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consentant ou en concourant à son exécution, et qu'une réserve de se porter appelant ne pourrait même écarter la fin de non-recevoir, parce qu'il est contradictoire que l'on puisse faire valoir des réserves incompatibles avec un acquiescement; 3° que l'on ne trouve d'exception à ces principes que dans la première disposition de l'art. 451, mais que cette disposition ne se rapporte qu'aux jugements préparatoires, et ne peut, conséquemment, être étendue aux interlocutoires, qui sont l'objet d'une disposition particulière.

Cependant plusieurs arrêts (1) ont consacré une opinion diametralement opposée. Ils ont pour motifs en résumé, que, par sa seconde disposition, l'art. 451 laisse aux parties la faculté d'interjeter appel d'un jugement interlocutoire, aussitôt qu'il est rendu, et qu'il a toujours été de jurisprudence que, de même que l'interlocutoire ne lie pas le juge, la partie qui l'exécute ne se rend pas non recevable à s'en porter appelante (2);

Qu'au reste, ce principe n'a point été abrogé

par le Code de procédure civile, qui n'offre même aucune disposition sur ce qui constitue l'acquiescement à un jugement; d'où il suit qu'on doit se guider par ce même principe, qu'une jurisprudence constante avait consacré;

Qu'enfin l'opposition établie par l'art. 451, C. proc., entre l'appel du jugement préparatoire et celui du jugement interlocutoire, consiste précisément en ce point, que le premier est interdit jusqu'après le jugement définitif; que le second, au contraire, est autorisé dès la signification de l'interlocutoire; mais que de la circonstance qu'il est dès lors autorisé, on ne peut induire qu'il soit dès lors indispensable, sous peine de ne pouvoir être reçu après le jugement définitif; qu'il dépend au contraire de la partie qui croirait y apercevoir quelques motifs de griefs, d'en subordonner la plainte à l'événement du fond, par lequel le grief peut être écarté, etc., etc.

Telle était l'opinion que nous avions soutenue dans notre Analyse raisonnée, no 1484 (3).

(1) V. Trèves, 1er août 1810; Colmar, 6 avril 1810; Nancy, 28 juill. 1817 (Sirey, t. 11, p. 225; t. 14, p. 380, et t. 18, p. 89); Rennes, 28 déc. 1808 et 8 janv. 1812. Nons ajouterons un arrêt de la cour de Paris du 16 mai 1809, rendu en audience solennelle, et cité par le procureur général Mourre, dans le plaidoyer dont nous aurons bientôt occasion de parler. Nous engageons nos lecteurs à lire les considérants de l'arrêt de Nancy.

(2) Par la même raison, l'expiration du délai, qui fait présumer l'acquiescement, n'opérerait pas, dans cette doctrine, une fin de non-recevoir contre l'appel interjeté.

(3) Nous croyons, attendu que la solution de la question nous semble encore sujette à controverse, devoir conserver ici ce que nous disions à son sujet, et nous le faisons avec d'autant plus de confiance que ces motifs seront mûrement examinés que Berriat, dont les hautes lumières nous rendent le suffrage si flatteur, a bien voulu s'exprimer ainsi, en citant notre opinion: Carré, dans une dissertation, du reste très-bien faite, avait adopté une opinion différente (Analyse, no 1484); mais il en est revenu.» (Traité et Questions, p. 1058.)

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« Mais, ajoute Merlin, l'art. 451 du Code de procédure, tout en maintenant, pour les jugements préparatoires proprement dits, la disposition de la loi dont nous venons de parler, porte que l'appel d'un jugement interlocutoire pourra être interjeté avant le jugement définitif. »

Ceci posé, nous avons à chercher les motifs pour lesquels on a fait à la législation antérieure cette modification, que l'on ne trouvait point dans le projet. I ne contenait, en effet (art. 447), que la première disposition de l'art. 451 du Code, c'est-à-dire qu'il reproduisait, sans distinction ni modification, celle de l'article 6 de la loi de brumaire.

