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lieu d'espérer que les réclamations de Sa Sainteté sur ce point seront accueillies.

(Arch. du Vatican).

538.

-

Bernier au P. Consul.

Paris, 9 prairial an IX (29 mai 1801).

Je suis chargé par le Saint-Père et son envoyé de vous remettre la lettre ci-jointe ', et de vous prier de la prendre en grande considération.

A Dieu ne plaise que je veuille par là solliciter de vous, avant le temps, des mesures prématurées envers la religion. Vous ne ferez en tout que ce que vous croirez convenable de faire. Mais en attendant le parti définitif, il est bon de suspendre au moins ce qui ne peut que rallumer les haines, et remettre en question ce que vous voulez maintenant décider. Je crois donc qu'il est politiquement et religieusement utile d'ordonner la suspension de tout concile ou assemblée d'évêques et de prêtres pour délibérer sur des objets religieux, jusqu'à ce que vous en ayez autrement ordonné. Cette prohibition regarde la Police.

Je soumets, général, cet avis à votre sagesse, et vous prie d'agréer l'hommage de mon profond respect.

(Cultes, carton 1).

539. Rapport de Talleyrand.

Paris, 9 prairial an IX (29 mai 1801).

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Je présente au Premier Consul le projet de convention entre le gouvernement de la République et la cour de Rome. Je ferai quelques observations sur les changements que le Souverain

1 Pièce no 537.

2 Talleyrand compare le Contre-projet romain (pièce no 400) avec le Projet V (pièce no 222). Il mentionne aussi les Corrections proposées par Bernier (pièce no 531). — On remarquera que le projet V est désigné tantôt sous le nom de « premier projet », tantôt sous ces formes plus qu'étranges: « le plan qui avait été consenti par son agent [du Pape] à Paris »; « le projet de M. Spina »; «‹ la rédaction convenue entre M. Spina et nous » (Cf. t. I, p. 407 note 1; et t. II, p. 85, note 2).

Pontife a cru devoir introduire au plan qui avait été consenti par son agent à Paris.

Art. 1. Cet article présente deux différences remarquables celui du premier projet est ici divisé en deux; au premier le Saint-Père ajoute trois clauses nouvelles, dont deux me semblent inadmissibles.

Le Saint-Père demande que le gouvernement se déclare «< catholique », et qu'il promette de « conserver la pureté des dogmes de la religion. » Ce dernier soin appartient au ministère ecclésiastique, et il serait tout-à-fait ridicule que la puissance civile consentit publiquement à s'en dire chargée. Quant à la profession du culte, elle tient à la volonté libre des hommes et à leurs actes individuels. Les gouvernements sont des êtres fictifs, dont les facultés collectives sont déterminées par la nature et la source de leurs pouvoirs. Ils sont établis pour exercer de grands pouvoirs; mais ces pouvoirs ne peuvent s'appliquer à des actes qui les concernent seuls. Ce n'est pas comme gouvernants, mais comme citoyens, qu'ils professent tel ou tel culte. Le Saint-Père a de plus inséré dans cet article la clause de la révocation des lois et décrets contraires à la pureté des dogmes et à l'exercice de la discipline de l'Eglise. Cette clause est inadmissible. Le cit. Bernier propose d'y substituer la formule : « Nonobstant tout acte antérieur, s'il en existait de contraires à ces dispositions. » Le mot «< acte » n'exprimant que des mesures de gouvernement, il y a peu d'inconvénient à adopter cette formule.

Art. 2. Cet article faisait partie du premier, dans le projet de M. Spina. Il présente un changement important pour le Saint-Siège, mais de nulle conséquence pour nous. Dans le premier projet, la nouvelle circonscription était faite de concert par gouvernement de la République et le Saint-Siège. Ici, c'est le Saint-Siège qui la fait de concert avec le gouvernement.

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Art. 3. Cet article et celui qui est proposé par le cit. Bernier, de quelque manière qu'on les rédige, ne peuvent entrer dans une convention. Que le Souverain Pontife s'adresse aux évêques et leur témoigne, ou déclare, ou signifie ce qu'il voudra, peu importe au gouvernement de la République. Une convention ne doit rien exprimer que ce qui est d'un accord commun.

Or ici les deux gouvernements ont à convenir d'une chose, c'est que les sièges soient remplis par de nouveaux évêques. Le SaintPère arrivera à ce résultat par la voie qui lui paraîtra la plus convenable; mais la convention ne doit parler que du résultat.

Art. 4. Cet article faisait partie du 1er du titre II. Le Pape y demande un délai de trois mois pour la nomination aux évêchés cette demande est plausible.

Il demande de plus que le Premier Consul fasse profession de foi. Cette clause a deux inconvénients: 1° Par la rédaction: c'est sur cette profession que le Saint-Siège fonde l'engagement qu'il prend de conférer l'institution canonique; ce qui annonce très explicitement que les successeurs du Premier Consul ne pourront nommer aux évêchés s'ils ne sont pas catholiques. 2o Cette profession, dans un acte de gouvernement aussi notoire que l'est une convention, est opposée à tous les principes; car, encore une fois, l'adhésion aux dogmes et aux rites d'une religion est un acte de citoyen, et non de gouvernement.

Art. 5. Cet article est conforme à l'article correspondant du premier projet.

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Art. 6 et 7. Dans ces deux articles, le mot de «<lois » est supprimé et l'obéissance s'adresse au gouvernement seul : on a ajouté le mot de « fidélité. » Cependant, comme la source et la base du gouvernement sont dans la constitution, et que l'article en fait une mention expresse, je pense que cette formule peut être adoptée.

