Page images
PDF
EPUB

même ; et que d'ailleurs, il est également conforme à la politique et aux libertés de l'église gallicane, de ne pas consacrer en faveur du Pontife de Rome, en des termes trop forts, un droit si redoutable. Obtenons du Pontife actuel ce que nous désirons, mais ne préparons pas à ses successeurs les moyens d'abuser d'un droit, qui ne lui est momentanément déféré que pour le bien de la paix.

Art. 3. Sa Sainteté déclarera à tous les évêques français qu'ils doivent faire toute espèce de sacrifices, pour le bien de la paix et l'unité de l'Église ; qu'elle les attend d'eux avec la plus intime confiance; et, d'après cette exhortation, pour ne pas différer l'oeuvre salutaire du rétablissement de la religion, elle pourvoiera de suite au gouvernement des évêchés de la circonscription nouvelle, conformément aux vues qu'elle s'est proposées et de la manière suivante.

Les articles 4, 5 et 6 me paraissent devoir être conservés tels qu'ils sont ici transcrits. Le Saint-Père n'a pas prétendu par cette clause « professant la religion catholique », supposer que le Premier Consul doit être constitutionnellement catholique, ce qui serait inadmissible; mais uniquement ne pas blesser les cours de Berlin et de Pétersbourg auxquelles Benoit XIV, quelque savant et tolérant qu'il fût, refusa le droit de nommer aux évêchés catholiques, parce que ces souverains ne professaient pas la religion catholique.

Art. 4. Le Premier Consul Bonaparte, professant la religion catholique, nommera aux archevêchés et évêchés conservés en France, dans les premiers trois mois qui suivront la publication de la bulle de Sa Sainteté concernant la nouvelle circonscription; et Sa Sainteté donnera à ceux qui seront ainsi nommés l'institution canonique, dans les formes établies par le concordat entre Léon X et François Ior.

Art. 5. Les nominations aux évêchés qui viendront à vaquer, se feront également par le Premier Consul, et l'institution sera donnée par le Saint-Siège, en conformité de l'article précédent.

Art. 6. Les archevêques et les évêques, avant d'entrer en fonctions, prêteront directement entre les mains du Premier Consul le serment de fidélité.

La formule de serment insérée dans l'article 7, est textuellement celle que vous m'avez déclaré, en présence de Mgr Spina,

vouloir être admise'. J'y ai seulement ajouté le mot «< fidélité. » Il exprime un sentiment aussi cordial que persévérant; il renferme un tribut d'attachement et de reconnaissance, que nous nous plaisons tous à vous payer, et qui distinguera notre obéissance de celle que la nécessité commande envers tout homme revêtu du pouvoir.

Cette formule est celle qui plait le plus à tous, et qui éprouvera le moins de contradictions pour son admission. Elle remplit d'ailleurs un triple but. Elle rend le Français catholique, soumis à la constitution, au gouvernement qu'elle établit, et aux lois qu'il fait exécuter. Tout est renfermé dans ces mots : « gouvernement établi par la constitution. » Sans gouvernement, la constitution est stérile; les lois sans force et sans exécution. Soyons-lui fidèles, et tout marche; la vie du corps politique se soutient et s'anime. Votre but est donc rempli.

Art. 7. La formule de ce serment sera celle-ci : « Je promets obéissance et fidélité au gouvernement établi par la constitution de la République française. »

Les articles 8, 9 et 10, ne présentent aucune difficulté. Ils sont, à quelques mots près, ceux que nous avons textuellement énoncés. Or ces mots ne les changent ni les altèrent. On peut donc les y conserver. Je pense néanmoins que, quant à la formule de la prière publique, il conviendrait mieux d'adopter celle-ci : « Domine, salva Galliæ Consules, etc », ou cette autre : « Domine, salvam fac Galliam etc. » Ces mots : « Rem gallicanam » me paraissent trop longs pour le chant ordinaire de l'Eglise. Je ne vois aucun inconvénient à les remplacer par une expression plus courte, qui rende le même sens. Cette prière d'ailleurs se faisait pour le roi, dans la monarchie. Il est donc de convenance qu'elle se fasse pour le gouvernement consulaire qui lui a succédé, ou pour la France qui reste toujours.

[ocr errors]

Art. 8. Les ecclésiastiques du second ordre prêteront le même serment entre les mains des autorités civiles, désignées par le gouvernement.

Art. 9. La prière suivante sera récitée dans toutes les églises catholiques de France, à la fin de l'office divin: « Domine, salva Galliæ

1 Voir t. II, p. 417, note 2.

Consules et exaudi nos in die qua invocave rimus te »; ou celle-ci : « Domine, salvam fac Galliam, etc. »>

Art. 10. Les nouveaux évêques, de concert avec le gouvernement, feront une nouvelle circonscription des paroisses de leurs diocèses respectifs, de manière néanmoins qu'il soit suffisamment pourvu aux besoins spirituels des fidèles.

L'article 11 remplit entièrement vos vues. Il renferme une clause irritante, celle qui exige d'un curé qu'il n'ait pas démérité la confiance du gouvernement. Le Premier Consul peut, en vertu de cette clause, déclarer nulle toute nomination de curé qui n'aura pas son attache et son approbation. Rome déclare n'y mettre aucune opposition.

Art. 11. - Ils nommeront à toutes les cures, et ne choisiront pour pasteurs que des prètres doués des qualités requises par les saints canons, éclairés, sages et pacifiques, et que le gouvernement ne juge pas indignes de sa confiance.