Ces motifs se trouvent dans le discours de M. le conseiller d'État Bigot de Préameneu, que nous ne pouvons trop rappeler: La partie qui se croit lésée par un jugement interlocutoire, dont elle a les suites à redouter, ne doit point être obligée d'attendre le jugement définitif; elle pourra également se pourvoir contre les jugements qui accordent une provision. C'est par cette considération, sur laquelle plusieurs cours avaient appelé l'attention du conseil d'État, que la seconde disposition de l'art. 451 a été ajoutée, et que l'on a défini, dans l'art. 452, les jugements préparatoires et les jugements interlocutoires. les observations de ces cours, Prat. Franç., t. 3, p. 70 et suiv.)

Rappelons avant tout, disions-nous, que sous l'empire de la législation antérieure à la révolution, et jusqu'à la publication de la loi du 3 brum. an 11, l'on pou-(. vait, d'après une déclaration du 14 mai 1717, appeler sans distinction des jugements préparatoires et interlocutoires avant le jugement définitif.

Mais la loi du 3 brum. an 11 abrogea cette jurisprudence, en disposant (art. 6) qu'on ne pourrait appeler d'aucun jugement préparatoire pendant le cours de l'instruction, et que les parties seraient obligées d'attendre le jugement définitif, sans qu'on pût cependant leur opposer ni leur silence, ni même les actes faits en exécution des jugements de cette nature.

Cette disposition, ainsi que l'atteste Merlin, au Nouv. Répert., vo Interlocutoire, t. 6, p. 427, « comprenait et les jugements préparatoires proprement dits, et les jugements interlocutoires, c'est-à-dire ceux que l'art. 452 définit sous ces deux dénominations. C'est ce qui résultait des art. 4 et 5 de la même loi du 3 brum., et c'est ainsi que la cour de cassation le jugeait constamment.

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Il suffirait, selon nous, de remarquer que ces dispositions nouvelles n'ont été établies qu'en faveur de la partie qui se croirait lésée par un avant faire droit qui préjuge le fond, et dont elle voudrait prévenir les suites, pour décider que si l'on n'a pas voulu, comme le dit l'orateur du gouvernement, que cette partie fût obligée d'attendre le jugement définitif, on n'a pas voulu qu'elle fût obligée de ne pas attendre ce jugement, pour interjeter appel de l'interlocutoire.

Et, en effet, la faveur que l'on a accordée à celui qui aurait à craindre les résultats d'un interlocutoire, se retournerait souvent contre la partie qui aurait raison de croire que l'exécution de cet avant faire droit, qui d'ailleurs ne lie point irrévocablement le juge, ne pourra lui préjudicier en définitive. Pourquoi, dans cette confiance, ne serait-elle pas dispensée d'interjeter appel? Pourquoi serait-elle déchue du droit d'ap

Mais nous crùmes devoir l'abandonner dans notre Traité et Questions de procédure, no 2275, en considérant la question comme

décidée dans le sens des auteurs que nous avions combattus, par un arrêt de la cour suprême, du 25 nov. 1817 (1).

pel après le jugement définitif, si, contre son attente, les résultats lui deviennent préjudiciables ? Nous n'en voyons aucune raison de justice. Des faits de la fautsseté desquels une partie se croirait convaincue, sout maintenus par sa partie adverse; elle les conteste; elle soutient même que la preuve n'est pas admissible, ou qu'elle est inutile: cependant l'enquête est ordonnée. Serait-il raisonnable de l'obliger, en ce cas, d'interjeter appel de l'interlocutoire avant le jugement définitif, et sous peine de déchéance? Ce serait sans nécessité retarder, contre son intérêt actuel, la fin du procès; ce serait multiplier inutilement et les procédures et les frais.

En un mot, qu'est-ce que le législateur a voulu par les deux dispositions de l'art. 451? Il a voulu sans doute apporter un tempérament à l'ancienne législation, qui, en permettant l'appel avant le jugement définitif, même des jugements préparatoires proprement dits, multipliait sans nécessité les appels des décisions de simple instruction, et à la législation postérieure, qui, en défendant, sans aucune distinction, d'appeler de tous jugements, soit simplement préparatoires, soit interlocutoires, portait préjudice à l'intérêt actuel et pressant qu'une partie aurait eu à prévenir, par un appel, des torts qu'elle a des motifs de croire irréparables en définitive. Mais il ne suit pas de là qu'elle soit obligée à interjeter l'appel, si elle ne s'y trouve pas intéressée de la sorte. (Voy. encore Exposé des motifs.)