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- Cet article est bien.

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Art. 9. Cet article admet la formule de prière du premier projet. Le cit. Bernier propose de substituer « Galliam » à «< Rem gallicam » ; et il a parfaitement raison, à cause du chant.

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Art. 11. Cet article exprime le choix des curés. L'approbation du gouvernement exigée dans le premier projet, est ici délayée dans des expressions extrêmement vagues. Ce changement est une pure chicane. Le Saint-Siège n'ignore pas qu'un grand nombre de curés sont nommés en Europe par des laiques, et même par des protestants.

Art. 12. On peut promettre au Saint-Siège l'établissement

des Séminaires et des Chapitres, mais il n'y a aucune nécessité

de s'y engager. Art. 13. D'après cet article, toutes les églises non aliénées doivent être remises au culte catholique. Le premier projet citait l'arrêté du 7 nivôse. Le Pape peut dire que cet article ne lui important en rien, sa citation devient inutile. Je ne vois pas d'ailleurs qu'elle importe au résultat de l'article.

Art. 14. Cet article est relatif aux biens nationaux. Il est inadmissible, et celui substitué par le cit. Bernier ne suffit pas pour remplir l'objet du gouvernement. Il ne faut pas perdre de vue que le sujet de cet article doit être considéré comme un des principaux motifs de la détermination que le Premier Consul a prise de réconcilier la cour de Rome à la France, et la France au Saint-Siège. Il faut que sur ce point le gouvernement atteigne pleinement son but, et ce n'est que par la rédaction sans aucune modification du premier projet qu'il peut l'atteindre.

Le difficultés que le Saint-Siège se fait et nous fait à cet égard sont des chimères. Les réformes de Joseph II ont excité des réclamations, mais n'ont point attiré d'anathème. L'Eglise a été dépouillée dans tous les siècles, et les spoliateurs n'ont été punis que quand ils étaient faibles. Le traité de Westphalie a sécularisé la moitié des biens ecclésiastiques de l'Allemagne, et la cour de Rome n'a pas excommunié l'Empire.

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Cet objet est d'une trop haute importance, pour que le nement modifie au plus léger degré sa première détermination.

Ces idées de Talleyrand sont expliquées avec encore plus de netteté dans un rapport qu'il allait présenter le 1er juillet. Le P. Consul lui ayant demandé (Corr. nos 5615 et 5623) si, par application du traité de Lunéville, il convenait de lever « les séquestres mis sur les biens des moines » dans les nouveaux départements de la rive gauche du Rhin, le ministre a répondu : « Les biens religieux sont dans une classe spéciale. Je suis dans l'opinion que jamais et dans aucun pays les établissements religieux ne peuvent être considérés comme propriétaires. Les biens attachés à tout établissement permanent, collectif, et privé de la faculté d'aliéner, sont des réserves au système de la propriété. Pour être propriétaire, il ne pas de posséder et de jouir: il faut avoir la faculté de diminuer et d'augmenter, de conserver et d'échanger. Le premier et le plus indispensable caractère de la propriété est le droit d'acquérir et de transmettre. Il résulte de là, que déposséder les établissements religieux, c'est approprier leurs biens et les faire entrer dans le système de la propriété; ce qui est tout à la fois légitime et d'une bonne politique. »

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La rédaction convenue entre M. Spina et nous doit être le sine qua non de tout arrangement avec la cour de Rome.

Art. 15 et 16. Les changements introduits dans ces deux articles ne peuvent nous convenir. Le gouvernement ne peut prendre sur lui d'assurer un traitement au clergé ; mais il peut promettre qu'il prendra des mesures pour lui en procurer un. Le résultat est le même, et cela doit suffire au clergé et à la cour de Rome.

Quant aux fondations, il ne faut pas se départir de la restriction insérée au premier projet. Le premier gouvernement sensé qui est sorti du sein de la République, ne doit pas se constituer le restaurateur des biens de main-morte.

Le Saint-Père a supprimé, dans son projet, l'article relatif aux ecclésiastiques mariés. Le cit. Bernier dit cependant dans son rapport que, sur l'insistance du gouvernement, cet article sera rétabli. Cet article est moralement aussi indispensable, que l'est politiquement celui relatif aux biens nationaux. Il serait souverainement injuste de laisser indécis l'état d'une foule d'individus qui sont devenus pères de famille et citoyens. Cette déclaration attirera à la mesure de la réconciliation, des partisans très zélés, qui sans elle en seraient les plus dangereux ennemis.

J'ai lieu de croire que le cit. Cacault, excité par mes dernières dépêches, s'efforcera d'inspirer à la cour de Rome des sentiments plus conformes à sa position. Dans cette attente, je pense qu'il convient d'exprimer à l'agent du Saint-Siège un mécontentement marqué sur l'insuffisance et le vague des articles de la convention modifiée. Au fond, il n'y a pas de modifications nécessaires à faire à la première. La rédaction en a été calculée sur le maximum de ce que les deux gouvernements peuvent se concéder, chacun dans leur sphère. Rien de ce qui est imposé à la cour de Rome n'est au-dessus de ses pouvoirs, et le gouvernement de la République blesserait l'opinion qu'on a de sa sagesse, s'il ajoutait aux engagements qu'il a offert de remplir. Au retour du dernier courrier qui est parti pour Rome, on pourra entendre à quelques changements d'expressions. J'ai exposé dans les observations précédentes les seuls qui ne soient susceptibles d'aucun grave inconvénient.

(Aff. étr., Rome, vol. 931).

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