La conservation libre des Chapitres et des Séminaires est utile à la religion, sans nuire au gouvernement. Cette institution ne lui coûtera rien; et il pourra, si les membres de ces institutions. manifestaient un esprit de corps qui parut dangereux, les supprimer à volonté, ou les réformer. Ils n'offrent qu'une association libre, que l'on peut surveiller, et même dissoudre si l'abus succède au bien qu'on s'en était promis.

Art. 12. Ils pourront avoir des Séminaires, et conserver à volonté des Chapitres, mais sans dotation de la part du gouvernement.

L'article 13 me parait devoir être ainsi conçu. Ces mots « jugées nécessaires » laissent au gouvernement toute la latitude. qu'il désire avoir dans ses décisions, et lui permettent de substituer une autre église à l'église paroissiale, dans les endroits où celle-ci serait aliénée.

Art. 13. Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres, jugées nécessaires pour l'exercice de la religion et qui n'auront pas été précédemment aliénées, seront remises à la disposition des catholiques romains.

L'article 14 me parait rédigé d'une manière aussi prolixe que vicieuse. Rien ne peut être trop clair dans une matière aussi importante. Il faut calculer l'étendue des sacrifices à faire, et ne

pas en diminuer le prix par des expressions insignifiantes ou équivoques. Puisqu'en substance vos demandes sont accordées, exprimons cette concession de manière à ne blesser ni la délicatesse du Pontife, ni les oreilles françaises. Je vous propose donc la rédaction suivante, qui ne me paraît laisser ni équivoque ni doute, et remplit les vœux du gouvernement et du Pontife, de telle manière qu'il n'ait point à se plaindre qu'on l'ai voulu forcer à reconnaître un droit dont les autres Puissances pourraient abuser.

Art. 14. Sa Sainteté, pour le bien de la paix et l'heureux rétablissement de la religion catholique en France, renonce, au nom de l'Église et en ce qui la touche, à toute répétition de fonds ou fruits perçus ou à percevoir de la part des acquéreurs des biens ecclésiastiques, et déclare que ni elle, ni ses successeurs, ne les troubleront dans la possession et jouissance incommutables de ces biens.

L'article 15 ne doit éprouver qu'un léger changement. Je l'établis ainsi :

[ocr errors]

Art. 15. Le gouvernement français pourvoira, par un traitement convenable, à la subsistance et l'honnête entretien des évêques et archevêques conservés en France en vertu de la circonscription nouvelle, ainsi qu'à celle des curés de leurs diocèses.

L'article 16 ne concerne que les fondations en général. Il laisse au gouvernement le soin et le droit d'en fixer l'espèce, les conditions et la forme. Il peut donc être textuellement admis.

Art. 16. Il prendra des mesures pour que les catholiques français puissent, s'ils le veulent, faire en faveur des églises des fondations assujetties aux charges de l'Etat.

L'article 17 conserve et reconnait les droits du gouvernement, tels qu'ils étaient avant la Révolution, conformément à la demande que vous en aviez faite.

Art. 17. Le gouvernement de la République française jouira des mêmes privilèges reconnus par le Saint-Siège, dont jouissaient les rois de France avant la Révolution et le changement du gouvernement.

Un seul article parait omis; c'est celui qui concerne les prêtres mariés ou ceux qui ont abandonné l'état ecclésiastique. Sa Sainteté déclare ne l'avoir omis que parce que cette décision n'était que la solution d'un cas de conscience, qui, par là même,

ne pouvait devenir l'objet d'une convention. Elle ajoute encore. qu'elle ne pourrait adopter pour règle générale de n'admettre ces ecclésiastiques qu'à la communion laique, parce qu'il en est qui désirent revenir à leurs fonctions. Elle préférerait donc de donner à son délégué un pouvoir général sur cet objet, pour satisfaire et le gouvernement et les parties intéressées.

Si néanmoins on désire que cet article soit décidé d'une manière plus claire et plus précise, on pourra l'insérer, soit dans la bulle, soit dans le concordat, soit dans l'un et dans l'autre. Le Saint-Père déclare qu'il ne fera jamais dépendre du refus d'une mesure de clémence, le succès d'une affaire majeure qu'il désire et ambitionne par-dessus tout.

Telles sont, général, les corrections que j'ai cru devoir faire au projet qui vous est proposé. Puissent-elles vous convenir et mériter votre assentiment et votre approbation! Alors je croirai avoir servi avec fruit vos vrais intérêts, et rempli avec succès la tache importante et glorieuse que vous avez daigné m'imposer. (Aff. étr., Rome, vol. 931).

532. Bernier à Talleyrand.

Paris, 7 prairial an IX (27 mai 1801) 1.

Je soumets à vos lumières le rapport ci-joint. J'eusse désiré vous le présenter avec plus de célérité, mais il m'a été impossible de le faire dans un espace de temps plus court. J'ai voulu tout lire et tout méditer, pour savoir jusqu'où s'étendaient les concessions de Rome et dans quel esprit on les avait faites.

Je joindrai à cet exposé un rapport sur le projet de bulle. J'ai cru ne devoir parler ici que de la convention, parce qu'elle est la base de tout. Deux jours ne s'écouleront pas que ce dernier rapport ne soit fait. C'est par votre ministère et d'après vos observations que cet ouvrage passera entre les mains du Consul. Je le recommande à votre bienveillance; je l'ai assez éprouvée,

On verra (pièces nos 533 et 336 P.S.) que cette lettre et le rapport de Bernier n'ont été remis à Talleyrand que le 29 mai.

2

Il est douteux que ce rapport ait été rédigé.

« PreviousContinue »