Voilà, suivant nous, les considérations pour lesquelles le législateur s'est servi, dans la seconde disposition de l'art. 451, de ces expressions, l'appel d'un jugement interlocutoire POURRA être interjeté avant le jugement définitif. Il s'ensuit que cette disposition accorde aux parties une faculté qu'elles peuvent exercer ou non, selon ce que leur intérêt actuel leur dicte, et conséquemment, sans avoir à craindre, si elles n'en font pas usage, d'être déchues du droit de joindre l'appel de l'interlocutoire à celui du jugement définitif, soit parce qu'elles auraient laissé passer le délai fixé par l'art. 443, soit parce qu'elles auraient consenti ou concouru à l'exécution de l'avant faire droit. C'est aussi ce qu'ont décidé, de la manière la plus formelle, les deux arrêts que nous avons cités en commençant cette discussion.

Nous devons avertir que ces décisions ont été criti- | quées par les arrêtistes qui les rapportent, d'après les raisons que les commentateurs du Code ont données pour l'opinion contraire. Mais, sans nous arrêter à discuter toutes les objections, nous remarquerons que l'on ne saurait, du moins à notre connaissance, opposer un seul arrêt à ceux dont il s'agit, pas même celui de la cour de cassation du 17 fév. 1807, cité par nous, sur la Quest. 852 de notre Analyse (voy. notre Quest. 976), et dont s'étaye Demiau. En effet, cet arrêt a été rendu dans une espèce antérieure à la mise en activité du Code. Peut-être nous opposera-t-on que nous en avons fait nous-même l'application sur la question précitée, en disant que l'on ne pouvait, sur l'appel du jugement définitif, soutenir qu'une enquête était inadmissible, parce que le jugement qui l'avait ordonnée avait acquis l'autorité de la chose jugée; mais on reconnaitra, sans doute, que nous avons raisonné dans l'hypothèse que présentait l'espèce de cet arrêt, c'està-dire dans un cas où il n'existait pas d'appel de l'interlocutoire, même après le jugement définitif, et conjointement avec l'appel de ce jugement.

Au surplus, telle est la divergence des opinions sur

la question que nous venons de résoudre, qu'il sera prudent, jusqu'à ce que la jurisprudence soit fixée par la cour de cassation, soit de laisser défaut sur l'exécution d'un interlocutoire, afin de se réserver le droit d'en appeler avec le jugement définitif, soit d'en interjeter appel avant que ce jugement soit rendu, sans toutefois prendre part à l'exécution de l'interlocutoire, et, en tous les cas, sans laisser passer le délai fixé par l'article 443. Mais c'est un conseil que nous ne donnons qu'à regret, puisqu'il tend à éloigner le terme d'un procès, à multiplier les contestations, et à augmenter les frais en plusieurs circonstances où la partie n'aurait encore aucun intérêt né à en interjeter un appel.

(1) Nous dimes alors: Un arrêt de la cour de cassation du 25 nov. 1817 (Sirey, t. 18, 1re, p. 182), décide que, d'après le § 2 de l'art. 452, un jugement interlocutoire ne peut être attaqué par recours en cassation après l'expiration des trois mois de sa notification à domicile. Cette décision étant fondée sur l'art. 452, il s'ensuit évidemment qu'elle doit s'appliquer à l'appel, et que, par conséquent, la doctrine que nous avions établie est rejetée par la cour suprême. On remarquera que nous ne dissimulions pas les objections dont elle était susceptible, et que nous conseillions, pour prévenir toute difficulté ultérieure, d'interjeter appel avant l'expiration du délai. Aujourd'hui, nous devons considérer comme obligation rigoureuse ce qui n'était, dans notre opinion, qu'une mesure de prudence. Quoi qu'il en soit, quelques jurisconsultes voudraient admettre une distinction, et pensent que le système consacré par la cour de cassation ne doit être suivi que dans les cas semblables à celui où il a été rendu, c'està-dire lorsqu'il s'agit de ces espèces d'interlocutoires dont nous avons parlé sur la Quest. 1471 de notre Analyse (voy. suprà, no 1616), et qui préjugent la décision définitive, en statuant sur un point de la contestation, saus ordonner une preuve ou vérification. En ce cas, disent-ils, l'effet du jugement étant irréparable en définitive, il faut bien en appeler dans le délai, et l'on se rend non recevable, si on l'exécute; mais il n'en serait pas de même de l'interlocutoire, qui ne préjugerait le fond qu'en ordonnant une preuve, une instruction ou une vérification, parce que l'exécution d'un semblable jugement ne produit point d'effet irréparable, le juge pouvant statuer sans avoir égard à l'instruction qu'il aurait ordonnée.

