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soin de tous ces moyens termes pour lui rendre tout son éclat. Tous les mystères seront découverts après l'arrivée du cardinal Caprara à Paris. Cette légation est formellement désapprouvée par le cardinal-doyen, qui blâme plusieurs articles accordés, n'est pas content d'Antonelli, et condamne surtout le cardinal Consalvi comme l'auteur des premières démarches qui ont amené cet accommodement. Il craint que, pour vouloir sauver la religion en France, on ne la perde dans tous les royaumes catholiques. Il craint que la démission forcée des évêques légitimes n'enfante un schisme parmi les bons catholiques français. Il croit que les évêques réfugiés en Espagne se démettront sans difficulté, et il s'attend à une grande résistance de la part de ceux qui sont à Londres, Cacault est sans cesse renfermé à Rome avec le cardinal Consalvi, avec lequel il parait être de la meilleure intelligence.

..Le lendemain de son arrivée à Florence, le roi d'Étrurie donna un très grand diner. Au moment où l'on se mit à table, le général Murat causait dans une embrasure de fenêtre. Le roi se plaça entre la reine et Mme Murat. Mgr Caleppi, ne voyant personne à côté de la reine, prit de lui-même cette place vacante, et le général Murat se trouva confondu à table au milieu de ses officiers'. Ceux-ci ne se génêrent pas pour témoigner leur mé

↑ Murat a rendu compte de cet incident au P. Consul, et non sans amertume: <«< Dans le diner qu'on a donné hier à la cour, les égards dûs à mon grade, aux liens qui m'unissent à vous, et à la dignité de la République, ont été méconnus. J'ai été pour ainsi dire obligé de m'asseoir où le hasard m'a conduit, la reine ayant appelé 'auprès d'elle à table Caleppi. Ce procédé a eu lieu devant tous mes officiers généraux et en présence de toute la noblesse. La surprise a paru sur toutes les figures, et l'indignation dans le regard de mes généraux. J'ai eu grand besoin de rappeler toutes mes forces pour ne pas faire un coup de tète, qui vous aurait déplu, mais que l'inexpérience du roi et l'insolence de Caleppi, qui oubliait que je commandais en Italic, auraient rendu légitime... Caleppi est venu ce matin me faire des excuses. Je lui en ai témoigné ma surprise; je lui ai dit que j'avais saisi cette occasion de donner au St-Père une preuve de déférence dans la personne de son nonce; que les officiers ignoraient les usages, ne savaient pas que les nonces conservaient dans toutes les cours le premier pas. Je l'ai remercié de m'avoir traité en ambassadeur, tandis que je ne me croyais que le général en chef de toute l'Italic. Il a senti la force de ce que je lui disais: nous nous sommes séparés les meilleurs amis du monde, du moins en apparence. Je dois cependant vous déclarer que je ne me croyais pas réservé à recevoir un pareil affront, qui n'en est pas un, puisque la première place est toujours celle que j'occupe en Italie... » (Dépêche du [28 thermidor: 16 août]).

contentement de voir le prélat à la place de leur général. Celuici leur fit signe de se taire, et ils obéirent; mais ils ne mangèrent absolument rien pendant le repas, et au sortir de table ils allèrent commander un grand diner à l'auberge. Le général Murat partit le lendemain pour Milan, où il a établi son quartiergénéral.

(Pap. du card. Maury) 1.

(en chiffres)

748.Louis XVIII à Maury.

Varsovie, 25 août 1801. Le roi est privé depuis longtemps de la correspondance du cardinal Maury. Sa dernière expédition est du 20 juin1.....

Sa Majesté attend avec la plus vive impatience les avis du cardinal Maury sur l'issue de la négociation du cardinal Consalvi; mais elle est déjà suffisamment instruite, pour savoir combien le concordat signé à Paris est désastreux pour l'église de France et pour la monarchie. Mais, outre qu'il lui importe de savoir la vérité tout entière, elle espère aussi de recevoir les conseils du cardinal Maury, pour connaitre la conduite personnelle qu'elle aura à tenir dans une conjoncture aussi délicate. Certainement les actes de violence, que le gouvernement usurpateur peut arracher au Pape, n'altèrent en rien les droits du Roi. Pie VII n'en a pas d'autres que ceux de Boniface VIII. Le concordat de Léon X et de François Ier subsiste dans son entier. Le Roi seul a droit de l'exercer vis-à-vis du Saint-Siège; et nulle puissance sur la terre ne peut, sans un jugement légal et préalable, dépouiller les évêques de leurs sièges. Mais la question est de savoir si le Roi doit, de ce moment, consacrer de nouveau ces vérités par un acte légal et solennel, conservatoire de ses droits, ou s'il n'est pas plus prudent de garder le silence. Le Roi ne doit pas se dissimuler les inconvénients personnels, qu'une telle démarche pourrait avoir dans une situation aussi précaire que la sienne. Mais cette considération ne serait pas capable de

! Cette lettre a été publiée par Mgr. Ricard (Corr. de Maury, t. II, p.157),qui a également imprimé la pièce suivante (id. p. 153).

Voir la Corr. de Maury, t. II, p. 140.

le faire hésiter, s'il ne s'y en joignait d'autres plus importantes.

