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Paris, 23 brumaire an IX (14 novembre 1800).

Je vous adresse le mémoire que je vous avais promis; il est en original et copie tout à la fois, afin que dans les endroits où vous ne pourrez lire l'original, la copie puisse vous servir.

Je joins à cet envoi celui de l'ouvrage de M. Emery, sur la conduite à tenir à l'égard de ceux qui reviennent à l'unité 1. J'ai fait part de suite des inquiétudes que vous aviez sur Belleville. On a promis, sans difficulté, d'y avoir égard '.

J'aurai l'honneur de vous voir demain à l'heure indiquée : si vous avez fait la lettre destinée pour Verceil', vous pouvezla confier au porteur.

(Arch. du Vatican).

828. Note de Bernier à Spina.

Paris, 24 brumaire an IX (15 novembre 1800) *.

J'ai mis sous les yeux du gouvernement la note que vous m'avez adressée, relativement à la démission des anciens évêques, composant le clergé de France.

1 << La conduite de l'Eglise dans la réception des ministres de la religion qui reviennent de l'hérésie ou du schisme, depuis l'âge de Saint-Cyprien jusqu'aux derniers siècles; Paris, Le Clere, MDCCC (in-8, de 135 p.) - Cet ouvrage, qui est anonyme, a eu une seconde édition (in-12, de 272 p.), l'année suivante. 2 Voir t. I, p. 126, 127 et 137.

Voir la pièce no 83.

* Cette note porte, de la main de Spina «Terza memoria dell' abbate Bernier, ricevuta li 15 novembre. >>

5 Pièce no 79.

Il sait qu'il convient au Saint-Siège de les défendre. Il faut que dans le malheur ils aient des protecteurs et des appuis; et qui mieux que vous, Mgr, peut remplir cette fonction inspirée par le zèle et dictée par la charité ?

Le gouvernement voudrait pouvoir adopter sur cet objet important et majeur, les mêmes principes de condescendance et de sensibilité qui vous animent. Mais chargé, par état, de procurer le bonheur de tous, ayant à cœur de réunir tous les esprits, d'étouffer toutes les haines, d'imposer silence à toutes les factions, de dissiper toutes les préventions, il ne peut adopter une mesure, dont le résultat inévitable serait de les perpétuer. Il me charge donc de vous déclarer de nouveau, qu'il persiste dans la demande déjà faite d'une démission générale de la part des anciens évêques, et de vous assurer qu'il ne voit d'autre moyen de rétablir la paix et la religion en France, que l'emploi de cette mesure que les circonstances actuelles commandent impérieu

sement.

C'est à regret qu'il s'y voit contraint; mais la nécessité régit toutes les lois. Le bien public est le premier de ses vœux; le bonheur de ses administrés l'objet de tous ses soins. Leur félicité dépend de leur union. Ils ne peuvent jouir de ce précieux bienfait qu'avec un clergé sagement renouvelé, dont le gouvernement puisse répondre, et contre lequel le peuple français, longtemps exaspéré, ne puisse alléguer aucune prévention.

Que la grandeur de cette mesure n'effraie pas Sa Sainteté ! A de grands maux, il faut des remèdes extraordinaires. Des moyens vulgaires et communs ne sauveraient pas, en France, la religion. Ils seraient nuls, vu les partis qui la divisent. Ils décéleraient dans le gouvernement un état de faiblesse, qui ne lui convient sous aucun rapport.

Quand même d'ailleurs il serait vrai de dire que cette mesure a été jusqu'ici sans exemple, le principe sur lequel le gouvernement l'établit, savoir la plénitude des pouvoirs du Saint-Siège en cette matière, n'en est pas moins de toute vérité. Or, en pareil cas, ce n'est pas tant ce qui a été déjà fait, que ce que l'on peut ou doit faire légitimement et ce que les circonstances exigent, qu'il faut examiner, Les principes fondamentaux du concordat français n'avaient reçu jusqu'au XVI° siècle aucune appli

cation, L'Eglise n'avait usé du droit de prononcer sur la cession que devaient faire de leurs titres les prétendants au souverain pontificat, que dans le temps du Grand Schisme. Si la nouveauté de ces mesures l'eût effrayée à ces deux époques, qui peut calculer les maux qu'elle eût éprouvés? Il est donc des temps, il est donc des circonstances, où un remède nouveau appuyé sur d'anciens principes, reçoit l'application la plus heureuse. Il étonne, il effraye d'abord; il peut même paraître, au premier aspect, douloureux et violent : mais à côté du mal, qui n'est qu'apparent, plaçons le bien réel, et nous changerons bientôt d'idées et de principes.

Ce bien réel, Mgr, est incalculable. Il s'agit de rattacher à l'immense famille de Jésus-Christ ses plus chers enfants, d'unir au Saint-Siège le plus puissant des États de l'Europe, de sauver la religion dans les Gaules, au sein de l'Italie, et dans les contrées où la France a porté ses armes victorieuses, d'épargner au successeur de Pierre les amertumes dont son prédécesseur fut lentement abreuvé ; et tout cela dépend de la démission de quelques évêques, éloignés de leurs diocèses depuis neuf ou dix ans ! Entre ces deux objets peut-il exister quelque comparaison?