Il suffit de lire, disons-nous, l'arrêt de 1817, et l'exposé qui le précède, pour se convaincre qu'il repousse cette distinction, et déclare non recevable, par suite d'exécution ou de l'expiration du délai, l'appel de tout jugement interlocutoire, quel que soit son objet. Enfin, nous ajoutions :

Il convient d'examiner si un second arrêt de la cour de cassation, en date du 13 janv. 1818 (Sirey, t. 18, 1re, p. 204; Dalloz, t. 18, p. 475), ne serait pas en opposition avec les conséquences que nous venons de tirer de celui du 25 nov. 1817.

Cet arrêt décide qu'aux termes de l'art. 14 de la loi du 2 brum. an IV, le recours en cassation contre les jugements en dernier ressort, n'est ouvert qu'après le jugement définitif, et que l'art. 451 du Code de procédure, qui ne parle que de l'appel, n'a point dérogé à cet article.

La cour déclare ensuite que, dans l'espèce soumise à sa décision, et où il s'agissait de la vérification par pièces d'un fait allégué par la partie, le jugement qui avait ordonné cette vérification n'était qu'un avant faire droit, qui ne préjugeait rien; que la preuve

Il s'agit d'examiner aujourd'hui si nous | devons maintenir cette dernière solution, ou revenir à la première, que nous avions abandonnée, il est vrai, mais par suite de l'autorité de l'arrêt précité, et non pas parce qu'il nous eût convaincu que nos motifs fussent erronés.

Nous remarquerons d'abord que, par arrêt du 21 juill. 1817, cité par Mourre, dans son plaidoyer sur celui du 27 janv. 1818 (Sirey, t. 18, p. 155), où il s'agissait de savoir si un jugement qui ordonne un compte, quoique le defendeur soutint n'en devoir aucun, la cour de cassation avait décidé que le jugement était définitif, bien différent, disait-elle, de ceux dont l'art. 5 de la loi du 3 brum. an IV (1) défendait aux parties d'interjeter appel avant le jugement définitif, ou dont, aux termes de l'art. 431 du Code de procédure, il leur est LOISIBLE de n'interjeter appel qu'après ce jugement.

Sans contredit, d'après ces dernières expressions, la cour de cassation était, comme le fait observer le procureur général, parfaitement d'accord avec les cours royales (voy. ci-dessus la note 3, p. 67), sur le sens de cette expression pourra, employée par l'article 451, laquelle n'indique qu'une simple faculté, telle, ajoute le savant magistrat, que, pour les jugements vraiment interlocutoires, l'exécution ne peut engendrer une fin de nonrecevoir.

Mais, comme nous l'avons vu, note 1ro, plus haut, l'arrêt du 25 nov. 1817 décide formellement que, d'après le § 2 du même art. 451, un jugement interlocutoire ne peut être atta

qué en cassation, que dans les trois mois de sa notification. En conséquence, la cour rejette le pourvoi formé après l'arrêt définitif. La contradiction entre ces deux arrêts est manifeste.

Il faut définitivement s'arrêter à l'un des deux systèmes, et, dans ce conflit d'opinions et de décisions, qui rend l'application de l'article 452 si embarrassante, nous croyons, après un mur examen, devoir adopter celui des deux qui nous semble le plus conforme au texte de la loi, à son esprit et à l'équité, sans nous embarrasser davantage de discuter les divers arrêts dont on peut argumenter dans un sens ou dans l'autre. Or, nous croyons trouver, dans le plaidoyer déjà cité du procureur général près la cour de cassation, sur l'arrêt du 27 janv. 1825, les motifs les plus imposants en faveur de la première opinion émise dans notre Analyse (2).