Plusieurs évêques français avaient embrassé le parti de la soumission, dans un temps même où le Saint-Siège semblait le rejeter. N'est-il pas fort à craindre que cette conduite ne trouve aujourd'hui un très grand nombre d'imitateurs, et que le Roi, protestant pour ses droits et ceux de son clergé, ne se mette en contradiction manifeste avec la plus grande partie de celui-ci, ou qu'il n'en résulte un schisme, mille fois plus déplorable que celui que le Saint-Père s'est flatté de terminer? C'est de la solution de cette grande question que dépend la conduite du Roi. Si la grande majorité des prélats de son royaume est déterminée à tenir ferme dans la ligne des principes, Sa Majesté bravera tout pour soutenir cette noble résolution; mais, si la majorité est douteuse, bien plus encore, si elle vient à dévier, le Roi, en prenant le parti de soutenir la minorité, n'exciterait-il pas luimême le schisme qu'il redoute, et dans ce cas ne vaudrait-il pas mieux courir les chances (favorables à la monarchie) qu'offre le prétendu concordat, par l'augmentation de pouvoir qu'il donne aux évêques sur le clergé du second ordre? Alors, au lieu d'opposer une faible digue au torrent, le Roi ne devrait-il pas plutôt engager la totalité des prélats à y céder? Dans l'incertitude des réponses du cardinal Maury, le Roi a annoncé, qu'inébranlable dans l'opinion que la justice et la religion lui donnent, sa sagesse lui a prescrit de garder le silence, et qu'il est déterminé à régler sa conduite politique sur celle de la majorité des évêques de son royaume1. Le Roi renouvelle au cardinal Maury les témoignages de son affection et de son estime.

1 Les évêques légitimes qui ont refusé leur démission, ont été un peu plus nombreux que ceux qui l'ont envoyée au Pape. Mais avant de savoir de quel côté serait la majorité, Louis XVIII se décida à rédiger une protestation. Dans cet acte, daté de Varsovie le 6 octobre 1801, il proteste « contre tout ce qui a été fait et pourrait être fait en conséquence, le tout comme attentatoire aux droits de notre couronne, à ceux des évêques de notre royaume, aux saints canons et aux libertés de l'église gallicane; fait d'ailleurs sans pouvoir de la part du soi-disant P. Consul et sans liberté de la part du Souverain Pontife; capable enfin de produire un nouveau schisme, et d'induire en erreur nos bien-aimés sujets sur l'un des devoirs les plus sacrés que la religion leur impose, savoir la fidélité envers nous... » - C'est d'après ces mêmes idées sur la prérogative royale que Louis XVIII, en 1814, a commencé avec la cour de Rome les pourparlers qui après tant de vicissitudes ont abouti au Concordat de 1817.

P.S. - Le Roi prévient le cardinal Maury qu'il a cru devoir donner communication de la présente note, sous le sceau du secret, à M. l'archevêque de Reims et à M. l'évêque de Nancy. (Pap. du card. Maury).

PARTIE XVI

LA RATIFICATION DU P. CONSUL

Le P. Consul communique le concordat au Conseil d'État. - Interdiction de toute polémique religieuse. Désaveu sévère d'une circulaire violente de Fouché sur le clergé.

Spina, bien que sans caractère officiel, assiste à l'audience du corps diplomatique.

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Les affaires d'Italie sont laissées désormais en dehors des négociations avec la
Russie et l'Angleterre. En ce qui concerne le Saint-Siège, elles sont réputées
réglées par le traité de Tolentino. Les Cisalpins sont blámés vertement de
leur mauvais vouloir contre les prêtres.- La mort de l'électeur de Cologne ouvre
la question de la suppression des électorats ecclésiastiques dans l'Empire.
Fin du travail de la circonscription diocésaine.
Chaptal, est chargé de préparer la règlementation des cultes protestants.
Le concile national se sépare. Observations de Grégoire et de plusieurs
membres de cette assemblée sur le nouveau concordat.- Le Coz, président du
concile, est invité par Chaptal.

Le ministre de l'Intérieur.

Arrivée de la ratification pontificale, le 27 août. Spina, après s'être confié à Bernier, remet la ratification pure et simple. Il choisit le bref « indirect >>> pour la réconciliation des évêques constitutionnels. Le P. Consul se montre satisfait de ces pièces et de la nomination de Caprara.

Rapport de Talleyrand: tout en regrettant les dernières concessions faites à la cour de Rome dans le concordat, il conseille d'y remédier par des actes de gouvernement.Il admet le bref pour les constitutionnels,se plaint de celui pour les prêtres mariés, et conclut en recommandant d'ajourner à la venue du légat la ratification consulaire. Elle est néanmoins signée par Bonaparte, le 8 septembre.

Procès-verbal de l'échange des ratifications. Il est envoyé à Rome avec le complément du travail de la circonscription. Il reste encore à convertir le concordat en loi de l'Etat.

L

1

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Envoyez-moi, je vous prie, sur le champ la convention conclue entre la République et le Pape. Le Premier Consul veut en donner communication au Conseil d'Etat '.

(Aff. étr., Rome, vol. 931).

1 Jusqu'ici le Conseil d'État avait été tenu absolument à l'écart de la négocia tion religieuse, qu'il n'approuvait pas.

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