterminé, ne serait que préparatoire, dès lors

que ce jugement n'ordonnerait pas la preuve de ces mêmes faits. (Paris, 19 déc. 1810; Sirey, t. 14, 2o, p. 380; Dalloz, t. 18, p. 467.)

NOTA. En effet, un tel jugement ne préjugerait le fond qu'autant qu'il ordonnerait la preuve en cas de dénégation. Jusque-là, le tribunal ne prend qu'une mesure préparatoire pour se mettre en état d'ordonner cette preuve.

[Sur la Quest. 1616, nous avons blàmé cet arrêt; nous pensons qu'en agissant ainsi, les juges annoncent vouloir faire dépendre le jugement du fond de la con

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