Ainsi donc, résumant les raisons données ci-dessus, au no 1629 (p. 67, note 5), celles qui sont développées dans l'arrêt de Nancy (voy. encore p. 67, note 1oo), celles enfin que nous fournit le savant magistrat que nous venons de citer, nous résoudrons comme il suit la ques| tion qui nous occupe :

Premièrement, l'appel de tout jugement interlocutoire, rendu après contestation entre parties, sur l'utilité ou l'admissibilité de la preuve, de la vérification, de l'instruction, en un mot de la mesure qu'il ordonne, ne peut être reçu, soit après le délai de trois mois, à partir de la signification, soit après acquiescement tacite ou formel de la partie intéressée à en interjeter appel. La raison en est qu'il y

ordonnée d'office, et pour apprécier les moyens invoqués par les deux parties, ne faisait à aucune d'elles un grief irréparable en définitive; que ce jugement ne lie pas non plus les juges, et qu'en conséquence, il ne pouvait les empêcher de revenir aux moyens de droit sur lesquels ils pouvaient d'abord prononcer indépendamment de ce préliminaire.

En conséquence, l'arrêt rejette, comme prématuré, le pourvoi en cassation contre le jugement, attendu que l'art. 14 de la loi du 2 brum. an iv porte que le jugement préparatoire et d'instruction n'est ouvert qu'après le jugement définitif.

Cet arrêt ne nous semble point, disions-nous, en opposition avec celui du 25 nov. 1817, ainsi qu'on pourrait le croire au premier aperçu. En effet, il rejette bien l'application de l'art. 451 au pourvoi en cassation, parce qu'il existe une disposition expresse dans la loi de brumaire, relativement à ce pourvoi, lorsqu'il s'agit d'interlocutoire; mais il ne prononce point que l'article 452 ne puisse pas, relativement à l'appel, servir pour déterminer quand on peut assigner à un jugement le caractère de jugement préparatoire ou d'instruction, comme l'a décidé l'arrêt de 1817.

Au fond, il se trouve d'accord avec ce dernier, en ce qu'il décide qu'un jugement qui ne contient aucune disposition définitive et qui ne préjuge rien, est un simple préparatoire, un simple jugement d'instruction qui n'est point un véritable interlocutoire, et dont, par |

conséquent, le pourvoi en cassation n'est recevable qu'après le jugement définitif, conformément à la loi de brumaire. C'est ce que décide également l'arrêt de 1817, en déclarant au contraire qu'un jugement qui décide définitivement sur un point de la contestation, et qui préjuge, n'est pas un simple préparatoire, et qu'en conséquence, le pourvoi est tardivement formé et non recevable, si l'on a laissé écouler le délai sans former le pourvoi en cassation, en attendant le jugement définitif.

(1) Au surplus, quelque opinion que l'on prenne sur la question de savoir si ces deux arrêts sont conciliables ou non, il n'en sera pas moins vrai, quant à l'appel, que l'arrêt de 1817 fixe le sens de l'art. 451, en décidant qu'il faut appeler, dans le délai de trois mois, de tout jugement interlocutoire qui préjuge; et, par conséquent, nous répéterons ce que nous avons dit en terminant la Quest. 1474 de notre Analyse, et ce que fait observer aussi Sirey, dans une dissertation insérée dans son Recueil de 1814, p. 383, qu'il est au moins très-prudent d'interjeter appel avant l'expiration du délai.

(2) L'arrêt intervenu sur ce plaidoyer n'a point décidé la question, comme on le croirait par l'énoncé de l'arrêtiste. Il a rejeté le pourvoi par d'autres motifs tirés du fond de la chose jugée en exécution de l'interlocutoire. (V. le texte de cet arrêt, Sirey, ubi suprà, p. 159.)

a ici un jugement définitif sur la fin de nonrecevoir opposée contre la mesure provoquée, par un jugement qui lie irrévocablement les juges, et dont, par conséquent, il faut appeler avant le jugement définitif sur le fond, sous peine d'être déclaré non recevable par l'acquiescement résultant, soit de l'expiration du délai, soit de l'exécution volontaire (1).