Je ne me permettrai pas de pousser plus loin ces réflexions. Le gouvernement, qui m'ordonne de venir les tracer, attend de votre sagesse et de l'autorité du digne et vertueux pontife qui gouverne l'Église, l'exécution de ses demandes. Il vous proteste, par mon organe, que le bien public, la connaissance du caractère actuel des Français, et le vif désir qu'il a de voir refleurir parmi nous la religion catholique, sans obstacles, sans préventions et sans troubles, les lui ont sculs dictées. Mais il ne peut garantir le succès qu'autant que les anciens évêques abdiqueront leurs sièges, se réservant au surplus d'adoucir, dans sa sagesse, l'exécution de cette mesure, conformément à ce que j'ai déjà eu l'honneur de vous annoncer dans ma première note. Je vous renouvelle avec plaisir dans celle-ci, Mgr, l'expression du respect que vos vertus m'inspirent 1.

(Arch. du Vatican).

1 Cette nouvelle note de Bernier sur la démission des évêques, est celle que Spina mentionne dans sa dépêche no 89 (Voir t. I, p. 136, note 2).

829.

Note de Spina à Bernier.

Paris, 17 novembre 1800.

Ce n'est qu'avec la peine la plus sensible que je comprends, par votre réponse à ma note relative à la démission des évêques émigrés, que le gouvernement, malgré toutes les raisons que j'ai eu l'honneur de vous représenter en leur faveur, persiste dans la demande déjà faite d'une démission générale de leur part, comme le seul moyen de rétablir la paix et la religion en France; et que les circonstances actuelles commandent impérieusement l'emploi de cette mesure.

Ce n'est pas le zèle seul, et la charité, qui doit m'animer pour le bonheur de mes respectables et malheureux confrères. C'est le zèle pour la paix, c'est le désir de voir rétablir la religion catholique en France, sans que la tranquillité des consciences, et l'attachement et la fidélité que la religion même doit inspirer dans les administrés pour son gouvernement actuel, en soient troublés, c'est enfin l'amour pour la justice qui m'ont animé à soumettre à la considération du gouvernement toutes les réflexions que j'ai rédigées dans ma première note.

C'est bien fâcheux que le gouvernement soit obligé, malgré lui, d'adopter une mesure contraire; et que les circonstances actuelles le commandent aussi impérieusement, et n'en pouvoir pas déborder. Tout ce que je pourrais dire davantage en réponse à votre seconde note, ne ferait peut-être qu'augmenter une inutile discussion. Mais comme toutes les réflexions que je vous ai faites dans ma première m'avaient été dictées par la sagesse de Sa Sainteté, qui se flattait d'après les mêmes d'obtenir une plus facile condescendance à l'égard des évêques émigrés, il ne me reste que de lui référer tout ce que vous m'exposez de la part du gouvernement à ce sujet ; et je vous promets de le faire avec la plus fidèle exactitude, pour qu'il puisse, dans sa haute sagesse, prendre les mesures que son zèle apostolique, d'accord avec son autorité, pourront lui permettre '.

Je vous prie, en attendant, d'assurer le gouvernement que rien n'est plus à cœur de Sa Sainteté que de réunir entièrement au

1 Cf. t. I, p. 140.

bercail de Jésus-Christ le peuple français, et qu'il est disposé à faire tous les sacrifices pour rattacher cette puissante nation au Saint-Siège, centre de l'unité; prêt cependant à souffrir avec une fermeté apostolique toutes les amertumes dont son auguste prédécesseur a été abreuvé, plutôt que de trahir le dépôt de la foi et de la religion qui lui a été confié.

(Arch. du Vatican).

830. Note de Bernier à Spina.

Paris, 26 brumaire an IX (17 novembre 1800) 1. Parmi les obstacles que le gouvernement désire aplanir, il en est un qu'une opposition marquée de la part de quelques prélats français a fait naître, et qu'il appartient à la modération du Saint-Siège d'écarter pour jamais. Je parle de la Promesse de fidélité à la constitution de l'an VIII, que les lois ont établie et que les Consuls exigent, comme un gage sacré de l'obéissance que chaque Français doit au gouvernement.

De toutes les formules d'obéissance et de soumission exigées jusqu'à ce jour, elle est la plus simple, et celle qui doit le moins alarmer la conscience de ceux que les lois actuelles astreignent à la faire. Le gouvernement devait donc s'attendre à éprouver pour elle moins d'oppositions: mais de cruels souvenirs, un système d'exagération trop suivi, des préventions que le temps n'a pas encore détruites, et surtout l'enseignement de quelques évè ques expatriés, ont fait envisager cette formule sous des rapports désavantageux, qu'elle ne méritait pas.

Il est incontestable que tout membre de l'État doit à l'autorité sous laquelle il consent à vivre, l'hommage de son obéissance et le gage de sa fidélité nos devoirs, à cet égard, sont encore plus précis et plus formels, que ceux des fidèles auxquels nous devons le tribut de l'exemple; -et que notre conduite, comme citoyens et comme ministres d'un Dieu de paix, doit toujours édifier. « C'est, dit Bossuet, l'ordre de Dieu et le repos public qui nous en font un devoir. » Aussi l'infortuné Pie VI recomman

1 Spina a écrit sur cette pièce : « Quarta memoria dell' abbate Bernier, ricevuta li 19 novembre. » - Cf. t. I, page 139, note 3.

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