Deuxièmement, il en est de même, parce que leurs effets seraient irréparables en définitive, de tous les jugements dont nous avons parlé sur la Quest. 1616 ci-dessus, et qui, sans ordonner une preuve ou une instruction quelconque, préjugeraient la décision définitive, en statuant sur un point de la contestation (2).

Troisièmement, au contraire, toutes les fois qu'une preuve, une instruction, une vérification, un approfondissement, une mesure quelconque est ordonnée, soit sur la demande d'une partie, et sans contestation de son adversaire, soit d'office par le tribunal pour son instruction, la partie contre laquelle elle préjuge a la faculté d'appeler, soit avant, soit après le jugement définitif, et encore bien, en ce dernier cas, que l'interlocutoire eût été exécuté, ou que le délai de trois mois, à partir de la signification, fût expiré. La raison en est, à notre avis, que, dans ces circonstances, le juge n'étant point lié par l'interlocutoire,

(1) Ainsi, par arrêt du 1er août 1820, la cour de cas, sation a décidé qu'il y a violation de l'art. 1351 du Code civil, attendu que les parties avaient exécuté un interlocutoire ordonnant une enquête volontairement, sans réserves ni protestations, quoiqu'elles eussent la faculté d'en interjeter appel sans attendre le jugement définitif. Elle a déclaré que cette exécution résultait formellement de ce qu'elles avaient assisté à l'audition des témoins qui devaient déposer dans la contre-enquête d'où il résultait un acquiescement exprès, qui donnait au jugement l'autorité de la chose jugée; en sorte que le juge d'appel, en rejetant la fin de nonrecevoir opposée par l'intimé, et statuant sur un appeb non recevable, dont il n'était pas valablement saisi, avait expressément violé l'art. 1351 du Code civil.

(2) Telle serait, par exemple, l'espèce suivante, dans laquelle a été rendu un arrêt de la cour de cass. du 11 janvier 1818.

Avant de statuer définitivement, une cour avait ordonné que l'une des parties prêterait un serment. C'était, comme le dit la cour suprême dans ses considérants, avoir préjugé la question décidée ensuite par l'arrêt définitif, rendu après le serment prété, sans réclamation. Interlocutoire avait donc été acquiescé; il n'avait pas été attaqué; il ne l'était pas même au moment du pourvoi contre l'arrêt définitif : aussi la cour suprême rejeta-t-elle le pourvoi contre ce dernier, qui n'était que la conséquence du premier, qui avait préjugé de manière à causer un préjudice irréparable, puisque la cour ne pouvait, en prononçant définitivement, se réformer elle-même, et n'avoir pas égard à l'interlocutoire qui avait acquis l'autorité de la chose jugée.

Mais nous avons dit suprà, à la note, que laisser prêter un serment supplétoire, ce n'est pas acquiescer. On remarquera qu'en cette note, nous

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et, par conséquent, la partie n'éprouvant point un préjudice irréparable en definitive, il est naturel, comme nous l'avons dit ci-dessus, à la note 3, page 67, que l'appel soit purement facultatif; aussi la loi dit-elle qu'elle pourra appeler, et non pas qu'elle sera tenue d'appeler (5).

[Nous avons cru devoir joindre l'examen approfondi de cette question et de la suivante à nos observations générales sur les jugements interlocutoires. (Voir la Quest. 1616.) On y trouvera l'indication de toutes les autorités.]

1630. Quel est, d'après la discussion et la solution de la question ci-dessus, le sens dans lequel il y a lieu à appliquer aujourd'hui la maxime L'INTERLOCUTOIRE NE LIE PAS LE JUGE?

En général, on a toujours appliqué cette maxime en ce sens qu'un tribunal, après avoir ordonné la preuve d'un fait qu'il a pu croire pouvoir influer sur la décision de la cause, a la faculté, s'il reconnaît ensuite que ce fait est indifférent, de prononcer, nonobstant cette preuve, et contre la partie même qui l'a faite, et il est à remarquer que le juge a cette faculté, dans le cas même où il n'eût pas exprimé qu'il ordonne la preuve sans nuire ni préjudicier aux droits des parties ni à l'état de l'instance. (V. suprà, Quest. 1617.) « En effet, dit Du

parlons d'un serment ordonné après jugement définitif, déclaré exécutoire sous cette condition, et qu'il s'agit ici d'un serment ordonné avant le jugement définitif.

(3) L'étendue de la discussion à laquelle nous venons de nous livrer, et que nous résumons dans les trois propositions ci-dessus, prouve la difficulté de la matière; et nous convenons que, malgré nos efforts, il est très-possible qu'on nous reproche d'être resté obscur, lorsque nous travaillions pour être clair. Mais, quoi qu'il en soit, nous croirons avoir fait quelque chose d'utile, en mettant sous les yeux de nos lecteurs les raisons que l'on peut alléguer pour ou contre le système que nous avons adopté. C'est à la cour régulatrice à saisir l'occasion de fixer l'incertitude où se trouvent les parties; incertitude qui place celle qui se trouverait intéressée à appeler du jugement dans cette pénible position, que si elle exécute le jugement ou laisse passer le délai sans former son appel, elle a à craindre qu'on ne lui oppose, après la décision définitive, la fin de non-recevoir admise par l'arrêt du 25 novembre 1817, tandis, au contraire, que, si elle interjette appel avant d'exécuter, et dans le délai, elle a à craindre que son appel ne soit déclaré non recevable, parce que le jugement ne sera pas véritablement interlocutoire. N'est-il pas juste, la loi laissant une si grande latitude à l'interprétation, d'admettre l'opinion qui, comme nous venons de le dire, nous semble résulter des expressions dont la loi s'est servie, et qui s'appuie, en outre, de ces termes de l'art. 451, l'appel d'un interlocutoire est permis avant que le jugement définitif ait été rendu? Or, la permission suppose évidemment ici une règle générale à laquelle elle déroge par une exception de faveur, et cette règle, c'est celle de la faculté d'appeler après le jugement définitif.

» parc- Poullain, Principes du droit, t. 9,
» p. 494, tout juge. qui ordonne un genre
» d'instruction est toujours présumé s'ètre ré-
» servé la liberté de juger entre les parties
» suivant l'équité, et conséquemment de con-
» server tous leurs droits jusqu'au jugement
» définitif. Il n'y a souvent qu'une instruction
» parfaite qui puisse développer au juge le
» vrai point de décision; et si on lui òtait la
liberté de s'écarter du préjugé qu'il a lui- |
» même établi par un interlocutoire, lorsque
» l'instruction était imparfaite, on le placerait
» dans la nécessité de commettre une injustice,
» quelque pures qu'eussent été ses intentions
» lorsqu'il l'aurait rendu. »

Il en serait de même de tous jugements qui n'ordonneraient pas une preuve, une instruction, une vérification; mais qui, avant jugement définitif, statueraient définitivement sur un point qui, quant à son objet particulier, préjugerait ce qui resterait à juger pour terminer entièrement le procès.

De là vient la nécessité d'appeler de ces sortes de jugements avant l'arrêt définitif, ainsi que nous l'avons déjà dit.

Dans tous les autres cas, rien de définitif n'est prononcé par l'interlocutoire; le juge, soit d'office, soit provoqué par une partie, sans contestation de la part de l'autre, n'a fait qu'user du droit d'employer tout moyen légal Nous ne doutons pas que la maxime ne doive d'éclairer sa religion. Son préjugé n'est point continuer d'être appliquée en ce sens, toutes formel et ne décide rien expressement. Il ne les fois qu'il s'agit d'un interlocutoire qui n'a sera donc pas lié par l'interlocutoire, et fait que préjuger le fond en ordonnant la pourra, sur la demande de la partie intéressée, preuve, soit d'office, soit sur la demande de déclarer inadmissible ou inutile la preuve l'une des parties, mais sans contestation de la qu'il a d'abord ordonnée, ou n'y avoir aucun part de l'adversaire. Si, au contraire, l'inter- égard en statuant définitivement. De là la falocutoire a été prononcé après contestation culté qu'une partie, d'après la solution de la sur l'utilité et l'admissibilité de la preuve, le précédente question, a d'interjeter appel, soit jugement qui l'a ordonnée est définitif sur les avant, soit après le jugement: avant le jugeexceptions qui étaient opposées, et n'est in- ment, si elle craint, en cas que la preuve lui terlocutoire qu'à raison de ce qu'il est rendu soit contraire, que les juges ne persistent dans avant le jugement définitif, et qu'il a pour le préjugé qu'ils ont manifesté, ou si elle veut objet d'en faciliter la décision. En ce cas, le hâter la décision definitive que l'exécution de juge est lié par l'interlocutoire. Il ne peut le l'interlocutoire recule; apres ce même jugerétracter en déclarant le contraire de ce qui ment, si elle veut éviter les frais et les lenteurs avait été jugé par l'avant faire droit, savoir: qui résulteraient d'un appel dont le succès que la preuve etait admissible et utile à la dé-pourrait d'ailleurs lui sembler incertain, et cision. Il devra donc, puisque le préjugé est exprés, prononcer d'après la preuve fournie, si ce jugement a acquis autorité de chose jugée, par acquiescement résultant d'exécution volontaire ou de l'expiration sans appel du délai fixé par l'art. 445 (1).

(1) Mais remarquons bien que, si la partie s'est rendue non recevable à prétendre, en ce cas, que le juge ait en tort d'ordonner une instruction préliminaire; que si elle ne peut maintenir, en plaidant au fond, que le juge doit, par suite de la maxime, l'interlocutoire ne lie pas le juge, prononcer sans avoir égard à cette preuve, ce n'est qu'autant qu'il n'existerait pas, par ailleurs, des moyens de décision auxquels le juge serait obligé de s'attacher de préférence. Supposons, en effet, une contestation sur la propriété d'un terrain ou sur une servitude, et qu'au défaut de titres, l'éclaircissement puisse dépendre d'un rapport d'experts et de la descente sur les lieux que le juge ordonne. Après exécution de l'interlocutoire, une partie produit un titre qu'elle prétend lui attribuer, soit la propriété, soit la servitude; elle pourra plaider que tous les approfondissements donnés par les experts soient inutiles, parce que le tribunal doit juger suivant le titre. (V. Duparc, t. 9, p. 495.)

C'est ainsi que la déchéance de l'appel, après le délai fixé par l'art. 443, ou l'exécution volontaire, ne porte aucune atteinte à la maxime, et se concilie avec elle. (V. suprà, no 1617.)

(2) Il ne serait pas juste, en effet, de se fonder sur la maxime l'interlocutoire ne lie pas le juge, pour

courir, en conséquence, la chance d'une preuve qu'elle esperait pouvoir lui être favorable (2).

[Nous avons cru devoir joindre l'examen approfondi de cette question et de la précédente à nos observations générales sur les jugements

décider, dans cette hypothèse, que l'appelant serait sans griefs pour se pourvoir contre l'interlocutoire.

De ce que le juge peut prononcer en définitive, sans avoir égard à l'instruction qu'il avait ordonnée, l'on ne doit pas conclure, dit Duparc-Poullain, t. 9, p. 495, que l'appel d'un jugement interlocutoire soit inutile et frustratoire. Tout jugement d'instruction qui est irrégulier, et qui peut occasionner des frais sans nécessité, cause un grief évident à l'une ou à l'autre des parties, même aux deux. »

C'est un reproche que l'on pourrait peut-être former avec fondement contre un arrêt de la cour de Rennes du 23 janvier 1823, affaire Burgevin et le Noble.

Il s'agissait d'une servitude réclamée par le Noble sur un terrain appartenant à Burgevin. Le premier produisait, à l'appui de sa réclamation, des aveux; le second maintenait, par divers motifs, que ces aveux ne pouvaient lui être opposés. Il citait les autorités invoquées par les teneurs de Moulines, dans l'affaire rapportée ci-dessus, à la note 1re.

Par des conclusions additionnelles, le Noble avait maintenu que la servitude lui était acquise par prescription, fondée sur des faits de possession dont il demandait à faire preuve. Burgevin repoussait cette demande

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